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Encadré 1 : Le système de vulgarisation par la formation et les visites

0.3.1. Choix de la zone d’étude

Le choix de la zone d’étude a été imposé par le contexte institutionnel de l’étude. Les activités de recherche ont été conduites dans la zone soudanienne du Tchad dans deux sites localisés dans trois zones agro écologiques différentes. Le premier site situé dans la région de la Tandjilé est dans la partie soudano-sahélienne de la zone soudanienne. Le second site situé dans la région du Logone Oriental est placé dans un espace qui s'étend d'une zone soudanienne dans sa partie Nord, à soudano guinéenne dans sa partie Sud (Carte 4).

Dans chaque site deux villages ont été choisis en utilisant comme critère l’importance du manioc dans les systèmes de production des agriculteurs et aussi pour leur accessibilité en toute saison.

Carte 4 : zone d’étude (site du Projet piloté par le PRASAC) (Source : Centre National d’Appui à la Recherche)

Pour concilier les limites territoriales imposées par le contexte institutionnel du projet, avec la nécessité d'avoir une connaissance aussi large que possible sur la filière manioc au Tchad, nous

44 avons étendu la collecte des données aux principales zones de production du manioc au Sud du Tchad. Il s'agit des régions du Moyen-Chari et du Mandoul Oriental qui recouvrent l'aire d'introduction du manioc au Tchad à partir de 1930 (carte 5).

Carte 5 : régions couvertes par les enquêtes complémentaires (Source : Centre National d’Appui à la Recherche)

a) Caractéristiques biophysiques du premier site en zone soudano-sahélienne

Le premier site est localisé plus précisément dans le département de la Tandjilé Ouest, avec la ville de Kélo comme Chef-lieu de Département13 (Carte 6). Dans la suite du document ce premier site sera désigné par les termes de « site de la Tandjilé ».

Le premier village de ce site est Béréo Kouh, situé à l’Ouest de la ville de Kélo, dans la sous-préfecture de Dogou. On y accède par une piste longue d’environ 11 km qui coupe la nationale Kélo-Pala, à 16 km de Kélo, à la hauteur de la sous-préfecture de Dogou, sur son côté Sud. Le deuxième village Daradja Nadjikélo, est distant de Kélo de 7 km. Il est situé sur la route qui relie Kélo à la ville de Bao dans la région du Logone Occidental. Ce deuxième village est déjà

13Le découpage administratif du Tchad comprend par ordre d’importance décroissant les entités suivantes : la Région, le Département, la Sous-préfecture, le Canton et le Village.

45 absorbé par l’extension de la ville de Kélo et possède, le statut d'un quartier urbain, même si le caractère rural des activités n’a pas encore disparu.

Carte 6 : localisation des villages dans le site de la Tandjilé (Source : Centre National d’Appui à la Recherche)

Le climat de la zone est celui des savanes humides d’Afrique, avec une saison sèche et une saison de pluies allant de mai à octobre. Les moyennes pluviométriques annuelles varient de 800 à 1000 mm par an. De type soudanien il y a une vingtaine d’année, le climat évolue actuellement vers le type soudano-sahélien en raison d’un léger décalage des isohyètes du Nord vers le Sud (Bedoum et al., 2013).

La végétation présente les caractéristiques d’une zone de savane anthropique et est constituée d’une mosaïque d’espèces ligneuses. Les friches les plus âgées et les espaces non cultivées sont des formations végétales de type savane arbustive. Les espèces les plus rencontrées sont :

Combretum glutinosum, Combretum collinum, Terminalia laxiflora, Terminalia macroptera, Dicrostahys cinerea, Annona senegalensis et Isoberlinia doka. Le parc arboré des zones

d’habitation et des espaces cultivés est dominé par les espèces qui ont des usages bien marqués dans la population par leur fruit et la qualité de leur bois. Il s’agit entre autre du Karité (Vittelaria paradoxa), du Parkia biglobosa (arbre à néré), du Prosopis africana, etc. La strate

46 herbacée est constituée de : Andropogon gayanus, Hyparrhenia baguirmica, Pennisetum

pedicellatum, Cassia nigricans, Waltheria indica. (Pias, 1970)

Au plan pédologique, la quasi-totalité des sols est de type ferralitique ou ferrugineux tropicaux sur des formations sableuses issues du continental terminal datant du tertiaire (PRASAC, 2004).

b) Caractéristiques biophysiques du deuxième site en zone soudanienne et soudano-guinéenne

Les deux villages de ce site sont situés dans le département des Monts de Lam, dans le ressort territorial de la région du Logone Oriental (Carte 7). À l’instar du premier site, celui-ci sera désigné dans la suite du document par les termes de « site des Monts de Lam ».

