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Chapitre douze

Dans le document BOUTONS ET DENTELLE PENELOPE SKY (Page 124-135)

Pearl

Les danseurs évoluaient sur la scène illuminée, o rant le genre de représentations auxquelles je n’aurais jamais cru avoir le privilège d’assister. La salle de spectacle était ancienne, comme tous les édifices italiens, riches de leur passé historique. Les fresques au plafond n’avaient pu être peintes que par un grand maître, et j’avais le sentiment que c’était un honneur rien que de fouler le tapis aux motifs recherchés.

Mais je ne pensais qu’à m’évader.

Nous étions déjà à la moitié du spectacle et j’avais perdu tout ce temps à rester assise ici. Si je m’absentais pour aller aux toilettes, je pourrais me glisser par la fenêtre. Impossible de sortir par le hall, car il avait probablement posté des hommes pour surveiller les issues. Mais si je trouvais une sortie plus discrète, j’arrivais probablement à m’enfuir.

Je courais vite.

Mais j’étais terrifiée. J’avais peur de briser la mansuétude de notre relation si j’échouais. Il se déchaînerait sur moi et serait encore plus cruel qu’avant. Il pourrait même me tuer,

furieux que j’aie trahi sa confiance. Est-ce que ça valait vraiment le coup  ? Et s’il me tendait un piège pour me tester ? S’il s’attendait à ce que je cherche à m’enfuir ?

Je n’arrivais pas à prendre de décision.

Je ne savais pas quoi faire.

Mon cœur tambourinait dans ma poitrine et j’avais les paumes moites. Ma gorge était si sèche que je peinais à déglutir. Je n’avais pas touché au vin, j’étais bien trop nerveuse. Bones était absorbé par le spectacle, ignorant les pensées qui se bousculaient dans ma tête.

Si je rentrais avec lui ce soir au manoir, je devrais me soumettre à lui. Il me fourrerait un gode dans le cul, puis me baiserait la chatte. Il me bâillonnerait sans doute pour étou er mes cris. Il n’utiliserait pas de lubrifiant, juste pour me faire mal. Le seul moyen d’éviter ce sort serait de me frictionner le clito en essayant d’imaginer des situations excitantes, penser à Jacob quand le sexe était bon entre nous.

Alors sa bite me ferait moins mal, et il croirait que je mouillais pour lui —  bien qu’il me répugne au-delà du dicible.

Je ne pouvais pas revivre cela.

Je ne voulais pas.

Je devais m’enfuir d’ici, ce soir.

– Excuse-moi, j’ai besoin d’aller aux toilettes.

Je me suis levée, m’attendant à ce qu’il m’arrête, qu’il saisisse mon poignet et me fasse rasseoir.

Mais il m’a laissée partir.

Je me suis éloignée et j’ai senti mes muscles se tendre en atteignant les escaliers. Je me suis demandé s’il m’observait,

s’il regardait mon cul onduler sous la robe. S’il me faisait vraiment confiance.

Je ne me suis pas retournée, j’ai tracé mon chemin.

Je suis arrivée en bas de l’escalier et j’ai rapidement balayé les environs des yeux. Personne ne me regardait.

Personne ne faisait attention à moi. Nulle trace de gardes qui m’observaient —  du moins aucun qui ressemble aux hommes de Bones.

C’est là que j’ai remarqué l’homme près du bar.

Vêtu d’un costume noir satiné, il était accoudé au comptoir, une main dans la poche. Il portait une chemise grise sous sa veste, avec une cravate bleu canard. Un motif était imprimé dessus, trop complexe pour que je l’identifie.

Son costume noir m’a rappelé les hommes qui venaient rendre visite à Bones. Mais aucun d’eux n’aurait porté une cravate aussi vive.

Il était grand, plus d’un mètre quatre-vingt. Il avait de longues jambes, des cuisses musclées, et des épaules larges évoquant l’envergure d’un aigle. Il avait des doigts longs et fins, masculins et forts. Son corps était mince et fuselé, un concentré de muscles, de chair et de tendons. Une silhouette athlétique, le genre d’hommes qui ne prenait pas de poids, quel que soit le nombre de whiskies qu’il s’envoyait.

