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Étude du métabolisme de l’immunosuppresseur tacrolimus par la voie de glucuronidation

6. Hypothèses, objectifs, méthodologie et importance des articles dans la démarche scientifique

6.3 Étude du métabolisme de l’immunosuppresseur tacrolimus par la voie de glucuronidation

6.1 Étude systématique des polymorphismes génétiques des voies PK et PD des

immunosuppresseurs, dans les génomes des donneurs et des receveurs, en

lien avec la GvHD

La greffe allogénique de CSH, dont la visée thérapeutique est de guérir une maladie hématologique sévère ou mortelle, s’accompagne souvent d’une chimiothérapie myéloablative. Cette dernière génère des dommages tissulaires importants qui engendrent une réaction immunologique inflammatoire intense menant à la GvHD. En effet, l’environnement pro-inflammatoire rend les cellules immunocompétentes du donneur, contenues dans le greffon, particulièrement alertes aux disparités entre le soi et le non soi qu’est l’hôte. Ainsi, malgré l’appariement pour les HLA, la GvHD aiguë survient chez plus du quart des greffes apparentées et près de la moitié des greffes non apparentées (Couriel, Caldera et al. 2004, Lee, Klein et al. 2007, Welniak, Blazar et al. 2007, Pasquini 2008, Ferrara, Levine et al. 2009). Il apparait maintenant évident que des différences génétiques hors du locus HLA contribuent au risque de GvHD. La nature précise de ces miHA demeure à préciser. Par contre, comme mentionné précédemment, les gènes liés aux processus immunologiques suscitent un intérêt certain (Chien, Zhang et al. 2012, Harkensee, Oka et al. 2012). De ce fait, une prophylaxie immunosuppressive est essentielle en post-greffe pour améliorer le pronostic des greffés. Cette thérapie permet de limiter la prolifération et la différentiation excessives des cellules immunocompétentes du greffon,

des auteurs clés dans le processus menant à la GvHD (Storb, Antin et al. 2010, Sung and Chao 2013). Malheureusement, malgré cette thérapie, une proportion importante de greffés développe tout de même cette complication. Il est donc légitime de se questionner sur les caractéristiques distinguant les patients pour qui l’immunoprophylaxie fonctionne bien de ceux pour qui elle est inefficace.

L’hypothèse sous-jacente est que les variations génétiques des génomes du donneur et du receveur contribuent au développement de la GvHD en altérant l’efficacité des immunosuppresseurs par une modification de la concentration ou de l’action de ceux-ci chez le patient.

À l’appui, des études indiquent que les polymorphismes génétiques des gènes liés à des enzymes du métabolisme, du transport, et des cibles thérapeutiques des médicaments peuvent expliquer en partie l'hétérogénéité observée pour l’efficacité et la toxicité des médicaments. Par contre, la majorité de ces études ont une approche limitée à quelques polymorphismes dans quelques gènes candidats, ce qui offre un portrait incomplet de la diversité et de l’interaction des gènes. Également, l’étude de ces marqueurs dans des populations très homogènes, qui excluent par exemple les greffes avec des incompatibilités HLA ou les populations multiethniques, pourrait contribuer aux contradictions entre les études.

6.1.1 Sélection des gènes candidats et des polymorphismes de ces gènes

Le premier objectif spécifique de cette thèse consistait à dresser un portrait global de diversité polymorphique des gènes candidats. Ainsi, basé sur la littérature scientifique, 20 gènes prioritaires ont été sélectionnés en raison de leur potentiel à affecter l’exposition ou l’efficacité des immunosuppresseurs (CsA et MTX), ou sur la base d’une association antérieure avec le pronostic des patients en greffe de tous types. Les variants génétiques évalués pour chacun des gènes candidats ont pour leur part été sélectionnés selon ces 4 critères: 1) le polymorphisme est décrit dans la littérature scientifique comme pouvant affecter l’activité ou l’expression du gène; 2) le polymorphisme est connu comme pouvant modifier la PK ou la PD des inhibiteurs de la calcineurine ou du MTX; 3) le polymorphisme a déjà été associé au pronostic en greffe (complications et/ou survie); et 4) le polymorphisme permet d’expliquer la majeure partie de la diversité des haplotypes des gènes candidats chez les Caucasiens. Pour répondre à ce dernier critère, nous avons tout d’abord déterminé la diversité des variations génétiques des gènes à l’étude et leur degré de liaison basés sur les données du consortium international HapMap dans la population CEU (Utah residents with northern and western Europe Ancestry) (International HapMap 2003, Thorisson, Smith et al. 2005). Ces données ont ensuite permis d’appliquer une approche dite SNP étiquettes qui permet de représenter par un seul SNP (l’étiquette) un

