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Apoptose – Mort cellulaire programmée

Dans le document UNE BIOLOGIE POUR LE DÉVELOPPEMENT (Page 164-167)

I. LE FABULEUX DESTIN DE LA BIOLOGIE

II.1. SANTÉ

II.1.4. Vieillissement – Sénescence et mort cellulaire (Apoptose) –

II.1.4.4. Apoptose – Mort cellulaire programmée

Comme on vient de le voir, nos cellules (hormis le cas des cellules cancéreuses ou embryonnaires) n’ont qu’un potentiel de divisions limité et peuvent devenir sénescentes lorsque ce potentiel est réduit ou réel : les cellules des vieillards se divisent d’ailleurs moins de fois que celles d’un adolescent (cf. revue de G. Auboire, in Biologie et Géologie, APBG, n° 3, p. 485, 2003).

Mais il est un autre phénomène cellulaire, apparemment paradoxal, dont l’importance n’a été révélée qu’il y a quelques années et qui joue un rôle considérable dans le développement normal des êtres vivants ou, a contrario, dans l’apparition des cancers. Il s’agit du phénomène connu sous le nom d’apoptose, parfois appelé « mort ou suicide cellulaire programmé ».

Comme l’écrit Jean-Claude Ameisen (in Annales de l’Institut Pasteur, Actualités, Apoptose en pathologie humaine, 11 n°4, 2000), « Aujourd’hui nous savons que toutes nos cellules possèdent, durant toute leur existence, le pouvoir de s’autodétruire en quelques heures et leur survie dépend jour après jour de leur capacité à percevoir, dans l’environnement de notre corps, le langage des signaux émis par d’autres cellules qui seules leur permettent de réprimer le déclenchement de leur autodestruction. C’est à partir d’in-formations contenues dans nos gènes que nos cellules produisent les exécu-teurs capables de précipiter leur fi n et les protecexécu-teurs capables de neutraliser ces exécuteurs et, d’une manière contre-intuitive, un événement positif – la vie – semble procéder de la négation continuelle d’un événement négatif, l’autodestruction ».

Ce n’est que dans le début des années 70, que la véritable signifi cation de l’apoptose a commencé à être perçue (J.J. Kerr et al., 1972). Des phénomènes de mort cellulaire avaient néanmoins été décrits de longue date. En 1842, J. Vogt qui travaillait sur la métamorphose du têtard en crapaud en fait les premières descriptions ; deux décennies plus tard, c’est au tour d’A. Weissman de les observer pendant la métamorphose des insectes. En 1903, M. Ernst et A. Gluckmann établissent que la mort cellulaire est un phénomène général au cours de l’embryogénèse des vertébrés. On doit à J.-J. Kerr d’avoir distingué

deux types distincts de mort cellulaire, en tout cas au plan morphologique : il s’agit de la nécrose, mort accidentelle, rapide (donc non programmée) qui conduit à la désintégration explosive de la cellule et de l’apoptose. Celle-ci se traduit par une condensation cellulaire, la formation d’invaginations puis par une implosion et la phagocytose. Mais les manifestations cytologiques sont nombreuses. Pour ne citer que les plus marquantes (E. Jacotot et al., 2000), on constate, au plan morphologique, une réduction du cytoplasme, une pycnose chromatinienne, une fragmentation du cytoplasme et du noyau en corps apoptotiques. Au plan biochimique, se produisent une chute du potentiel transmembranaire mitochondrial, une exposition vers l’extérieur de la cellule des molécules de phosphatidyl-sérines, une activation de protéases appelées « capases » (des aspartates protéases à cystéine), une décomposition de l’ADN en fragments de haut poids moléculaire ou en oligonucléotides…

Après quoi la cellule, ainsi fortement endommagée, est phagocytée par les macrophages. Cette cascade d’événements qui débute surtout par la mise hors circuit des mitochondries, ce qui coupe, en quelque sorte, l’alimentation éner-gétique de la cellule, est rigoureusement programmée. Elle n’intervient, en effet, que dans des circonstances précises. Celles-ci correspondent soit à un acte de défense de l’organisme entier qui, par une stratégie dite de « la terre brûlée » éliminera ou tentera d’éliminer les cellules victimes d’attaques virales, ou cancéreuses (on peut alors assimiler l’apoptose de défense à une forme de suicide cellulaire), soit à un processus de développement morphologique ou physiologique naturel. L’apoptose joue alors ici, selon la belle formule de J.-C. Ameisen, un rôle indispensable dans la sculpture du vivant.

