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Le fondement de la transplantation de CSH repose sur les faits suivants : 1) ces cellules sont autorenouvelables et multipotentes, et 2) elle sont capables de migrer vers leur environnement dédié (niche) grâce à un processus dynamique d’autoguidage. Une fois perfusées au patient, les CSH du donneur ont la capacité d’aller occuper la moelle osseuse du receveur ("phénomène de homing"), de proliférer et de rétablir les fonctions médullaires en se différenciant en toutes les lignées sanguines (Suarez-Alvarez, Lopez-Vazquez et al. 2012, Servais, Beguin et al. 2013). Un régime de conditionnement préparatoire est requis avant la greffe afin de permettre une prise efficace du greffon. Ce régime à base de chimiothérapie ou d’irradiation corporelle totale (ICT) permet d’éradiquer la moelle osseuse du patient, et rend ainsi la niche disponible pour les CSH du donneur. L’acceptation et le maintien de ce greffon sont dépendants du niveau de tolérance de l’hôte envers les cellules du greffon (réaction allogénique) (Khouri, Keating et al. 1998, Slavin, Nagler et al. 1998, Servais, Beguin et al. 2013). La capacité des cellules immunitaires du greffon à détruire les cellules résiduelles de l’hôte joue également un rôle dans la survie de ce greffon (Locatelli, Lucarelli et al. 2014). Les CSH résident dans deux types d’environnement spécifique, soit la niche principale ostéoblastique ou la niche vasculaire secondaire. Dans la moelle osseuse, les cellules sont en quiescence pour l’autorenouvèlement. La niche vasculaire constitue quant à elle un réservoir de cellules souches activées capables de proliférer et de se mobiliser rapidement aux sites de blessures. L’équilibre entre les processus d’autorenouvèlement et de différenciation est soumis à un contrôle fin s’opérant entre la CSH et son environnement dédié. Également, la localisation des CSH entre les deux niches est dynamique et bidirectionnelle. En effet, les CSH ont la capacité de quitter la niche ostéoblastique et de voyager dans la circulation sanguine vers les tissus périphériques et la niche endovasculaire. Elles peuvent également quitter la périphérie pour retourner à la moelle osseuse (Suarez-Alvarez, Lopez-Vazquez et al. 2012). Cette caractéristique est d’ailleurs mise à profit pour faciliter la collecte des CSH du donneur. Grâce à des approches pharmacologiques, il est possible de favoriser la mobilisation des cellules de la moelle vers le sang périphérique. Ce processus complexe fait intervenir une multitude de molécules, telles des chimiokines, des facteurs de croissance, des enzymes protéolytiques, des molécules d’adhésion et de signalisation agissant de concert localement ou de façon systémique. Particulièrement, l’axe SDF-1 (CXCL12)/CXCR4 est très important pour réguler la mobilisation et le maintien des CSH à la niche en exerçant un gradient chimioattractif sur les cellules. La molécule d’adhésion VCAM-1 et son récepteur 4ß1, la tyrosine-kinase c-KIT et son récepteur CD117, de même que le plasminogène (précurseur de la protéase plasmine) sont des exemples d’autres molécules impliquées dans ce processus (Figure 2) (Sahin and Buitenhuis 2012, Alvarez, Carrillo et al. 2013).

Figure 2. Mobilisation et "homing" des CSH à la moelle osseuse.

Ces deux phénomènes font intervenir des processus opposés, mais mettant en jeu les mêmes molécules. La diminution de l’expression des molécules d’adhésion et de la chimiokine SDF-1 promeut la mobilisation des CSH vers le sang périphérique. Inversement, les CSH qui expriment le récepteur membranaire CXCR4 sont attirées vers la niche ostéblastique exprimant la chimiokine SDF-1. La cytokine G-CSF favorise la mobilisation des CSH vers la périphérie en : 1) induisant la libération de protéases menant à la diminution des molécules d’adhésion, et 2) en diminuant l’expression en ARNm de SDF-1. Tirée de Suarez-Alvarez B. 2012

La reprise de la fonction hématologique est attendue dans les 14 à 30 jours après la greffe, selon la source de CSH. La prise du greffon est confirmée lorsque, pour trois jours consécutifs, les neutrophiles sont >0.5 x 109/L et les plaquettes >20 x 109/L en l’absence de transfusions sanguines. Toutefois, cette reprise est progressive et la chronologie de repopulation des différents types cellulaires est variable (Rocha, Labopin et al. 2004, Seggewiss and Einsele 2010). Par exemple, les neutrophiles, les plaquettes et les cellules tueuses naturelles (cellule NK) récupèrent en quelques semaines, alors que les cellules B et T récupèrent en quelques mois ou années (Marie-Cardine, Divay et al. 2008, Bosch, Khan et al. 2012, Perales and van den Brink 2012). Également, la vitesse à laquelle ce processus survient est influencée par plusieurs facteurs, dont l’âge du patient, l’intensité de la chimiothérapie, l’occurrence de la GvHD, la présence de disparités géniques entre le donneur et le receveur, la prophylaxie préventive et la constitution du greffon (Marie-Cardine, Divay et al. 2008, Perales and van den Brink 2012). Durant les premiers mois après la greffe, on observe la coexistence des cellules résiduelles du receveur (lymphocytes T et cellules présentatrices d’antigènes, CPA) et des cellules du donneur. Progressivement, un chimérisme s’opère, c’est-à-dire que les cellules du donneur

