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3.4 Signatures du d´ esordre r´ esiduel

3.4.1 Champs pi´ ezo-´ electriques internes

Evaluation du champ pi´ezo-´electrique dans les fils en V

L’effet pi´ezo-´electrique se produit dans certains mat´eriaux semiconducteurs lorsqu’ils sont contraints [65]. Il est la cons´equence du caract`ere non centro-sym´etrique du cristal semiconducteur, ce qui est le cas pour les mat´eriaux III-V et II-VI. Dans les h´et´ero- structures, les contraintes apparaissent en g´en´eral uniquement au voisinage des h´et´ero- interfaces en raison du d´esaccord de param`etre de maille entre les diff´erents mat´eriaux, et relaxent lorsque l’on s’´eloigne de ces interfaces. Les polarisations et les champs ´electriques g´en´er´es par ces contraintes sont donc concentr´es autour des interfaces. Il est `a noter que seules les contraintes biaxiales, en particulier de cisaillement, donnent lieu `a l’apparition d’un champ pi´ezo-´electrique, qui n’existe pas en pr´esence d’une contrainte de compression uniaxiale. En termes de tenseur de contraintes, l’effet pi´ezo-´electrique est li´e `a l’existence d’´el´ements de matrice non-diagonaux diff´erents de z´ero dans ce tenseur.

Consid´erons d´esormais le cas de nos fils quantiques semiconducteurs. Les interfaces entre le puits de GaAs et la barri`ere de GaAlAs sont form´ees de facettes (100), (311) et (111). Les contraintes `a l’interface (100) sont de type uniaxial en raison de la grande

sym´etrie de cette surface, et ne g´en`erent pas de champ pi´ezo-´electrique. Les facettes (111) sont pour leur part relativement ´eloign´ees du centre du fil, et l’exciton est peu sensible aux polarisations et champs pi´ezo-´electriques relatifs `a cette interface. Nous nous int´eresserons donc de mani`ere pr´ef´erentielle `a l’interface (311). Nous ferons l’hypoth`ese que seul le GaAs est contraint, en raison de son ´epaisseur trop faible pour permettre une relaxation de la contrainte. La couche de GaAlAs, d’´epaisseur 900 nm, est pour sa part relax´ee au niveau du fil. Dans le GaAs, la polarisation P est reli´ee aux ´el´ements non diagonaux du tenseur de contraintes sym´etris´e ˆ par la relation [65, 66] :

Pi =

X

i6=j6=k

2e14jk,

o`u e14 = 0,16 C.m−2 est la constante pi´ezo-´electrique dans GaAs. Dans le rep`ere li´e `a cette interface, dont les axes sont x0 = [¯233], y0 = [01¯1] = x et z0 = [311] (Fig. 3.21), le tenseur de contraintes au voisinage d’une interface AlAs/GaAs est d´eduit des pa- ram`etres de maille des deux mat´eriaux [67]. Il relie les vecteurs de base (˜x0,˜y0,˜z0) de la maille du cristal contraint `a la base (ˆx0,ˆy0,ˆz0) du cristal non contraint par l’´equation ˜

x0 = (1 + x0x0) ˆx0 + x0y0yˆ0 + x0z0zˆ0 et ses analogues pour ˜y0 et ˜z0. Il varie en premi`ere

approximation lin´eairement avec la concentration d’Al, ce qui permet de le calculer `a l’interface GaAs/Al0,43Ga0,57As, ainsi que la polarisation et le champ ´electrique induits E = P/0r, o`u r = 12,85 est la constante di´electrique relative dans GaAs. Ces quantit´es sont r´ecapitul´ees dans la table 3.2.

(100) (311) (111) z [100] x [011] y [011] z' [311] y' [011] x' [233]

{

{

Sur la facette (100) Sur la facette (311)

Fig. 3.21 – Bases consid´er´ees dans le calcul du champ pi´ezo-´electrique.

AlAs / GaAs GaAs/Al0,43Ga0,57As

x0y0 = −1,37.10−3 x0y0 = +5,8.10−4 Pz0 = 1,9.10−4 C.m−2 Ez0 = 1,6.106 V.m−1

y0z0 = 0 y0z0 = 0 Px0 = 0 Ex0 = 0

x0z0 = −3,97.10−4 x0z0 = +1,7.10−4 Py0 = 5,4.10−5 C.m−2 Ey0 = 4,7.105 V.m−1

Tab. 3.2 – Contrainte, polarisation et champ pi´ezo-´electrique `a l’interface (113)A [67] Le changement de signe de la contrainte est dˆu `a l’ordre invers´e des mat´eriaux `a l’interface.

