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Chapitre sept

Dans le document BOUTONS ET DENTELLE PENELOPE SKY (Page 81-86)

Crow

J’étais assis devant la cheminée dans mon bureau et je regardais les flammes danser. Elles crépitaient et éclataient, m’envoyant des étincelles en plein cœur. La campagne était recouverte d’un épais brouillard hivernal. Le soleil se faisait rare.

La carafe de cognac était posée sur la table à côté de moi et je m’en suis servi un autre verre, me plongeant dans un état d’hébétude de plus en plus profond à chaque verre.

C’était un cognac hors d’âge, le meilleur que je n’avais jamais goûté. Chaque bouteille valait une fortune, mais je refusais de boire autre chose.

Le cognac était mon seul ami.

J’ai observé les tableaux sur le mur, des originaux peints exclusivement pour moi. Ils représentaient la campagne luxuriante, les collines de vignes grimpant jusqu’au soleil à l’horizon. Des maisons en pierre apparaissaient au loin, aussi anciennes que les temps eux-mêmes.

Ces tableaux me rendaient heureux avant.

Maintenant, ils me rendaient triste.

On a frappé doucement à la porte.

– Oui ?

Mes domestiques n’ouvraient jamais la porte sans être invités.

– Cane est venu pour vous voir.

La voix douce de Patricia a traversé la porte.

Je ne voulais pas voir mon frère. Je ne voulais voir personne. Les dernières fois qu’il était venu, je l’avais renvoyé, refusant de supporter son regard. Le chagrin se dégustait seul.

Je voulais être seul.

– Dis-lui que je suis occupé.

Elle est restée à la porte, en silence.

– Qu’y a-t-il, Patricia ?

– Il a dit que vous répondriez ça... et il a aussi dit qu’il ne partirait pas avant de vous avoir vu.

Cane mettait ma patience à l’épreuve comme il le faisait enfant.

– Bon. Dis-lui de venir.

– Oui, monsieur.

J’ai entendu ses pas s’éloigner dans le couloir.

Je me suis versé un autre verre et me suis replongé dans la contemplation des flammes. J’étais assis dans un fauteuil confortable, mon refuge préféré quand la déprime me submergeait. Personne ne s’asseyait jamais dans l’autre fauteuil. Je ne savais pas pourquoi il y en avait deux.

Cane est entré quelques minutes plus tard. Il avait les joues couvertes d’une épaisse barbe, signe qu’il ne se rasait pas, et ses yeux brûlaient d’une rage qui ne s’éteindrait jamais. Il a avisé le cognac sur la table et s’est servi un verre

—  avec la même liberté qu’il se servait de toutes mes a aires.

Il s’est assis dans le deuxième fauteuil, devant la cheminée.

Pendant un moment, un silence réconfortant a régné dans la pièce. Notre camaraderie fraternelle combattait la douleur que nous ressentions tous les deux. Puis la réalité s’est imposée. Nous formions une famille de cinq personnes à l’origine, puis quatre. Puis trois.

Nous n’étions plus que deux.

Il a brisé le silence.

– Je ne t’ai pas vu depuis un bail.

– Ouais. Je ne t’ai pas vu non plus.

– Rien d’étonnant vu que tu évites tout le monde.

J’ai fait tourner mon verre.

–  Je n’évite personne. Je ne veux voir personne, c’est di érent. Je n’aime personne.

– Mais tu n’as pas assisté à l’enterrement de Vanessa.

– Pour quoi faire ? dis-je froidement. Je lui ai dit au revoir quand sa cervelle a éclaboussé ma putain de veste juste avant qu’elle meure. Cane, je lui ai fait mes adieux.

J’ai porté le verre à mes lèvres, trouvant du réconfort dans l’alcool qui me brûlait la gorge.

– Maman n’aurait pas été contente.

– Eh bien, elle est morte aussi. Nous ne saurons jamais ce qu’elle aurait pensé.

– C’est un manque de sensibilité.

–  Je suis quelqu’un d’insensible. Il n’y a rien de surprenant.

Il a regardé les tableaux au mur, les peintures originales qui décoraient la plupart des murs de ma maison. Elles étaient exposées fièrement, des œuvres magnifiques qui témoignaient de la beauté du monde.

– Si tu le dis, mon vieux.

Il s’est retourné vers les flammes, ses doigts tapotant constamment sur son verre.

– Je pense que nous avons passé assez de temps à pleurer.

Je n’ai jamais vraiment pleuré.

– Je suis prêt à la venger depuis la nuit où elle est morte.

Je t’attendais, c’est tout.

– Tu as un plan ?

J’avais passé le plus clair de mon temps à envisager diverses possibilités. Je ne me contentais pas de me venger des gens qui s’en prenaient à moi. Je les mutilais, je les humiliais aux yeux du monde entier. Je préparais ma revanche avec soin, attendant le moment idéal pour passer à l’action.

– Je veux faire exactement ce qu’il nous a fait — mais à lui.

– Ce qui veut dire exactement ?

–  Je veux lui enlever une personne qu’il aime et la torturer sans merci. Je veux qu’il essaie de s’endormir tous les soirs en sachant qu’on la détient. Qu’elle se fait étrangler, violer et tabasser à mort. Et puis, quand il pensera qu’il va la récupérer, alors on appuiera sur la gâchette.

– Ça me paraît équitable. Mais il y a un problème.

Je savais déjà quel était le problème.

–  Il n’a personne. Ni famille. Ni amis. Ni femme. Ni enfants.

– Tout le monde a quelqu’un.

Même moi, j’avais quelqu’un, si on veut.

Il a secoué la tête.

–  C’est ce qui le rend si impitoyable. Il n’aime rien ni personne — à part le pouvoir.

– Ça arrivera. Il su t d’attendre.

– Attendre combien de temps ?

Toute ma vie s’il le fallait. La vengeance était un marathon, non un sprint. Elle exigeait du temps et de l’organisation. Il fallait une patience inflexible. La vengeance se devait d’être parfaite.

– Aussi longtemps qu’il le faudra.

Dans le document BOUTONS ET DENTELLE PENELOPE SKY (Page 81-86)