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I. « Culture locale » : qu’est-ce à dire ?

I.1. Cadre géographique

I.1.2. Chalosse et pays de Dax

J’ai pris comme terrain d’étude l’ensemble géographique constitué par l’arrondissement de Dax et la Chalosse. Effectivement, mes observations et études de terrain précédentes ont mis en évidence cette zone sud sud-ouest des Landes à travers des indicateurs culturels (fêtes, bandas, basket …). Aussi, j’ai réalisé une

première enquête de terrain en Chalosse (dans le cadre de mon DEA) puis d’étendre

mon périmètre d’investigation à l’arrondissement de Dax (Carte 8) afin de se référer

à un micro-terrain associant petite ville (Dax) et campagne.

En effet, comme je l’ai précédemment évoqué, l’agriculture occupe une place importante dans ce département où la Chalosse joue un rôle majeur avec une vieille société paysanne. Pour autant, la Chalosse demeure un désert urbain comme nous l’expliquent G. Di Méo, J.-P. Castaingts et C. Ducournau en montrant comment la thèse de l’organisation spatiale en alvéoles hexagonaux ou modèle de Christaller s’applique en Chalosse : l’absence de tout contrôle urbain immédiat sur l’espace nécessite le recours, en matière de services, à un échelon de petites ou de moyennes villes (en l’occurrence Dax) bordières ou extérieures (cité dacquoise excentrée vers l’ouest) laissant « le terrain libre, au cœur de la Chalosse, à la ruralité

profonde » (DI MEO G., CASTAINGTS J.-P. et DUCOURNAU C., 1993). Le « vide du treillis de Christaller » mis à jour par ces auteurs et par ailleurs souvent repéré

comme distinctif de la Chalosse ne peut se concevoir sans prendre en compte la mobilité des individus inhérente au mode de vie contemporain et les contacts

nombreux avec le monde urbain qu’ils entretiennent. Nos relations ne peuvent laisser

la ville de côté, c’est pourquoi j’ai choisi d’intégrer Dax et son agglomération à ma zone d’étude. Ainsi, mon espace d’investigation forme une unité au cœur rural avec sa petite ville constitutive inscrite dans le système landais, mais aussi contact avec les micro-régions du Béarn et du Pays basque.

I.1.2.1. La Chalosse, point de départ de mon

étude

La Chalosse constitue un territoire local repéré, même si ses limites demeurent toujours aussi difficiles à établir, celles-ci variant au gré des auteurs et des études. Pour autant, ce territoire aux délimitations floues est une réalité géographique largement reconnue et admise, même si quelques incertitudes demeurent à propos, donc, de ses limites. Il constitue mon premier terrain d’étude. En effet, j’y avais réalisé ma première enquête intitulée « enquête sur la vie quotidienne ». Mais pourquoi la Chalosse ? Plusieurs raisons ont motivé mon choix.

Mes observations de terrain et ma pratique de l’observation participante m’ont permis

d’identifier quelques spécificités culturelles plus particulièrement au sud du

département. J’ai alors saisi quelques indices d’identité culturelle autour de la fête

choisi un espace (au cœur du sud landais) particulièrement qualifié et reflétant l’idée de ruralité précédemment évoquée et latente derrière la notion de culture locale : la Chalosse. Bien qu’il s’agisse plus du discours, des représentations, il apparaît

indubitablement que l’idée de Chalosse est associée au sud des Landes,

« s’opposant » au nord du département, la Haute Lande. Soulignons par exemple

que dans le cadre de l’étude des sentiments d’appartenance des musiciens de

bandas10, parmi les pays les plus souvent cités, revenait la Chalosse. On

comprendra dès lors pourquoi il est fait autant référence au nom de ce pays,

« porteur », peut-être comme le souligne l’historien M. Papy, pour le « vin des

coteaux de Chalosse », le « bœuf de Chalosse », mais utilisé tout autant pour des

activités autres (PAPY M., THIBON C. (coord.), 2005) comme le montre le

recensement des dénominations « Chalosse » dans les Pages Jaunes de l’annuaire

téléphonique des Landes. Effectivement, si l’on interroge cet annuaire en ligne, 82

réponses sont données à la recherche « Chalosse » dans le département. Celles-ci concernent des activités diverses et variées : « Coopérative Agricole Foie Gras de Chalosse » certes (à Montfort-en-Chalosse), mais aussi « Chalosse Optique » (à Saint-Sever), « Pharmacie de Chalosse » (à Pomarez), « Peintures Chalossaises » (à Montfort-en-Chalosse), « CUMA Tradition Chalossaise » (à Mugron), « CUMA La

Chalossaise » (à Sort-en-Chalosse) … et d’ailleurs, nous pouvons même trouver une

« Auberge de la Chalosse » à Castelnau-Chalosse comme à Dax. C’est néanmoins

majoritairement en Chalosse (formée de ses six cantons comme le montrent la carte 8) que se retrouvent ces dénominations comme le montre la carte ci-après (Carte 9).