3.4 Signatures du d´esordre r´esiduel

Il existe donc `a l’interface (311) deux composantes non nulles de la polarisation, l’une dirig´ee suivant l’axe du fil (y0) et l’autre perpendiculaire `a l’interface (z0). Les champs ´electriques associ´es agissent sur les excitons confin´es dans le fil de mani`ere tr`es diff´erente suivant ces deux directions, que nous allons consid´erer s´epar´ement.

Effet de la composante du champ pi´ezo-´electrique perpendiculaire `a l’axe du fil

Dans la direction z0 perpendiculaire `a l’interface, les excitons sont confin´es et la pr´esence du champ ´electrique Ez0 se traduit par un effet Stark confin´e quantiquement

(QCSE). Ce champ se d´ecompose en deux composantes suivant l’axe z de croissance et l’axe y de confinement lat´eral respectivement. Pour obtenir un premier ordre de grandeur de l’effet de ce champ, nous pouvons calculer la correction en ´energie, au deuxi`eme ordre en perturbation dans la limite des faibles champs ´electriques [16, p 308], comme dans un puits quantique, dans les deux directions de confinement suppos´ees ind´ependantes (Fig. 3.22). Cette correction s’´ecrit dans le cas d’un puits quantique d’´epaisseur L `a barri`eres infinies −e2E2d2/∆E

Conf, o`u d = L/π2 est l’´el´ement de matrice de z entre les deux premi`eres sous-bandes du puits, et ∆EConf = 3¯h2π2/2mL2 est la diff´erence d’´energie entre ces deux sous-bandes. Elle est donc proportionnelle, pour l’exciton, `a −e2E2L4(m

e+ mh) en prenant soin de prendre les masses effectives du trou correspon- dant aux directions consid´er´ees. Cette correction vaut dans le cas des fils ´etudi´es environ −10 µeV dans la direction z0 et −200 µeV dans la direction y0. Elle est petite devant la s´eparation entre les premi`eres sous-bandes, ce qui justifie le traitement perturbatif choisi. Un traitement plus complet, tenant compte des fonctions d’onde r´eelles du fil quan- tique, a ´et´e r´ealis´e par L. De Caro et L. Tapfer dans des fils grav´es en V In0,2Ga0,8As/GaAs [68]. Le d´esaccord de maille entre InAs et GaAs ´etant environ 50 fois plus important qu’entre AlAs et GaAs (x0y0 = −6,69.10−2 au lieu de −1,37.10−3), les champs pi´ezo-

´electriques sont importants dans ce type d’h´et´ero-structures, malgr´e une constante pi´ezo- ´electrique plus faible (e14 = 0,045 C.m−2) et une constante di´electrique r = 15,15 plus grande dans InAs que dans GaAs. Dans cette ´etude, les champs pi´ezo-´electriques sont aussi de l’ordre de 106V.m−1sur les facettes lat´erales du fil, soit 2 fois moins que dans nos fils, et la correction en ´energie vue par les excitons est de l’ordre de −5 meV . En tenant compte de l’extension des ´etats confin´es dans la direction lat´erale, qui donne lieu `a l’effet le plus important comme nous venons de le voir, et qui est deux fois plus importante dans les fils InGaAs que dans nos fils, nous pouvons extrapoler la correction en ´energie induite dans notre syst`eme, qui vaut environ −5 meV × 2/24 ≈ −0,5 meV en vertu de la loi en L4 ´ecrite ci-dessus.

Effet de la composante du champ pi´ezo-´electrique parall`ele `a l’axe du fil Dans la direction libre y0 = x du fil, le champ pi´ezo-´electrique Ey0 ≈ 5.105 V.m−1

entre en comp´etition avec l’interaction Coulombienne entre l’´electron et le trou [16, p 304]. Notons qu’il n’agit pas sur le mouvement du centre de masse de l’exciton, mais seulement sur son mouvement relatif, car la charge totale de l’exciton est nulle. L’ha- miltonien d’interaction entre l’exciton et le champ est eEy0x, o`u x d´esigne comme `a la

section 1.4 le mouvement relatif de la paire ´electron-trou. Il importe donc de comparer la quantit´e eEy0a1D ≈ 3,5 meV , `a l’´energie de liaison de l’exciton ECoul ≈ 20 meV , o`u

a1D ≈ 70 ˚A est le rayon de Bohr de l’exciton. Tant que eEy0a1D < ECoul, l’´etat li´e exci-

z E

Ez'

