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Cellules souches embryonnaires

Dans le document UNE BIOLOGIE POUR LE DÉVELOPPEMENT (Page 149-154)

I. LE FABULEUX DESTIN DE LA BIOLOGIE

II.1. SANTÉ

II.1.3. Cellules souches et thérapie cellulaire (un espoir pour les

II.1.3.3. Cellules souches embryonnaires

Quel que soit l’intérêt considérable des cellules souches adultes au plan fondamental et, dans certains cas précis, leur intérêt médical (cellules de la lignée hématopoïétique, kératinocytes), la plupart des scientifi ques, et avec eux de nombreux médecins, attribuent aux cellules souches embryonnaires des potentialités beaucoup plus étendues face aux défi s que posent les mala-dies dégénératives, même si, et pour autant, les problèmes éthiques qui s’atta-chent à leur emploi se situent à une autre échelle.

l Historique

L’utilisation de lignées de cellules souches embryonnaires type ES, a été l’aboutissement d’un assez long cheminement expérimental. Sans nous étendre, il convient de rappeler que la mise en évidence de ces cellules a été précédée par de nombreuses recherches menées dans la période d’après-guerre, sur une catégorie particulière de cellules multipotentes provenant de tumeurs cancéreuses développées dans des cellules sexuelles de souris.

De ces « teratocarcinomes », il s’est en effet avéré possible d’isoler des cellules se comportant comme des cellules souches. Lorsqu’elles étaient introduites ex vivo dans un embryon de souris en développement, elles conduisaient, après transfert in utero, à la formation des souriceaux au pelage mixte dont les tissus provenaient, soit des cellules du carcinome, soit des cellules embryonnaires normales. Placées en condition in vitro, les cellules de carcinome embryonnaire pouvaient se différencier en plusieurs types de tissus : muscles squelettiques, cellules de myocardes, adipo-cytes, cellules nerveuses (F. Jacob, B. Mintz). En dépit de leur intérêt, leur

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utilisation en thérapeutique s’avérait toutefois limitée par leurs propriétés tumorigènes.

On doit aux travaux pionniers de Gaël Martin, aux États-Unis, et de Martin Evans, en Grande-Bretagne, d’avoir levé cet obstacle en isolant pour la première fois d’embryons de souris, des cellules qui mises en culture, conser-vent leur capacité de différenciation même après de multiples divisions. Les cellules ES de souris allaient permettre, pendant de nombreuses années, de mener d’importants travaux d’embryogenèse in vitro. (Elles devaient égale-ment conduire, peu après, au développeégale-ment des techniques dites de « knock-out » (Capecchi M.).) Tknock-outefois, lorsque l’on voulut étendre l’observation réalisée chez la souris, on réalisa que peu d’espèces cellulaires se prêtent à l’établissement de lignées cellulaires permanentes, à partir de l’embryon et, pendant plusieurs années, l’isolement de telles lignées fut limité à une unique souche de souris (la souris 129).

l Découverte des cellules souches embryonnaires humaines et applications potentielles

Toutefois, en 1995, J. Thomson, de l’université du Wisconsin parve-nait à cultiver des cellules ES à partir d’embryons de singe Rhésus puis, en 1998, avec ses collaborateurs, il montrait pour la première fois, que l’embryon humain peut se prêter à l’isolement des précieuses cellules ES16. Désormais, comme l’écrit Nicole Le Douarin (in Thérapie cellulaire régénérative. Lettre de l’Académie des sciences n° 20 (2006)) « une source inépuisable de cellules humaines propres à remplacer des cellules mortes ou ineffi caces était, grâce au génie biologique, à la disposition de la médecine ». La possibilité de main-tenir en culture des lignées de cellules souches embryonnaires humaines (human embryonic stem cells ou hEC) a suscité d’énormes espoirs dans le monde médical ainsi qu’au sein du public en général. Les cellules souches embryonnaires, du fait de leur pluripotence, s’offraient comme la solution idéale pour pallier, par thérapie cellulaire, des insuffi sances physiologiques graves comme par exemple le diabète de type I, dû à la destruction immuno-logique des îlots de Langerhans du pancréas, ou des maladies dégénératives, notamment à caractère neural (Alzheimer, Parkinson) ou encore des trauma-tismes de la moelle épinière, toutes maladies ou dysfonctionnements graves pour lesquels la médecine est désarmée ou les traitements longs et pénibles.