10

Une banda est un groupe de musiciens mobiles animant les fêtes (majoritairement dans le Sud-Ouest de la France) et jouant principalement des morceaux espagnols ou basco-navarrais.

Carte 9 : Dénominations "Chalosse" dans l’annuaire Pages Jaunes

Source : Annuaire téléphonique Pages Jaunes 2012

La Chalosse nous a donc servi de cadre de ruralité dans un contexte sud landais, un contexte territorial fort et largement reconnu, identifié. Il ne s’agit pas d’un cadre imposé aux personnes enquêtées mais simplement d’un « espace repère » pour

mener cette étude. J’ai pris ce cadre en quelque sorte sans le dire, sans en informer

les personnes, les interlocuteurs que j’ai rencontrés. Ajoutons que mon choix s’est

opéré également par souci méthodologique. Effectivement, comment délimiter,

circonscrire le sud du département ? Cet espace n’est-il pas trop « grand » pour un

territoire local ? Loin de pouvoir la définir, la circonscrire de façon claire et définitive, la Chalosse me semble constituer un nom qui admet « une géographie variable et ne

correspond pas à un espace clairement défini, immuablement clos » comme le

souligne G. Di Méo (DI MEO G., CASTAINGTS J.-P., DUCOURNAU C., 1993). Mais c’est justement ce qui fait tout l’intérêt de cet objet éminemment géographique et en même temps territoire un peu évanescent que constitue la Chalosse, un espace non-délimité par des frontières. Nous sommes dans l’entre deux, entre ouverture sur le

Marensin, le Marsan au nord, le Béarn au sud-sud-est, le Pays d’Orthe à l’ouest, le

« Jamais les six cantons que nous qualifions de chalossais (Mugron, Montfort,

Saint-Sever, Hagetmau, Amou et Pouillon) n’ont été réunis au sein d’une même division juridique, féodale ou ecclésiastique. » (DI MEO G., 1995). Mais quoi qu’il en soit, la

« genèse territoriale » semble relever d’une situation particulière, fondée, au fil des

siècles, sur une profonde ruralité.

Par souci méthodologique, j’ai donc choisi de retenir les délimitations qui renvoient

aux « six cantons » prenant pour référence l’article réalisé par G. Di Méo, J.-P. Castaingts, C. Ducournau en 1993. De telles délimitations ont été retenues par souci pratique, pour circonscrire mon territoire d’étude ou plutôt mon terrain d’étude sur

lequel j’ai mené une « enquête sur la vie quotidienne ». Il m’est donc apparu

judicieux de prendre pour terrain d’étude, de départ, la Chalosse. Ce cadre spatial a été repéré a priori du fait de la spécificité apparente d’un certain nombre de manifestations géographiques (Photographie 1) et culturelles identifiées tant au plan individuel (enquêtes) qu’à celui des familles et des groupes sociaux à caractère associatif qui le composent ou s’y observent.

Photographie 4 : Coteaux de Chalosse

La démarche que j’ai adoptée était donc la suivante : élaborer, d’une part, une

méthodologie permettant d’aborder l’objet culture locale en géographie, au moyen d’une étude sur ce territoire par le biais d’entretiens auprès des familles. D’autre part, dans une perspective plus large, ces observations devaient me permettre de

construire un modèle interprétatif pour un travail de recherche plus approfondi afin de mener à bien les travaux de ma future thèse.

I.1.2.2. Dax au cœur des pays de l’Adour

Ma première enquête de terrain (PENDANX M., 2005) réalisée comme je viens de le préciser en Chalosse m’ a permis de mettre en place un dispositif que j’ai choisi d’étendre à Dax, son agglomération et son arrondissement.