Fig. 3.22 – Repr´esentation sch´ematique de l’effet d’un champ ´electrique selon la direction de confinement, dans un puits quantique

pr´esente les deux premiers ´etats de l’exciton, calcul´es pr´ec´edemment, et le potentiel Cou- lombien associ´e corrig´e de l’hamiltonien d’interaction avec le champ Ey0. L’effet du champ

pi´ezo-´electrique apparaˆıt clairement comme ´etant non n´egligeable, et seul l’´etat fonda- mental de l’exciton persiste, les ´etats excit´es ´etant ionis´es. La correction ´energ´etique `a l’´energie de l’´etat fondamental de l’exciton peut ˆetre calcul´ee, comme dans le cas de l’effet Stark confin´e, au deuxi`eme ordre en perturbation, et est donn´ee par −e2E2

y0x201/∆ECoul,

o`u x01≈ 20 ˚A est l’´el´ement de matrice de x entre les deux premiers ´etats excitoniques, et ∆ECoul = ECoulnX=1− E

nX=0

Coul ≈ 16 meV est la diff´erence d’´energie entre ces deux ´etats. Elle est d’environ −70 µeV , mais la validit´e de l’approche perturbative est remise en cause par l’ionisation du premier ´etat excit´e de l’exciton, qui n’existe plus en tant que tel.

Cependant, il ressort de cette ´etude que l’effet d’un champ pi´ezo-´electrique est tr`es important dans la direction libre du fil et ionise les ´etats excit´es de l’exciton, mˆeme si l’´etat fondamental semble faiblement perturb´e. De plus, nous avons consid´er´e jusqu’ici l’effet d’un tel champ sur un exciton d´ej`a form´e, mais les paires photocr´e´ees dans les sous- bandes sup´erieures du fil quantique ne sont en g´en´eral pas li´ees, et doivent donc migrer sous l’effet du champ pi´ezo-´electrique dans des directions oppos´ees, ce qui ne favorise pas la formation de l’exciton et diff`ere fondamentalement de la situation en l’absence de champ.

Nous devons tout de mˆeme noter que le champ Ey0 calcul´e constitue une majoration

du champ r´eellement vu par l’exciton, pour deux raisons : d’une part, la fonction d’onde dans la premi`ere sous-bande est concentr´ee lat´eralement au centre du V, o`u il n’existe pas de champ pi´ezo-´electrique; d’autre part, l’orientation du cisaillement sur les deux facettes (311) gauche et droite du fil ne sont a priori pas corr´el´ees. Si le cisaillement est

3.4 Signatures du d´esordre r´esiduel -500 0 500 -20 -10 0 10 20 V(x)-e (Ey' /10) x V(x)-e Ey' x Exciton n=1 : ionisé Exciton n=0 : stable Mouvement relatif xe-xh (Å)

Energie (meV)

Fig. 3.23 – Repr´esentation sch´ematique de l’effet d’un champ ´electrique selon la direction libre du fil quantique. Les deux premiers ´etats excitoniques calcul´es dans la section 1.4 sont pr´esent´es, ainsi que la somme du potentiel Coulombien effectif V1,1,1,1(x) (d´efini au paragraphe 1.4) et du potentiel g´en´er´e par les champs Ey0 (traits pleins) et Ey0/10 (traits

orient´e dans le mˆeme sens, les champs pi´ezo-´electriques g´en´er´es par chacune des facettes sont aussi de mˆeme sens, alors que si les cisaillements sont de sens oppos´es, les champs sont de sens contraires et leurs interactions avec le mouvement relatif de l’exciton se compensent au premier ordre suivant l’axe du fil. Nous sommes donc amen´es `a nous interroger sur la nature de l’ordre sur les facettes lat´erales. Les contraintes sur les deux facettes de part et d’autre du V sont-elles corr´el´ees ? Cela est peu vraisemblable car les facettes sont s´epar´ees par une interface (100) non contrainte. Quelle est la longueur de corr´elation de la contrainte sur ces facettes ? Les ´etudes r´ealis´ees en microscopie `a force atomique et en microscopie ´electronique en transmission ne donnent pas acc`es `a ce type d’informations, qui n´ecessiteraient une r´esolution sub-atomique et une analyse tr`es complexe [69]. Il est cependant probable que la contrainte relaxe `a chaque marche d’une mono-couche sur les interfaces, voire mˆeme sur des distances beaucoup plus courtes. Dans tous les cas, le mouvement relatif de l’exciton sonde le champ pi´ezo-´electrique moyenn´e sur les deux facettes gauche et droite, et sur le rayon de Bohr de l’exciton. Mˆeme dans le cas o`u ce champ moyenn´e est 10 fois inf´erieur au champ calcul´e, comme pr´esent´e sur la figure 3.23, son effet resterait non n´egligeable et entrainerait en particulier l’ionisation des ´etats excit´es de l’exciton et influencent sa formation.

