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Quid des autres Sciuridés introduits ?

4. Emergence du projet – Construction du sujet de thèse

L’écureuil roux est une espèce largement étudiée en Europe occidentale, notamment en Belgique, dans les pays du nord de l’Europe, et surtout en Grande-Bretagne et en Italie où ses populations sont en nette régression. En France, aucune recherche n’a été réalisée sur l’écureuil roux à l’exception des travaux de (Bentata 1987) portant sur la biologie d’une population d’Ile-de-France.

En réponse à l’inquiétude générale suscitée par son déclin, et de la présence sur notre territoire de deux Sciuridés introduits, le tamia de Sibérie en Ile-de-France et en Picardie, et l’écureuil à ventre rouge dans les Alpes-Maritimes, le Muséum National d’Histoire Naturelle

Introduction

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et l’Office National des Forêts ont initiés en 2008 un programme de conservation de l’écureuil roux. Ses principaux objectifs étaient de mieux connaître la répartition, la biologie et l’écologie de ces trois sciuridés, les interactions entre l’espèce autochtone et les deux espèces introduites, et les impacts (écologiques, économiques et sanitaires) des écureuils allochtones.

Ce projet visait également à se préparer à l’arrivée probable de l’écureuil gris en France, ceci dans les prochaines décennies, en provenance d’Italie par expansion naturelle (Lurz et al.

2001; Bertolino et al. 2008).

Mes recherches, intégrées dans ce programme de conservation de l’écureuil roux, ont porté sur certaines caractéristiques biologiques et écologiques des populations d’écureuils roux en France, sur l’étude de la population d’écureuils à ventre rouge présente dans les Alpes-Maritimes, et sur l’expansion de ce Sciuidé introduit, espèce susceptible d’entrer en compétition avec l’écureuil roux.

Dans ce contexte, nous avons cherché à répondre aux questions suivantes :

Partie I, relative à la biologie et l’écologie de l’écureuil roux

Quelle est la répartition de l’écureuil roux sur le territoire français métropolitain ? Quelles sont les principales caractéristiques de ses habitats ? Ces questions seront traitées sur la base des données collectées lors d’une enquête nationale de répartition de l’espèce portant sur la période 2005-2011.

• Les populations présentent-elles une homogénéité sur le plan génétique à l’échelle de la France, ou existe-t-il des populations aux caractéristiques génétiques spécifiques, nécessitant une attention particulière sur le plan de leur conservation ? L’analyse a porté sur des individus morts de collision sur les routes, collectés sur l’ensemble du territoire.

• Un des habitats privilégiés de l’écureuil roux en France étant constitué par les zones urbaines (jardins et parcs), en relation avec l’apport de nourriture par les citadins, quels en sont les effets en termes de traits d’histoire de vie et de conservation ? L’étude a été réalisée dans un parc urbain d’Ile-de-France, le Parc de Sceaux, par capture-marquage-recapture et par le suivi d’individus équipés de radio-émetteurs.

Partie II, relative à la biologie et l’écologie de l’écureuil à ventre rouge

Quelle est la répartition de l’écureuil à ventre rouge introduit dans les Alpes-Maritimes, et quel est son mode d’occupation de l’espace dans son nouvel environnement ? La répartition a été étudiée selon une méthode de collecte standardisée de la présence-absence de l’espèce, et l’utilisation de l’espace, par le suivi d’individus équipés d’un radio-émetteur.

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Quelles sont les relations entre l’écureuil roux et l’écureuil à ventre rouge sur les plans macroparasitaire et occupation de l’espace ? Des animaux prélevés sur le Cap d’Antibes ont été utilisés pour l’analyse du cortège en macroparasites de cette espèce, et les relations avec l’écureuil roux ont été appréhendées par l’analyse de leur présence-absence sur l’aire de répartition de l’écureuil à ventre rouge.

Partie III, relative à la gestion de l’écureuil à ventre rouge

Quelles sont les possibilités de gestion, et quel est le rôle du public dans de telles opérations ?