Mes yeux sont remontés vers son cou, à l’a ût du moindre signe de danger. Il avait une mâchoire puissante, carrée et robuste. Sa barbe naissante semblait rugueuse. Si je me frottais contre elle, je sentirais une friction. Il avait des lèvres intéressantes. Elles étaient minces et crispées, comme si quelque chose le tourmentait.

En étudiant son visage, j’ai réalisé qu’il me regardait. Il me fixait de ses yeux verts clairs, comme s’il savait exactement qui j’étais. Il avait des cheveux bruns courts et soignés, coi és avec élégance. Malgré son calme et sa douceur apparente, son regard était dur.

Il était sublime.

Et terrifiant.

J’ai détourné la tête, même s’il était trop tard pour faire comme si je ne l’avais pas vu. Il n’avait pas l’air de travailler pour Bones. Ce qui ne signifiait pas qu’il n’était pas tout aussi maléfique.

Y avait-il une seule personne bienveillante dans ce pays ?

Je suis entrée dans les toilettes et j’ai senti la porte se refermer derrière moi. Aucun pied n’était visible sous les portes des cabinets. J’ai réalisé que j’étais seule.

Seule.

Je l’avais fait. J’avais réussi. Mes mains tremblaient d’excitation. J’ai oublié comment respirer, trop occupée à savourer le goût de la liberté sur ma langue. Mon plan pour leurrer Bones avait réussi, et j’allais m’évader.

J’allais réussir.

Il y avait une fenêtre au-dessus des lavabos, juste sous le plafond. Elle n’était pas large, mais tout en longueur. Si j’arrivais à grimper et à l’ouvrir, je pourrais me glisser de l’autre côté. Elle débouchait sans doute sous l’auditorium. Je n’avais plus qu’à me débarrasser de mes escarpins et à courir.

Sans réfléchir plus longtemps, j’ai enlevé mes souliers.

– Ne fais pas ça.

J’ai sursauté en entendant sa voix. Il a verrouillé la porte avant de s’avancer dans la pièce. La cravate bleu canard était assortie à ma robe. Si on se connaissait, on aurait eu l’air de sortir ensemble. Il n’avait dit que quatre mots, mais ses yeux parlaient pour lui.

– Tu travailles pour Bones ? Il n’a pas répondu.

–  Ce plan est stupide. À la seconde où tu te glisseras en douce par cette fenêtre, ses hommes te verront. Et il te tuera.

Comment savait-il ce que j’allais faire  ? Comment connaissait-il les hommes de Bones  ? Pourquoi m’avertissait-il ?

– Mais qui es-tu, bon sang ? – Retourne là-bas.

– Pourquoi devrais-je te faire confiance ?

Je ne pouvais pas retourner dans les pattes de cet homme terrifiant. Je ne pouvais pas.

– Je ne t’ai pas dit de me faire confiance. Tu ne dois faire confiance à personne. Comment crois-tu que tu t’es fourrée dans ce merdier ?

– Pardon ? Es-tu en train de m’aider ou de m’insulter ? – Je n’ai pas l’intention de t’aider. Ni de t’insulter. Mais fais ce que je te dis ou tu le regretteras.

– Pourquoi tu te soucies de moi ? – Je ne me soucie pas de toi.

Il m’a jeté un regard plus glacial que l’hiver et il est sorti, en claquant la porte derrière lui.

Je suis restée de bout devant le lavabo, face à mon reflet dans la glace. Je ne comprenais pas ce qui venait de se passer.

Je n’étais même pas sûre que ce soit réel. Avais-je imaginé

toute la scène  ? Avais-je fabriqué un prétexte pour ne pas m’enfuir ?

J’ai regardé la fenêtre haut perchée et j’ai laissé échapper un soupir. Je n’avais aucune idée de qui était ce mec, mais il ne travaillait pas pour Bones. Pourquoi était-il entré ici pour me parler  ? Comment savait-il que je voulais m’enfuir  ? Il connaissait peut-être Bones. Il le haïssait peut-être autant que je le haïssais. Mais s’il voulait vraiment m’aider, n’aurait-il pas appelé la police  ? Ne m’aurait-il pas donné son téléphone ?

