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Le cas de l’œuvre plurale : un droit moral concurrencé

Dans le document Les mutations du droit moral (Page 77-85)

Chapitre 2 : Des mutations induites par la diversité des objets protégés

A) Le cas de l’œuvre plurale : un droit moral concurrencé

Lorsqu’un auteur participe à une œuvre plurale, il se confronte inévitablement à d’autres personnalités ayant œuvré avec lui. Son droit moral devra donc se concilier avec ceux des autres coauteurs. De ce fait, son droit moral se verra quelque peu dilué : son exercice ne pourra être souverain, absolu, comme il l’est clairement établi dans la conception traditionnelle du droit d’auteur s’agissant des œuvres créées par un auteur unique. La cohabitation des auteurs va en effet les obliger à privilégier la souplesse dans l’exercice de leurs prérogatives. À cet égard, l’article L. 113-2 du CPI distingue trois hypothèses bien différentes d’œuvres plurales : tandis que l’œuvre de collaboration implique la coopération de plusieurs auteurs à une même œuvre (1), l’œuvre collective correspond à un schéma vertical et donc opposé où cette fois un promoteur est à l’initiative de l’œuvre et a donc un rôle prépondérant par rapport aux autres intervenants (2). Quant à l’œuvre composite, elle est le fruit d’un travail collectif mais cette fois emprunte à une œuvre préexistante, de sorte qu’on peut parler d’une véritable « pluralité d’auteurs »312.

311 Frédéric Pollaud-Dulian, « Droit au respect, oeuvre architecture (Commentaire de l’arrêt Hénaff [2012],

Cass. Civ. 1ère » [2012] RTD Com 777.

1. L’œuvre de collaboration

L’œuvre de collaboration est définie à l’article L. 113-2 al. 1er du CPI comme « l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques ». Cette définition prise sous le seul angle de cet article, bien que porteuse des trois éléments essentiels à la matière, est un peu vague, pouvant dès lors aussi s’appliquer aux œuvres collectives. C’est en la combinant avec l’article L. 113-3 du même code que la définition se précise : « l’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs. Ils doivent exercer leurs droits d’un commun accord. En cas de désaccord, il appartiendra à la juridiction civile de statuer ». L’œuvre de collaboration est une œuvre issue d’un travail collectif de plusieurs auteurs dont chacun a déposé son empreinte personnelle. Cette œuvre n’est donc pas le simple fruit de la juxtaposition de plusieurs œuvres répondant à un régime propre, mais de la concertation, la contribution véritable des coauteurs sur un travail créatif et original313. Cette œuvre constitue, en somme, le rassemblement des travaux créatifs de divers auteurs ayant décidé de donner naissance à une œuvre commune314. Le simple apport d’idées de départ ou de thèmes ne confère pas la qualité de coauteur à celui qui en est à l’origine. Le consentement unanime, s’agissant d’une copropriété, de tous est donc nécessaire pour l’exploitation de ladite œuvre. À cet égard, le Professeur Gautier fait une analogie avec le cas de l’indivision, et notamment successorale315.

Le droit moral attaché à cette œuvre commune, et particulièrement le droit au respect, subit nécessairement des limitations par la pluralité des droits moraux individuellement octroyés aux coauteurs. Il doit également être exercé conjointement. En effet, chaque auteur doit nécessairement consulter les autres participants avant d’exercer une des prérogatives du droit moral. C’est pourquoi la règle d’or en la matière est celle du régime de l’unanimité, qu’il s’agisse de divulguer l’œuvre, la modifier ou encore revenir sur la cession consentie par tous en invoquant le droit de repentir. Par exemple, un seul coauteur ne peut conclure seul un contrat portant sur l’œuvre, tout comme un indivisaire ne peut procéder seul à un acte de disposition316. L’accord préalable et unanime de tous les autres coauteurs est nécessaire. Si le droit moral est violé, alors la contrefaçon sera caractérisée317. Néanmoins, s’agissant de chaque contribution prise individuellement, chacun des coauteurs pourra

313 Être et avoir, 2008 Cass Civ 1ère : pas de « contribution aux opérations intellectuelles de conception »

entre le prof filmé en train de faire son cours et le cinéaste.