ensemble de polymorphismes qui sont fortement liés entre eux sur un même chromosome, et qui sont hérités conjointement (haplotype) (Stephens, Smith et al. 2001, Barrett, Fry et al. 2005). Au total, 219 haplotypes et leurs SNP étiquettes ont été déterminés grâce au logiciel Haploview, avec une fréquence allélique minimale fixée à 5% et un degré de liaison de plus de 80%. Ces SNP étiquettes permettent de questionner 935 variations alléliques représentant plus de 80% de la diversité génétique de la majorité des gènes candidats, incluant les introns, les exons, 3-kb de la région non traduite (UTR) en 5 du gène, et 0.5-kb du 3- UTR chez la population Caucasienne.

6.1.2 Étude exploratoire dans une population de 104 patients greffés de CSH et leurs

donneurs respectifs

La relation entre les 219 polymorphismes candidats et les événements d’intérêt (GvHD aiguë grades 2-4, GvHD chronique et décès) a tout d’abord été étudiée dans une première cohorte rétrospective indépendante de 104 paires de donneurs-receveurs apparentées (208 génomes). Cette population était composée de sujets recrutés à l’Hôpital Saint Louis de Paris (deux tiers des sujets) de 2005 à 2011, et au CHU de Québec entre 2009 et 2011. L’objectif de cette première phase exploratoire était d’identifier parmi les 219 SNP étiquettes, un groupe restreint de polymorphismes prioritaires à étudier subséquemment dans une cohorte mature de plus grande envergure. Le détail des caractéristiques principales de cette cohorte exploratoire est présenté au tableau 7. En bref, le but de la greffe était chez la majorité des patients (90,4%) de traiter une maladie hématologique maligne. Dans les trois quarts des cas, cette greffe était précédée d’une chimiothérapie myéloablative. Une prophylaxie pour la GvHD à base de CsA était utilisée chez tous les patients après l’intervention. Dans 74% des cas, le MTX était l’agent préféré combiné à la CsA. Conformément à ce qui est rapporté dans la littérature, environ 30% des individus ont eu au moins un épisode de GvHD aiguë (grades 2- 4). Le taux de survie moyen était de 60% (suivi moyen des survivant de 5,7 ans) (Tableau 7). La technologie de la compagnie Sequenom Inc a été utilisée pour déterminer le statut génétique des receveurs et des donneurs pour ces 219 SNP (Gabriel, Ziaugra et al. 2009). Cette technique de séquençage utilise la spectrométrie de masse (matrix-assisted laser desorption/ionization time-of-flight mass spectrometry; MALDI- TOF). Elle a été choisie pour sa rapidité, sa haute spécificité, sa sensibilité, les faibles quantités d’ADN génomique requis et son coût-efficacité intéressant. La relation entre les polymorphismes génotypés et les événements d’intérêt a été déterminée telle que décrit ici-bas (point 1.4). Cette première phase exploratoire a permis d’identifier 59 variants jugés prioritaires pour l’étude subséquente sur la base d’une tendance d’association. Ces polymorphismes respectaient la loi de distribution des génotypes d’Hardy-Weinberg (p<0,001) et avaient une fréquence allélique de 5% et plus. En raison de l'objectif exploratoire de cette étude aucune correction n'a été appliquée pour les comparaisons multiples.