Mise en ´evidence de l’existence de ce champ dans certains ´echantillons de fils en V

Nous avons d´ej`a cit´e les travaux exp´erimentaux et th´eoriques r´ealis´es sur une structure laser `a base de fils en V InGaAs/GaAs [68]. Lorsque le courant d’injection, et donc la densit´e de porteurs, est augment´ee, la raie d’´electro-luminescence se d´eplace vers les hautes ´energies d’environ 4 meV . Le calcul de la composante du champ pi´ezo-´electrique perpendiculairement `a l’axe du fil montre que la correction associ´ee est de l’ordre de 5 meV sur l’´energie de confinement des porteurs. En raison du faible confinement dans ces fils de 10 nm d’´epaisseur, l’´energie de liaison des excitons y est faible et les auteurs associent la luminescence `a la recombinaison de paires ´electron-trou libres quelle que soit la densit´e de porteurs, comme le confirment les r´esultats de magn´eto-luminescence; la composante du champ pi´ezo-´electrique selon l’axe du fil est n´eglig´ee. Le d´eplacement de 4 meV de la raie en fonction de l’intensit´e inject´ee est attribu´e `a l’´ecrantage par le gaz de porteurs des champs pi´ezo-´electriques internes, qui comme nous l’avons vu abaissent l’´energie de la transition. Il se produit `a une densit´e de porteurs qui ´egale la densit´e de charges de polarisation. Ce dernier argument peut ˆetre compris comme suit : les charges de polarisation, qui sont virtuelles, s’accumulent sur les interfaces (311) inf´erieure et sup´erieure du fil dans le cas du champ perpendiculaire au fil, avec une densit´e de l’ordre de 10−4 C.m−2 ≈ 1015e.m−2. En prenant, comme pr´ecis´e dans cet article, pour extension lat´erale de la fonction d’onde confin´ee 25 nm, cela correspond `a une densit´e lin´eique de charges de l’ordre de quelques 10 µm−1 dans le fil. Ces travaux mettent donc en ´

evidence l’existence du champ pi´ezo-´electrique dans les structures de fils grav´es en V, et son ´ecrantage par les porteurs.

Des exp´eriences r´ealis´ees par X.Q. Liu ont r´ecemment permis de mettre en ´evidence l’existence de champs pi´ezo-´electriques dans les fils quantiques GaAs/GaAlAs grav´e en V fabriqu´es par X.L. Wang [70]. L’´echantillon ´etudi´e est singulier, et le comportement ob- serv´e n’est reproduit par aucun des ´echantillons pr´esent´es dans ce m´emoire. Sa sp´ecificit´e est de comporter un super-r´eseau de courte p´eriode en-dessous du fil en V, permettant d’am´eliorer la qualit´e des interfaces (311) et d’y supprimer une partie de la rugosit´e `a courte ´echelle [14]. Il a ´et´e r´ealis´e avec l’ancienne source d’arsenic (AsH3), et en utilisant

3.4 Signatures du d´esordre r´esiduel

le proc´ed´e d’attaque chimique du substrat `a l’ammoniac. Les principales caract´eristiques de cet ´echantillon sont les suivantes : `a basse temp´erature (T = 10 K), le spectre de lumi- nescence d´epend fortement de la densit´e de porteurs, et la raie se d´eplace d’environ 5 meV vers le bleu tout en s’affinant spectralement (de 16 `a 10 meV ). La d´ependance de l’inten- sit´e int´egr´ee en fonction de la puissance int´egr´ee montre qu’une partie de la recombinaison est non radiative `a tr`es faible densit´e de porteurs. Ces effets sont compl`etement absents `

a plus haute temp´erature (T = 100 K). D’autre part, l’absorption dans la premi`ere sous- bande est compl`etement inhib´ee `a basse temp´erature et faible densit´e de porteurs, et est recouvr´ee lorsque la temp´erature est augment´ee ou lorsqu’un second faisceau laser cr´ee des porteurs `a plus haute ´energie. Ces deux propri´et´es sont interpr´et´ees comme la signature de l’existence de champs ´electriques internes, d’origine pi´ezo-´electrique, dus `a l’am´elioration de la qualit´e des interfaces (311). Leur disparition lorsque la temp´erature ou la densit´e de porteurs augmente, comme dans les exp´eriences r´ealis´ees sur des fils InGaAs, montre que ces champs internes sont ´ecrant´es par le gaz de porteurs photocr´e´es. En conclusion, ces exp´eriences ont montr´e qu’il existe un fort effet pi´ezo-´electrique dans les fils quantiques GaAs grav´es en V lorsque les interfaces lat´erales (311) sont de grande qualit´e structurale.