En ce qui concerne le diabète de type I et les espoirs caressés par la médecine

16. À peu près simultanément, un autre chercheur américain, John Gearhardt démontrait que des cellules pluripotentes humaines (dites EC) pouvaient être obtenues à partir de cellules germinales (destinées à former les gamètes) prélevées dans les ébauches des gonades de fœtus humains provenant d’avortements.

de procéder à une thérapie cellulaire, il convient de souligner que tandis qu’il ne s’est pas avéré possible jusqu’à présent de caractériser la présence de cellules souches adultes dans le pancréas ; en revanche, les scientifi ques ont progressé dans la « transformation » des cellules souches embryonnaires en cellules produisant de l’insuline.

Des recherches, en relation avec les propriétés des cellules souches, ont également été réalisées avec l’objectif de lutter, de manière plus effi cace, contre certains cancers.

En 1997, des chercheurs de l’université de Toronto ont identifi é, pour la première fois, des cellules souches cancéreuses, en transférant quelques cellules souches sanguines provenant de patients leucémiques dans des souris et en montrant que celles-ci développaient également des syndromes leucémi-ques. Des cellules apparentées à des cellules souches ont également été isolées à partir de tumeurs du sein ou du cerveau. À l’image de ce qui s’observe pour les cellules souches de tissu sain, les cellules souches tumorales existent en très petit nombre mais elles se répliquent aisément donnant naissance à une multi-tude de cellules-fi lles. Mais contrairement aux cellules souches normales, elles sont insensibles aux mécanismes de régulation induisant l’arrêt de leurs divi-sions ! La chimiothérapie classique est capable de tuer la majorité des cellules tumorales mais, si quelques cellules souches cancéreuses survivent à ce traite-ment, un cancer peut à nouveau se développer. Des recherches portant sur les différences observables dans les spectres d’expression génétique des cellules souches normales et cancéreuses pourraient s’avérer d’une grande importance pour éviter ce type de récidive.

D’autres applications dérivant de l’utilisation des cellules souches, au plan médical, sont envisageables, hormis les possibilités offertes dans le cadre des thérapies cellulaires ou l’étude des cellules cancéreuses.

Par exemple, les cellules souches peuvent révolutionner la médecine chimique traditionnelle. En effet, puisque les cellules souches embryonnaires peuvent se différencier in vitro en une grande variété de tissus spécialisés, cela devrait permettre de tester les effets de nombreux agents pharmaceuti-ques sur ces tissus, sans faire appel à des volontaires sains. La technique du transfert nucléaire somatique (voir ci-après) appliquée aux cellules souches pourrait s’avérer fort précieuse dans le but d’explorer les effets de médica-ments sur des maladies d’origine génétique. Par exemple, il est diffi cile d’étu-dier la progression des maladies d’Alzheimer et de Parkinson, au niveau du tissu cérébral chez les patients en vie. Mais en utilisant les cellules d’un patient alzheimerien pour créer des lignées de cellules souches, après transfert

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nucléaire somatique, il serait sans doute possible de suivre le développement de la maladie in vitro et de tester des agents chimiques susceptibles de régé-nérer les cellules nerveuses.

l Risques

Plusieurs diffi cultés dont certaines d’ordre biologique, d’autres d’ordre éthique ont, sinon atténué les espoirs placés dans la thérapie cellulaire (lesquels demeurent pourtant très vivaces) du moins montré que de nombreuses recher-ches complémentaires étaient nécessaires et qu’un consensus éthico-social s’imposait pour aller jusqu’au geste clinique.

En ce qui concerne les diffi cultés (ou les problèmes biologiques) à résoudre, l’une d’elles était que l’injection de progéniteurs cellulaires spécia-lisés chez un patient pouvait être accompagnée d’une dérive maligne : un faible pourcentage des cellules progénitrices humaines peuvent en effet comporter des cellules souches indifférenciées. Ce problème a fait l’objet de très nombreuses études. Il n’est donc pas question d’injecter à des patients, les cellules souches elles-mêmes mais bien plutôt les premiers éléments diffé-renciés qui en émanent.

Une autre diffi culté pouvait résider dans la transmission involontaire de virus pathogènes de l’animal à l’homme, une éventualité liée au fait que les cellules souches sont cultivées dans des milieux enrichis en produits d’origine animale (tels que des facteurs de croissance ou des sérums). D’où la nécessité de mettre au point des milieux de culture entièrement synthétiques, ce qui est désormais possible (cultures sur matrigel). Toutefois, ce que l’on pouvait surtout redouter, était le risque d’un rejet immunitaire des cellules injectées.

