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2. Paramétrisation

2.1. Lethrinus nebulosus (Forsskål, 1775)

2.1.5. Cartographie des zones de vie et de reproduction

Un des éléments majeurs qui a été mis en place à travers l’utilisation du modèle ISIS-Fish est la prise en compte de la dimension spatiale, notamment la répartition géographique des populations de poissons étudiées (voir Chapitre I). L’objectif de ce paragraphe est de présenter les habitats de vie de Lethrinus nebulosus et sa transcription en zones dans le modèle.

110 Zone de vie

Chaque espèce fréquente des habitats caractéristiques, lesquels peuvent changer au cours de la vie en raison de changements ontogéniques. Borsa et al. (2009) ont analysé un grand nombre de données de comptages UVC concernant Lethrinus nebulosus. Les auteurs expliquent la fréquence de taille de l’espèce en fonction des paramètres environnementaux suivants : profondeur, biotope (récif frangeant, fond meuble, récif intermédiaire et récif barrière), et recouvrements en fonds meubles, fonds durs, corail vivant et algues. Tous les facteurs sont apparus significatifs à l’exception du pourcentage de fond meuble. La Figure 23 présente les grandes tendances liées à ces facteurs (sauf concernant les fonds meubles et fonds durs). Les auteurs montrent que pour le facteur profondeur, le changement de milieu se fait entre 15 et 20 cm, où les individus passent de la zone des 0-5 m à celles des 5-10 m. A partir de 30 cm, le Bec de cane apparaît dans les comptages réalisés à plus de 10 m de profondeur. Les comptages UVC ont été réalisés à une profondeur maximale de 15 m environ, mais le Bec de cane est présent à des profondeurs bien supérieures : plus de 40 m comme en témoignent les études de pêche à la palangre (Kulbicki & Mou Tham, 2006), voire jusqu’à près de 100 m selon les témoignages de pêcheurs (Juncker, 2010). Cette espèce peut donc potentiellement se retrouver à n’importe quel endroit du lagon Sud-ouest, dont la profondeur moyenne est d’environ 20 m, avec des maximums d’environ 70 m au niveau de certaines passes. Dans cette étude, l’hypothèse a été faite que les individus observés dans la zone 10-15 m fréquentent aussi les profondeurs supérieures à 15 m de façon indifférenciée. D’autre part, au regard de la distribution des tailles en fonction du couvert algueux, il apparaît que les individus passent d’un milieu recouvert à plus de 60% d’algues à un milieu recouvert à moins de 60%, à une taille de 15 cm. Concernant le type de récif, les individus migrent dans leur majorité de la zone frangeante à la zone intermédiaire entre 15 et 20 cm, puis de la zone intermédiaire à la zone de la barrière entre 25 et 30 cm. En dernier lieu, les individus adultes ne fréquenteraient pas les fonds sédimentaires comprenant plus de 50% de vase.

Pour le modèle, 3 stades ont été retenus comme ayant des habitats de vie différents. Le premier comprend des individus de 0 à 15 cm (classes 0 et 1 an), le second des individus de 20 à 25 cm (classe 2 ans) et le troisième de 30 cm et plus (classes 3 à 9 ans).

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Figure 23. Distribution des longueurs individuelles de Lethrinus nebulosus lors de comptage UVC, selon, de gauche à droite et de haut en bas : l'habitat, la profondeur, la couverture corallienne et la couverture algale. Figure d’après

Borsa et al. (2009). Les lignes verticales illustrent le changement d’habitat à certaines tailles.

En se basant sur ces résultats, il a été possible de cartographier les zones de vie de Lethrinus nebulosus en fonction de variables environnementales et de la taille des individus. Pour cela, la méthodologie présentée dans le Chapitre I a été appliquée. Pour chacun des 3 groupes de taille définis et pour chacun des facteurs environnementaux présentés ci-dessus, une cartographie délimitant les zones de présence potentielle a été réalisée à l’aide du logiciel ArcGIS®. Ces différentes cartographies ont ensuite été compilées et l'intersection des zones a permis de délimiter l'habitat de vie de l'espèce (voir Chapitre I Figure 10). Les sources de données utilisées pour réaliser les cartographies de l’habitat de vie de Lethrinus nebulosus sont les suivantes :

− Fond de carte du Lagon Sud-ouest et type de biotope (récifs frangeants, intermédiaires, barrière) : Atlas des récifs de Nouvelle-Calédonie (Andréfouët & Torrez-Pulliza, 2004).

112 − Bathymétrie : Réalisation DTSI / SGT dans le cadre de la contribution du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au programme ZoNéCo. Cependant, une part importante de la Corne Sud n’est pas hydrographiée.

− Herbiers : Andréfouët (2010). Cette cartographie concerne uniquement les herbiers situés entre 0 et 5 m de profondeur.

Algueraies : Mattio et al. (2008) et Dirberg (2006). Cette cartographie concerne des profondeurs de 12 m maximum, sur une petite partie du Lagon Sud-ouest et uniquement pour des algueraies à sargasses.

− Sédimentologie : digitalisation de la carte d'envasement fournie par Chevillon (com. pers.).

