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PARTIE 2 : Revue de littérature

9. Concevoir un dispositif de vidéo-formation pour des enseignants d’EPS

9.8. Le choix des vidéos à utiliser en formation des enseignants

Les évolutions récentes et continues dans le domaine du développement technologique ont permis de produire de nouveaux types de vidéos en plus des vidéos « classiques ». Le développement de caméras miniaturisées et de caméras filmant à 360°, ou encore la démocratisation des logiciels de montage vidéo, ont permis la création et l’usage de nouveaux types de vidéos. Cinq grands types de production de vidéos semblent pouvoir se dégager : (1) des vidéos de type « embarqué », (2) des « hypervidéos », (3) des vidéos panoramiques ou à 360°, (4) des vidéos de type synchronisé (incrustation d’une vidéo dans une autre vidéo) et (5) des vidéos filmées à partir d’un drone.

Les avancées technologiques ont permis le développement et l’apparition de caméras miniaturisées comme la subcam (Lahlou, 1998) pour l’analyse du travail, facilitant ainsi la

production de vidéos de type embarqué. Les premières caméras de type embarqué se sont développées au début des années 60 mais leur taille restait assez imposante. C’est seulement à partir des années 2000, avec la miniaturisation des caméras et le développement des premières GoPro (à partir de 2004) que des études commencent à se développer en utilisant des caméras embarquées sur l’enseignant. Dans le cadre de la formation des enseignants, Sherin, Russ, Sherin & Colestock (2008) et Luna & Sherin (2017) ont mis en oeuvre un dispositif de type vidéo club basé sur l’usage de vidéos de type embarqué. Le dispositif d’enregistrement permettait aux enseignants d’enregistrer les moments qu’ils souhaitaient analyser. Leurs études ont permis de rendre compte que l’usage de ce type de vidéos permettait de mieux rendre compte des interactions enseignants/élèves. Dans le cadre de la formation des enseignants d’EPS, Baghurst (2016) a montré l’intérêt d’utiliser des vidéos de type embarqué afin d’évaluer l’action des enseignants en formation ; cet usage est actuellement en voie d’utilisation à destination des élèves (Andrieu, Burel & Paintendre, 2014). Cependant, Zouinar, Relieu, Salembier & Calvet (2004) ont mis à jour une limite à l’usage de ce type de matériel. En effet, l’utilisation de lunettes-caméra pour capter la zone du champ visuel sur laquelle l’utilisateur porte son attention à un instant donné pose le problème de l’orientation de la caméra. Il peut donc y avoir un écart entre l’orientation de la tête de l’individu et l’orientation de son regard. Cette limite a conduit Stürmer, Seidel, Müller, Häusler & Cortina (2017) à utiliser un dispositif de eye-tracking afin de rendre compte des processus attentionnels des enseignants lors de situations de classe.

L’usage de vidéos de type embarqué nous semble donc constituer un outil intéressant pour repérer et étudier les focalisations attentionnelles des enseignants, tout en étant conscient des limites que cela peut impliquer.

Un nouveau type de vidéos se développe en éducation et en formation des enseignants : les « hypervidéo » (Winkler, Ide & Herczeg, 2013). Ces vidéos ne constituent pas des vidéos « figées » mais elles offrent un support interactif car certaines zones de la vidéo possèdent des contenus additionnels (documents PDF, power-point) mais aussi des liens sur lesquels la personne qui visionne la vidéo peut cliquer (Figure 7). L’objectif selon Sauli, Cattaneo & Aprea (accepté) est de faire en sorte que les individus ne soient pas passifs face à une vidéo et qu’ils ne subissent pas le flot d’images et d’informations que peut apporter la vidéo ; il s’agit d’éviter ce que Schwan & Riempp (2002) appelle « couch potato attitude » (Schwan & Riemp, 2002) ou une « attitude de canapé-lit ». De plus, Cattaneo, Nguyen & Aprea (2016) ont montré que pour des enseignants en formation, l’usage d’hypervidéo permettait de rendre plus concret les

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contenus abordés, d’associer plus facilement la théorie à la pratique, d’accroître la motivation

et de soutenir la réflexion et l'analyse des pratiques professionnelles. A notre connaissance, aucune étude n’a été réalisée sur l’usage d’hypervidéo en formation des enseignants d’EPS.

Figure 7 : Exemple d’hypervidéo tiré du site de l’Université Techniques de Compiègne31

Le développement récent des caméras à 360° (miniaturisation et facilité d’usage, Figure 8) a amené le développement de l’usage de ce type de vidéos dans le champ de l’éducation.

