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Cas 4 : L’étude des décisions dans l’exécution d’une séquence de mouvements par

Au cours des années 1970, à la fois avant et après la publication de Sociobiology et la constitution de l’écologie comportementale, Marian et Richard Dawkins (« les Dawkins » ci-après) ont travaillé sur la question des séquences de mouvements, et plus particulièrement sur celle de la prédictibilité de l’ordre d’exécution des mouvements à

268 Une courte introduction à ces trois déclinaisons de la méthode comparative peut être trouvée dans Cézilly,

l’intérieur de ces séquences. Quelques précisions s’imposent afin de bien situer le contexte dans lequel intervient ce cas d’étude. D’abord et avant tout, l’intérêt pour l’ordre dans lequel un organisme accomplit des activités, des actions ou des mouvements découle d’une compréhension hiérarchique du comportement animal. Pour les éthologues, cette compréhension repose sur deux éléments distincts, mais convergents. D’une part, il y a la nécessité de produire des descriptions économes et utiles de certains aspects du comportement de façon à rendre possible le travail scientifique269. Ainsi, l’investigateur repère des activités répétées dans le comportement de l’animal, et considère que ces activités appartiennent à un même type sous certains rapports (par exemple, la reproduction ou l’alimentation). Pour certaines investigations, ces grandes catégories d’activité sont trop générales et peu informatives, si bien qu’il importe de les subdiviser en catégories d’un niveau subalterne. Par exemple, dans le cas du comportement d’un oiseau, il paraît raisonnable d’identifier plusieurs actions distinctes et indépendantes ayant lieu pendant la reproduction (la cour, la construction du nid, la lutte, la ponte, etc.), l’alimentation (la recherche de nourriture, la lutte avec des compétiteurs, la vigilance, etc.), les soins apportés à la progéniture (défense, alimentation, toilette, etc.), etc. De façon similaire, ces catégories d’actions peuvent encore être décomposées en des patterns distincts et ainsi permettre des investigations plus fines du comportement de l’organisme. En ce sens, la conception hiérarchique du comportement n’est que la conséquence épistémologique d’un intérêt pour les régularités emboîtées qui constituent le phénomène. Chez les éthologues, la limite inférieure de ce procédé analytique est envisagée comme étant les coordinations héréditaires, un ensemble à son tour déterminé par des contractions musculaires.

D’autre part, la conception hiérarchique du comportement est aussi l’une des conséquences de la théorie des instincts qu’endossent la plupart des investigateurs jusque dans les années 70. Dans la mesure où l’approche de Baerends et Tinbergen est admise270, la conception hiérarchique n’est plus seulement un principe méthodologique. Elle devient à

269 Dawkins, R. et Dawkins, M., 1973, p. 83.

270 C’est-à-dire qu’une pulsion engage un comportement appétitif principal qui, en fonction des stimuli

(internes et externes) auxquels est soumis l’organisme, transmet une forme d’impulsion au centre dirigeant un comportement appétitif de niveau inférieur. Ce centre en déclenche un autre d’un niveau lui étant inférieur, et ainsi de suite, jusqu’à ce que, à un certain niveau, le comportement appétitif rencontre le ou les stimuli extérieurs appropriés, et que l’acte consommatoire soit déclenché (voir p. 28 pour un exemple).

la fois heuristique et explicative, ou pour employer le vocabulaire que nous avons utilisé jusqu’ici, elle est intégrée à la connaissance d’arrière-plan. C’est la conception hiérarchique des instincts qui, dans une large mesure, invite les éthologues à apprécier l’importance de l’ordre d’exécution de certaines composantes du comportement. Par exemple, l’exécution de la parade nuptiale par le mâle d’une espèce de drosophile (Drosophila melanogaster) est composée d’une succession de trois séquences de mouvements distinctes, que l’on considère corrélées au degré d’excitation du mâle. En fonction de ce degré d’excitation (l’accumulation d’énergie à un niveau de la hiérarchie), modulé par les stimuli excitants ou inhibiteurs de la femelle, le mâle effectue l’une des trois séquences de la cour (comportement appétitif de niveau inférieur)271. Un haut degré d’excitation entraîne l’exécution de la troisième séquence, et ensuite la copulation (acte consommatoire) si la femelle est réceptive. Dans le cas contraire, le niveau d’excitation du mâle retombe et celui- ci reprend sa cour depuis la première séquence. D’une façon générale, selon la conception hiérarchisée des instincts, l’ordre d’exécution des actions d’un organisme est déterminé à la fois par l’appartenance de ces actions à un centre de niveau supérieur (une catégorie), et par le niveau de stimulation nécessaire à leur déclenchement (la série à l’intérieur de cette catégorie).