Comme je l’ai précédemment évoqué, le département des Landes ne saurait se

réduire sur le plan paysager à une monotonie et homogénéité paysagère dont la forêt landaise constitue l’emblème. Cette imagerie est très puissante, comme nous pouvons le constater, notamment, dans les prospectus touristiques. Pour autant, Les Landes n’ont pas ce seul « visage » : « La Révolution a uni en un même

département deux pays très différents : le pays forestier du plateau landais au Nord, le pays agricole et accidenté que draine l’Adour au Sud. Quel contraste entre les deux paysages : du haut des collines qui bordent l’Adour d’Aire à Dax, on les voit brutalement s’opposer. » (PRIGENT E., PAPY L., 1935). Dax fait précisément partie

de ces « pays de l’Adour », expression qui « groupe les riches coteaux qui étalent

leurs damiers de champs, de prairies et de bois entre la forêt landaise, et le département des Basses-Pyrénées» (Ibid.). Pour des raisons « pratiques » (que

j’expliquerai dans la partie consacrée à la présentation de la méthodologie mise en œuvre), j’ai choisi de travailler à l’échelle de l’ensemble géographique constitué par l’arrondissement de Dax que je dénommerai « Chalosse et Pays de Dax ». D’une

part, j’ai constaté que l’ouest de la Chalosse entretenait de fortes relations avec Dax,

matérialisées par les flux constitués des parcours quotidiens effectués par les familles enquêtées pour aller au travail, faire les courses… D’autre part, il m’est apparu pertinent de prendre en compte le phénomène de gravitation observé entre la ruralité landaise et la ville au travers du contact urbain / rural caractéristique de l’arrondissement de Dax. En effet, la Chalosse ne comportant pas de ville, je n’aurais pas pu saisir les effets de cette rencontre entre espace rural et espace urbain. Enfin,

le retour réflexif que je peux faire sur ce travail d’enquête une fois effectué conforte

ce choix : Dax apparaît effectivement comme la référence dans toutes les enquêtes

recherche et d’enquête que je présenterai plus loin. Attachons nous à présent à mon terrain formé par l’arrondissement de Dax (Planche cartographique 2) et la Chalosse. Précisons à ce propos que la Chalosse est partagée entre les deux espaces

administratifs que sont l’arrondissement de Mont-de-Marsan et l’arrondissement de

Dax. J’ai pris en compte l’arrondissement de Dax dans son ensemble en dépit de la

diversité paysagère (décrite précédemment) existant dans Les Landes de part et d’autre de l’Adour, considérant cet espace d’investigation comme un espace au contact entre intérieur et littoral, plateau landais et territoires de l’Adour, département des Landes et Pyrénées-Atlantiques.

J’ai précédemment présenté la Chalosse, apportons à présent quelques précisions

sur Dax et son agglomération11

(Carte 10). A la lisière des Landes et de la Chalosse, Dax se situe à cheval sur l’Adour. Les Romains en avaient fait une ville fortifiée cernée de remparts sur la rive gauche du fleuve, pour en contrôler le passage. Sous-préfecture des Landes, elle compte en 2012, selon le recensement réalisé par l’INSEE, 22035 habitants contre 20649 habitants en 1999. Cette ville a connu ainsi une augmentation de 6,8 % de sa population entre ces deux dates. Seconde sur le

plan démographique au niveau départemental, Dax rime aujourd’hui avec station

thermale (la première de France avec plus de 47000 curistes) et feria.

Carte 10 : Dax et son agglomération

Ma zone d’étude correspond à l’arrondissement de Dax que nous pouvons localiser

ci-dessus à partir des cartes servant de base aux recensements réalisés par l’INSEE

(Planche cartographique 2). Cet ensemble situé au sud-ouest du département des Landes, au contact du département des Pyrénées-Atlantiques, se compose de 13

11

cantons dont 4 chalossais. J’ai choisi de conserver la totalité de la Chalosse pour

une cohérence de territoire rural. De même, j’ai élargi mon terrain à l’ensemble de

l’arrondissement de Dax afin de prendre en compte la totalité de l’aire d’attraction de

la ville au nord et à l’ouest. Cet ensemble que j’appelle « Chalosse et Pays de Dax »

me permet ainsi de réaliser mon étude non seulement à la campagne, à la ville mais aussi au contact de ces deux catégories spatiales de plus en plus difficilement délimitables (rural et urbain) avec l’éclatement des territoires de vie, des temps

sociaux et des mobilités, l’intense diffusion urbaine.

.

Par les effets de frontière et les jeux d’interférences d’identité qui peuvent en découler, cet espace situé dans l’extrême Sud-Ouest de la France se caractérise par un effet cul-de-sac géographique. Une véritable marquèterie territoriale et identitaire le caractérise autour de la Gascogne et à proximité de la frontière espagnole avec une discontinuité supplémentaire introduite par le Pays basque où s’opèrent des jeux d’influences et d’échanges par rapport à l’Adour, axe de communication et de commerce par le passé.