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1. LE RÉCIT CHRONOLOGIQUE DE L’EXPÉRIMENTATION

1.1 Du changement dans la classe

Rapidement, j’ai observé qu’il y avait du changement dans les réactions des élèves. J’ai été témoin d’une situation critique lorsque fût le temps de s’habiller pour aller à l’extérieur. Voici un extrait de mon journal qui permet de voir l’évolution des enfants de la classe.

Le lundi 12 janvier 2015, 9 h 50

Les casiers de Francis et d’Alex sont côte à côte. Depuis que je suis dans la classe, les deux garçons se chamaillent beaucoup lorsqu’il est temps de s’habiller. Aujourd’hui, je vois les deux garçons commencer à s’obstiner et tout d’un coup, j’aperçois Francis prendre ses choses pour aller s’habiller plus loin. Je n’en croyais pas mes yeux ! Il a su utiliser à merveille la première étape de la résolution de problème (ignorer le problème) !

Au retour de la récréation, j’ai demandé à Francis de monter sur sa chaise pour qu’on puisse l’applaudir. J’ai expliqué aux élèves que lorsqu’ils feraient un bon geste, ils monteraient sur leur chaise et toute la classe applaudirait en signe de fierté. Ensuite, j’ai expliqué la situation de Francis et d’Alex aux autres enfants. Nous avons revu les quatre étapes de la résolution de problèmes par la suite. Plusieurs élèves m’ont alors donné différents exemples qu’ils avaient vécus avec leurs frères et sœurs durant la fin de semaine. J’ai alors senti que les étapes de la résolution de problèmes devenaient de plus en plus claires et que l’idée a fait son chemin dans la tête des élèves.

Par la suite, j’ai employé l’outil du temps dédié à deux de Nelsen (2012), en passant quelques minutes (lors des récréations, sur l’heure du dîner ou après l’école) avec chaque élève pour lui parler de ses intérêts et de sa famille. Cet outil visait à

entretenir le lien d’attachement avec chacun. Je les sentais surpris lorsque je posais mes questions. En effet, je crois qu’ils étaient déstabilisés que leur enseignante s’intéresse réellement à eux. Au préalable, je croyais que ces rencontres auraient été davantage bénéfiques en début d’année scolaire, mais avec du recul, je me rends compte que le fait de les planifier en milieu d’année m’a permis de pousser mes questions plus loin et de diriger nos échanges. Ayant 22 élèves, je n’ai pu tous les rencontrer la même semaine et j’ai étalé mes rendez-vous sur deux semaines. Un jour, Corinne m’a chuchoté à l’oreille qu’elle avait très hâte à son temps dédié à deux. De plus, un jour en fin de journée, j’ai avisé un élève que ce serait son tour le lendemain lors de la récréation, et le moment venu, il est resté en classe sans que j’aie besoin de le lui rappeler. Il m’a confié ne pas avoir oublié, car il avait très hâte à notre rencontre. J’étais enchantée de voir que cet outil avait des répercussions très positives.

Voulant impliquer le plus possible les élèves dans le bon fonctionnement du climat de classe, dès le mois de janvier, j’ai aussi implanté un système de responsabilités mensuel, confiant à chaque enfant une tâche précise. Entre autres, j’ai désigné un responsable de la propreté chargé de garder la classe en ordre en ramassant les papiers ou en rangeant les livres dans la bibliothèque, un responsable du silence dans les rangs qui avait pour tâche de faire le signe du silence aux élèves qui parlaient et même un responsable des repas chauds qui demandait à la classe qui mangeait à la cafétéria. Plusieurs de mes collègues ont soutenu qu’il était difficile de rendre des enfants de six ou sept ans autonomes et que de leur confier des responsabilités était en soi une bonne idée, quoiqu’utopique selon eux. Mon but fût alors de leur démontrer qu’ils avaient tort.

Au début de la répartition des responsabilités de classe, j’ai clairement expliqué aux élèves chacune des tâches. Pendant les premières semaines, j’étais également plus attentive pour m’assurer que le système soit correctement établi. Quelle ne fût pas ma surprise de voir à quel point les élèves prenaient leurs responsabilités au sérieux ! Ils

étaient contents de participer activement au bon fonctionnement de la classe. J’ai ressenti un sentiment de fierté en les observant tout au long des semaines, des mois. Comme ce genre de système de responsabilités a rendu les élèves plus autonomes, je n’avais plus, par exemple, à m’occuper des repas chauds le matin ou à placer les livres dans notre bibliothèque. J’ai cru en eux et ils ont su prouver que, peu importe l’âge que l’on a, il est possible d’engager une classe d’enfants dans une démarche positive à la fois individuelle et collective. Au fil du temps, un climat d’entraide a commencé à s’installer. Un jour, un élève ayant terminé son bricolage avant les autres a décidé de ramasser tous les papiers par terre, et ce, même si ce n’était pas sa responsabilité. Voici un extrait de ce qui s’est passé par la suite.

Le jeudi 23 avril 2015, 13 h 45

-Dominique : Madame Marie, Sébastien a ramassé tous les papiers par terre et ce n’était pas sa responsabilité.

-Viviane : Ce n’est pas grave ! Il est bien gentil d’avoir fait ça pour nous.

-Dominique : Oui, tu as raison !

-Moi : On pourrait le remercier devant les autres élèves ? -Dominique et Viviane : Oui !

-Moi (au reste de la classe) : Sébastien, j’aimerais que tu montes sur ta chaise. Dominique et Viviane ont un message pour toi.

-Dominique : Nous voulions te remercier d’avoir ramassé tous les papiers dans la classe.

Tous les élèves applaudissent Sébastien.

-Fanny : Oh ! Madame Marie tu pourrais lui donner un billet vert sur lequel serait écrit « Merci Sébastien de garder notre classe propre » et tu pourrais signer que c’est de la part de toute la classe ?

-Moi : Très bonne idée Fanny. On fait ça les élèves ? -Toute la classe : Oui !

J’étais remplie de joie et de fierté ! Je me souviens qu’au début de l’année, tous auraient réagi comme Dominique au début en criant à l’injustice et n’auraient pas démordu de cette perception. Le fait de les voir évoluer de la sorte m’a encouragée à continuer de travailler d’arrache-pied pour implanter la Discipline Positive en classe.