Le cas d’étude qui nous intéresse ici endosse une approche hiérarchique vidée de l’hypothèse énergétique de l’éthologie classique, et plus modeste dans ses prétentions explicatives. Cependant, avant de nous pencher sur les caractéristiques du modèle impliqué, il importe d’abord que nous décrivions en quoi consistent les travaux du couple Dawkins. Le phénomène auquel s’intéressent les Dawkins est la séquence de mouvements qui est mobilisée lorsque le poussin (Gallus gallus) s’abreuve. Afin de décrire cette séquence particulière, ils la décortiquent à l’aide de quatre points de repère définis opérationnellement : début de la course descendante (downstroke), entrée du bec dans l’eau, sortie du bec de l’eau et course ascendante (upstroke)272. Ces quatre points de repère contribuent à identifier quatre phases de la séquence de mouvements : le temps de latence

271 Bastock, M. et Manning, A., 1955.

272 A titre d’exemple, le critère permettant de distinguer la fin de la descente et le début de l’abreuvement est

l’image (frame) où le bec est sous le niveau de l’eau, alors qu’il était au-dessus du niveau à l’image précédente (Dawkins, R. et Dawkins, M., 1973, p. 91).

entre deux séquences, la descente du bec, l’abreuvement et la montée du bec (Figure 3 A). Pour étudier le déroulement rapide de ces séquences répétitives, les auteurs utilisent un dispositif leur permettant de filmer la hauteur des yeux d’un poussin présenté à un bol d’eau. En analysant le film image par image, les investigateurs sont en mesure de déterminer la position des yeux de l’animal à un centimètre près, tous les 20e de seconde (1200 positions/minute). En tant que telle, l’expérimentation qu’ils conduisent demeure très simple, et les seules manipulations qu’elle demande se résument à consigner les observations que révèle le visionnement plan par plan du film.

Figure 3 : Courbes représentant la hauteur des yeux du poussin (cm) en fonction du temps (sec.) au cours de séances d’abreuvement. A. Courbe théorique dans laquelle sont décrites les quatre phases (I-IV) de la séquence : I le temps de latence entre

deux séquences, II la descente du bec, III l’abreuvement et IV la montée du bec.

B. Courbe théorique sur laquelle sont superposées deux courbes représentant chacune une observation réelle. D’après Dawkins, R. et Dawkins, M. (1973), p. 89.

A travers leur investigation, les Dawkins montrent que les quatre grandes phases de la séquence de mouvements ne sont pas aussi lisses que les observations à vitesse standard semblent le montrer. En fait, à l’intérieur de chacune de ces phases, la hauteur des yeux du poussin peut transitoirement varier selon une direction opposée de celle attendue dans cette phase. Par exemple, dans une phase de descente vers le bol, il advient des moments où les yeux de l’animal demeurent au même niveau, voir même que leur distance

20 10 Temps (sec.) Hauteur des yeux (cm) 20 10 Temps (sec.) Hauteur des yeux (cm) I II III I IV A. B.

par rapport au sol s’accroît, avant que la descente ne reprenne son cours. C’est précisément ces courtes successions d’instants « contradictoires », à l’intérieur même d’une phase de la séquence de mouvements, qui ont attiré l’attention des investigateurs. Plus particulièrement, ils se sont interrogés sur l’éventuelle présence de moments, pendant la séquence de mouvements totale, où ces courtes successions d’instants contradictoires seraient davantage présentes. En d’autres mots, ils se sont intéressés à ces portions des quatre phases de la séquence, où la hauteur des yeux du poussin est la plus susceptible de dévier de la trajectoire attendue.