De nombreuses illustrations du rôle de l’apoptose, au cours du déve-loppement, découlent d’observations réalisées sur des espèces très variées, depuis le ver nématode jusqu’à l’homme.

Ainsi, chez le ver Caenorhabditis elegans, la forme adulte comprend très exactement 737 cellules (!), tandis que la forme larvaire en compte sensi-blement plus, 924. Il y a donc une perte cellulaire par apoptose au cours de l’élaboration des principaux tissus adultes.

La métamorphose des insectes et des oiseaux s’accompagne également d’un remodelage important des diverses parties du corps, assorti d’une mort programmée des cellules de divers tissus présents dans les formes nymphales, larvaires, ou embryonnaires.

Chez l’homme, l’apoptose intervient également pour une grande part dans le développement de l’embryon et du fœtus. Un exemple connu est fourni par la morphogénèse de la main. En effet, jusqu’à un stade avancé du

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développement embryonnaire, les doigts de la main ne sont pas séparés les uns des autres mais raccordés entre eux par une membrane. La main est donc

« palmée » dans les débuts de sa formation et le tissu interdigital disparaît progressivement par apoptose (D. Duboule).

L’apoptose intervient clairement au cours du développement du système nerveux chez les vertébrés. Elle concerne aussi bien les cellules précurseurs de la zone germinative que les neurones matures post-mitotiques au moment où ils forment des contacts synaptiques. La mort cellulaire, à un stade très précoce du développement du cerveau (zone germinative), est une étape essentielle pour la morphogénèse et la différenciation d’un cerveau normal. En effet, si l’on invalide par recombinaison homologue chez la souris les gènes codant pour les protéases jouant un rôle majeur dans la mort cellulaire (caspases), on observe des troubles majeurs du développement du système nerveux carac-térisés par une prolifération anarchique de neuroblastes-précurseurs et la formation d’une masse cérébrale informe, dénuée de ventricules.

La mort cellulaire intervient également à un stade ultime du dévelop-pement cérébral, au niveau des neurones post-mitotiques pendant la synap-togénèse ; on pense aujourd’hui que ceux qui ne parviennent pas à établir de contacts avec leur cible dégénèrent ! C’est le cas de 50 % des neurones dans de nombreuses régions du système nerveux. L’explication réside, selon toute vrai-semblance, dans le fait que les neurones post-mitotiques entrent en apoptose s’ils ne reçoivent pas un signal rétrograde (des terminaisons synaptiques vers le corps cellulaire) sous la forme de facteurs diffusibles émis par les cellules qu’ils innervent. En résumé, on peut dire que l’apoptose est un processus majeur, indispensable au développement normal des tissus et organes chez les invertébrés et les vertébrés.

Symétriquement parlant, le déclenchement anormal du suicide cellulaire dont nous avons déjà souligné qu’il peut être la conséquence d’une infection virale, est probablement à l’origine de multiples pathologies, caractérisées par des pertes fonctionnelles marquantes, voire par la disparition pure et simple de certains tissus. Parmi ces pathologies fi gurent des maladies neurodégé-nératives chroniques telles que : la sclérose latérale amyotrophique, l’amyo-trophie spinale, la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer, certaines rétinopathies. Il en va de même pour les accidents vasculaires consécutifs à une thrombose artérielle du cerveau, à des complications neurologiques du Sida, à des hépatites fulgurantes ainsi qu’à des lésions résultant de réactions médicamenteuses ou produites par certaines toxines.

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