• Aucun résultat trouvé

Les Chiroptères, de bons indicateurs pour évaluer la qualité de la gestion forestière ?

2. Gestion forestière et conservation des Chiroptères : des lacunes de connaissance ?

2.2. Les Chiroptères, de bons indicateurs pour évaluer la qualité de la gestion forestière ?

Les Chiroptères constituent un groupe d’espèces permettant d’aborder la réaction de la biodiversité à la gestion forestière, dans des forêts de plaine en particulier. Ils constituent ainsi de bons bio-indicateurs, par :

- leur positionnement trophique, intégrateur des pressions qui pèsent sur l’ensemble du réseau trophique et sur les habitats,

- les techniques récentes facilitant leur étude et leur suivi en forêt (en particulier la détection ultrasonore et la télémétrie),

32

- le faible nombre d’espèces (34 actuellement en France, même si ce nombre devrait augmenter à la faveur des études génétiques pan-européennes en cours),

- leur utilisation complexe de la forêt, nécessitant un nombre important de gîtes utilisés, des terrains de chasse aux caractéristiques souvent floues à grande échelle et des corridors de déplacement,

- les connaissances actuelles sur les relations entre les différentes espèces et les habitats constituant nos paysages, démontrant un rôle de refuge très fort de la forêt pour ces espèces et l’ensemble de la biodiversité.

Les Chiroptères apparaissent donc comme de bons supports d’étude pour expliquer en partie les relations entre la biodiversité et la forêt (dans sa composition, sa structure et son organisation à l’échelle du paysage intra-forestier). Pour d’autres espèces pourtant très dépendantes de la forêt, les méthodes d’étude actuelles n’autorisent souvent pas le biologiste à faire des extrapolations à l’échelle du paysage forestier. Parce qu’une même colonie exploite un vaste espace (souvent au-delà de 1 000 ha), les chauves-souris permettent de comprendre des mécanismes écologiques importants pour la conservation des espèces forestières mobiles. Pourtant, dresser le constat d’une relation étroite entre ces espèces et la forêt ne permet pas d’apporter des préconisations concrètes et efficaces pour la prise en compte des Chiroptères dans la gestion forestière. En effet, alors que les colonies arboricoles de ces espèces utilisent de nombreux gîtes, il n’est pas encore possible de fournir des seuils en nombre ou en typologie pour assurer leur meilleure conservation. De même, si beaucoup de ces espèces sélectionnent la forêt pour s’alimenter, nous ne connaissons pas les critères de sélection qui s’opèrent au sein des habitats forestiers disponibles. Enfin, tant pour les gîtes que pour les terrains de chasse, la manière d’organiser la trame des habitats favorables reste peu, voire pas documentée. Il devient alors nécessaire de s’intéresser aux différents compartiments constituant une forêt favorable aux Chiroptères pour aider le gestionnaire à adapter sa gestion afin d’intégrer l’enjeu de conservation de la biodiversité, à travers le filtre « Chiroptères ». C’est l’objet de ce présent mémoire.

3. « Utilisation des gîtes et des terrains de chasse par les Chiroptères forestiers, propositions de gestion conservatoire ».

La biologie de la conservation nécessite une connaissance approfondie de l’écologie des espèces visées par la conservation. Parallèlement, même si les paragraphes qui précèdent sont partiellement accusateurs face à certains modes de gestion et posent question sur la capacité de la forêt à conserver la biodiversité dont les chauves-souris, la forêt est considérée pour beaucoup d’espèces comme une zone refuge face aux pollutions et à des modifications importantes de l’environnement et des paysages, et reste probablement l’habitat le moins transformé dans nos paysages continentaux. C’est entre autres le cas pour les chauves-souris, qui sélectionnent particulièrement la forêt (Meschede & Heller 2003; Tillon 2005a; Tillon 2008), notamment pour s’y réfugier (Mayle 1990; Tillon 2005b). Les connaissances relatives aux chauves-souris en forêt restent encore fragmentaires, même si les études se sont multipliées ces dernières années (Lacki et al. 2007b). Pourtant, le gestionnaire forestier a besoin de recommandations précises pour la prise en compte et la conservation des biotopes (arbres-gîtes et terrains de chasse) qu’elles utilisent. Or, actuellement, les outils existants visant la conservation de ces espèces voient leurs résultats encore incertains. Par exemple, le dispositif Natura 2000 tarde à produire des résultats encourageants pour les chauves-souris forestières, comme l’ont montré très récemment Zehetmair et al. (2015) sur un réseau européen de forêts de hêtre. Ainsi, vers quelle stratégie de

33

conservation faut-il aller dans des forêts de plaine principalement destinées à l’exploitation forestière ? Est-ce que la mise en réserve de certains espaces est une réponse suffisante ou nécessaire pour les Chiroptères, comme cela a été démontré pour d’autres espèces (McCarthy et al. 2005) ?

Le présent travail vise à identifier (1) les gîtes sylvestres utilisés par les Chiroptères et à comprendre la façon dont ils les occupent, (2) les terrains de chasse sélectionnés, et (3) à rechercher les liens entre les terrains de chasse et les gîtes, pour expliquer l’utilisation de l’espace forestier par ces animaux. L’objectif final est d’en inférer des mesures de gestion forestière conservatoire.

Les critères de choix des gîtes arboricoles et des terrains de chasse dépendent (1) des espèces (morphologie, capacités acoustiques, sociabilité, alimentation…) et (2) des forêts (histoire, naturalité, modalités de gestion, surface, environnement des systèmes forestiers, disponibilité en gîtes et en terrains de chasse…). De fait, afin de mieux circonscrire les questions posées, seulement deux forêts vont être étudiées (forêts domaniales de Rambouillet et de Tronçais). Ces chênaies de plaine sub-atlantique, à vocation principale de production de bois, ont été choisies pour leur représentativité de ce type de forêt, mais aussi parce que les enjeux de production de bois y sont traités diversement. Entre la forêt de Rambouillet périurbaine qui doit fournir une ressource bois continue tout en conservant des paysages forestiers composés d’arbres adultes pour répondre aux attentes du public très nombreux et pour accueillir une biodiversité associée « regardée à la loupe » par de nombreux scientifiques venus de Paris. Et la forêt de Tronçais dont les enjeux de production de bois de très grande qualité atteignent des sommets même si l’exploitation de cette ressource a vocation à rester raisonnable et durable, tant la gestion forestière passée et actuelle produit des bois de très grande qualité technologique fortement recherchée par une filière bois spécialisée. Les autres pôles de la gestion y sont aussi importants : accueil notamment. Les espèces principalement étudiées dans le cadre de ce travail sont essentiellement forestières, tant pour l’utilisation des gîtes que pour la sélection des terrains de chasse : Myotis bechsteinii, M. nattereri et Plecotus auritus.