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Chapitre 5. Construction de l’expérimentation

3. Choix didactiques et pédagogiques

Cette expérimentation étant menée dans une classe de CP, une question s’est rapidement posée : comment permettre aux apprentis-lecteurs un accès individuel au texte pour favoriser l’expression du lecteur empirique ?

3.1. Lecture de l’album : quel type de lecture ?

S’appuyant sur le néologisme de « spectature » créé par Martin Lefebvre et repris par Nathalie Lacelle et Gérard Langlade, Agnès-Perrin propose dans sa thèse, le terme d’« auditure », pour qualifier « une lecture qui s’appuie sur l’écoute des textes232. » Ce

néologisme fondé sur un rapprochement entre les activités de lecture et d’audition, permet d’évoquer une situation de lecture par un non-lecteur. Il s’agit de lectures à haute voix, prises en charge par l’enseignant.

Ce dispositif permet ainsi, une écoute-appropriation du texte qui est tout d’abord différente de la lecture puisque le lecteur n’a pas à activer ses compétences de lecture à l’écrit. Le texte reçoit aussi une forme d’interprétation par la voix du lecteur.

Agnès Perrin définit donc « l’activité qui consiste à travailler un texte à partir de son audition par le terme d’auditure233. » Les élèves sont alors invités par un travail spécifique à comprendre et interpréter les extraits lus. Collectivement, les élèves répondent au questionnement de l’enseignant. Ils analysent le texte lu et les images.

L’objet de ce travail étant d’aider les élèves à investir les postures de sujet lecteur, il passe, entre le pré-test et le post-test, par un enseignement-apprentissage explicite.

232 Agnès Perrin, Apprentissage de la lecture et construction de l’identité du lecteur au cours préparatoire,

Thèse dirigée par Jean-François Massol, Université Stendhal Grenoble 3, 2012, p. 394.

3.2. Un enseignement explicite et une pratique guidée

Ainsi, certains aspects de « l’auditure » m’ont intéressée. Tout d’abord, les albums vont être lus intégralement, mais par épisodes, pour permettre un apprentissage des postures de lecture et l’émergence des activités fictionnalisantes. Par ailleurs, j’ai complété ce dispositif par des cercles de lecture occasionnés par ces lectures entre sujets lecteurs (y compris l’enseignant).

Ainsi, l’expérimentation prévoit que l’enseignante de la classe 1 lise un album dans la phase d’apprentissage. Nous nous sommes entendues pour qu’elle se positionne comme lectrice modèle, prêtant sa voix, son corps, pour faire vivre le texte, en l’interprétant déjà à sa manière, donc en partageant son activité fictionnalisante avec les apprentis sujets- lecteurs. Le rythme de la lecture suivra les réactions des lecteurs empiriques qui réagiront et inter-réagiront spontanément.

De même, l’enseignante de la classe 2, interviendra et partagera avec les lecteurs- spectateurs, sa manière d’entrer dans l’œuvre filmique, ses impressions et son activité fictionnalisante. Le film se déroulant dans son automaticité habituelle, les réactions spontanées des élèves seront plus contraintes. Ainsi, les interactions entre eux et avec l’enseignante se dérouleront pendant les pauses occasionnées par « le découpage » pédagogique du film d’animation.

Par ailleurs, au cours de la séquence, les élèves vont avoir la possibilité d’être guidés par des questions écrites au tableau, mais ils pourront aussi, suivre leur propre chemin. Les questions posées devront permettre le développement des activités fictionnalisantes décrites par Gérard Langlade et Nathalie Lacelle. Par exemple, lors de la découverte du titre C’est pour mieux te manger, les élèves recevront un titre écrit avec la même police que celle de l’album et dans les mêmes couleurs. Puis, l’enseignante leur demandera de répondre à quatre questions dans leur journal du lecteur. Par exemple, la première consigne, Dessine et/ou écris ce que tu vois dans ta tête quand tu entends le titre, vise le développement de la concrétisation imageante et auditive. De même, au cours de la deuxième séance sur T’es où Mère-grand ?, l’activité fantasmatique est visée avec ces deux questions : A ton avis, que va-t-il se passer ? (tu peux dessiner) ; Si tu étais à la place

En outre, dans la phase d’apprentissage, les élèves seront dans une pratique guidée par les enseignantes. Celles-ci se mettront en « scène » dans leur propre activité de lectrice empirique. Elles partageront ainsi, avec les enfants, leurs activités lectrices s’appuieront alors sur trois dispositifs : le journal du lecteur-spectateur, les cercles de lecture et des débats interprétatifs.

Quelles seront les modalités d’écriture dans le journal de lecteur-spectateur ?

3.3. Modalités d’écriture dans le journal de lecteur

La présentation du journal et les conditions de son utilisation seront explicitées aux élèves. Le document de Colette Buguet-Mélançon, professeure québécoise en Cégep234, servira de base pour présenter le journal de lecteur aux enfants. Ainsi, les moments et les conditions d’écriture seront spécifiés. Il a été établi que les enfants écriraient dans leur journal pendant les séances sur la formation du sujet lecteur-spectateur, mais aussi, dans des moments « libres » pendant la classe et quand ils en éprouveraient l’envie ou le besoin. S’ils le désirent, les enfants auront la possibilité d’emmener leur journal à la maison. Pour s’exprimer, ils pourront : écrire seuls, en dictée à l’adulte et réaliser des dessins.

Par ailleurs, le journal sera introduit, dans un premier temps, avec des consignes pour permettre aux élèves de s’approprier ce nouvel outil et leur apprendre à laisser parler leur subjectivité. Les élèves pourront y répondre mais ils seront aussi encouragés à noter leurs propres remarques. Les consignes seront une aide possible mais non un passage obligé.

Enfin, pour compléter la formation de chaque sujet lecteur en l’encourageant à entrer dans différentes postures, je noterai mes observations, parfois mon ressenti en instaurant un cours dialogue écrit avec l’enfant, ou en inscrivant quelques questions. Ces interventions seront notées sur des post-it pour « limiter » le caractère intrusif dans cet objet « personnel », et au contraire pour les penser comme une « sorte » de dialogue par correspondance entre deux lecteurs. Il s’agit bien sûre de se placer dans une optique d’apprentissage.

234 Document proposé pour le collège dans l’intervention d’Anne Vibert, Faire place au sujet lecteur en

classe : quelles voies pour renouveler les approches de la lecture analytique au collège et au lycée ?, novembre 2013, http://eduscol.education.fr/lettres/im_pdflettres/intervention-anne-vibert-lecture-vf-20-11- 13.pdf