Carte 7 : localisation des villages dans le site de Logone Oriental (Source : Centre National d’Appui à la Recherche)

Le premier village de ce site, Kamkoutou est situé dans la sous-préfecture de Béssao. En partant de la ville de Béssao, suivant une trajectoire Ouest-Est, on trouve, à la hauteur du village de Bétadil à 6 km environ, la piste qui y conduit à gauche de l’axe Baïbokoum-Komé. Le second village Mboura est situé à 23 Km au Sud de la ville de Baïbokoum et fait frontière sur sa façade Sud avec la République Centrafricaine. Il dépend administrativement du Canton

47 Mbaïssaye, dans la sous-préfecture de Bitoye. Le premier village Kamkoutou est situé dans une zone de transition entre les climats soudanien et soudano-guinéen et le second en zone soudano guinéenne.

La zone climatique se situe à la limite des climats tropicaux humides et des climats tropicaux secs. De type soudanien au Nord, le climat passe progressivement au type soudano-Guinéen lorsqu’on approche de la frontière centrafricaine (PRASAC, 2004). La région est l’une des plus arrosées du Tchad avec des moyennes pluviométriques annuelles allant de 1 200 à plus de 1 500 mm, selon un gradient Nord-Sud.

Le paysage est caractéristique d’une zone de relief culminant dans les Monts de Lam14 où dominent des plateaux cuirassés, entaillés de vallées nombreuses et profondes au fond desquelles on observe des affleurements de roches grenues peu ou pas altérées. Les sols qui la constituent sont en majorité des sols ferrugineux et des lithosols correspondant aux buttes cuirassées des piedmonts de la dorsale centrafricaine (Bouteyre, 1966).

L’abondance de la végétation et la faible densité de la population, attirent les éleveurs transhumants en provenance des régions situées plus au Nord, pour des séjours durant la saison sèche. Une tendance à la sédentarisation de certains groupes est observée ces dernières années. Les litiges résultant de la dévastation des cultures par les animaux sont assez fréquents. Toutefois la cohabitation entre agriculteurs et éleveurs est moins conflictuelle, comparativement aux autres villages de la région du Logone Oriental. Mais pour le village de Mboura, la situation a brutalement changé en 2013 avec l'arrivée massive des éleveurs fuyant la guerre en République centrafricaine. La pression des animaux des éleveurs réfugiés a été telle que les champs de manioc éloignés du village ont été presqu’entièrement détruits en 2014 et 2015.

La faible densité de la population, permet encore des possibilités de culture itinérante sur défriche-brulis, sans travail du sol. Une parcelle peut n’être cultivée que pour deux ans puis abandonnée pour une jachère de plus de 10 ans (Hauswirth, 2004).

48 c) Structure démographique et principales activités dans le site de la Tandjilé

Village de Béréo Kouh

La population de Béréo Kouh, est composée entièrement de Mesmé, un des groupes ethniques du Sud du Tchad. Les Mesmé du département de la Tandjilé seraient des lointains parents des

Zimé, un des grands groupes ethniques du sud-ouest du Tchad. Leur installation dans la région

aurait eu lieu vers le 17e siècle (Djondang, 2004). D’après des sources orales, les habitants du village de Béréo Kouh sont les descendants d’un groupe de Mesmé qui serait venu de Béré, localité située à environ 60 km à l’Est de Kélo. Le radical « Béréo » que l’on rencontre aussi dans les noms de plusieurs autres villages de la région serait une déformation du mot Béré. Le village a été créé en mars 1955 par un groupe de 16 personnes, appartenant à un même lignage, dont l’ancêtre était issu du village de Béréo Tenga. Ils étaient partis du village de Béréo Yéo et étaient conduit par Mr Kouh, qui a donné son nom au village. Le village de Béréo Kouh a été créé à cause d’un différend qui a opposé Mr Kouh au Chef de village. La cohabitation étant devenue difficile, Mr Kouh et ses parents ont obtenu du Chef de Canton Mesmé de Dogou, Mr Tossi, l’autorisation de créer leur propre village. Le terroir de leur village a été prélevé sur ceux des villages de Zaoulaka Mongli, de Guelkou et de Païlaki Tensou. C’est donc un terroir aux contours stabilisés dès sa création et qui a épuisé en moins de deux générations ses réserves de terres cultivables. Une partie des habitants a déjà été contrainte de se déplacer pour créer les villages voisins de Béréo Normal et Béréo Mango.

