6.3. Cas simplifié : q
liq= q
vap= 0
Dans cette partie on étudie la loi de changement de phase lorsque les deux phases sont décrites par deux lois d’état de type stiffened gas avec la simplification qliq =
qvap = 0.
6.3.1. Loi de changement de phase
Pour (τ, ε) ∈ C donnés, il s’agit de trouver le quintuplé (τ∗
liq, ε∗liq, τ∗vap, ε∗vap, y∗)solution
du système
Pliq(τliq, εliq) = Pvap(τvap, εvap) (6.2a)
Tliq(τliq, εliq) = Tvap(τvap, εvap) (6.2b)
gliq(τliq, εliq) = gvap(τvap, εvap) (6.2c)
ε= yεliq+ (1 − y)εvap (6.2d)
τ= yτliq+ (1 − y)τvap (6.2e)
avec y∗appartenant à l’intervalle ouverte ]0, 1[.
La résolution de ce système peut être simplifiée si on utilise l’expression de la courbe de coexistence (ou de son inverse). En effet, à partir des relations (6.2a)-(6.2b) on écrit les volumes et les énergies internes en fonction d’une même pression P et d’une même température T : εα(T, P) = cvαT P+ παγα P+ πα == cvαT 1+ πα(γα− 1) P+ πα , τα(T, P) = cvαΓα T P+ πα ,
αétant liq ou vap. Ensuite, la combinaison de ces deux relations avec l’équation (6.2c) fournit une expression explicite de P 7→ Tsat(expression qu’on donnera au paragraphe
suivant) et permet d’exprimer par conséquent les volumes et les énergies internes à saturation en fonction de la seule variable P :
εsatα (P)déf= εα(Tsat(P), P) = cvαT sat(P)P+ παγα P+ πα , τsatα (P)déf= τα(Tsat(P), P) = cvαΓα Tsat(P) P+ πα . En injectant ces relations dans (6.2e) on trouve
ysat(P) = τ− τ
sat liq(P)
τsatvap(P) − τsatliq(P).
Donc, en combinant le tout avec (6.2d), on trouve que la résolution du système (6.2) est réduite à la recherche (en générale numérique) de la solution de l’équation de change- ment de phase (voir définition 2.10 à la page 55) suivante
τ− τsatvap(P) τsatliq(P) − τsatvap(P)=
ε− εsatvap(P) εsatliq(P) − εsatvap(P) avec la contrainte ysat(P)
∈ ]0, 1[.
Équation de changement de phase
Courbe de coexistence Détaillons ici le calcul de la courbe de coexistence, calcul qu’on a vu être crucial pour l’établissement de la loi de changement de phase.
En écrivant l’égalité des potentiels chimiques gliq(P, T ) = gvap(P, T )en fonction de la
pression et de la température, on obtient l’équation (implicite) de la courbe de coexis- tence T 7→ Psat(T ):
qliq− Tmliq+ cvliq
Γliqln(P + πliq) − γliqln T + γliq(1 −ln cvliq) − Γliqln Γliq
= = qvap−Tmvap+ cvvap
Γvapln(P + πvap) − γvapln T + γvap(1 −ln cvvap) − Γvapln Γvap
. Il est évident que si qliq = qvap = 0, on peut calculer la température en fonction de la
pression ; en revanche, si au moins un des deux qαest non nul, la relation entre P et T
reste implicite.
En particulier, pour qliq= qvap= 0on a deux cas possibles :
1. si cvliqγliq = cvvapγvap alors l’équation gliq(P, T ) = gvap(P, T ) fournit une pression Psatconstante qui vérifie la relation
(Psat+ πliq)cvliqΓliq
(Psat+ πvap)cvvapΓvap =exp(mliq− mvap) c vliqΓliq cvvapΓvap cvγ Γvapcvvap Γliqcvliq
(c’est une généralisation du cas cv1γ1= cv2γ2avec deux lois d’états de type gaz parfait polytropique) ;
2. si cvliqγliq 6= cvvapγvap, en résolvant gliq(P, T ) = gvap(P, T )on obtient une expression explicite de l’inverse de la courbe de coexistence :
P7→ Tsat= Ah(P + πliq)cvliqΓliq(P + πvap)−cvvapΓvapi1/B où on a défini Adéf=exp 1−q ′ liq− qvap′ B ! > 0, Bdéf= cvliqγliq− cvvapγvap.
