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Cas d’étude : proposition de scénarios de gestion de l’écureuil à ventre rougerouge

Questions relatives à la gestion de la population d’écureuil à ventre rouge

2. La gestion, un sujet de société

3.2. Cas d’étude : proposition de scénarios de gestion de l’écureuil à ventre rougerouge

Nous avons utilisé un SEPM dans l’objectif de projeter l’expansion future de la population d’écureuils à ventre rouge présente dans les Alpes-Maritimes, et afin de comparer l’efficacité de plusieurs stratégies de gestion de la population sur l’abondance de l’espèce et son expansion géographique.

91 Structure et construction du modèle

Dans une première étape, nous avons créé une cartographie de la région d’étude dans laquelle nous avons défini des habitats favorables et non favorables sur la base des connaissances acquises dans l’article 4 sur l’utilisation de l’habitat par l’espèce. Nous avons ainsi attribué à chaque habitat des valeurs de densité maximale ainsi que des valeurs de perméabilité. Des patches d’habitat permettant l’établissement d’individus ont ensuite été définis comme des unités composées d’un habitat favorable à l’écureuil à ventre rouge d’une surface minimum définie par la taille de ses domaines vitaux (voir Article 4). Des capacités de charge ont été attribuées à chacun des patches en fonction de la qualité de l’habitat les composant et de leur surface (pour plus de détails sur les méthodologies utilisées voir l’Article 6).

Dans une seconde étape, la perméabilité de l’habitat a été évaluée à l’aide d’un automate cellulaire. Des relations de connectivités, existant entre les patches d’habitats favorables, ont ainsi été définies (Figure III. 2.).

Figure III.2. Cartographie de la connectivité des habitats potentiels dans les communes d’Antibes, Juan-les-Pins, Vallauris et avoisinantes. Les patches d’habitats sont symbolisés par des ronds sombres ; l’épaisseur des flèches symbolise la probabilité de déplacement d’un patch à un autre.

A l’intérieur de chaque patch, la dynamique de la population a été modélisée à l’aide d’une matrice de Leslie post-reproduction subdivisée en trois classes d’âge (Figure III. 3). Les paramètres d’histoire de vie ont été estimés grâce aux données de la littérature (Tamura et al.

1988, 1989, 2003; Guichon et al. 2008). La dispersion des individus a été définie comme un processus annuel supposé densité dépendant : lorsqu’un patch atteint sa capacité de charge les juvéniles surnuméraires dispersent (pour plus de détails sur les méthodologies utilisées voir

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l’Article 6). L’expansion de la population a ensuite été projetée sur la base des valeurs de connectivité entre nos patches d’habitats.

Figure III. 3. Cycle de vie de Callosciurus erythraeus. Trois classes d’âge sont modélisées : les juveniles (Juv), les sub-adultes (Year) et les adultes (Ad). F=fecondité, S=survie, σ=sexe ratio.

Le modèle a été calibré à l’aide des données de distribution de l’écureuil à ventre rouge entre son introduction et 2008 (Gerriet 2009).

Figure III. 4. Comparaison entre les distributions projetées (par le meilleur modèle) et observées en 1990, 2008 and 2010.

93 Les distributions projetées par le modèle s’ajustent avec les données observées (Figure III.4).

En 2008, le taux de recouvrement entre nos projections et l’aire de répartition de l’espèce est de 86% en estimant une introduction en 1968. Le modèle obtenu a été utilisé pour modéliser l’expansion de la population dans le futur et pour comparer l’efficacité de différentes stratégies de gestion.

Projections d’expansion

Cent simulations ont été effectuées sur un horizon de 100 ans à partir de la date d’introduction de l’écureuil à ventre rouge. Le modèle projette un accroissement de l’aire de distribution de l’espèce dans les prochaines décennies (Figure III. 5.). Les résultats montrent une très grande variabilité de réponse des simulations, avec une surface moyenne recouverte par l’espèce en 2060 d’environs 9250 hectares, les résultats des simulations variant entre 3700 et 15 360 hectares.

Figure III. 5. Résultats des simulations d’expansion de l’écureuil à ventre rouge en absence de gestion des populations. (a) L’intensité de la couleur correspond au nombre moyen d’années pour arriver dans un patch d’habitats. (b) L’intensité de la couleur correspond au nombre moyen d’années pour atteindre la capacité de charge des patchs d’habitats.

Cette variabilité est due à la difficulté de prédiction du passage de l’autoroute. On constate en effet que l’expansion de l’espèce est contrainte par cette barrière, et qu’elle se fait en direction du nord-est et du sud-ouest (Figure III. 5.). L’observation des simulations nous confirme cet effet de l’autoroute, une grande variabilité de réponse des scénarios apparait à partir de t≃65 (≃2033) après la d’ate d’introduction, date correspondant au passage de cette barrière (Figure

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III. 6.). cette variabilité de réponses est observable à la fois sur l’abondance et sur l’aire de distribution de l’espèce (Figure III. 6.). Ces projection ne prennent pas en considérations les éventuelles translocations qui pourraient être susceptibles d’accélérer la croissance, comme ce fut le cas en Argentine (Benitez et al. 2010).