Pour les algueraies, la zone prospectée par Mattio et al. (2008) correspond à une surface d’environ 500 km², dans laquelle 71 km² sont des zones de lagon situées entre 0 et 10m de profondeur (platiers non compris) et où se situent 9 km² d’algueraie. Soit un rapport surface d’algueraies par surface de lagon de profondeur 0-10m égal à 0.13. Ces algueraies ont des densités de recouvrement variables. Afin de pouvoir estimer la surface d’algueraie sur l’ensemble de la région d’étude, une extrapolation a été réalisée à partir des recommandations de L. Mattio et S. Andréfouët. A partir de la bathymétrie établie par la DTSI, un total de 190 km² de surface de lagon situé entre 0 et 10 m dans la région d’étude (hors platiers) a été calculé. Cette valeur est à modérer car une part relativement importante de la Corne Sud n’est pas hydrographiée et n’a donc pas été incluse dans ce calcul. En appliquant le même ratio de 0.13, nous obtenons une surface d’algueraie de 25 km² dans la région d’étude. Cette valeur est à considérer avec beaucoup de prudence et ne constitue qu’une approximation grossière de la surface réelle d’algueraies dans la zone d’étude. Certains facteurs comme l’exposition aux vents et aux courants n’ont pas été prise en compte (Mattio et al., 2008 et Dirberg, 2006). Lors du travail de cartographie, seule la présence-absence de couvert végétal (algueraie ou herbier) a été pris en compte, pas le pourcentage de recouvrement. Ce paramètre est inconnu et variable saisonnièrement et annuellement (Mattio et al., 2008).

Les cartes finales de délimitation de l’habitat de vie de L. nebulosus pour chacun des trois groupes sont présentées en Annexe 3.

113 Zone de reproduction

Concernant les zones de reproduction, les enquêtes de Juncker (2010) font apparaître une diversité d’habitat de reproduction : passes, récifs intermédiaires et récifs isolés dans les parties ouvertes du lagon. Les rassemblements décrits sont généralement constitués de quelques dizaines d’individus. Il semble que, soit le nombre de sites de rassemblement est élevé, soit les individus se succèdent dans le temps sur un même site, voire les deux à la fois. Cependant, relativement peu de témoignages de regroupements ont été relevés dans ces enquêtes et parmi les témoignages d’observation de regroupements, certains ne correspondent pas à de la reproduction. Dans cette même étude, Lethrinus nebulosus n’est pas citée comme une espèce nécessitant une attention particulière au moment des regroupements de fraies. De plus, aucune zone de fraie n’a été répertoriée dans la région d’étude. Il a ainsi été fait l’hypothèse que les zones de fraie des secteurs Nord, Centre et Sud n’étaient pas accessibles à la pêche et que la zone de reproduction de la Corne Sud seraient cependant accessibles aux pêcheurs professionnels, qui ont cité pour certains la présence de tels rassemblements.

Synthèse

Les juvéniles se trouvent essentiellement sur les zones peu profondes (<5 m) de récifs frangeants, à faible couverture corallienne et à forte couverture algale. Puis entre 20 cm et 25 cm, les individus migrent vers les zones de récifs intermédiaires avec un couvert algueux moins dense et une profondeur qui augmente. Ensuite, les plus gros individus (≥30 cm) se trouvent de préférence au niveau du récif barrière, dans plus de 5 m d’eau dans des zones sans algues et où la couverture corallienne est entre 0 % et 20 %. Le Tableau 7 synthétise cette information en fonction des groupes d’âge dans le modèle correspondant aux 3 groupes de tailles. Pour la reproduction, aucune zone n'a été identifiée précisément dans la région d'étude mais quelques pêcheurs professionnels ont observés des rassemblements.

Dans le modèle, l’habitat de vie Lethrinus nebulosus a été divisé selon les zones du modèle présentées dans le Chapitre I. Lorsque les habitats de stades de vie différents se recouvrent dans la cartographie, les zones du modèle se recouvrent de la même

114 manière, de telle sorte que des individus de stades différents seront capturables sur une même zone.

La population de l’espèce est ainsi répartie en 16 zones : − 1 zone de recrutement "juvénile" ;

− 5 zones de vie "pré-adulte" dont 1 en AMP ; − 5 zones de vie "adulte", dont 1 en AMP ; − 5 zones de reproduction ;

Les surfaces d’habitat sont répertoriées dans le Tableau 7, pour chacune des zones du modèle.

Tableau 7. Habitats de vie pour chacun des 3 groupes de taille identifié. La première partie du tableau reprend les critères de sélection utilisés pour chaque facteur environnemental. La seconde partie, présente les surfaces d’habitat répertoriées, pour chacun des 3 groupes et dans chacune des zones délimitées dans le modèle (voir Chapitre I).

Groupe 0 et 1 (juvéniles) Groupe 2

(pré-adultes) Groupe 3 à 9 (adultes) Habitat Algueraies et herbiers 0-10 m de profondeur Fonds meubles à faible couvert végétal Moins de 50% de vase Entre 0 et 10 m de profondeur Lagon intermédiaire et frangeant Fonds meubles à faible couvert végétal Moins de 50% de vase > 5 m de profondeur Lagon intermédiaire et barrières

Surface totale 10 km² d’herbier

25 km² d’algueraie sur 136.3 km² 2 189.2 km² 29 Su rf ac e p ar sec teu r 3 0 Nord 9.2 km² d’herbier 3 km² d’algueraie 32.6 km² 219.6 km² Centre 0.9 km² d’herbier 9 km² d’algueraie 66.1 km² (dont 4 en AMP) 379.7 km² (dont 56 en AMP) Sud 0 km² d’herbier 3 km² d’algueraie 4.21 km² 439.8 km²

Corne Sud 0 km² d’herbier

10 km² d’algueraie

33.4 km² 1 150.2 km²