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CHAPITRE 2 COMPORTEMENT EN COMPRESSION DU BÉTON ET

2.5 Limiteur de localisation basé sur la régularisation du module tangent d’adoucissement :

2.5.2 Cas de la compression

2.5.2.1 Considérations

La théorie de la fissuration diffuse pour l’adoucissement en traction repose donc sur la postulat fondamental que l’énergie de rupture en traction est un paramètre intrinsèque du matériau. Pour le cas de la compression, il s’avère que les chercheurs n’arrivent toujours pas aujourd’hui à

se mettre d’accord sur l’existence d’une énergie de rupture en compression. Comme on l’a vu, les travaux de Van Mier (1986) mettent en évidence la localisation en compression, mais ceci n’est pas accepté par toute la communauté scientifique. La modélisation de l’adoucissement en compression manque cruellement de paramètres intrinsèques clairs pour avancer.

De plus le comportement post-pic en compression est plus complexe qu’en traction, puisqu’il est le résultat de deux modes de propagations combinés (modes I et II). L’effet du confinement doit aussi être pris en compte dans la formulation post-pic. La rupture en compression s’accompagne de déformations latérales excessives.

Notons aussi que dans le cas d’une rupture en traction le plan de fissure est facile à identifier, il est normal à la direction de la contrainte maximale. Dans le cas d’une rupture en compression, l’orientation du plan de fissure est très difficile à évaluer. Il est donc difficile de définir physiquement la direction dans laquelle la mesure de h doit être effectuée. Pour une modélisation en trois dimensions on conseille donc de garder des éléments avec une géométrie proche du cube où h est calculé par :

ℎ = √𝑑𝑑𝑑𝑑3 (2.10)

où dV est le volume représenté par le point d’intégration. Nous verrons au chapitre 4 que nous utilisons des éléments cubes à intégration réduite avec un seul point d’intégration. Donc dans notre cas, h est égal à l’arête du cube de l’élément.

Il faut donc faire des choix quant à la précision que l’on désire pour notre modèle et les différents aspects sur lesquels nous voulons mettre l’accent. Dans le but de garder un modèle simple et donnant de bons résultats, Bouzaiene (1995) considère une localisation des déformations parfaite en compression et définit de manière « déguisée » une énergie de rupture en compression en incorporant l’effet du confinement. De cette façon, Bouzaiene espérait être capable de modéliser le comportement ductile des colonnes en béton armé plus ou moins confinées. Plus tard Ben Ftima (2013) fera un parallèle direct avec l’énergie de rupture en traction en définissant explicitement une énergie de rupture en compression. Nous présentons plus en détails au chapitre suivant le modèle de Bouzaiene et les modifications apportées par Ben Ftima (2013).

Nous présentons dans ce qui suit des modèles que nous avons rencontré qui modélisent le comportement post-pic en compression en incluant le principe de conservation d’énergie de rupture.

2.5.2.2 Modèle de Markeset et Hillerborg (1995) pour la compression uniaxiale

En 1995, Markeset et Hillerborg publient un article présentant un nouveau modèle appelé « CDZ model » (Compressive Damage Zone model). C’est une amélioration des modèles d’Hillerborg (1989) et de Bazant (1989) qui ont proposé une approche simple en faisant un parallèle entre adoucissement en traction et en compression uniaxiale.

Le modèle de Markeset et Hillerborg (1995) ne prend pas en compte les effets du confinement latéral. Il se base sur l’hypothèse d’une zone de fracture en compression de longueur limitée, Ld. Cette longueur est plus grande que celle donnée par Bazant (1989). Ils prennent en

compte la localisation des déformations ainsi que les effets d’échelle mais aussi la fissuration par fendage. Le post-pic en compression est décrit au moyen de trois courbes (Figure 2.27). La première courbe définit le déchargement élastique. Cette courbe est valide sur la longueur totale du spécimen, L. La deuxième décrit la fissuration par fendage, distribuée sur la longueur Ld, tandis

que la troisième est liée à la localisation des déformations par fissuration en bande de cisaillement. D’après Van Mier (2013), c’est le modèle en compression uniaxiale le plus abouti à ce jour, car c’est le seul à considérer les fissures de fendage sur une certaine longueur Ld. Cependant ce

modèle est qualitatif et aucune équation n’est calibrée sur des essais expérimentaux. Il apporte juste des éléments de réponse quant à la prise en compte des différents phénomènes observés. La déformation d’adoucissement moyenne se décompose donc en trois parties comme ceci :