6.1.3 Étude des marqueurs génétiques dans une population de 420 paires de donneurs-

receveurs en greffe de CSH

Les 59 SNP identifiés grâce au volet exploratoire ont ensuite été étudiés dans une population rétrospective d’envergure comprenant 420 paires de donneurs-receveurs de greffes de CSH, totalisant 840 génomes. Grâce à cette cohorte, nous avons évalué l’association potentielle des variations des génomes des donneurs et des receveurs avec l’occurrence de la GvHD (aiguë et chronique). Les patients et leurs donneurs respectifs ont été recrutés à l’hôpital Saint Louis de Paris entre 1994 et 2012. Le détail concernant l’origine ethnique des sujets n’est pas connu du fait que cette donnée est prohibée en Europe. Par contre, puisque la clientèle de l’hôpital Saint Louis provient de partout en Europe, une diversité ethnique avec un bagage génétique potentiellement différent est fort probable au sein de notre cohorte. Contrairement à la première étude où tous les donneurs étaient familiaux, cette seconde population inclue également des donneurs non apparentés compatibles (29,8%) et des donneurs avec des incompatibilités (12,9%). L’indication de la greffe était le traitement d’un cancer hématologique dans les trois quarts des cas et une chimiothérapie de forte intensité a été privilégiée chez 94% des patients. Les cellules souches ont été obtenues à partir de la moelle osseuse (64%) et du sang périphérique (36%). Tous les patients recevaient en post-greffe une immunosuppression combinant la CsA et le MTX. Quinze pour cent des patients ont eu au moins un épisode de GvHD sévère (grades 3-4) et 38.8% ont développé une GvHD chronique. Le taux de survivant était de 61,7% avec un temps moyen de suivi de 5,1 ans (0,27-15,8) (Tableau 7). Le statut génétique des sujets a été déterminé avec la même technologie que l’étude précédente. L’analyse des données est, pour sa part, présentée au point 6.1.4. Cette étude a permis d’identifier des variations génétiques des voies PK et PD des immunosuppresseurs associées au risque de GvHD (Chapitre II).

Tableau 7. Caractéristiques des deux cohortes étudiées

Variables Étude exploratoire

Donneurs/Receveurs (n=104) Donneurs/Receveurs (n=420) Étude Âge des patients, n (%)

<20 ans 19 (18,3) 146 (34,8)

20-50 ans 47 (45,2) 253 (60,2)

>50 ans 38 (35,5) 21 (5,0)

Âge des donneurs, n (%)

<20 ans 20 (19,2) 90 (21,4) 20-50 ans 43 (41,3) 304 (72,4) >50 ans 25 (24,0) 26 (6,2) Maladie hématologique, n (%) Non maligne 10 (9,6) 97 (23,1) Maligne 94 (90,4) 323 (76,9) Type de donneurs, n (%) Compatible apparenté 87 (83,7) 241 (57,4)

Compatible non apparenté 1 (1,0) 125 (29,8)

Incompatible non apparenté 16 54 (12,9)

Compatibilité du sexe (donneur/receveur), n (%)

Mâle/mâle 30 (28,8) 138 (32,9) Mâle/femelle 20 (19,2) 102 (24,3) Femelle/mâle 23 (22,1) 104 (24,8) Femelle/femelle 15 (14,4) 76 (18,1) Compatibilité CMV (donneur/receveur), n (%) Négatif/négatif 35 (33,7) 130 (31,0) Négatif/positif 16 (15,4) 93 (22,1) Positif/négatif 6 (5,8) 51 (12,1) Positif/positif 31 (28,8) 146 (34,8) Source de CSH, n (%) Moelle osseuse 40 (38,5) 269 (64,0) Sang périphérique 56 (53,8) 151 (36,0) Sang de cordon 1 (1,0) Conditionnement, n (%) Myéloablatif 81 (77,9) 394 (93,8) Intensité réduite 23 (22,1) 26 (6,2) ICT, n (%) Non ND ND 244 (58,1) Oui 176 (41,9) Prophylaxie, n (%) CsA+MTX 77 (74,0) 420 (100,0)

CSA ± autre (sans MTX) 27 (26,0) 0 (0)

GvHD aiguë de grades 2-4, n (%) 30 (28,8) 212 (50,5)