Au moment où les Dawkins réalisent cette étude, des travaux sur les séquences de mouvements, d’actions ou d’activités sont réalisés depuis une vingtaine d’années. Pour l’essentiel, l’objectif associé à ce thème d’investigation était, d’une part, de mieux comprendre à quel point certains aspects du comportement sont corrélés dans leurs exécutions et, d’autre part, d’élucider les mécanismes qui déterminent cette corrélation. Pour procéder, les scientifiques de l’époque compilaient un grand nombre d’observations du même type, et évaluent, pour chacun des items identifiés a priori (les trois séquences de mouvements de la parade nuptiale de la drosophile mâle par exemple), la probabilité que l’item en question suive (ou soit suivi par) un autre item. Un tel travail conduisait à la construction d’une matrice de probabilités de transition. C’est en prenant la mesure de ces probabilités qu’il était possible d’évaluer le degré d’association et l’ordre préférentiel d’exécution de certains de ces items. Aussi, en procédant à la comparaison des probabilités de transition de séquences exécutées dans des contextes différents (apaisement, reproduction, agression, etc.), l’investigateur disposait d’un matériau lui permettant d’inférer des hypothèses quant aux mécanismes ou aux propriétés de l’organisation sous- jacente à la corrélation273.

L’approche des Dawkins est sensiblement différente puisque la séquence de mouvements qu’ils utilisent est déjà ordonnée. Le poussin penche la tête vers son bol, boit, et relève la tête. Le type de transition qui les intéresse est plus fin, et concerne le seul changement de la position des yeux de l’animal d’une image à l’autre. Plus précisément, les

Dawkins veulent déterminer, à chacun des instants de la séquence, la probabilité que la position des yeux du poussin soit suivie par un changement particulier de position (plus haute, égale, plus basse) à l’instant suivant274. Plus la probabilité en faveur de l’un des trois changements de position est élevée, plus il est probable que le passage de l’instant de référence à l’instant suivant aille dans cette direction. En revanche, lorsque les probabilités associées à chacun des trois changements possibles sont proches, la position des yeux, à l’instant suivant, est incertaine275. Ainsi, le recours aux probabilités permet d’attribuer aux instants de référence une valeur continue de certitude/détermination : du complètement certain/déterminé au complètement incertain/indéterminé.

Cependant, l’objectif des Dawkins n’est pas de montrer que les quatre phases de la séquence de mouvements comportent des instants de degré d’incertitude différents. Ici, la conception hiérarchique doit être réintroduite pour comprendre de quoi il retourne. Les auteurs endossent la conception selon laquelle chacun des items d’une séquence, et quel que soit le niveau de complexité de celle-ci (simples mouvements, actions, activités, etc.), est l’objet d’une forme de contrôle par un centre de niveau supérieur. Par exemple, c’est un centre du comportement qui détermine en partie, et pour un moment particulier, si l’organisme s’engage dans l’alimentation ou la reproduction. C’est un autre centre (le centre de la reproduction), de niveau hiérarchique inférieur au premier, qui détermine partiellement l’activité qu’entreprend l’animal (cour, construction d’un nid, copulation, gardiennage, etc.). Finalement, toujours en procédant vers le bas de la hiérarchie, c’est encore un centre (le centre de la copulation) qui dirige, en fonction de certains facteurs environnementaux, le début, l’arrêt ou les phases de la copulation. Ainsi, à chacun des niveaux hiérarchiques où plus d’une alternatives est présente, il est assumé que l’animal effectue une « décision » en faveur de l’une des alternatives, décision qui n’a rien de consciente évidemment. C’est précisément l’hypothèse de l’existence de ces décisions que les Dawkins entreprennent de tester. Ils considèrent que seul le niveau le plus bas de la

274 Rigoureusement, ils calculent la probabilité que la hauteur à un instant soit suivie d’une hauteur

particulière (plus haute, égale, plus basse) en utilisant la hauteur moyenne des 6 images suivant l’image de référence. Aussi, pour évaluer ce changement de hauteur, ils utilisent des classes de hauteurs de deux centimètres chacune (Dawkins, R. et Dawkins, M., 1973, p. 96).