𝜀𝜀𝑚𝑚 = 𝜀𝜀é𝑙𝑙+ 𝜀𝜀𝑑𝑑𝐿𝐿𝐿𝐿 + 𝑑𝑑 𝑤𝑤𝐿𝐿 (2.11)

εm est la déformation moyenne sur toute la hauteur L du spécimen, εd est la déformation moyenne

due au fendage sur la hauteur endommagée Ld et w est l’ouverture de fissure en bande de

cisaillement. Ce dernier paramètre peut être comparé à l’ouverture de fissure dans la modélisation de l’adoucissement en traction.

Représentation des trois courbes et leurs zones d'application Composition des déformations dans la zone endommagée

Figure 2.27 - Modèle de Markeset et Hillerborg (1995)

Ici l’énergie de rupture en compression peut donc être décomposée en deux termes : 𝐺𝐺𝑓𝑓𝑐𝑐 = 𝐺𝐺𝑓𝑓_𝑐𝑐𝑐𝑐𝑐𝑐𝑎𝑎𝑐𝑐𝑙𝑙𝑙𝑙𝑒𝑒𝑚𝑚𝑒𝑒𝑐𝑐𝑡𝑡+ 𝐿𝐿𝑑𝑑𝑊𝑊𝑓𝑓𝑒𝑒𝑐𝑐𝑑𝑑𝑎𝑎𝑓𝑓𝑒𝑒 (2.12)

où Gf_cisaillement est l’énergie de rupture dissipée par la bande de cisaillement par unité de surface et

est analogue à Gf en traction. Wfendage est l’énergie de rupture dissipée par la fissuration de fendage

par unité de volume. On ramène l’énergie de rupture dissipée par fendage à une énergie par unité de surface en la multipliant par la longueur Ld.

Cependant ce modèle pose problème, puisqu’il introduit des paramètres supplémentaires à déterminer de façon expérimentale et ceci n’est pas aisé. L’obtention en pratique de la longueur Ld

de la zone de dommage est très difficile.

Par ailleurs, lors de la présence de confinement, même à faible niveau, les fissures de fendage n’apparaissent plus et le terme LdWfendage peut être négligé (Samani et Attard, 2012). C’est

pourquoi nous pensons que l’hypothèse d’un modèle basé sur l’énergie de rupture en compression où seule la propagation de la fissure en mode II entre en compte est tout à fait appropriée lorsque le but ultime est de modéliser des poteaux en béton armé. Dans notre modèle, la variation de la pente post-pic ne sera fonction que de la propagation de la fissure en bande de cisaillement influencée par le confinement. Nous rejoignons ainsi le modèle de Van Mier (2009).

2.5.2.3 Modèles pour la compression triaxial

Ces modèles traitent de l’adoucissement en le caractérisant par le couple déformation et contrainte au pic (ε0, σ0) et la contrainte résiduelle (𝜎𝜎𝑟𝑟é𝑐𝑐𝑐𝑐𝑑𝑑𝑠𝑠𝑒𝑒𝑙𝑙𝑙𝑙𝑒𝑒 = 𝑙𝑙𝜎𝜎𝜎𝜎

𝜀𝜀→∞𝜎𝜎). Ainsi la qualité du modèle

dépend essentiellement du critère de rupture utilisé pour calculer (ε0, σ0) et de la formule de la

contrainte résiduelle, fonction du confinement ou non.

La fonction de la courbe σ-ε post-pic, reliant la contrainte au pic à la contrainte résiduelle, peut être linéaire (Saatcioglu et Razvi, 1992), fractionnelle (Attard et Setunge, 1996), exponentielle (Binici, 2005) ou puissance (Samani et Attard, 2012). Certains définissent des points supplémentaires le long de la courbe d’adoucissement comme des points d’inflexions dans le modèle d’Attard et Setunge (1996) pour une meilleure superposition des résultats. Tous ces modèles adoptent un paramètre réglable de façon à ce que l’aire sous la courbe soit toujours égale à Gf/h. Ils sont donc utilisables dans une modélisation par éléments finis. Cependant l’aire sous la

courbe prise en compte est un peu différente. En effet, on ne prend que l’aire comprise entre σ0 et

σrésiduelle (Figure 2.28). On peut voir ceci comme la véritable énergie dissipée par la propagation de

la fissure en bande de cisaillement, puisqu’une fois la fissure complètement propagée, il ne reste que des contraintes de frottement responsable de la présence de la contrainte résiduelle. De plus, on vient ajouter l’aire correspondante au déchargement élastique.