éliminent les cellules résiduelles du patient et, par la même occasion, les cellules cancéreuses. Dans le cas des maladies malignes, un chimérisme complet est souhaitable. Parfois, seulement un chimérisme mixte sera possible. Dans ce cas, les cellules de l’hôte persistent et représentent de 5 à 95% des cellules sanguines totales (Barrett 2006, Locatelli, Lucarelli et al. 2014). Cette situation survient particulièrement lors de l’utilisation d’un conditionnement à intensité réduite. Toutefois, un chimérisme partiel peut être acceptable dans certaines situations cliniques. Par exemple, en traitement de la thalassémie sévère, la coexistence stable (2 ans et plus) des cellules du donneur et du receveur peut suffire à améliorer significativement les symptômes du patient et empêcher la reprise de la maladie (Andreani, Nesci et al. 2000, Andreani, Testi et al. 2008).

2.1 Sources de CSH

Pendant plus de 20 ans, la moelle osseuse a été la seule source de CSH disponible. C’est grâce à la découverte des CSH circulantes dans les années 60 qu’on a pu diversifier la provenance du greffon. Toutefois, ce n’est que vers la fin de 1980 que ces cellules ont pu être utilisées concrètement en clinique de greffe. Cette avancée a été possible grâce au développement des technologies d’aphérèse et à la découverte de molécules capables de mobiliser les CSH dans le sang périphérique. Par la suite, l’utilisation de cette source de cellules a rapidement gagné en popularité et est maintenant le type de greffon préféré dans 75% des greffes (Korbling and Freireich 2011). La découverte des CSH dans le sang de cordon ombilical est quant à elle survenue en 1978, ce qui a permis neuf ans plus tard de réaliser avec succès la première greffe mondiale de sang de cordon chez un enfant atteint d’anémie de Fanconi (Cheuk 2013). Chacune de ces trois sources de CSH possède ses avantages et ses inconvénients (Tableau 1). Également, des facteurs comme l’intensité du conditionnement, les manipulations du greffon (ex : déplétion des lymphocytes T) et la thérapie immunosuppressive ont un impact sur les risques et les bénéfices attendus avec chacune des sources. Le choix du type de greffon doit notamment tenir compte de la disponibilité du donneur, de l’âge du patient et de sa condition clinique (Cheuk 2013). Aucune évidence ne démontre la supériorité de l’une ou l’autre des sources de CSH pour ce qui est de la survie globale des patients (S.C.T.C.G 2005, Brunstein, Setubal et al. 2007, Bittencourt, Lopes et al. 2009, Friedrichs, Tichelli et al. 2010, Chen, Xu et al. 2013).

2.1.1 Moelle osseuse

La moelle osseuse est une source riche en cellules souches et est obtenue par une ponction intra-osseuse effectuée sous anesthésie générale ou épidurale. Le prélèvement s’effectue au niveau de la crête iliaque puisqu’il s’agit de l’os contenant le plus de moelle osseuse. Dans certains cas, un prélèvement au niveau du

sternum est possible. De 500 à 1000 millilitres de moelle sont habituellement prélevés chez l’adulte. La durée de la procédure varie entre une à deux heures et requiert une hospitalisation de 24 heures. L’anesthésie et la douleur induite par la méthode de prélèvement sont les deux inconvénients principaux pour le donneur (http:/www.chuq.qc.ca/fr/les_soins/cancerologie/greffe_moelle_osseuse, http//www.cancer.ca/en/cancer- information/diagnosis-and-treatment/stem-cell-transplant/). En ce qui a trait à la vitesse de la reprise hématologique et à la GvHD, la moelle osseuse offre un profil intermédiaire de risque comparativement aux deux autres sources de CSH, soit les CSH du sang périphérique et du sang de cordon ombilical. Également, advenant une incompatibilité sanguine (ABO) entre le donneur et le receveur, des manipulations du greffon peuvent être requises avant son injection pour diminuer son contenu en globules rouges (Cheuk 2013).