Temps de survenue, jrs (moyenne, intervalle) 26 (11-75) 20 (4-111)

GvHD aiguë de grades 3-4, n (%) 63 (15,0)

Temps de survenue, jrs (moyenne, intervalle) ND ND 16 (4-50)

GvHD chronique, n (%) 48 (46,2) 162 (38,6)

Temps de survenue, jrs (moyenne, intervalle) 228 (45-724) 302 (53-2318) Statut de survie

Vivant 66 (63,3) 259 (61,7)

Décédé 35 (33,7) 152 (36,2)

Suivi des survivants, ans (moyenne, intervalle) 5,7 (0,5-10) 5.1 (0,27-15,8) CMV: cytomégalovirus, CSH: cellules souches hématopoïétiques, CsA: cyclosporine, ICT: irradiation corporelle totale, jrs : jours, MTX: méthotrexate, ND : non disponible/non évalué.

6.1.4 Analyse des données génétiques en lien avec le résultat clinique

La relation entre les polymorphismes questionnés et les événements d’intérêt a été étudiée en utilisant un modèle de régression logistique à risque compétitif (événement d’intérêt : GvHD et événement compétitif : décès) pour trois modes de transmission génétique (additif, dominant et récessif). En l’absence de l’événement compétitif, le modèle de régression est réduit à un modèle de Cox standard. L’inclusion du décès comme compétiteur pour l’analyse de la GvHD était essentielle considérant le haut taux de mortalité précoce survenant chez les patients greffés de CSH. Ce type d’analyse permet de tenir compte du fait que le patient peut décéder avant même d’avoir eu le temps de développer la GvHD. L’impact des variations identifiées dans les génomes du donneur et du receveur sur le pronostic du patient a été analysé de façon indépendante. Un modèle multivarié, ajusté pour les facteurs cliniques pertinents, a été mis en œuvre (covariables: l'âge du donneur et l’âge du receveur: <20, 20-50 et >50 ans, l’incompatibilité de sexe entre le donneur et le receveur : donneur féminin à receveur mâle, source des cellules souches : moelle osseuse vs cellules souches du sang périphérique, maladie hématologique sous-jacente: maligne vs non maligne, régime de conditionnement : haute intensité vs régime d’intensité réduite et la disparité HLA: donneur familial identique, donneur non apparenté identique ou partiellement incompatible). Pour la GvHD aiguë, nous avons exploré l'association entre les SNP et deux sous-phénotypes cliniques, à savoir la GvHD de grades 2 à 4 ou de grades 3 à 4. La présence d’une GvHD chronique était considérée positive, indépendamment de son étendue.

Les valeurs de p inférieures à 0,05 ont été considérées comme significatives. Le taux de fausse-découverte (valeurs q) a également été calculé pour la cohorte d’envergure (n=420) afin de déterminer dans quelle mesure les associations observées étaient sujettes à des faux positifs. Ainsi, les associations étaient positives seulement si les valeurs de p et de q étaient inférieures à 0,05. Les analyses ont été effectuées avec le logiciel SAS version 9.2 (SAS Institute) et le logiciel R (http://genomics.princeton).

6.2 Mieux comprendre l’association entre la présence des marqueurs

génétiques, la pharmacocinétique et l’action d’immunosuppresseurs en

greffe de CSH et leur impact clinique pour le patient

Afin d’évaluer l’association des marqueurs génétiques identifiés avec la PK et PD des immunosuppresseurs, deux approches analytiques basées sur la spectrométrie de masse ont tout d’abord été développées. La première visait à quantifier les concentrations des immunosuppresseurs chez les patients, et la seconde à évaluer la capacité du MMF à inhiber sa cible thérapeutique (IMPDH). Ces deux méthodes étaient essentielles

pour mener l’étude prospective en greffe de CSH initiée au CHU de Québec. Grâce à cette dernière, il sera possible de déterminer comment ces variations modulent la PK et la PD des immunosuppresseurs, de même que le pronostic des patients dans ce contexte unique de greffe.