La forme supposée pour le déchargement varie d’un modèle à l’autre. Elle peut tout aussi bien être linéaire mais avec un module de déchargement spécifique ou bien être non linéaire. C’est une des questions encore en suspens dans la littérature. Cependant pour que le modèle soit cohérent, il faut absolument que les éléments se trouvant hors de la zone de localisation se déchargent bien de la même façon que celle supposée dans le calcul de l’aire hachurée. Nous verrons au chapitre 3 que notre modèle souffrait d’une telle incohérence.

2.5.2.3.1 Modèle de Binici (2005)

À l’instar de Cusson et Paultre (1995) ou Cusson et al. (1996), Binici (2005) propose une fonction exponentielle pour décrire la partie adoucissante de la courbe σ-ε. L’équation de la courbe d’adoucissement est donc :

𝜎𝜎 = 𝜎𝜎𝑟𝑟é𝑐𝑐𝑐𝑐𝑑𝑑𝑠𝑠𝑒𝑒𝑙𝑙𝑙𝑙𝑒𝑒+ (𝜎𝜎0− 𝜎𝜎𝑟𝑟é𝑐𝑐𝑐𝑐𝑑𝑑𝑠𝑠𝑒𝑒𝑙𝑙𝑙𝑙𝑒𝑒) exp �− �𝜀𝜀 − 𝜀𝜀𝛼𝛼 �0 2 � Avec 𝛼𝛼 = 1 √𝜋𝜋(𝜎𝜎0−𝜎𝜎𝑟𝑟é𝑠𝑠𝑠𝑠𝑑𝑑𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠)� 2𝐺𝐺𝑓𝑓𝑐𝑐 ℎ − (𝜎𝜎0−𝜎𝜎𝑟𝑟é𝑠𝑠𝑠𝑠𝑑𝑑𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠)2 𝐸𝐸𝑐𝑐 � (2.13) (2.14)

où le paramètre α est calculé de façon à ce que l’aire hachurée sous la courbe de la Figure 2.28 soit égale à Gfc/h. Le critère de rupture utilisé pour déterminer (ε0, σ0) est celui de Pramono et Willam

(1989). Ce critère de rupture est très utilisé dans les modèles récents et fournit de bons résultats. La contrainte résiduelle dépend du niveau de confinement et est aussi calculée avec le critère de Pramono et Willam. Le déchargement est supposé se produisant linéairement avec le module d’Young initial Ec.

Figure 2.28 - Courbe contrainte-déformation pour le béton confiné (d’après Binici, 2005)

Les valeurs de l’énergie de rupture Gfc sont calculées à partir d’essais de compression

uniaxiale issus d’articles de références comme (Van Mier, 1986), (Vonk, 1992) ou (Van Mier et al., 1997).

Le point faible de ce modèle tient au fait que Binici considère Gfc indépendante de la

contrainte de confinement. Cela conduit à une mauvaise superposition des résultats.

2.5.2.3.2 Modèle de Samani et Attard (2012)

Le modèle de Samani et Attard (2012) paru tout récemment est une version améliorée du modèle d’Attard et Setunge (1996). Ce dernier avait quelques limitations majeures. Par exemple,

il ne prenait pas en compte les effets d’échelle et était établi pour des faibles contraintes de confinement, ne pouvant ainsi afficher le mode de transition fragile/ductile. Samani et Attard (2012) proposent une fonction puissance pour définir le comportement post-pic :

