• Aucun résultat trouvé

2.3 Environnements échantillon

2.3.2 Cellule à enclumes de diamant

Pour modier la pression d'un système, la technologie des cellules à enclumes de diamant (DAC) s'est répandue grâce aux pressions extrêmes qu'elle permet d'at-teindre tout en étant compacte [Jayaraman, 1983]. Avec ce dispositif, il devient possible d'étudier des matériaux dans une large gamme de pression, qui s'étend de quelques kbar à actuellement plusieurs centaines de GPa (100 GPa étant équivalent à 1 million de fois la pression atmosphérique) [Dubrovinsky et al., 2012, Dewaele et al., 2018]. Ces cellules sont utiles pour de multiples applications, comme la re-production des conditions géologiques [McWilliams et al., 2012] ou la détermination des équations d'état de matériaux [Sakai et al., 2011]. Le principe de ce dispositif est illustré dans la g. 2.9.

Figure 2.9  Représentation de la technologie des cellules à enclumes de diamant. La vue est éclatée pour permettre l'identication des diérents composants. Une DAC est composée de deux parties presque symétriques. Chaque côte contient une enclume de diamant en forme de cône tronqué, où la petite surface est appelée culasse. La grande surface de l'enclume est collée à un siège, lui-même xé à une mâchoire. Pour l'une des deux parties, une hémisphère est intercalée entre le siège et la mâchoire. L'ensemble peut être fermé grâce à des tiges de guidage situées au ni-veau des mâchoires. Les enclumes doivent alors être alignées pour être concentriques et parallèles an de minimiser au maximum les risques de rupture du système. Cet alignement est réalisé respectivement à l'aide de la position des sièges et du maintien de l'hémisphère.

Pour une DAC, les matériaux sont sélectionnés de sorte à former un gradient de résistance mécanique. Les diamants se trouvent au centre, car c'est le matériau incompressible qui possède la plus haute dureté. Ensuite les sièges sont le plus sou-vent en carbure de tungstène pour supporter la pression causée par les enclumes. L'hémisphère peut être en titane ou inconel. Enn, les deux mâchoires de la cellule sont généralement en acier.

Quand la DAC est fermée, l'ensemble est inséré dans un capot avec une mem-brane métallique [Letoullec et al., 1988]. Pour appliquer la pression entre les deux diamants en contact, un gaz inerte est injecté dans la membrane et sa pression Pm

peut augmenter jusqu'à un maximum de 100 bar. Lorsqu'elle gone, la membrane entre en contact avec la surface Sm d'une des mâchoires de la cellule et cette force se transmet jusqu'aux diamants. Dans un cas idéal où la force est parfaitement trans-mise, la pression Pd entre les diamants dépend alors uniquement de la surface Sd

et donc du diamètre Φ des culasses. Cette relation est exprimée dans l'eq. (2.2). Comme Sd Sm, alors Pd Pm.

PmSm = PdSd (2.2) Cette pression est d'autant plus élevée que la culasse des diamants est faible. En réduisant la taille des culasses, il est possible d'atteindre de très hautes pres-sions en appliquant un pression relativement accessible au niveau de la membrane. Pour donner quelques ordres de grandeur, avec Pm ∼ 100 bar dans la membrane, Pd∼ 20 GPa entre des diamants pour lesquels Φ = 600 µm, et Pd∼ 100 GPa pour Φ= 100 µm.

Un échantillon peut être placé entre ces deux enclumes de diamant permettant ainsi d'étudier son comportement en fonction de la pression. Cependant, un contact direct entre les deux culasses peut causer la rupture du système et il est donc néces-saire d'insérer un joint métallique "tampon" entre les deux enclumes. En général, ce joint est en cuivre (0 - 5 GPa) pour les basses pressions, en acier inoxydable pour les pressions moyennes (0 - 30 GPa), et idéalement en rhénium pour les pressions supérieures (> 30 GPa).

Avant tout cycle en pression, ce joint métallique est indenté et percé à ∼ 1/3 de Φ. L'échantillon est chargé dans le trou avec un milieu transmetteur, comme illustré dans la g. 2.10, ce qui permet de répartir la pression initialement uniaxiale de manière hydrostatique. Ce milieu est diérent selon la gamme spectrale de la mesure spectroscopique car il doit être transparent pour le passage du faisceau. Par exemple, dans le régime des basses pressions, du polyéthylène est généralement utilisé lors de mesures dans la gamme FIR et du KBr pour les MIR [Zhao and Ross,

2015]. À plus haute pression, le milieu transmetteur est plutôt un gaz noble, qui permet réellement de répartir la pression de façon hydrostatique [Klotz et al., 2009]. Le chargement de l'échantillon et du milieu transmetteur est réalisé en ajoutant une perle de rubis, qui sert de calibrant pour la détermination de la pression, tel que décrit dans la section suivante.

Figure 2.10  Représentation des enclumes de diamant avec un joint métallique. Un zoom est présenté au niveau du trou où sont chargés l'échantillon, le milieu

transmetteur et une perle de rubis.

Toutes les pièces de la cellule permettent le passage du faisceau de photons IR grâce à une ouverture optique adaptée. Les diamants doivent également être compatibles avec la gamme spectrale de la mesure. Dans le cadre de la spectroscopie IR, des diamants IIa transparents dans une très grande partie de la gamme des IR et du visible sont choisis [Walker, 1979].

Même si l'alignement des deux enclumes est précautionneusement réalisé, et le joint ainsi que le milieu transmetteur sont adaptés à la gamme de pression, il existe tout de même des risques de rupture des diamants. Ce risque est d'autant plus élevé que la pression atteinte est importante. Par exemple, des cellules permettant d'appliquer 20 GPa sont utilisées de nombreuses fois. Par contre, des cellules allant jusqu'à plusieurs centaines de GPa ne permettent généralement que quelques cycles en pression. Sur la ligne AILES, diérentes paires d'enclumes de diamants listés ci-après sont disponibles et donnent accès à diérentes gammes de pression.

Basses pressions :  Culasses : 1 mm

 Taille de l'échantillon maximale : 500 µm  Pression maximale : ∼ 5 GPa

 Application : cette cellule est couramment utilisée lorsque l'échantillon pos-sède un lien avec la biologie, par exemple des protéines. Au-delà de 5 GPa, ces types de composés sont souvent détruits et ils perdent leur intérêt. Hautes pressions :

 Culasses : 500 et 600 µm

 Taille de l'échantillon maximale : 200 et 250 µm  Pression maximale : ∼ 25 ou 20 GPa, respectivement

 Application : cette gamme de pression est généralement étudiée dans le do-maine de la matière condensée pour caractériser les propriétés structurales, optiques, magnétiques ou électroniques d'un matériau.

Très hautes pressions :  Culasses : 100 µm

 Taille de l'échantillon maximale : 50 µm  Pression maximale : ∼ 150 GPa

 Application : les échantillons étudiés ont souvent une importance pour la géologie. Dans ce domaine d'application, les pressions atteignent des valeurs de l'orde de 100 GPa.