314 Gautier, supra note 2, no 699. 315 Ibid, no 698.

316 Code civil, supra note 7, art. 815.

317 Cass Civ 1ère, 15 février 2005, 01-16.297 : coauteur condamné à la requête d’un autre pour avoir utilisé la

exercer son propre droit moral sur sa contribution, sous réserve qu’il ne porte pas préjudice à l’exploitation de l’œuvre commune318.

L’analogie avec l’indivision et donc le droit commun permet de constater que seule la règle de l’unanimité est finalement requise seulement pour les actes de disposition (qui épuisent ou diminuent le patrimoine de l’auteur), et non les actes d’administration (qui n’épuisent pas le droit patrimonial). Il en va notamment ainsi pour le droit de divulgation : l’accord unanime de tous les coauteurs est indispensable pour mettre l’œuvre au contact du public et donc l’insérer dans le circuit économique319. En cas d’abus de droit de la part d’un auteur, c’est au juge qu’il reviendra de les départager. Seul le droit au respect peut être exercé individuellement.

Un tel système pose des limites non négligeables en ce qu’il ne favorise pas le développement d’une œuvre ni la protection du droit moral individuel de chaque auteur. En effet, comme c’est le cas dans l’indivision, « il n’est de prérogative que d’interdire aux autres d’agir, fut-on le seul à s’y opposer »320. Ainsi, un seul refus peut entrainer la paralysie des autres et l’impossibilité de développer l’œuvre. Certes, il reviendra au juge de trancher le différend de sorte qu’il pourra s’octroyer la possibilité de passer outre l’auteur récalcitrant dont l’exercice de son droit est abusif, mais le fait de passer systématiquement par le système judiciaire pour conclure un contrat d’édition, etc. freine considérablement les auteurs. Plus encore, une jurisprudence illustre les astigmatismes auxquelles ce système peut conduire. Les juges traitent en effet les coauteurs comme des tiers, alors même que l’action est profitable à tous. L’hypothèse de ce système favorable aux contrefacteurs est celle d’une contrefaçon d’une œuvre effectuée par un tiers non autorisé. Un seul des coauteurs agit en justice afin de sauvegarder les droits. Ce tiers, qui n’a pourtant pas qualité pour mettre en échec l’unanimité en raison de sa qualité mais aussi de l’objectif de protéger un comportement illicite, obtient pourtant gain de cause. Alors que l’article L.113-3, al. 2 et 3 du CPI n’a vocation à régir que les rapports inter partes, les juges déclarent irrecevable le coauteur isolé en lui opposant la règle de l’unanimité de l’article L.113-2. Seul le droit au respect serait susceptible d’être invoqué isolément.

318 Code de la propriété intellectuelle, supra note 1, art. L.111-3 al. 4. 319 Atlan, 1979 Cass Civ 1ère.

320 Gautier, supra note 2, no 702; Lucky Luke, 1978 TGI Paris : le juge a validé rétroactivement la signature

d’un contrat avec un éditeur pour un nouvel album, par le dessinateur, contre la volonté du scénariste. Les juges du fond ont donc été plus loin que la simple autorisation préalable dans la mesure où la convention était déjà passée. Ils ont donc régularisé un acte pourtant contrefaisant et donc en principe nul. Néanmoins, il faut de justes motifs (tels que l’urgence par ex) pour ne pas se voir opposés l’inopposabilité.

Le droit moral de chaque coauteur se voit ainsi quelque peu « édulcoré » en ce qu’il se retrouve confronté à d’autres droits moraux mais également paralysé par celui des autres. Nous sommes bien loin de la conception symbolique du droit moral prédominant qui ne pourra ici pas s’exercer pleinement et librement.