Nous avons vu, en effet, que ce risque est élevé lorsque les cellules greffées et celles du receveur ne sont pas histocompatibles (cf. chapitre II.1.2.4 sur les antigènes HLA). Si cette diffi culté peut être circonvenue chez la souris (dont sont dérivables un grand nombre de lignées histocompatibles), il n’en va pas tout à fait de même chez l’homme. Telle est la raison pour laquelle a été conçu un protocole expérimental supposé éviter cette diffi culté majeure. Ce protocole repose sur le remplacement de l’équipement génétique des cellules souches embryonnaires par celui du futur receveur, de manière à assurer une compatibilité immunitaire parfaite. Cette technique de transfert nucléaire, à visée thérapeutique, comporte les étapes suivantes :

l Transfert nucléaire somatique (clonage thérapeutique) – Clonage reproductif chez l’animal

Le noyau d’une cellule somatique prélevé à partir d’un tissu du futur receveur (par exemple du tissu épidermique) est transféré (électroporation)

au sein d’un ovocyte préalablement énucléé. L’ovocyte ainsi reconstitué, renfermant le noyau somatique diploïde, est cultivé in vitro jusqu’au stade de blastocyste. On procède ensuite comme pour un blastocyste normal : les cellules de la masse cellulaire interne servent à établir des lignées de cellules souches pluripotentes dont le phénotype est désormais compatible, au plan immunologique avec celui du « donneur-receveur ».

Ce procédé est parfois décrit sous le nom de « clonage à visée thérapeu-tique ». Sa seule justifi cation, s’il était mis en prathérapeu-tique chez l’homme (ce qui n’est pas encore le cas), serait en effet de nature thérapeutique. Elle ne reposerait donc pas sur une intention de clonage d’un individu humain. Chez l’animal, tout au moins, si un ovocyte doté du noyau somatique d’un donneur est placé dans l’utérus d’une femelle porteuse, une descendance peut être obtenue qui présentera toutes les caractéristiques de ce donneur. Cette opération est baptisée « clonage repro-ductif ». Elle a été pratiquée pour la première fois avec succès chez les ovins : ce fut la naissance de la fameuse brebis Dolly obtenue par l’écossais Ian Wilmuth (1996). D’autres clones animaux ont été produits chez les bovins avec un assez bon rendement dans l’équipe dirigée par Jean-Paul Renard. Pourtant l’opération est en soi assez délicate. De nombreux animaux obtenus par clonage reproductif présentent souvent des anomalies sérieuses et un faible pourcentage d’entre eux d’ailleurs parviennent au terme d’un développement complet.

Bien qu’aucun cas de clonage reproductif humain n’ait été signalé, le clonage reproductif étant sévèrement proscrit au plan international, le trans-fert nucléaire à visée thérapeutique humaine est également interdit dans divers pays, dont la France, et ce, en dépit du fait que l’embryon doté du noyau somatique n’est pas destiné à être implanté et qu’il ne s’agisse, en somme, que d’une étape intermédiaire à l’obtention de cellules souches embryonnaires immunocompatibles. Le Royaume-Uni, la Corée du Sud en ont d’ailleurs autorisé la pratique. Il convient de signaler que, jusqu’à présent (en tout cas à la période de l’été 2006) aucun transfert nucléaire visant la production de cellules souches embryonnaires humaines n’a rencontré de succès (en dépit de certaines publications qui ont été invalidées par la suite). Les scientifi ques pensent, néanmoins, que si la technique du transfert nucléaire somatique pouvait être appliquée à l’obtention de cellules souches humaines, elle offri-rait (entre autres possibilités), celle d’étudier in vitro le développement et la progression de certaines maladies spécifi ques, les cellules souches ainsi obte-nues possédant le génotype pathologique, c’est-à-dire renfermant les gènes responsables de certains désordres propres aux maladies considérées.

Le succès du clonage reproductif réalisé chez diverses espèces animales (J.-P. Renard) indique clairement que le noyau d’une cellule somatique

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différenciée (par exemple en cellule de peau) peut subir, après transfert dans le contexte cytoplasmique ovocytaire, une reprogrammation totale, lui faisant acquérir à nouveau, le caractère de totipotentialité. Ce mécanisme de « repro-grammation » intéresse beaucoup les chercheurs (H. Blau). Il est sans doute très complexe et fait intervenir des modifi cations épigénétiques qui commen-cent seulement à être élucidées.

II.1.3.4. Aspects éthiques dans l’utilisation des cellules

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