Figure III. 6. Evolution de l’abondance (a) et de l’aire de distribution (b) de l’écureuil à ventre rouge depuis son introduction. Résultats des 100 trajectoires d’évolution depuis l’introduction de l’écureuil à ventre rouge.

Comparaisons de scénarios

Plusieurs scénarios ont été testés, en faisant varier quatre paramètres reliés à différentes stratégies et efforts de gestion. Nous avons choisi de faire varier :

- la durée du contrôle : entre 1 et 10 ans ;

- la surface impactée : entre 200 et 600 hectares ;

- la cible aussi appelée la stratégie de contrôle : limitation des juvéniles (Juv), limitation de toutes les classes d’âge (N), ou baisse de la capacité de charge du milieu (K) ;

- la zone de gestion : en limite d’aire de répartition (bord), dans les patches présentant les plus fortes densités (favD), ou dans les patches présentant les plus fortes abondances (favN) ou de façon aléatoire (alea).

La combinaison de ces différents paramètres a conduit à la mise en place de 108 scénarios. Nous avons simulé un début des opérations en 2012, soit à t=43 après l’introduction.

Nos résultats indiquent qu’aucun des scénarios ne conduit à une inversion de la croissance de la population. En revanche, certains permettent d’en ralentir l’expansion et de limiter l’abondance de l’espèce. Le scénario le plus efficace sur l’expansion de l’espèce est celui ciblé sur toutes les classes d’âge (N), en limite d’aire de répartition de l’espèce (bord), sur une surface de 600 hectares pendant 10 ans. Ce scénario conduit a un ralentissement de la croissance des populations, mais surtout il contribue à diminuer la variabilité de réponse des simulations (Figure III. 7), renforçant l’effet de l’autoroute.

L’efficacité des scénarios de gestion est observée par leurs effets sur la dynamique de population par rapport aux simulations témoins (sans gestion). Nous calculons cette effet en estimant la pente (par une régressions linéaires) entre les simulations avec et sans gestion pour chaque pas

Années depuis l’introduction Années depuis l’introduction

(a) (b)

95 de temps t à partir du début de la gestion et pendant les 40 ans suivants. Nous avons ensuite effectué des modèles linéaires pour quantifier l’effet de chacun des paramètres (aire, durée, cible, zone) sur les valeurs des pentes. Les résultats les plus marquants sont illustrés dans la figure III. 8.

Figure III. 7 Evolution de l’abondance (a) et de l’aire de distribution (b) de l’écureuil à ventre rouge depuis son introduction, avec une gestion des populations. Résultats des 100 trajectoires d’évolution sous le scénario le plus efficace (aire=600ha, durée=10 ans, cible=N, zone=bord) ; début de la gestion symbolisé par la flèche (2012).

Le paramètre qui permet le mieux d’expliquer les différences entre notre modèle sans gestion et les scénarios est la cible. Dans cette stratégie, le contrôle sur toutes les classes d’âge est la méthode la plus efficace, ralentissant l’expansion démographique et spatiale de l’espèce. Par contre, une réduction de la capacité de charge du milieu conduit à une réduction du nombre d’individus, mais engendre une accélération de l’expansion (Figure III. 8. b), la diffusion de la population se faisant plus rapidement au travers des patchs à faible capacité de charge.

La zone d’action en limite d’aire de répartition est la méthode la plus efficace pour limiter l’expansion (Figure III. 8. b), tandis que le contrôle dans les patches ayant les plus fortes densités conduit à une limitation de l’abondance plus importante (Figure III. 8. a) sans être efficace sur le long terme.

La durée de la gestion et la surface impactée sont des paramètres de second ordre. Toutefois, combinés aux autres paramètres ils permettent d’augmenter l’efficacité de la gestion.

En conclusion la modélisation de l’expansion de l’écureuil à ventre rouge nous indique, selon toute vraisemblance, qu’en absence d’intervention, la population aurait étendue assez rapidement son aire de répartition au-delà de la barrière que constitue l’autoroute A8. Il est toutefois très difficile de quantifier la rapidité de ce processus, les simulations faisant état d’une grande variabilité de réponses dans les projections. Nos résultats indiquent qu’aucun scénario de gestion ne permet de faire diminuer l’aire de répartition et l’abondance de l’espèce, les opérations de contrôle permettent au mieux de les ralentir. La reprise de la croissance après l’arrêt de l’intervention indique que, pour limiter l’expansion, il est nécessaire de contrôler la population sur le long terme.

Années depuis l’introduction Années depuis l’introduction

(a) (b)

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Figure III. 8. Effets de plusieurs scenarios de gestion sur (a) l’abondance et (b) sa surface occupée par l’écureuil à ventre rouge, en fonction du temps écoulé depuis l’introduction. Pour chacun des graphiques nous observons l’effet d’un paramètre (zone, cible, durée, aire) en fixant les trois paramètres restants (par défaut: zone=bord, cible=N, durée=10ans, aire=600ha). Date du début de la gestion t=43.

b.

a.