La réponse à ces aberrations serait l’application des règles du code civil portant plus précisément sur l’indivision. Par exemples, selon l’article 815-2 alinéa 1er, « tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis ». Quant à l’article 815-3 alinéa 2, il autorise le mandat tacite en matière d’actes d’administration sur la chose. Enfin, l’article 815-4 alinéa 2 admet la gestion d’affaires lorsqu’un indivisaire fait un acte en représentation d’un autre, et prend donc en main l’exploitation du bien indivis.

Si l’œuvre de collaboration suppose le travail de plusieurs auteurs avec une certaine autonomie, tel n’est pas le cas des œuvres collectives où, cette fois, l’initiative vient de la personne morale.

2. L’œuvre collective

L’œuvre collective est un autre modèle clé de la notion d’œuvre plurale, où cette fois les coauteurs ne travaillent plus ensemble selon un schéma horizontal, mais selon un modèle de création vertical, sous l’impulsion du promoteur de l’œuvre, personne physique ou personne moral321. L’article L. 113- 3 alinéa 1 du CPI dispose que « l’œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée ». Cette personne « est investie des droits de l’auteur ». Le promoteur d’une telle œuvre est donc originairement investi des droits d’auteur. Ces derniers seront automatiquement transférés dans le patrimoine de l’entrepreneur, sans qu’il soit nécessaire de passer par une cession. L’article L. 113-5 ajoute même une présomption simple de titularité en faveur de la personne sous le nom de laquelle l’œuvre est divulguée et qui a pris l’initiative de la création de l’œuvre. Ainsi, bien qu’elle soit le fruit de la coopération de plusieurs personnes, elle n’appartient qu’à son fédérateur. Néanmoins, cette personne est le plus souvent une personne morale. La loi porte donc le premier indice selon lequel une personne morale peut être

investie des droits d’auteur322. La jurisprudence fait néanmoins à cet égard preuve d’une logique à géométrie variable. Si dans un arrêt de 1993323 elle a considéré que la personne morale à l’origine d’une œuvre collective ne peut être considérée comme un auteur, des déviances de la part des juges s’en sont suivies. Un arrêt retentissant rendu en 2012 a néanmoins confirmé que la dévolution du droit d’auteur à une personne morale attribue à cette dernière toutes les prérogatives attachées à ce droit de propriété, dont le droit moral324. Cet arrêt, en ce qu’il s’oppose frontalement au principe inhérent à la propriété littéraire et artistique selon lequel une personne morale ne peut bénéficier de droits moraux, a posé de grandes difficultés au regard des caractères des prérogatives du droit moral (perpétuel, inaliénable et imprescriptible). Suivant l’analyse du Professeur Christian Gamaleu-Kameni, la Cour adopte une position unitaire selon laquelle le droit d’auteur ne se subdivise pas dans sa dévolution et l’emploi de l’expression droit d’auteur doit nécessairement porter sur l’ensemble des prérogatives de ce titre de propriété325. Plus encore, certains auteurs de doctrine ont relevé qu’en se décidant ainsi, « la Cour de cassation a certainement marqué une étape décisive dans la mutation économique du droit d’auteur […]. Si le glissement progressif du droit moral de l’auteur dans la catégorie des droits disponibles n’est pas totalement opéré, ce courant est porteur de nombreux enjeux pour les sociétés dont la principale activité consiste dans l’élaboration et l’exploitation de biens intellectuels »326. Ainsi, quid de l’objet même du droit moral qui est de protéger l’expression de la personnalité d’un auteur à travers son œuvre327 ? Quid d’une œuvre de l’esprit ? Quid du véritable rôle actif de la personne morale dans l’élaboration de la création, pourtant a priori et pour le moment incapable de processus véritablement créatif ? En étant investie des droits d’auteur sur l’œuvre, et a fortiori des droits moraux, la personne morale peut jouir de ses droits sur l’œuvre collective de la même façon que les coauteurs personnes physiques. Selon le Professeur Pierre Sirinelli328, cet arrêt s’affranchit de ce qui fonde le droit moral.

322 Vivant et Bruguière, supra note 15 à la p 442. 323 Cass Civ 1ère, 8 décembre 1993, 91‑20.170. 324 Cass Civ 1ère, 22 mars 2012, 11‑10.132.