6.2.1 Développer une approche basée sur la spectrométrie de masse pour quantifier le

niveau d’exposition aux immunosuppresseurs, et l’évaluer chez des patients greffés de

CSH

Une approche analytique quantitative a été mise au point afin de détecter simultanément les médicaments suivants: CsA, tacrolimus, MTX, MPA et ses métabolites glucuronides, ainsi que trois corticostéroïdes. Ces derniers sont tous des immunosuppresseurs couramment utilisés en transplantation de CSH. La nécessité de développer cette approche est due notamment aux caractéristiques cliniques uniques des patients greffés de CSH, et de l’autre, aux lacunes inhérentes aux approches existantes (Bogusz, Enazi et al. 2007, Difrancesco, Frerichs et al. 2007, Hermida and Tutor 2009, Bosch, Khan et al. 2012). Ainsi, l’objectif était de développer une méthode analytique permettant à partir d’un seul échantillon de sang de quantifier simultanément l’ensemble des composés d’intérêt. Dans le contexte de la greffe CSH, il est primordial de limiter les prélèvements sanguins au strict nécessaire puisque la reprise hématopoïétique est lente et progressive après la greffe, et qu’un nombre non négligeable de prélèvements est déjà prévu au protocole de soins post-greffe du patient. Les méthodes décrites dans la littérature ont été jugées inadéquates dans le présent contexte pour l’une des trois raisons principales suivantes : 1) volume de sang important, 2) quantification indépendante des composés ciblés par notre étude, ou 3) limites importantes concernant la spécificité et la sensibilité des méthodes analytiques existantes. Nous avons opté pour l'utilisation de la chromatographie liquide haute performance couplée à la spectrométrie de masse en tandem offrant une grande spécificité et sensibilité. Une fois développée, la linéarité, la précision et l'exactitude des mesures ont été validées dans la plage des concentrations attendues en clinique de greffe, et ce pour chaque composé. Nous avons obtenu une excellente précision inter et intra jour (CV<12,8%) et une bonne exactitude (biais<14%). Enfin, l’applicabilité de la méthode a été confirmée chez six patients traités avec une immunoprophylaxie combinée en greffe de CSH. Ces résultats sont présentés au Chapitre III.

6.2.2 Développer une méthode analytique basée sur la spectrométrie de masse afin

d’évaluer l’efficacité du MMF à sa cible IMPDH, et de l’évaluer chez des patients greffés de

CSH

Également dans le contexte de l’étude prospective, une nouvelle approche permettant d’évaluer la PD du MPA, le métabolite actif du MMF, a été mise au point. En plus du suivi des concentrations plasmatiques de MPA, l’évaluation de l’efficacité de cette molécule à son site d’action lymphocytaire est l’une des stratégies proposées pour en optimiser l’efficacité. Cette approche pourrait notamment permettre d’identifier les individus qui ne répondront pas au MMF malgré des taux circulants considérés normaux. Puisque l’enzyme IMPDH est la cible pharmacologique du MPA, cette enzyme est un marqueur prometteur pour déterminer l’efficacité et la toxicité de cette molécule. En greffe d’organe solide, l’activité IMPDH a été associée au risque de rejet et d’infections (Weimert, Derotte et al. 2007). Plusieurs méthodes utilisant la radiodétection ou la chromatographie couplée à la détection par ultraviolet (UV) ont été décrites dans la littérature pour mesurer l’activité IMPDH dans le sang complet ou les lymphocytes. Ces méthodes consistent à quantifier le produit de la réaction catalysée par l’IMPDH (xanthosine monophosphate, XMP) à partir du sang ou d’un lysat de lymphocytes (Albrecht, Storck et al. 2000, Budde, Glander et al. 2000, Glander, Braun et al. 2001, Daxecker, Raab et al. 2002, Glander, Sombogaard et al. 2009, Maiguma, Yosida et al. 2010). La méthode la plus intéressante a été proposée par Glander et collaborateurs (Glander, Sombogaard et al. 2009). Cette approche est innovante notamment puisqu’elle inclut une nouvelle façon de normaliser l’activité IMPDH. Cette technique s’avère être plus robuste et reproductible que les méthodes classiques. En effet, au lieu de normaliser par les protéines ou le compte cellulaire, l’approche de Glander utilise l’adénosine monophosphate (AMP), un composé intracellulaire qui reflète mieux les variations survenant au site même de formation du XMP. Par contre, puisque cette méthode est basée sur la détection UV, elle est moins sensible et spécifique que la spectrométrie de masse. De plus, elle a été validée uniquement en greffe d’organes solides. Nous avons donc mis au point et validé une méthode adaptée à la greffe de CSH.

