dans I-MEP2 (Ingénierie- Matériaux Mécanique Energétique
CHAPITRE 1: ÉTAT DE L’ART DES DEEE ET DES PROPRIETES
1.3. Choix des liquides ioniques
La synthèse bibliographique, incluant le chapitre I, a permis d’identifier quelques LIs
susceptibles de satisfaire aux conditions environnementales, industrielles et
physico-chimiques (cf. conclusion chapitre 1). Nous avons pu constater que leurs propriétés ont suscité
un intérêt pour la récupération de l’or et l’argent dans les minerais, la solubilisation d’espèces
métalliques et organiques et plus largement dans les procédés de récupération de métaux.
Les études sur les interactions solutés-solvants (cf. Chapitre I) montrent la difficulté qu’il
existe à définir un ou des liquides ioniques pour une application précise.
Les divers travaux soulignent avec insistance que le cation aura un rôle mineur
(en comparaison de l’anion) vis à vis du processus de solubilisation et lixiviation,
mais qu’il affectera la polarité et le caractère plus ou moins hydrophobe du liquide ionique.
Au vu de la disponibilité, du prix et par souci de comparaison avec d’autres travaux
nous avons défini les cations dialkyl-imidazolium comme des candidats potentiels et plus
spécifiquement le cation butyl-métyl-imidazolium (BMIM+). Il présente l’avantage d’avoir un
bas point de fusion et des propriétés de stabilité (thermiques et électrochimiques)
et de conductivité acceptables pour un grand nombre d’anions.
Le choix de l’anion est complexe, car il affecte fortement les propriétés et le prix
du liquide ionique. Une mauvaise stabilité chimique et/ou électrochimique peut être
rédhibitoire pour une utilisation industrielle. Bien que la stabilité thermique soit suffisante
(au-delà de 200 °C) pour l’ensemble des liquides ioniques, certains liquides ioniques souffrent
d’une piètre stabilité chimique vis-à-vis de l’eau. L’hydrolyse d’anions incorporant des
atomes de fluor peut entraîner la formation de HF, phénomène souligné par de nombreux
auteurs [37-39]. Néanmoins, ceci ne constitue pas une loi pour les anions fluorés.
L’anion N(CF3SO2)2- a été trouvé stable en présence d’eau et montre un caractère hydrophobe
pouvant s’avérer utile pour éviter une modification des propriétés du milieu lors d’une
utilisation sous conditions atmosphériques. Ce caractère hydrophobe sera également
bénéfique pour maintenir la stabilité de la fenêtre électrochimique. Pour la plupart d’entre
eux, la température de fusion est inférieure à la température ambiante et ils possèdent une
neutralité qui leur confère de bonnes propriétés de viscosité et conductivité (en comparaison
aux autres types de liquides ioniques). Néanmoins, le caractère neutre de ces liquides ioniques
est au détriment des paramètres de solvatation ou de mise en solution de molécules complexes
ou de sels métalliques. En dépit de bonnes propriétés physico-chimiques, leurs coûts
prohibitifs est un frein majeur à leur utilisation. Ce dernier aspect nécessite de s’intéresser à
des anions moins onéreux, facilitant la mise en solution ou l’extraction d’espèces.
Dans les liquides ioniques, l’affinité de l’anion pour le métal est décrite par la basicité
de Lewis. Dans cette classe, on retrouve les lactates [40, 41], formates, acétates
(généralement carboxylates) et les anions dicyanamides [42, 43] (DCA).
Les anions dicyanamides sont rapportés pour être des bases de Lewis fortes, ce qui contraste
avec les anions PF6-, BF4-, TFSI- et CF3SO3- qui sont souvent étudiés en milieu liquide
ionique, mais qui sont présentés comme de faibles bases de Lewis [42].
Welton et al. [44] rapportent que les ions triflates (TfO), ainsi que les ions trifluoroacétates
(TFA) sont fortement coordonnants (dû à la présence des groupes fonctionnels sulfate
et carboxylate). Ils soulignent également que les composants analogues méthanesulfonate
CH3SO3- et acétate CH3COO- sont plus basiques que TfO- et TFA- mais que, en contre partie,
ils ont une fenêtre électrochimique plus étroite. Ainsi, Le caractère basique du liquide ionique
facilitera la solubilisation mais affectera la stabilité anodique, tandis qu’un LI neutre
permettra l’obtention d’une large fenêtre anodique au détriment des propriétés de mise
en solution.