325 Christian Gamaleu-Kameni, « Personne morale et droits d’auteure : une personne morale ne peut avoir la

qualité d’auteur » (2015) 27:2 CPI 893.

326 Cervetti, supra note 264.

327 Christophe Caron, « L’exercice du droit moral postule l’existence d’une oeuvre » (2013) 73:7‑8 Comm

Com électr 60.

Cependant, afin d’éviter de trop grands écarts entre le système traditionnel du droit d’auteur français et le basculement dans un système de copyright329, la Cour de cassation a reconnu l’autorat de la

personne morale et distingue donc cette notion de celle de « titularité ». En effet, alors qu’en principe la titularité dépend de l’autorat, dans l’hypothèse de l’œuvre collective, il existe une désunion légale de la qualité d’auteur et de la titularité des droits d’auteur. La loi offre une titularité initiale à la personne morale promotrice de ladite œuvre, sans pour autant lui attribuer la qualité d’auteur. Ce principe a été confirmé dans un arrêt attendu du 15 janvier 2015330. Bien que les faits de l’arrêt soient relatifs à un litige concernant un logiciel, qui connait un régime particulier de transfert automatique des droits d’auteur, la Cour de cassation ne précise pas le cadre dans lequel elle rend cette décision. La solution doit donc être généralisée à toutes les œuvres originales protégées par le droit d’auteur, y compris l’œuvre collective. Ainsi, si le promoteur de l’œuvre en question est titulaire des droits et est en charge de la défense de l’œuvre collective, il n’est pour autant pas auteur de ces droits. Les différents auteurs personnes physiques ont donc chacun un droit moral sur leur contribution prise individuellement. Il est cependant considérablement affaibli voire mis en « veilleuse »331 dans une telle hypothèse dans la mesure où la contribution de chacun des auteurs se fond dans un ensemble. L’auteur doit donc se plier aux directives du promoteur pendant la phase de création de l’œuvre, et ne pas brandir systématiquement son droit moral. Cette solution est semblable à celle retenue pour les œuvres audiovisuelles, qui sont elles aussi des œuvres collectives332.

Des limites sont toutefois apportées afin que le fédérateur de l’œuvre collective n’abuse ni ne malmène le droit moral des artistes. C’est ainsi que ces derniers pourront exercer une action au titre du préjudice personnel subi si le promoteur est resté passif dans la défense de l’œuvre (par exemple le sous-éditeur d’un dictionnaire supprime des mots)333. Le contrôle d’un éventuel abus peut alors être effectué ; c’est alors au promoteur qu’il reviendra de prouver que les modifications effectuées

329Dans le système de copyright britannique et s’agissant du cas spécifiques des créations de salariés –

« works made by an employee », l’article 11, 2) du CPDA énonce que « Lorsqu’une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique est créée par un employé dans le cadre de son emploi, l’employeur est, sous réserve de toute stipulation contraire, le premier titulaire de tout droit d’auteur sur cette œuvre ». Cette disposition met en exergue le caractère objectif impersonnel du copyright. En effet, la notion anglaise

d’auteur peut désigner une personne morale, contrairement, en principe, à la notion française. Dans le système de copyright américain, et notamment le cas des œuvres créées dans le cadre d’un contrat de louage ou de services (« works made for hire »), la loi américaine prévoit une exception au principe selon lequel le créateur est le titulaire initial des droits d’auteur. Ainsi, l’employeur ou la personne pour laquelle l’œuvre a été réalisée est « considéré comme l’auteur ». Cette personne peut par conséquent est une personne morale qui se voit investie ab initio des droits sur l’œuvre.

330 Cass Civ 1ère, 15 janvier 2015, 13-23.566. 331 Gautier, supra note 2, no 693.

332 V. supra

étaient utiles pour la cohésion de l’œuvre334. En outre, il est possible que chaque contributeur se voit reconnaitre un droit d’information335. Enfin, le droit au nom et à la paternité doit être respecté336.