Quels sont les risques d’expansion de cet écureuil asiatique dans les Alpes-Maritimes en présence ou absence de mesures de contrôle ? Dans ce but, l’expansion de cette espèce a été étudiée à l’aide d’une modélisation spatialement explicite, intégrant différents scénarios de gestion.

Les manuscrits des articles (acceptés, soumis pour publication ou en préparation) constituant le cœur de ce travail sont annexés à ce document.

Introduction

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29 PREAMBULE. Conservation de l’écureuil roux

Le terme français écureuil est issu du latin sciurus lui-même emprunté au grec ancien σκίουρος

« skiouros ». Aristote est le premier à l’employer, combinaison de σκίά « skia » qui signifie queue et ούρά « oura » l’ombre, littéralement l’écureuil est donc l’animal qui fait de l’ombre avec sa queue. Espèce perçue comme dotée d’une certaine intelligence, il était particulièrement apprécié chez les Romains, étant parfois même considéré comme domestique du fait de sa docilité et de la facilité avec laquelle il se laisse apprivoiser (Larousse encyclopédie).

Plus tard, au Moyen âge, la perception de l’espèce va se détériorer, ses comportements de mise en réserve de graines lui valent d’être considéré comme un animal sournois, paresseux, voleur et rapace (Walter & Avenas 2003). Par ailleur, dans l’Europe médiévale catholique, il inspire la méfiance, son pelage roux lui valut même d’être considéré comme une incarnation du diable.

C’est plus récemment que le regard porté sur l’écureuil roux est redevenu positif. En 1758, l’espèce Sciurus vulgaris, communément appelé écureuil roux fut décrite par Linné. Il est associé à cette époque à des qualificatifs plus favorables, symbole d’agilité et de prévoyance. A la même période Buffon, dans son Histoire naturelle des quadrupèdes, l'évoque en des termes particulièrement élogieux comme en témoigne cet extrait :

« L'écureuil est un joli petit animal qui n'est qu'à demi sauvage, et qui, par sa gentillesse, par sa docilité, par l'innocence même de ses mœurs, mériterait d'être épargné. Il n'est ni carnassier ni nuisible, quoiqu'il saisisse quelquefois des oiseaux ; sa nourriture ordinaire sont des fruits, des amandes, des noisettes, de la faîne et du gland ; il est propre, leste, vif, très alerte, très éveillé, très industrieux ; il a les yeux pleins de feu, la physionomie fine, le corps nerveux, les membres très dispos : sa jolie figure est encore rehaussée, parée par une belle queue en forme de panache, qu'il relève jusque dessus sa tête, et sous laquelle il se met à l'ombre […] au lieu de se cacher sous terre, il est toujours en l'air ; il approche des oiseaux par sa légèreté : il demeure comme eux sur la cime des arbres, parcourt les forêts en sautant de l'un à l'autre, y fait son nid, cueille les graines, boit la rosée, et ne descend à terre que quand les arbres sont agités par la violence des vents. […] Il craint l'eau plus encore que la terre, et l'on assure que lorsqu'il faut la passer, il se sert d'une écorce pour vaisseau et de sa queue pour voile et pour gouvernail. »

A cette époque, l’écureuil roux était également chassé pour sa viande, sa fourrure et ses poils.

Dans sa description de l’espèce, Linné précise que «[…]sa peau d’hiver est estimée ; on peut manger sa chair […]» (Gilibert 1802). A l’inverse, Buffon précise que sa peau ne fait pas de bonnes fourrures ; il ajoute que les poils de sa queue peuvent servir à faire des pinceaux (Buffon

Préambule

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et al. 1763). En effet, encore aujourd’hui, les pinceaux appelés « petits gris » sont confectionnés à partir de poils d’écureuils. Barrett-Hamilton, en 1921, a examiné les rapports de commerce de fourrures en provenance d’Irlande (Shorten 1954). Des transactions de peaux y sont répertoriées du milieu du XIIIème jusqu’à la fin du XVème siècle.