Cette fonction suggère plusieurs remarques :
2.1. Les hypothèses 2.3 à la page 35, c’est-à-dire le fait que, à saturation, les vo- lumes τsat
α (P), les énergies internes εsatα (P)et les entropies molaires ssatα (P)(et
donc les enthapies hsat
Section 6.3. Cas simplifié : qliq= qvap= 0
dans la phase vapeur, imposent certaines restrictions sur les coefficients. De plus, pour des raisons de vraisemblance physique, il faut que la vitesse du son du liquide soit supérieure à celle de la vapeur. S’il n’est pas possible de trouver de façon explicite des conditions suffisantes qui garantissent la satisfaction de toutes ces hypothèses (comme on a pu faire pour le cas de deux gaz parfaits), cependant on peut au moins établir des conditions néces- saires qui doivent être vérifiées par les coefficients cvα, γα, πα. Notamment
on observe que : 2.1.1. l’hypothèse hsat
liq(P) < hsatvap(P)est satisfaite si et seulement si
B= cvliqγliq− cvvapγvap< 0 (rappelons que, à saturation, hsat
liq(P) < hsatvap(P)si et seulement si ssatliq(P) <
ssatvap(P)) ;
2.1.2. l’hypothèse τsat
liq(P) < τsatvap(P)est satisfaite si et seulement si
(cvliqΓliq− cvvapΓvap)P + cvliqΓliqπvap− cvvapΓvapπliq< 0 ce qui peut limiter l’intervalle des pressions admissibles ;
2.1.3. la dérivée première de l’inverse de la courbe de coexistence s’écrit dTsat
dP =
Tsat(P) (P + πliq)(P + πvap)
(cvliqΓliq− cvvapΓvap)P + cvliqΓliqπvap− cvvapΓvapπliq
B ;
ayant imposé ssat
liq(P) < ssatvap(P)et τsatliq(P) < τsatvap(P), pour la relation de
Clapeyron elle est donc bien croissante ;
2.1.4. pour des raisons de vraisemblance physique, il faut aussi que la vi- tesse du son du liquide soit supérieure à celle de la vapeur ; donc, à la même température, ceci est vérifié si et seulement si
Γvap
Γliq <
cvliqγliq cvvapγvap
(< 1); on remarque que ceci implique γliq > γvap;
2.1.5. si on suppose πvap = 0(hypothèse classique), alors l’hypothèse εsatliq(P) <
εsatvap(P)implique
cvliq< cvvap;
(c’est une condition seulement nécessaire mais pas suffisante).
2.2. On remarque que, si πliq= πvap= Π, on peut inverser la fonction P 7→ Tsatet
écrire
T 7→ Psat= Texp
mliq− mvap
cvliqγliq− cvvapγvap − 1 (c γliq vliqΓ Γliq liq)cvliq (cγvap vvapΓ Γvap vap)cvvap 1 cvliq γliq−cvvap γvap
TAB. 6.1.: Paramètres d’un fluide virtuel et de sa vapeur pour une loi d’état de type
Stiffened Gassimplifiée – exemple 1
Phase cv[J/(kg · K) ] γ π[Pa ] q [J/kg ] q′[J/(kg · K) ]
Liquide 900 1.4 105 0 1000
Vapeur 1110 1.3 0 0 0
si, de plus, Π = mliq= mvap = 0on retrouve la courbe de coexistence des gaz
parfaits.
Exemple 1 Un fluide virtuel qui vérifie (dans un intervalle qu’on va établir) toutes les contraintes du point (2.1) est donné au tableau 6.1. En effet on remarque que
1. l’hypothèse hsat
liq(P) < hsatvap(P)est satisfaite car
B= cvliqγliq− cvvapγvap= −170 < 0; 2. puisque (cvliqΓliq− cvvapΓvap) = 30, l’hypothèse τ
sat
liq(P) < τsatvap(P)est satisfaite si et
seulement si
P <−cvliqΓliqπvap− cvvapΓvapπliq (cvliqΓliq− cvvapΓvap)
= −−3.3× 10
7
30 = 1.1× 10
6Pa;
3. les deux points précédents assurent que la fonction T 7→ Psatest croissante pour
0 < P < 1.1× 106Pa ;
4. la vitesse du son du liquide est supérieure à celle de la vapeur car on a bien Γvap
Γliq = 0.75 <
cvliqγliq cvvapγvap
≈ 0.88111 (< 1);
5. ayant supposé πvap = 0on a bien cvliq < cvvap mais pour que εsatliq(P) < εsatvap(P)il
faut de plus que
P > 8× 104Pa.
En conclusion, ce fluide virtuel vérifie les hypothèse 2.3 à la page 35, la croissance de T 7→ Psatainsi que la condition de vraisemblance physique sur les vitesses du son des deux phases seulement pour
Section 6.3. Cas simplifié : qliq= qvap= 0
TAB. 6.2.: Paramètres d’un fluide virtuel et de sa vapeur pour une loi d’état de type
Stiffened Gassimplifiée – exemple 2
Phase cv [J/(kg · K) ] γ π[Pa ] q [J/kg ] q′[J/(kg · K) ]
Liquide 800 1.4 105 0 1000
Vapeur 1110 1.3 0 0 0
Exemple 2 Un autre fluide virtuel qui vérifie toutes les contraintes du point (2.1) sans restrictions cette fois-ci sur la pression maximale de validité est donné au tableau 6.2. Effectivement on a que
1. l’hypothèse hsat
liq(P) < hsatvap(P)est satisfaite car
B= cvliqγliq− cvvapγvap = −310 < 0;
2. puisque (cvliqΓliq− cvvapΓvap) = −10, l’hypothèse τsatliq(P) < τsatvap(P)est satisfaite si et
seulement si
P >−cvliqΓliqπvap− cvvapΓvapπliq (cvliqΓliq− cvvapΓvap)
= −−3.3× 10
7
−10 = −3.3× 10
6Pa;
3. les deux points précédents assurent que la fonction T 7→ Psatest croissante pour
toute P > 0 Pa ;
4. la vitesse du son du liquide est supérieure à celle de la vapeur car on a bien Γvap
Γliq = 0.75 <
cvliqγliq cvvapγvap
≈ 0.78 (< 1);
5. ayant supposé πvap = 0 on a bien cvliq < cvvap mais pour que εsatliq(P) < εsatvap(P)il
faut de plus que
P > 6.7× 104Pa.
En conclusion, ce fluide virtuel vérifie les hypothèse 2.3 à la page 35, la croissance de T 7→ Psatainsi que la condition de vraisemblance physique sur les vitesses du son des