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Répartition : niche vacante ou exclusion compétitive ?

3. Interactions avec l’écureuil roux

3.2. Répartition : niche vacante ou exclusion compétitive ?

Lors de l’étude de la répartition de l’écureuil à ventre rouge (voir II.2), nous avions également répertorié la présence de l’écureuil roux. Les observations géoréférencées des deux espèces ont ensuite été cartographiées (Figure II.7). A la vue des résultats, il apparaît que l’écureuil roux est absent du Cap d’Antibes, de rares observations ayant été effectuées en limite et en périphérie de l’aire de répartition de l’écureuil à ventre rouge.

Figure II.7. Distribution des observations d’écureuils à ventre rouge (points rouges) et d’écureuils roux (points bleus) sur les communes d’Antibes-Juan-les-Pins, de Vallauris et sur communes avoisinantes en 2010.

Les zones où les deux espèces vivent en sympatrie semblent peu nombreuses, et se répartissent en limite d’aire de répartition de l’écureuil à ventre rouge. Face à ce constat se pose la question des raisons d’une telle distribution, et plusieurs hypothèses sont à envisager.

La première interprétation de ce pattern serait l’exclusion compétitive de l’écureuil roux par l’écureuil à ventre rouge. Les deux espèces possèdent une niche écologique proche. Au niveau trophique, elles ont un régime alimentaire pratiquement identique composé essentiellement d’items végétaux (graines, fruits et fleurs), et plus occasionnellement d’insectes, de champignons ou encore d’œufs voire d’oisillons (Setoguchi 1990; Lurz et al. 2005). Lorsque deux espèces vivant en sympatrie ont le même régime alimentaire, elles peuvent entrer en compétition si les ressources deviennent limitantes. Au niveau individuel cela peut affecter négativement la reproduction, la survie, la dispersion ainsi que la sélection d’habitats. Ce mécanisme est le plus probable pour expliquer l’exclusion de l’écureuil roux par l’écureuil gris en Grande-Bretagne (Wauters et al. 2001a, 2002a; Gurnell et al. 2004b). Un tel mécanisme pourrait être à l’origine de la distribution des espèces observées dans la région d’Antibes. Il n’existe cependant pas d’informations sur l’état de la population de Sciurus vulgaris avant l’introduction de l’écureuil à ventre rouge, ni même sur sa distribution. Sur le Cap d’Antibes, il est d’ailleurs tout à fait possible que, lors de cette introduction, l’écureuil roux en ait été absent.

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La corrélation entre l’expansion de cette espèce et l’absence de l’écureuil roux ne permet pas à elle seule de conclure à une exclusion compétitive (Didham et al. 2005). Une hypothèse alternative possible est que l’absence de compétiteur dans cette zone ait profité à l’établissement de l’écureuil à ventre rouge. Nous l’avons souligné, la région d’Antibes est assez urbanisée, caractérisée notamment par la présence de zones résidentielles. L’écureuil roux est une espèce inféodée au milieu forestier (Lurz et al. 2005) qui, même si on la retrouve dans certaines zones périurbaines (Verbeylen et al. 2003a; Babinska-Werka & Zolw 2008), est sensible à la modification de son habitat et à la fragmentation (Koprowski 2005).

L’anthropisation de cette région et la réduction des fragments forestiers ont pu ainsi contribuer à la régression de l’espèce. Au cours des inventaires que nous avons effectués, toutes les observations d’écureuils roux ont été faites en zones boisées, aucun individu n’ayant été reporté dans les zones résidentielles périurbaines (Figure II.7.). L’écureuil à ventre rouge en revanche est capable de s’établir dans des habitats très fragmentés et urbanisés, que ce soit sur son aire de répartition (Duckworth et al. 2008) ou sur des sites d’introduction. En Argentine, par exemple, une population s’est établie dans une zone urbaine de Buenos Aires (Benitez et al. 2010), de même aux Pays-Bas, une partie de l’aire de répartition de l’espèce se situe en zone urbaine (Dijkstra et al. 2009). Une autre modification anthropique caractéristique du Cap d’Antibes est la présence d’espèces végétales ornementales exotiques en grand nombre. Ces espèces, consommées par l’écureuil à ventre rouge, ont potentiellement contribué à son établissement, comme cela a été le cas en Argentine (Guichon & Doncaster 2008). Ceci est un bon exemple des potentielles interactions positives entre espèces exotiques (Simberloff & Von Holle 1999).

L’absence de l’écureuil roux pourrait être ainsi une conséquence de l’anthropisation des habitats qui, dans un même temps, aurait bénéficié à l’établissement de l’écureuil à ventre rouge.

Toutefois, il est également probable que les deux espèces entrent en compétition, au détriment de l’écureuil roux.

Ces suppositions pourraient être étayées par des suivis démographiques des populations, des analyses comportementales (utilisation de l’espace), ou des analyses de régime alimentaire détaillées. Des premiers elements ont été raportés sur les populations d’écureuils roux dans cette région (Encadré I. 2), il conviendrait de multiplier ce type de suivi.

71 Encadré II.2. Données « écureuil roux » sur le Cap d’Antibes

Au cours de nos suivis de terrain, des données concernant l’écureuil roux ont été récoltées ; elles sont regroupées ci-dessous.

Estimation des densités

Sur les itinéraires de dénombrement (voir 2.3.a), des écureuils roux ont été observés sur trois sites : le bois des Encourdoules (4) ; le Sentier du Fugueiret (5) ; le Sentier des Croûtons (6).

Les itinéraires ont été parcourus 5 jours consécutifs au printemps, en été et en automne 2010. Les densités relatives ont été estimées à partir des abondances observées rapportées à une surface effective de comptage (pour les détails des méthodes voir l’article 4).

Dans les trois sites suivis, les estimations de densités obtenues ont été très faibles (voir Tableau ci-dessous).

Utilisation de l’espace dans le Bois des Encourdoules

Lors du suivi par radiotracking des écureuils à ventre rouge dans le Bois des Encourdoules, nous avons également équipé une femelle écureuil roux que nous avons suivi d’avril à juillet 2009. Au total 129 points de localisation ont été récoltés. Ses domaines vitaux saisonniers ont été estimés par la méthode du Kernel 95%, et la surface du centre d’activité avec la méthode des polygones regroupés par incrémentation (‘Incremental Cluster Polygon’, ICP). Nous avons également estimé le taux de recouvrement du centre d’activité de cet écureuil roux par les écureuils à ventre rouge suivis parallèlement.

Saison Domaine vital Centre d’activité Recouvrement 95% Kernel 85% ICP

Printemps 6.9 ha 1.4 ha 57%

Eté 3.1 ha 0.3 ha 24%

Conclusion

La présence de l’écureuil à ventre rouge ne semble pas empêcher celle de l’écureuil roux. Les densités en écureuils roux estimées sont très faibles dans les sites avec et sans écureuils à ventre rouge. Il ne semble pas y avoir d’exclusion du point de vue de l’occupation de l’espace entre les deux espèces, aucun comportement agonistique entre les deux espèces n’a pu être observé, de même on observe un recouvrement assez important des centres d’activités de l’écureuil roux par les écureuils à ventre rouge.

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Chapitre III.

Questions relatives à la gestion de la