A propos de sa répartition et de son abondance en Europe, la majorité des informations dont nous disposons concernent la Grande Bretagne. Dans ce pays, suite à de nombreuses introductions, les populations sont devenues très importantes à la fin du XIXième. Considéré comme nuisible en raison des dégâts occasionnés aux jeunes plantations de résineux par rongement des bourgeons et des pousses terminales, des mesures de contrôle ont été entreprises en Angleterre et en Ecosse pour limiter les populations, plusieurs milliers d’individus étant prélevés par an. Au début du XXième siècle, des régressions localement importantes des effectifs dues au contrôle des populations et à la destruction de ses habitats ont conduit à un arrêt de la chasse en Grande Bretagne (Shorten 1954).

Sur certaines parties de son aire de répartition le commerce de fourrure a perduré jusqu’à la fin du XXème, en Mongolie par exemple les populations fluctuent fortement en relation avec le commerce de sa fourrure, variant en fonction des années entre 30 000 et plus de 100 000 peaux par an (Shar et al. 2008).

En France l’écureuil fut chassé jusqu’à son classement en espèce protégée en 1976. Bien qu’il ne fut pas considéré comme une espèce gibier, il était apprécié des chasseurs débutants, constituant une bonne cible d’entrainement au tir (Nadaud 1973), comme en témoigne l’illustration ci contre (Figure 1).

Figure 1. Illustration du catalogue « Manufacture française d’armes et cycle » de 1936, Saint-Etienne.

Comme en Grande-Bretagne, l’espèce était alors considérée comme « quasi » nuisible. Ainsi Nadaud (Nadaud 1973) écrit « Il ne faut pas s’apitoyer sur le sort des écureuils abattus à la carabine. Ces petits rongeurs commettent des déprédations importantes dans les plantations nouvelles de bois. Ils détruisent aussi, dans les nids perchés, quantité d’œufs, puis d’oisillons ».

L’écureuil roux est aujourd’hui concerné par un certain nombre de texte visant à sa protection.

Après avoir été qualifiée de « Near Threatened » de 2002 à 2008 l’espèce figure aujourd’hui dans

31 la liste rouge des espèces menacées de l’IUCN dans la catégorie « Least Concern » (Shar et al.

2008). Ce changement de catégorie est notamment dû au fait qu’il est relativement commun à travers l’ensemble de son aire de répartition, particulièrement vaste (Shar et al. 2008). Au niveau européen, l’espèce est protégée par l’Annexe III de la Convention de Berne du 19 septembre 1979 consacrée à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe.

Elle est de ce fait classée parmi les espèces de la faune sauvage dont l’exploitation doit faire l’objet de réglementations afin de maintenir les populations hors de danger. En France, cet écureuil est protégé depuis 1976 ; il est à présent visé par l’arrêté du 17 avril 1981 relatif aux mammifères protégés sur l’ensemble du territoire national dont la destruction, la mutilation, la capture, le transport sont interdits. Plus récemment, il est visé par l’arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection. Ce statut donne à l ‘écureuil une protection totale : il est interdit de capturer des individus appartenant à cette espèce, de les blesser, de les tuer, de les commercialiser et de les transporter (même déjà morts) ; de plus l’altération ou la dégradation d’éléments de l’habitats de l’espèce sont interdits (site de reproduction ou de repos). Il est également strictement interdit de maintenir des écureuils roux en captivité, même dans l’objectif de soigner un individu blessé. Diverses associations, disposant d’un agrément, sont par contre habilitées à les recevoir. Elles recueillent (et relâchent) chaque année notamment un grand nombre de jeunes écureuils roux tombés du nid.

Dans le cadre de cette thèse nous avons obtenu une dérogation ministérielle à des fins d’études scientifiques. Cette dérogation est octroyée sur dossier, examiné par le Comité national de protection de la nature (CNPN), qui fournit un avis consultatif au ministère de l’écologie. Elle fixe précisément le périmètre des actions autorisées, stipulant la zone géographique concernée, la durée de l’étude ainsi que le nombre d’individus concernés par les travaux de suivi par télémétrie (« 20 spécimens vivants/site »).

Préambule

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Buffon, l'écureuil. Planche extraite de la Collection des animaux quadrupèdes de Buffon. Gravure (1759-1767) d'après un dessin de Jacques de Sève.

C HAPITRE I.