275 C’est en utilisant plusieurs répétitions de la séquence, par le même poussin, que les auteurs en arrivent à

hiérarchie peut permettre de montrer la présence de ces décisions, de franches bifurcations dans le comportement animal.

Pour le dispositif expérimental qu’ils utilisent, les investigateurs considèrent que les instants où le poussin est le plus incertain (où il est aussi bien susceptible de lever, baisser ou maintenir la hauteur de ses yeux) peuvent attester d’une période de décision. Pour être en mesure de le montrer, les Dawkins traduisent les valeurs continues de la probabilité d’un choix en valeurs discrètes de certitude. Pour ce faire, ils soumettent simplement les probabilités associées à chacun des instants à un filtre276. Cette étape leur permet d’établir un seuil à partir duquel la position des yeux à l’instant suivant peut être considérée comme certaine ou incertaine. A la suite de cette manipulation, il apparaît clairement que les instants de certitude et d’incertitude ne sont pas distribués de façon uniforme sur toute la séquence de mouvements. En fait, le filtre permet de mettre en évidence des successions d’instants où la position des yeux à l’instant suivant est davantage déterminée/certaine qu’à d’autres instants. C’est ce qu’illustre la figure ci-dessous.

Figure 4 : Courbes représentant la hauteur des yeux du poussin (cm) en fonction du temps (sec.) au cours de séances d’abreuvement. La zone ombrée représente les instants où l’incertitude tombe sous un certain seuil. D’après Dawkins, R. et Dawkins, M. (1973), p. 99.

276 Les auteurs admettent ouvertement que la valeur de filtre pour laquelle ils optent est arbitraire (Dawkins,

R. et Dawkins, M., 1973, pp. 98 et 99). 20 10 Temps (sec.) Hauteur des yeux (cm)

Notre description de ce quatrième cas d’étude montre à quel point l’investigation repose sur l’usage d’un modèle déjà existant, « dans l’air » pourrions-nous même ajouter. Comme pour les cas qui précèdent, ce modèle est de nature verbale, si bien que pour procéder à l’examen de la modélisation des Dawkins, il importe d’en donner une formulation succincte.

Certaines successions de mouvements forment des unités cohérentes. Ces unités, nommées séquences de mouvements, sont cohérentes en vertu de leur appartenance à une entité d’un niveau hiérarchique supérieur, qui stipule 1° les mouvements qui appartiennent à une séquence particulière, et 2° les modalités de passage d’un type de mouvement à l’autre dans la séquence277.

Dans le cas d’étude qui nous occupe ici, il est évident que les auteurs, après avoir posé les quatre phases de la séquence de mouvements, s’intéressent au caractère déterministe du passage d’une phase à l’autre dans la séquence. Nous l’avons mentionné plus haut, ce qui attire l’attention des chercheurs dans cette modélisation n’est pas tant de savoir quelle phase est la plus susceptible de succéder à une autre, mais plutôt de mettre en évidence, par des mesures de la hauteur des yeux du poussin, l’incertitude qui marque plus ou moins fortement chacune des phases de la séquence. En l’occurrence, les Dawkins montrent que la phase entre deux répétitions de la séquence, ainsi qu’une large proportion de la phase « course ascendante », sont les moins marquées par l’incertitude (Figure 4). Ainsi, pour l’exprimer très simplement, ce sont deux successions d’instants où l’animal n’hésite pas dans les mouvements qu’il accomplit.