Il apparaît clairement que les propriétés de solvatation dépendront de la nature exacte des ions
constituant le liquide ionique. Les propriétés de solvatation seront largement déterminées par
la capacité du LI à agir comme un donneur ou accepteur d’électrons ainsi que par le degré
de localisation de la charge sur l’anion. Les anions qui possèdent une haute densité de charge
et les cations avec de courtes chaînes alkyles stabiliseront plus facilement les molécules
polaires. Au contraire, il a été trouvé qu’un LI plus lipophile pourra être généré avec l’emploi
d’un anion avec une densité de charge diffuse et/ou une augmentation de la chaîne alkyle
du cation [45, 46].
Au vu des différentes propriétés physico-chimiques et des travaux entrepris sur la lixiviation
de l’or et de l’argent, nous avons défini trois liquides ioniques. Une présentation succincte de
leurs propriétés est présentée dans le Tableau 2.4, Bien que d’autres anions auraient pu être
étudiés (espèces présentant un groupe fonctionnel tel que les TSILs, anion acétate,…), ces
trois liquides ioniques présentent l’avantage d’avoir fait l’objet d’une étude pour la
récupération de métaux précieux. Ils ont montré des résultats d’extraction encourageants et
ont permis la mise en solution d’espèces complexantes et de sels métalliques. L’absence
d’espèces fluorées dans les trois liquides ioniques élimine le risque de formation d’acide
fluorhydrique (HF) sous à cause de l’hydrolyse desliquides ioniques dans un procédé ouvert.
Par ailleurs, les trois liquides ioniques sont disponibles commercialement et présentent un
coût extrêmement faible en comparaison des liquides ioniques usuels (tout particulièrement
pour les anions HSO4- et Cl-).
D’autres liquides ioniques auraient pu être sélectionnés, mais il est avant tout indispensable
de comprendre les limitations pour l’extraction des métaux précieux : solubilité des sels,
pouvoir oxydant, pouvoir complexant, transport de matière, matrice du déchet (sélectivité),
stabilité du liquide ionique. Il se peut que ce soit une combinaison qui freine l’étape
de lixiviation. Si tel est le cas, d’autres liquides ioniques seront considérés.
Tableau 2.4 : Propriétés des liquides ioniques issus de la famille des sels de type
dialkyl-imidazolium.
Cations Anions
*Pureté
(Solvionic®)
*T
fusion/ °C
*Densité
(80°C)
*M
w/ g.mol
-1[Anion] & [Cation]
/ mol.L
-1BMIM HSO
498%
Halogénures ≤ 250 ppm
H
2O ≤ 1%
28 1,277 236,29 5,40
BMIM CH
3SO
399%
Halogénures ≤ 100 ppm
H
2O ≤ 0,8%
75-80 1,1 234,32 4,81
BMIM Cl 98%
H
2O ≤ 2% 73 1,053 174,67 6,03
* Les valeurs proviennent du fournisseur Solvionic®
2. Résultats et discussions
Dans ce chapitre, la partie résultat a pour objectif de déterminer ou tout au moins de réduire le
champ d’investigation des systèmes candidats à la lixiviation de l’or et plus largement des
métaux précieux. Pour cela, nous devons déterminer et comprendre comment les stabilités
électrochimiques et thermiques évolueront suivant la nature du cation et de l’anion du liquide
ionique. Par la suite, nous nous intéresserons aux aspects de solubilisation des composés
indispensables à la lixiviation des métaux précieux. Enfin, des tests de lixiviation seront
entrepris suivant la nature du complexant et de l’oxydant.
Pour plus de clarté et pour faciliter l’interprétation des résultats relatifs à la stabilité
électrochimique et thermique, l’ensemble des liquides ioniques étudiés au cours de cette thèse
seront intégrés à l’étude.
Ainsi, il sera plus aisé de déterminer l’effet de l’anion (BMIM+ X- avec X- = Cl-, HSO4-
et CH3SO3-, (CF3SO2)2N-, BF4-) et du cation 1-alkyl-3-methyl-imidazolium
([HMIM], [EMIM], [BMIM] avec l’anion Cl-) sur les propriétés de stabilité.
Bien que tous les LIs soient intégrés à la partie résultat, seuls les trois liquides ioniques
présentés précédemment (BMIM+ X- avec X- = Cl-, HSO4- et CH3SO3-) feront l’objet d’une
étude sur les aspects de solubilité et de lixiviation de l’or.
Dans le document
Application des liquides ioniques à la valorisation des métaux précieux par une voie de chimie verte
(Page 80-84)