Nous avons opté pour une approche basée sur la chromatographie liquide haute performance couplée à la spectrométrie de masse avec une normalisation par l’AMP intracellulaire. L’activité IMPDH a été déterminée à partir de lymphocytes extraits du sang complet par une méthode de gradient. Des mises au point ont d’abord été nécessaires pour déterminer les conditions optimales de l’essai enzymatique, et la stabilité des prélèvements sanguins a également été interrogée. En ce qui a trait à l’approche analytique, la linéarité, la précision et l'exactitude ont été validées dans une large plage de concentrations de MPA qui s’étendait bien en deçà et au-delà des concentrations attendues. Nous avons obtenu une excellente précision inter et intra

jour (CV<7,5%) et une bonne précision (93-116%). Finalement, l’applicabilité de la méthode a été évaluée chez des sujets sains et des patients greffés de CSH. Ces résultats sont présentés au Chapitre IV.

6.2.3 Effectuer une étude prospective en greffe apparentée de CSH au CHU de Québec

Une étude prospective menée chez les greffés apparentés de CSH a été initiée au CHU de Québec. Cette étude vise à évaluer en contexte clinique les marqueurs génétiques les plus prometteurs identifiés grâce à l’étude des pharmacogènes présentée au point 6.1. Plus particulièrement, nous souhaitons mieux comprendre le lien entre les marqueurs génétiques positifs et le niveau d’exposition aux immunosuppresseurs ou le degré d’immunosuppression atteint à la cible lymphocytaire. Pour ce faire, la PK et la PD des immunosuppresseurs ont été évaluées simultanément chez le patient. Les paramètres mesurés sont ensuite évalués en lien avec les profils génétiques du patient et du donneur, de même qu’avec la réussite de la greffe. À terme, cette étude permettra de mieux comprendre, du point de vue moléculaire, la fonctionnalité et la plausibilité biologique des marqueurs génétiques. Cette étude est unique dans le domaine, car à notre connaissance aucune étude similaire en greffe de CSH n’a fait l’objet d’une publication à ce jour. Nous souhaitons recruter environ 200 patients greffés de CSH pour un cancer hématologique, de même que leurs donneurs apparentés. Pour être admissibles à l’étude, les sujets doivent être âgés de 18 à 65 ans et recevoir un traitement immunosuppresseur préventif en post-greffe. Cette étude n’a pas encore fait l’objet d’un manuscrit, mais est décrite en détail au Chapitre V.

6.3 Étude du métabolisme de l’immunosuppresseur tacrolimus par la voie de

glucuronidation

Cet objectif visait à étudier le métabolisme de glucuronidation du tacrolimus. Plusieurs études, dont certaines effectuées par notre laboratoire, ont démontré que la glucuronidation influence la PK d’immunosuppresseurs tels que le MMF (Dupuis, Yuen et al. 2012, Fukuda, Goebel et al. 2012). Également, des variations génétiques des gènes UGT1A8, UGT1A9 et UGT2B7 ont été associées au risque de rejet en greffe rénale (Dupuis, Yuen et al. 2012, Pazik, Oldak et al. 2013). Une étude exploratoire nous a permis de déterminer que le tacrolimus était conjugué à l’acide glucuronique. Jusqu’alors, uniquement deux auteurs avaient rapporté que ce composé pouvait être glucuronidé. Par contre, aucune étude détaillée n’a été effectuée sur le sujet (Firdaous, Verbeeck et al. 1997, Strassburg, Barut et al. 2001). Nous avons donc réalisé une étude in vitro qui visait premièrement