La modélisation réalisée pour cette investigation, l’interprétation du modèle verbal selon la séquence de mouvements du poussin qui s’abreuve, ne va pas sans soulever quelques interrogations. Evidemment, la modélisation apparaît plutôt adéquate au système de phénomènes naturel qu’elle a comme objectif de décrire. Le poussin effectue des mouvements simples pour s’abreuver. La fonction qui peut être associée à la séquence (s’hydrater) permet aisément d’identifier les mouvements qui appartiennent à la séquence

277 Dans cette formulation, nous utilisons le terme « mouvement ». Evidemment, ce terme aurait pu être

(pencher la tête, boire, relever la tête), ainsi que certaines modalités du passage d’un mouvement à l’autre (pencher la tête pour atteindre l’eau, absorber pour s’hydrater, et ainsi de suite). En ce sens, les entités de la modélisation semblent toutes matérialisées dans le système de phénomènes. Les phases individuées par les Dawkins peuvent être directement observées, et la position des yeux peut être mesurée à chaque instant. Là où l’examen de la correspondance des entités et des relations de la modélisation avec le système apporte davantage de matière à réflexion est l’interprétation que font les auteurs des modalités de passage d’un mouvement à l’autre.

En fait, et contrairement à l’intuition simple, chargée d’intentionnalité, que nous avons évoquée plus haut en abordant la question de l’adéquation (le poussin baisse la tête pour atteindre l’eau, etc.), les Dawkins se préoccupent plutôt de l’incertitude qui marque chacune des phases, et a fortiori le passage d’une phase à l’autre. Afin de mettre en évidence des périodes de certitude et d’incertitude, les auteurs doivent générer des probabilités concernant la position des yeux du poussin à tous les instants de la séquence. Pour ce faire, ils intègrent les valeurs de position de plusieurs images pour obtenir un nombre réduit d’unités et, à chacun de ces instants « manipulés », ils attribuent une valeur de certitude (certain ou incertain) en utilisant la probabilité calculée avec les valeurs de position des instants « manipulés » suivants. Trois relations internes à la modélisation doivent attirer notre attention. La première, la relation des « instants manipulés » aux « images observées » ne peut certainement pas être dite causale. Les instants manipulés sont le résultat d’un algorithme qui permet de regrouper les images observées trop nombreuses. La relation ne peut donc être que corrélative. La seconde, la relation entre les « instants manipulés » et les « instants manipulés suivants », ne peut pas non plus être considérée causale puisque c’est précisément ce sur quoi l’investigation tente de statuer. Les Dawkins tentent d’élaborer une méthode d’analyse permettant d’exposer comment, dans certaines phases de la séquence, la position des yeux du poussin à un instant détermine (ou à tout le moins permet de prédire) la position des yeux à l’instant suivant. Dans la mesure où cette relation permet d’attribuer des probabilités aux « instants manipulés », il est indéniable que les deux termes sont corrélés. Minimalement, le fait que les deux types d’instants se succèdent dans le temps du système naturel s’avère suffisant pour justifier leur

relation dans la modélisation. En dernier lieu, la relation qui associe une valeur de certitude à un instant manipulé n’a pas de correspondance dans le système de phénomènes naturel. La valeur de certitude, qui n’est que la traduction en langage binaire du degré de corrélation de deux groupes d’images successifs, demeure une construction mathématique.

Comme les figures présentées plus haut le laissent voir, la première fonction de la modélisation des Dawkins est de montrer. Il s’agit pour eux de représenter simplement une séquence de mouvements trop rapide pour être observée directement, et de faire ressortir les moments de cette séquence où la position des yeux du poussin semble déterminée par son rang dans la série chronologique des positions que compte la séquence. Le principal intérêt de la modélisation réside cependant dans la fonction de manipulation de la représentation qu’elle rend possible. En effet, la possibilité de décrire chaque répétition de la séquence de mouvements du poussin en représentant fidèlement la variabilité qu’elle comporte reste scientifiquement pauvre. Par contre, le fait de pouvoir distinguer des périodes de certitude et d’incertitude dans la séquence, même si ce n’est que de façon empirique (la valeur arbitraire du filtre), permet de réaliser des inférences inédites. C’est à partir de ce type de distinction que les Dawkins mettent en l’avant leur notion de décision, et qu’ils illustrent les hypothèses supplémentaires qu’elle suggère278.

Avant de quitter ce cas d’étude, il nous reste encore à nous intéresser à son caractère typologique. Puisque la démarche des Dawkins porte sur une séquence de mouvements bien circonscrite, il semble approprié de l’inscrire dans l’approche de type