Je n’y pigeais rien.

J’ai agrippé le lavabo, tentant de réfléchir. Cet homme savait exactement ce que j’allais faire, et je ne l’avais jamais rencontré. Si c’était si évident pour lui, alors ça l’était sans doute aussi pour Bones.

Je devais retourner là-bas.

Je ne le voulais pas. Tout mon corps hurlait à cette idée.

La liberté était si proche, à une fenêtre de distance.

Mais je savais que je n’y arriverais jamais.

Les sanglots m’étou aient la poitrine, mais je ne les ai pas laissés s’échapper. Je les ai gardés enfermés à l’intérieur, refusant de céder à la douleur. Ce n’était pas le moment de m’apitoyer sur mon sort. Ce plan avait échoué, mais il y aurait une autre occasion. Et encore une autre si la prochaine échouait aussi. Je n’abandonnerais jamais. D’une façon ou d’une autre, je trouverais une porte de sortie.

J’ai rejoint Bones comme l’esclave obéissante que j’étais.

J’ai gravi l’escalier et je me suis rassise à ma place, comme si je ne venais pas de tenter d’échapper à son emprise répugnante. Je n’avais fait qu’aller me repoudrer aux

toilettes. Je n’avais pas rencontré un inconnu qui m’avait dit de retourner dans la loge. Les dix dernières minutes de ma vie n’avaient pas existé.

Bones a tourné légèrement la tête dans ma direction, étudiant mon expression. Il avait un regard étrange, comme s’il était déçu que rien de plus croustillant ne soit arrivé.

C’était peut-être un test.

Et j’avais réussi le test.

La semaine s’est écoulée, monotone.

Il rentrait du travail, m’attachait et me baisait, puis il s’enfermait dans la solitude de son bureau. Je le revoyais au dîner, puis il me baisait encore avant de s’endormir.

C’était ma vie.

Mon temps était occupé par mes pensées. Qui était le type qui était entré dans les toilettes comme si l’endroit lui appartenait  ? Il m’avait parlé d’un air agacé, et pourtant, c’était lui qui était venu me parler.

Ça n’avait aucun sens.

Pourquoi m’avait-il mise en garde ?

Il savait ce qui se passerait. Quand je suis retournée dans la loge, Bones m’a regardée d’un autre œil. Il s’attendait à ce que je m’enfuie. Et il le souhaitait probablement afin de pouvoir me battre à mort.

Mais Monsieur Mystérieux et sa cravate bleu canard m’avaient prévenue.

Ça me rendait folle. Encore des questions sans réponses.

Que gagnait-il à m’aider  ? Quelle récompense en tirait-il  ?

Rien que je puisse deviner. Quand des hommes venaient au manoir, je les scrutais à tour de rôle, cherchant l’homme à la cravate bleu canard.

Mais il n’était jamais parmi eux.

Je n’aurais pas de repos avant de connaître la vérité.

J’avais besoin de savoir s’il était un allié ou un ennemi. Il ne pouvait pas être un ami, parce qu’il aurait appelé la police.

Mais il ne pouvait pas non plus être un ennemi sinon il m’aurait laissée m’enfuir par la fenêtre.

Qu’est-ce qui m’échappait ?

Nous dînions en silence. On nous avait servi son plat favori : lasagnes et pain à l’ail. Je détestais les conditions de vie et l’homme qui me violait tous les jours, mais je ne pouvais pas nier que la nourriture était bonne. Au moins, j’avais ce maigre plaisir.

– Je pensais que tu allais t’enfuir.

La phrase est sortie de nulle part, et je n’ai pas pu empêcher mes mains de trembler légèrement. J’ai gardé les yeux rivés sur mon assiette, jugeant préférable de ne pas le regarder. Nous n’avions pas beaucoup parlé depuis le soir de l’opéra. Le seul moment où il ouvrait la bouche, c’était pour m’appeler sale petite pute — ma sale petite pute.

– Pardon ?

– À l’opéra. J’ai cru que tu allais essayer de t’enfuir.