Si les pratiques culturales actuelles restent en l’état, ce qui est l’hypothèse la plus plausible à moyen terme, les nouvelles générations n’auront d’autres solutions que de se déplacer. Le village et ses alentours immédiats sont certes en voie de saturation, mais il existe à moins de 50 km une zone boisée qui se prolonge jusqu’à la frontière camerounaise et qui n’est pas encore très entamée. Les agriculteurs évoquent déjà le cas de certains membres de leur communauté qui se sont déplacés dans cette zone.

Le village comptait en 2013, 43 exploitations agricoles pour une population totale de 293 personnes. La moyenne d'âge des chefs d'exploitation agricole est de 38 ans, et 44 % d'entre eux ont moins de 30 ans15.

15 Tous les chiffres sur la structure de la population ont été obtenus par le recensement exhaustif de la population réalisé en octobre 2013.

49 L’ancien territoire du canton Mesmé est actuellement subdivisé en plusieurs cantons, et le village de Béréo Kouh dépend de celui Béréo Yéo.

L’agriculture est la principale activité de la communauté villageoise de Béréo Kouh. Les principales cultures sont le sorgho (Sorghum bicolor), le penicillaire (Panicum miliaceum), le maïs (Zea mays) l’arachide (Arachis hypogaea), le Voandzou (Voandzeia subterranea) et le sésame (Sesamum indicum). Le cotonnier qui était la principale source de revenus et qui était cultivé sur de grandes étendues, est en déclin actuellement. Le manioc était connu de cette population avant son arrivée sur le site actuel. C’est actuellement l’une des grandes zones de production de manioc dans le département de la Tandjilé Ouest.

Les agriculteurs élèvent surtout des petits ruminants. La préférence est plutôt aux caprins qui sont élevés par 84 % des agriculteurs contre 28 % pour les ovins. L'effectif moyen des petits ruminants par exploitation agricole est d'environ cinq têtes. Élevés par 36 % des exploitations agricoles, les bovins servent en premier lieu comme animaux de traction. Mais la présence de femelles (la moitié de l'effectif) au sein des troupeaux de bœufs traduit une évolution vers un élevage qui se situe au-delà des besoins d’animaux pour la traction animale. Les effectifs sont cependant encore faibles, 67 % des détenteurs de bovins ont tout au plus une paire de bœufs. On note également un nombre significatif de chevaux et d'ânes. Comparée à celui des bœufs l'utilisation des ânes et des chevaux comme animaux de traction est récente. Les chevaux sont aussi des animaux de monture, même si les motocyclettes leur sont préférées pour les déplacements sur des moyennes et longues distances. En fait, l'attachement à cet animal résulte de l'usage qui en était fait dans le passé. En plus d'avoir été utilisé dans les conflits et la chasse, le cheval a servi également comme dot dans les échanges matrimoniaux ou parfois à rembourser des dettes. Le cheval ne sert pratiquement plus à ce genre d'usage et de transaction, mais le caractère prestigieux rattaché à l'animal a été conservé.

Village de Daradja Nadjikélo

L’histoire du peuplement du village de Daradja Nadjikélo est retracée uniquement à partir des sources orales recueillies auprès des habitants et d’autres personnes ressources dans la ville de Kélo. La population est constituée majoritairement des personnes de l’ethnie « Lélé », un des principaux groupe ethnique du département de la Tandjilé Ouest. L’occupation de ce site d’après les habitants date de la fin du 19e siècle. L’histoire du peuplement n’est pas très bien connue. La population totale du village est de 285 personnes, pour 49 exploitations agricoles. La moyenne d'âge des chefs d'exploitation (38,3 ans) est quasi identique à celle de Béréo Kouh.

50 Cependant les chefs d'exploitation situés dans la tranche d'âge inférieur à 30 ans ne représentent ici que 25 % de l’ensemble, contre 44 % pour le village de Béréo Kouh.