𝜎𝜎 𝜎𝜎0(𝜀𝜀) = 𝜎𝜎𝑟𝑟é𝑐𝑐𝑐𝑐𝑑𝑑𝑠𝑠𝑒𝑒𝑙𝑙𝑙𝑙𝑒𝑒 𝜎𝜎0 + �1 − 𝜎𝜎𝑟𝑟é𝑐𝑐𝑐𝑐𝑑𝑑𝑠𝑠𝑒𝑒𝑙𝑙𝑙𝑙𝑒𝑒 𝜎𝜎0 � � 𝜎𝜎𝑐𝑐 𝑓𝑓𝑐𝑐′� � 𝜀𝜀−𝜀𝜀0 𝜀𝜀𝑠𝑠−𝜀𝜀0� 2 (2.15)

où (εi, σi) sont les coordonnées du point d’inflexion de la courbe. L’utilisation d’un point

d’inflexion comme point de passage obligatoire de la courbe post-pic leur permet d’avoir des résultats qui se superposent bien avec les données expérimentales. C’est sur ces paramètres que l’on peut jouer pour la conservation de l’énergie :

𝐺𝐺𝑓𝑓𝑐𝑐 ℎ = 1 2 √𝜋𝜋(𝜀𝜀𝑐𝑐− 𝜀𝜀0)(𝜎𝜎0− 𝜎𝜎𝑟𝑟é𝑐𝑐𝑐𝑐𝑑𝑑𝑠𝑠𝑒𝑒𝑙𝑙𝑙𝑙𝑒𝑒) �ln(𝑓𝑓𝑐𝑐′) − ln (𝜎𝜎𝑐𝑐) + 1 2 (𝜎𝜎0− 𝜎𝜎𝑟𝑟é𝑐𝑐𝑐𝑐𝑑𝑑𝑠𝑠𝑒𝑒𝑙𝑙𝑙𝑙𝑒𝑒)2 𝐸𝐸𝑐𝑐 (2.16)

Samani et Attard (2012) définissent une énergie de rupture en compression dépendant du confinement. Le calcul de (εi, σi) fait intervenir la plus petite contrainte de confinement dans le plan

normal à la contrainte majeure de compression. Cela permet de prendre en compte les chargements où le confinement latéral n’est pas uniforme. Les résultats sont bien plus satisfaisants que ceux de Binici (2005). C’est pourquoi nous nous en inspirerons.

Par ailleurs, ils utilisent leur propre critère de rupture pour le calcul des coordonnées au pic et assument eux aussi un déchargement linéaire avec le module initial. Ils calculent la contrainte résiduelle en fonction du confinement. Nous adopterons d’ailleurs directement leur formule pour le calcul de la contrainte résiduelle dans notre modèle.

C’est pour nous le meilleur modèle que nous ayons rencontré, car il incorpore tous les phénomènes que nous avons décrits dans cette revue. Il est calibré sur une multitude d’essais de compression triaxiale connus de la littérature3. Il est même capable de modéliser le béton sous compression uniaxiale en proposant des équations un peu différentes dans le cas d’un confinement nul et ainsi tenir compte de la fissuration de fendage. Dans les conclusions et recommandations de

3 Voir l’article de Samani et Attard pour la liste complète des essais qui ont servi à la calibration des équations

ce mémoire, nous conseillons dans un futur proche d’adopter complètement ce modèle pour la partie post-pic.

2.5.2.4 Remarques

Ces modèles ont besoin de s’appuyer sur une multitude d’essais expérimentaux et malheureusement, on manque dans la littérature d’essais en compression multiaxiale qui se rendent jusqu’à la contrainte résiduelle. Il faudrait constituer une banque de données avec des essais standardisés pour tous les types de bétons et pour la totalité de la courbe σ-ε. Cependant les paramètres à faire varier, comme le niveau de confinement, la géométrie ou la résistance, sont tellement nombreux que l’ampleur de la tâche est colossale. La recherche sur le comportement post-pic souffre aussi d’une grande dispersion des résultats en fonction du matériel d'essai et du processus utilisé (vitesse du chargement, dispositif de contrôle en déplacement, etc.) dans les laboratoires du monde entier. Le test round-robin mené par Van Mier et al. (1997) est un premier pas pour la mise en place de normes vis-à-vis des essais, mais ceci reste limité. Il a donc fallu effectuer des choix quant aux paramètres majeurs à prendre en compte et aux paramètres mineurs à laisser de côté. Nous présenterons au chapitre 3 les améliorations que nous avons apportées à notre modèle. Elles ne tiennent pas forcément compte de tout ce que nous avons présenté dans cette revue de littérature. Nous tenions à garder une formulation la plus simple possible en limitant le nombre de paramètres d’entrée de manière à observer un bon comportement global.

CHAPITRE 3

PRÉSENTATION ET MODIFICATIONS DU MODÈLE