2.1.2 Sang périphérique

Le don de CSH à partir du sang périphérique s’effectue en clinique externe et ne requiert pas d’anesthésie. Les CSH sont prélevées par aphérèse. Cette procédure consiste à faire circuler le sang du donneur dans un appareil qui récolte les CSH (cellules CD34+) et retourne ensuite le sang au donneur. La procédure prend de trois à quatre heures et peut être répétée quotidiennement jusqu’à cinq jours consécutifs, afin de récolter une quantité suffisante de CSH. Les effets indésirables les plus fréquents pendant la collecte sont des frissons, des étourdissements, des picotements ou des crampes (http://www.hema-quebec .qc.ca/userfiles/file/ media/francais/publications/depcelsouche_potentiel.pdf, http:/www.chuq.qc.ca/fr/les_soins/cancerologie/greffe _moelle_osseuse, http//www.cancer.ca/en/cancer-information/diagnosis-and-treatment/stem-cell-transplant/). La quantité de CSH en circulation dans le sang est très faible en condition physiologique (0,01-0,05%) (Suarez-Alvarez, Lopez-Vazquez et al. 2012). C’est pourquoi le donneur reçoit un agent permettant de mobiliser les cellules souches vers le sang périphérique avant de faire son don. La molécule pharmacologique la plus utilisée est le filgrastim (Neupogen) qui est une forme recombinante du facteur stimulant les colonies de granulocytes (G-CSF). Le traitement consiste en une injection journalière sous-cutanée à débuter quatre jours avant la première aphérèse et à poursuivre jusqu’à la fin de la collecte de CSH (Suarez-Alvarez, Lopez- Vazquez et al. 2012, Society 2014). Une des particularités de ce type de greffon est son contenu dix fois plus élevé en CSH et de dix à 30 fois plus important en leucocytes, comparativement à la moelle osseuse (Heimfeld 2003). Il en résulte une reconstitution hématologique plus rapide et un potentiel moindre de rejet. En contrepartie, une augmentation du risque de GvHD est observée (Bittencourt, Lopes et al. 2009, Locatelli, Lucarelli et al. 2014).

2.1.3 Sang de cordon ombilical

Les cellules souches contenues dans le sang de cordon sont prélevées après l’accouchement et sont congelées pour un usage futur. Cette procédure est sans danger pour l’enfant et la mère. La principale limite de cette source de CSH découle du faible volume de sang dans le cordon. De ce fait, un nombre fixe et limité de CSH peut être récolté et perfusé au patient. On réserve habituellement ce type de transplantation aux enfants ou aux adultes de petite taille chez qui la dose cible de CSH peut être atteinte (http://www.hema- quebec.qc.ca/userfiles/file/media/francais/publications/depcelsouche_potentiel.pdf, http//www.cancer.ca/en/ cancer-information/diagnosis-and-treatment/stem-cell-transplant/). La quantité totale plus faible de cellules perfusées au patient est associée à un risque accru d’échec de la prise du greffon (5-10%), au ralentissement de la reprise hématologique, et secondairement à une incidence plus élevée d’infections (Anasetti, Aversa et al. 2012). Pour les patients de plus grande taille sans donneur compatible, une double greffe de sang de cordon peut être tentée (greffon provenant de deux donneurs distincts) (Brunstein, Gutman et al. 2010). En contrepartie, ce type de greffe présente les avantages suivants: le greffon est rapidement accessible une fois identifié, et la permissivité des discordances HLA est plus grande (Anasetti, Aversa et al. 2012). L’usage de cette source de CSH est relativement récent chez l’adulte. Son utilisation chez l’enfant est quant à elle courante et appuyée par une expérience clinique plus longue (Brunstein, Setubal et al. 2007).

Tableau 1. Comparaison des sources de CSH.

Variables Moelle osseuse Sang périphérique Sang de cordon

Intervalle entre le début de la recherche du

donneur et la greffe 3-6 mois 3-6 mois 2-4 semaines

Volume total du greffon 500-1000 mL 50-300 mL 25-150 mL

Dose minimale de cellules requises pour la greffe 2 x108/kg cellules

nucléées 2 x10

6/kg CD34+ 2 x107/kg cellules nucléées

Contenu en globules rouges Élevé Élevé Faible

Doses supplémentaires possibles Oui Oui Non

Reprise du greffon 21 jours 14 jours 30 jours

Reprise immunologique Plus rapide Plus rapide Plus lente

Risque de GvHD Intermédiaire Plus élevé Plus faible

Risque d’infections en post-greffe Plus faible Plus faible Plus élevé

Risque de transmission virale Plus élevé Plus faible Plus faible

Risque de reprise de la maladie Plus élevé Plus faible Plus élevé

Autres Collecte sous anesthésie G-CSF avant la

collecte Permissivité HLA Quantité limité de CSH Congélation des CSH Adapté de Cheuk D. 2013