La proximité de la ville de Kélo (accès au marché urbain et aux services vétérinaires) a attiré des groupes d’éleveurs en voie de sédentarisation qui se sont installés à proximité du village. La présence de grands troupeaux génèrent souvent des tensions et des conflits liés à la dévastation des cultures par les animaux. Ces conflits ont déjà dégénéré plusieurs fois en violents affrontements meurtriers. Selon les agriculteurs, c’est l’une des grandes entraves à la culture du manioc pour ce village. Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, la mixité avec des éleveurs qui ont décidé de se sédentariser n’a pas été suivie d’entente ou de règles de gestion de l’espace partagée, et les conflits sont de même nature que ceux qui résultent du passage des éleveurs transhumants. Ces conflits expliquent probablement le fait que la proportion des agriculteurs cultivant le manioc de même que la moyenne de surface de manioc cultivée par exploitant soient inférieures à celles du village de Béréo Kouh. Les pratiques culturales ont beaucoup de traits communs avec Béréo Kouh. L’agriculture reste la principale activité des habitants. Toutes les espèces cultivées dans le village de Béréo Kouh se retrouvent également ici. Comparé au village précédent, le nombre d'exploitations agricoles qui détiennent des animaux est moins important. On retrouve les bovins dans seulement 19 % d'exploitations agricoles, cependant les chevaux et les ânes sont beaucoup plus utilisés comme animaux de trait que dans le village précédant. Les ovins et les caprins sont présents dans respectivement 15 % et 58 % d'exploitations agricoles.

La proximité de la ville de Kélo permet d’autres activités et d’initiatives pour la recherche de revenus. Il s’agit, entre autres, des activités extra agricoles telles que le commerce des produits artisanaux, la collecte et la vente du bois, et le petit commerce pratiqué par les femmes. Ces activités constituent pour les jeunes et les femmes, les principales sources de revenus. La perte de la ruralité de ce village à cause de l’extension de la ville de Kélo n’est plus qu’une question de temps.

d) Structure démographique et principales activités dans le site des Monts de Lam

Village de Kamkoutou

Le village de Kamkoutou est créé en 1930 par le père de l’actuel Chef de village venu de la ville voisine de Béssao. Les habitants appartiennent à l’ethnie Laka, un groupe sociolinguistique que l’on retrouve également au Cameroun et en République centrafricaine. Le

51 village compte 742 personnes et 52 exploitations agricoles. La moyenne d'âge des chefs d'exploitation agricole est de 33 ans, et 50 % d'entre eux sont dans la tranche d'âge comprise entre 25 et 30 ans.

La principale activité est l'agriculture, les principales espèces cultivées sont : le sorgho, le maïs, le manioc, l’arachide, le voandzou et le sésame. Le sorgho et le manioc constituent la base de l’alimentation. Le manioc et l’arachide sont les principaux vivriers marchands.

Les caprins, présents dans 58 % des exploitations agricoles sont les animaux les plus élevés, les ovins ne sont présents que dans 15 % des exploitations agricoles.

L'élevage des bovins n'a pas encore dépassé ici le stade de bovins de traits, et seulement 12 % des exploitations agricoles possèdent de bœufs de traits.

Village de Mboura

Les habitants du village de Mboura sont des Mboum, un grand groupe sociolinguistique réparti entre l’extrême Sud du Tchad, le Nord de la République Centrafricaine et le Nord du Cameroun (qui en renferme le plus grand nombre). Ceux qui habitent Mboura sont originaires de la région de Touboro au Cameroun. Ils avaient fui leur région d’origine, en 1940, pour échapper au

Lamido16 Rey Bouba, un souverain qui régnait en maître incontesté sur une partie du Nord Cameroun (Podlewski, 1971). Les premiers qui étaient arrivés avaient rejoint d’autres Mboum anciennement installés au Tchad dans le canton de Mbouroum près de l’actuel département de Baïbokoum. Ils avaient ensuite, en 1948, quitté ce premier site, en compagnie d’un autre groupe de Mboum venus également du Cameroun, pour s’installer à l’emplacement actuel, situé de part et d’autre de la route nationale qui relie le Tchad au Cameroun. Le Nom du village Mboura qui signifie « le chemin qui mène vers l’au-delà » est celui d’une montagne de leur localité d’origine.

La population totale du village est de 1897 personnes, pour 106 exploitations agricoles. La moyenne d'âge des chefs d'exploitation agricole (37 ans) est supérieure à celle du village de Kamkoutou. Environ 59 % des chefs d'exploitation sont situés dans la tranche d'âge comprise entre 20 et 40 ans.

Les cultures vivrières dominantes sont le manioc, le sorgho, le maïs, le niébé et l’arachide. La culture du coton reprend timidement. La production de tabac constitue localement une culture

52 de rente avec l’appui des Manufactures des Cigarettes du Tchad (MCT). Le manioc et le maïs constituent la base de l’alimentation locale.

En matière d'élevage, c'est le village qui a le plus faible nombre d'animaux. Les bovins et les caprins sont les seuls espèces présentes. Tous les porcins ont été décimés par une épidémie en 2013. Les bovins (uniquement de trait) et les caprins sont présents respectivement dans 12 % et 28 % des exploitations agricoles.

0.3.2. Méthode et dispositif de collecte de données pour l'analyse des systèmes de