En conclusion, le régime dérogatoire de l’œuvre collective atrophie considérablement le droit moral des auteurs. Malgré la distinction réintroduite par l’arrêt de 2015 entre l’autorat et la titularité des droits d’auteur par une personne morale, il atteste que nous ne sommes pas à l’abris que soit reconnue la qualité d’auteur à une personne morale un jour. En tout état de cause, « il est dangereux de réduire l’œuvre collective à un droit d’auteur sans auteur »337 et les coauteurs personnes physiques détiennent pleinement qu’une seule prérogative : le droit à la paternité.

3. Les œuvres dérivées

Une œuvre dérivée, dite encore œuvre composite, est une œuvre à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de la dernière338. Plus précisément, adapter c’est faire usage d’une œuvre première afin d’en tirer une seconde339. Ce sont donc des œuvres non absolument originales puisqu’elles empruntent un ou plusieurs éléments à une œuvre préexistante, mais apportent à leur tour une création originale lui conférant une protection par le droit d’auteur. En effet, l’œuvre composite se caractérise par l’absence de participation de l’auteur de l’œuvre première à la création de l’œuvre seconde. Il s’agit par exemple de la traduction d’une œuvre littéraire, d’arrangements musicaux ou encore de la manipulation d’images. Ces dernières prennent une ampleur considérable avec les technologies numériques au point d’en bouleverser les fondements du droit d’auteur. En effet, à l’ère du web 2.0, chaque utilisateur peut facilement compiler et transformer des œuvres préexistantes, tout en touchant un public planétaire340. En l’espèce, il existe encore une fois un conflit

334 Jean-Marc c/ havas Interactive Europe, 1999 CA Versailles : si le droit au respect « n’interdit pas les

modifications...que justifie la nécessaire harmonisation de l’œuvre », il « interdit de la remanier sans l’accord du contributeur ou à tout le moins sans qu’il en soit avisé ».

335 Cass Civ 1ère, 8 octobre 1980, 19‑11.135.

336 Cass Civ 1ère, 15 avril 1986, 84‑12.008 : casse l’arrêt d’appel qui refuse à l’auteur le droit de « faire

publiquement état de son rôle de créateur ».

337 Christophe Caron, « Droit d’auteur : redoutable droit moral dans l’oeuvre collective » 141:11 Comm Com

électr 58.

338 Code de la propriété intellectuelle, supra note 1, art. L.113-2 al. 2. 339 Gautier, supra note 2, no 585.

340 Murielle CAHEN, « Les œuvres transformatrices ». En ligne : < https://www.murielle-

entre les droits moraux. En effet, deux droits moraux vont coexister : le droit moral de l’œuvre première qu’il convient de respecter et celui de l’œuvre composite qui doit être récompensée pour le fruit de son travail original bien qu’elle affecte par essence l’intégrité de l’œuvre première dans la mesure où elle va la modifier. En effet, l’article L. 113-4 du CPI pose le principe que « l’œuvre composite est la propriété de l’auteur qui l’a réalisée, sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante ». L’auteur de l’œuvre préexistante, qui reste donc titulaire des droits d’auteur sur cette dernière, conserve le droit d’autoriser ou non cette incorporation dans une œuvre nouvelle341. Ainsi, l’adaptation dénaturante pourra être combattue au même titre que toute altération sur le fondement du droit au respect de l’œuvre. Il conserve également un droit de représentation et de reproduction sur cette œuvre et a la possibilité d’exiger qu’une rémunération lui soit versée chaque fois que ce droit est exercé. En s’attelant à une analyse littérale du Code de la propriété intellectuelle, l’autorisation devrait même être expresse et ainsi indiquer tous les usages et supports envisagés, même si l’œuvre première est tombée dans le domaine public.

Toutefois, la jurisprudence ne manifeste pas de sévérité à cet égard puisqu’elle considère que l’auteur bénéficie d’une marge de manœuvre et que la création d’un nouveau personnage pour la narration d’un livre adapté en dessin animé ne porte pas atteinte à l’intégrité de l’œuvre342. Nous verrons même plus tard que le juge français va être éminemment influencé par les droits fondamentaux consacrés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, notamment son article 10,

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