Figure 8 : Exemple de caméras 360° actuelles (Source Blog Paysages Numériques)32 Si les premières études relatives à l’usage de vidéos panoramiques datent des années 90 (Peri & Nayar, 1997), la première étude sur l’usage de la vidéo à 360° avec des enseignants est relative au projet DIVER (Digital Interactive Video Exploration and Reflection). Ce projet dirigé par Roy Pea à l’université de Stanford est un système interactif d'exploration et de réflexion vidéo. Il permet d’explorer une situation de classe à partir d’une seule et même captation vidéo réalisée avec une caméra vidéo à 360° (Figure 9). Le dispositif est construit à partir de la captation de vidéos de situations de classe mais aussi d’un système d’annotation qui

31http://hypervideo.utc.fr/index.html?v=HOME 32

https://christophegazeau.wordpress.com/2015/06/08/lessor-des-videos-360-1-les-technologies-de-tournage-se-developpent/

permet d’insérer des commentaires dans la vidéo afin de pouvoir échanger avec d’autres enseignants.

Figure 9 : Caméra 360° utilisée dans le projet DIVER (Source site fullview)33

Les vidéos à 360° développées par Iris Connect, grâce à la caméra live view camera (Figure 10), permettent de mettre en place un dispositif de coaching live des enseignants. Via une oreillette, l’enseignant peut suivre les conseils d’un superviseur qui peut visualiser l’ensemble de la situation de classe grâce à une caméra filmant à 360°. Les images sont enregistrées en temps réel sur un espace dédié pour l’enseignant afin qu’il puisse re-visionner et analyser de façon autonome la vidéo.

33http://www.fullview.com/technology.html

118 Figure 10 : Caméra live view, Iris Connect34

Dans une recherche portant sur l’amélioration des habiletés de présentation d’un exposé oral à l’Université chez des étudiants, Yamashita & Taira (2016) ont montré que des vidéos à 360° ont permis de rendre compte des interactions entre un auditoire et un présentateur. La caméra à 360° a permis d’enregistrer tous les aspects de la situation : le présentateur, le public, et les diapositives de présentation. Après avoir visionné les vidéos, les étudiants ont amélioré leurs présentations.

A notre connaissance peu d’étude ont été réalisée sur l’usage de vidéos à 360° dans la formation des enseignants d’EPS (Roche & Gal-Petitfaux, 2017) bien que certaines études se développent sur l’usage de ce type de vidéos pour l’apprentissage de pratiques physiques et sportives comme le Tai chi (Han, Chen, Zhong, Wang & Hung, 2017). Certaines vidéos de situations de classe à 360° sont disponibles en ligne (Figure 11) mais elles ne constituent pas encore une ressource pour la formation. L’usage de vidéos à 360° nous semble présenter un certain potentiel pour la formation des enseignants qu’il pourrait être intéressant d’étudier dans la formation des enseignants d’EPS, même si certaines études ont pu identifier une surcharge cognitive engendrée par le visionnement de ce type de vidéos (Lahlou, Nosulenko & Samoylenko, 2012).

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Figure 11 : Exemple de vidéo à 360 d’une leçon d’EPS (Source : youtube)35

Les vidéos de type synchronisé ont été utilisées dans le cadre de certaines études portant sur la formation des enseignants (Marsh, Mitchell & Adamczyk, 2010 ; Veillard & Coppé, 2009). Par vidéos de type synchronisé, nous entendons des vidéos qui ont été synchronisées et incrustées l’une dans l’autre (incrustation d’une ou plusieurs vidéos dans une première vidéo, Figure 12), avec des dimensions identiques ou non.

Figure 12 : Exemple d’incrustation vidéo (Veillard & Coppé, 2009)

Veillard & Coppé (2009) ont eu recours à ce type de vidéos. Ils ont notamment utilisé deux vidéos, l’une de type plan large sur la classe et l’autre, de type plan large sur l’enseignant

120 au tableau, afin de faciliter l’analyse de situations de classe par des étudiants. Ce type de vidéo peut constituer une ressource intéressante en formation des enseignants afin de proposer simultanément un visionnement de l’activité de l’enseignant et celui de l’activité de l’ensemble de la classe.

Les vidéos filmées avec un drone commencent à se développer dans le domaine de l’éducation. Par exemple, Ha (2012) a réalisé une expérimentation pédagogique afin de permettre aux élèves le visionnement de leur propre activité en EPS grâce à des vidéos tournées à l’aide d’un drone (Figure 13). Le visionnement des vidéos produites par ce type d’appareil permet notamment aux élèves d’être plus conscients des aspects tactiques, de mieux percevoir leurs placements et leur organisation collective. Les images filmées à partir d’un point haut permettent d’évaluer où chaque joueur se trouve au cours du déroulement du jeu. Ha (2012) souligne aussi que les élèves ont manifesté un intérêt fort quant à l’utilisation de ce type d’images pour analyser leur activité. Pour autant, peu d’études rendent compte de l’usage de ce type de vidéo afin de favoriser les apprentissages chez les élèves en EPS et, à notre connaissance, aucune étude n’a été réalisée sur l’usage de ce type de vidéo en formation des enseignants. Cela pourrait constituer une piste potentielle d’étude dans un futur, afin, par exemple, de rendre compte de l’usage de ce type de vidéos pour apprendre à des étudiants à organiser l’espace de travail durant une leçon d’EPS, mais aussi à visualiser l’activité de l’ensemble des élèves ainsi que l’organisation collective.

Figure 13 : Images filmées avec un drone (Source : Release the geek)36