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Cas de la gestion de l’écureuil à ventre rouge dans les Alpes-Maritimes

Questions relatives à la gestion de la population d’écureuil à ventre rouge

1. Adapter la gestion à la situation

1.4. Cas de la gestion de l’écureuil à ventre rouge dans les Alpes-Maritimes

Dans les Alpes-Maritimes, l’écureuil à ventre rouge occupait en 2010 une surface de 1800 ha comprenant une large gamme d’habitats (Article 4), incluant des zones résidentielles périurbaines dans lesquelles il est difficile d’agir (accès aux propriétés privées, méthodes d’intervention limitées).

Dans la situation actuelle (Article 4), son expansion semble freinée au nord par la barrière que constitue l’autoroute A8, cantonnant encore l’espèce sur une surface relativement délimitée.

Mais « pour combien de temps » ? En effet, cette barrière n’est pas infranchissable, notamment en période enneigée (absence ou ralentissement du trafic routier, très rare dans cette région) et surtout par la présence de passages sous l’autoroute (buses, écoulement de la Valmasque, tunnels routiers). De plus, une difficulté dans la gestion de l’écureuil à ventre rouge réside en sa capacité à établir une population à partir d’un très faible nombre d’individus fondateurs (Bertolino 2009). C’est l’une des caractéristiques qui contribue au succès d’établissement de cette espèce, et qui favorise son expansion.

L’enquête de répartition de ce rongeur, en ligne sur Internet (Encadré III.2. : http://ecureuils.mnhn.fr/enquete-nationale/ecureuil-rouge.html), a permis de recenser une première observation d’un écureuil à ventre rouge au nord de cette autoroute, le 17 juin 2012 (observateur : Jean-Louis Passeron), dans le secteur de l’échangeur A8/D535.

L’impact de l’écureuil à ventre rouge, tant sur les plans écologique qu’économique, est difficile à quantifier (Chapitre II.1.3). Les dégâts occasionnés incitent toutefois les résidents à contrôler la population à l’aide de méthodes non sélectives (Encadré III.1). Ceci, associé au fait que l’espèce

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soit considérée comme envahissante dans les pays où elle a été introduite, qu’elle occupe encore une surface limitée dans les Alpes-Maritimes, a contribué au lancement du « Plan national de lutte relatif à l’écureuil à ventre rouge » (Chapuis et al. 2011a), mis en place au printemps 2012 (Encadré III.1).

L’aire de répartition de l’espèce, et surtout sa présence dans des zones privées ou inaccessibles, ont conduit dans une première étape à privilégier une action de contrôle, le processus d’invasion étant trop avancé pour que les chances de succès d’une éradication soient réelles. Le contrôle et le cantonnement semblent en revanche des solutions appropriées, permettant de limiter les densités tout en renforçant l’effet barrière de l’autoroute A8. Fin 2014, l’opération sera reconsidérée, et une autre stratégie d’action pourra éventuellement être proposée.

Une campagne de lutte vis-à-vis d’une espèce invasive est d’autant plus efficace que le niveau de connaissance préalablement acquis sur l’espèce cible est élevé. Les mammifères sont, avec les oiseaux, les groupes les plus étudiés (Genovesi et al. 2009), rendant leur contrôle plus aisé. Pour l’écureuil à ventre rouge, la combinaison des études menées sur son aire d’origine (Lin & Yo 1981; Tamura et al. 1987; Tamura et al. 1988, 1989; Yo et al. 1992a; Yo et al. 1992b), dans diverses zones d’introduction en particulier au Japon et en Argentine (Yo et al. 1992a; Guichón et al. 2005; Tamura & Ohara 2005; Guichon & Doncaster 2008; Bridgman et al. 2012) et par les recherches effectuées sur la population d’Antibes (Article 4 et 5) ont conduit à une meilleure connaissance de la biologie et de l’écologie de cet écureuil. Toutefois, certains aspects demeurent encore mal connus, en particulier ses paramètres démographiques dans ce type de milieu (reproduction, survie, dispersion). De telles connaissances nécessitent des études sur le long terme et dans ses différents types d’habitats, incompatibles avec les objectifs de contrôle envisagés, et la nécessité d’intervenir rapidement. De telles opérations sont par exemple en cours sur le tamia de Sibérie introduit en Ile-de-France (Marmet 2008; Marsot 2011) dont les populations sont localisées principalement dans des bois ou forêts isolées avec une faible probabilité d’extension. Par ailleurs, rappelons également que cette espèce est toujours autorisée à la vente dans les animaleries, et qu’à tout moment d’autres populations peuvent s’installer suite au lâché d’individus. Dans le cas de l’écureuil à ventre rouge, retarder d’une dizaine d’années la mise en place d’opérations de gestion anéantirait toutes les chances de réussite. Le contrôle offre toutefois l’opportunité de poursuivre l’étude de cette population (par l’analyse des animaux prélevés) tout en retardant le processus d’invasion.

81 Encadré III.1.

Plan national de lutte relatif à l’écureuil à ventre rouge (Callosciurus erythraeus) dans les

Alpes-Maritimes

L’écureuil à ventre rouge, adopté dans un premier temps par la population car peu farouche et facile à observer, est considéré depuis une dizaine d’années comme une “peste” par une partie des habitants des communes d’Antibes – Juan-les-Pins et de Vallauris. Cette aversion, liée aux dommages causés dans les jardins et vergers (écorçage d’arbres et d’arbustes, consommations des fruits) et aux infrastructures (sectionnement des câbles téléphoniques, rongement des systèmes d’arrosage, des structures en bois des habitations), conduit certains propriétaires à les éliminer avec des méthodes non sélectives (en particulier l’empoisonnement), pouvant affecter des espèces non cibles, protégées ou domestiques. Ces raisons, ainsi que la distribution encore restreinte de l’espèce, ont conduit le ministère en charge de l’écologie à mettre en place un plan national de lutte relatif à ce rongeur.

Approuvé par le Comité National de Protection de la Nature (CNPN) le 19 mai 2011, le plan est opérationnel depuis juin 2012, suite à la parution de l’arrêté préfectoral relatif à cette opération (arrêté du 30 mars 2012, n° 2012-356). Son lancement est accompagné de conférences grand public, d’informations par l’intermédiaire des médias (journaux, reportages télévisés, site internet), complétant les actions de communications déjà entreprises.

Un comité de pilotage composé de représentants de collectivités territoriales, d’associations de protection de la nature, des services concernés de l’état, et d’experts scientifiques suit le déroulement des opérations.

Sur le plan opérationnel, le contrôle de la population d’écureuils est réalisé par des opérateurs bénévoles (piègeurs aggréés, garde-chasses privés, lieutenants de louveterie) sous le contrôle de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS). Les méthodes employées sont le tir dans les zones éloignées des habitations et le piègeage dans les secteurs urbanisés. Les animaux prélevés seront systématiquement autopsiés afin d’acquérir des connaissances supplémentaires sur la biologie de l’espèce, en particlulier sur son cycle de reproduction, permettant de mieux orienter les actions à venir sur le terrain.

Ce plan est programmé, dans une première étape, jusqu’en fin 2014, date à laquelle un bilan sera dressé.

J.-L. Chapuis, A. Dozières, B. Pisanu, O. Gerriet, S. Berlin et S. Pauvert (2011).

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