Il a continué de manger comme si la discussion n’avait rien de conflictuel. En un sens, c’était vrai. Sinon ma tête aurait déjà heurté la table.

– Pourquoi ferais-je ça ?

J’étais devenue une bonne menteuse depuis que je vivais ici. Quand ma vie était en jeu, j’étais capable de tout pour survivre.

–  J’ai compris l’étendue de ton pouvoir. Tu me l’as montrée. Où irais-je ? Et puis, je n’irais pas bien loin avant que tu me rattrapes.

C’était la bonne réponse, car ses yeux ont brillé de plaisir.

Il adorait m’entendre flatter son ego, même si ce n’était que des écrans de fumée. Il aimait savoir qu’il avait le contrôle absolu sur moi — partout où j’allais. Je n’ai pas fait semblant de ne pas vouloir m’enfuir. Je lui ai simplement donné l’explication qu’il voulait entendre — et ça a marché.

– Brave petite pute.

Je ne me ferai jamais à ce nom.

–  Tu es plus futée que je le croyais. Ce feu brûle encore dans tes yeux, même plus faiblement. Mais ton cerveau prend les bonnes décisions. Tu comprends quand tu as perdu d’avance et tu sais quand te rendre. C’est ce que font les esclaves futées. Les autres n’ont jamais été aussi futées.

Je voulais lui planter mon couteau dans la gorge. Je voulais lui trancher l’artère carotide et le voir se vider de son sang et crever. Quand il me manquait de respect, j’avais envie de le tuer. Mais la façon dont il parlait de ses anciennes esclaves, dont il les traitait de faibles, me mettait dans une rage folle. Le fait qu’il les tuait si facilement, les jetait comme une capote usagée, me révoltait. Je ne voulais pas seulement me venger de ce qu’il me faisait subir. Je voulais aussi venger toutes les autres filles.

Il fallait que je réponde, car il me fixait dans l’expectative.

– Un jour peut-être que tu me donneras du pouvoir.

Il a gloussé comme si cette idée était hilarante.

– Pourquoi le ferais-je ?

– Eh bien, comptes-tu rester célibataire toute ta vie ? Tu n’as jamais pensé à avoir une femme ? Des enfants ?

Plus je le haïssais, plus il m’était di cile de le manipuler.

Les mots me brûlaient la gorge en passant.

–  Une femme  ? En quoi serait-ce une position de pouvoir ?

–  Mme  Bones  ? Mariée au criminel le plus riche du monde ? Je pense qu’un tel titre confère automatiquement du pouvoir. Il confère du respect. Il confère des privilèges. Elle pourrait débarquer chez n’importe qui et le tuer d’une balle dans la tête sans la moindre conséquence. Elle pourrait élever tes enfants dans le respect et la crainte de leur père. Il me semble que c’est une position dont rêverait n’importe quelle femme.

Il n’avait mangé que la moitié de son dîner, mais il n’a plus prêté attention aux plats. Il me regardait avec intérêt, réfléchissant à mes paroles.

– Je crois que je comprends maintenant.

Il comprenait quoi ? Avait-il deviné mon manège ?

–  Tu es arrivée ici pleine de haine pour moi. Mais maintenant, tu es jalouse de ma fortune. De mon pouvoir. Et tu veux avoir un peu de pouvoir — même si ça implique de m’épouser.

N’importe quoi qui pourrait l’empêcher de me fourrer un gode dans le cul.

Il a bu son verre de vin.

– J’imagine que je ne suis pas si repoussant après tout. Tu as appris comment fonctionne le monde réel. J’admire ton ambition. Rares sont les femmes ambitieuses.

J’ai une grande ambition : te tuer.

– J’ai déjà pensé à me marier, mais je n’ai jamais trouvé une femme digne de cette position. Peut-être que je l’ai trouvée, finalement.

Il a fait tinter son verre contre le mien pour trinquer.

J’ai bu une gorgée, espérant que la situation allait quelque part où j’avais envie d’être. Si j’étais sa femme, me traiterait-il en esclave ? Aurais-je de droit de sortir seule du manoir  ? Parce qu’alors, je pourrais certainement m’échapper.

– En e et.

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