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Technique de spectropolarimétrie Interférométrique

2.3 De la carte d’intensité aux observables

La section précédente présente la modélisation de la surface d’une étoile de type Ap. Nous disposons donc de l’intensité de rayonnement émergent de chaque point de la surface en fonction de la longueur d’onde, de la polarisation et de la phase de rotation. Ces cartes vont nous permettre de calculer les différentes grandeurs observées : le spectre, la visibilité et la phase interférométrique.

2.3.1 Carte d’intensité observée et spectre intégré

Après résolution du transfert radiatif, nous connaissons le flux par unité émergent de chaque cellule de l’étoile dans la direction de l’observateur. Il faut maintenant projeter chaque maille sur le fond du ciel pour déterminer la carte d’intensité observée par les instruments.

Projection sur le fond du ciel et effet Doppler

J’ai volontairement décidé de ne pas introduire l’effet Doppler rotationnel dans la résolution du transfert radiatif, mais au moment de la projection sur le fond du ciel. Il est ainsi possible de modéliser des étoiles similaires tournant à des vitesses différentes sans recalculer les spectres locaux (Figure 2.7). L’intensité émergent de chaque maille est représentée pour une longueur d’onde juste inférieure à la transition (aile bleue proche). La portion de disque se rapprochant de l’observateur (Yo> 0) est observée dans la transition et on remarque que les zones de faible intensité correspondent aux surabondances de l’élément (absorption augmentée). A l’inverse, dans la portion de disque s’éloignant de l’observateur (Yo < 0), le flux est indépendant de l’abondance car on observe le continu.

Reconstruction du spectre intégré

Pour obtenir le spectre observé par un instrument sans résolution spatiale, il suffit d’intégrer le flux obtenu pour chaque cellule en pondérant par la surface projetée (Figure 2.7). L’intégration est limitée aux cellules de l’hémisphère visible depuis l’observateur. Ce spectre peut ensuite être dégradé par la résolution spectrale de l’instrument.

2.3.2 Calcul des observables interférométriques

Les observables interférométriques se calculent à partir de la carte d’intensité et des paramètres instrumentaux (voir Section 1.4.2). En plus de la résolution spectrale, il faut spécifier la fréquence spatiale d’observation et l’angle de la base sur le fond du ciel. La fréquence spatiale est donnée en unité normalisée par rapport au diamètre stellaire apparent (∅) :

~un= ~u· ∅ = ~b

Zr Xo Yo Zo Xo Yo Zo Xo Yo Zr

Fig. 2.7 – Illustration de la projection de la surface stellaire sur le fond du ciel ; à gauche, carte d’abondance utilisée (surabondance en foncé) ; au centre, flux émergent à une longueur d’onde donnée dans l’aile bleue de la raie (faible intensité en foncé, les mailles complètement noircies sur le limbe droit sont invisibles pour l’observateur et ne sont donc pas calculées) ; à droite, projection du flux sur le fond du ciel, Zo étant la direction de l’observateur. Zr est l’axe de rotation de l’étoile. Par souci de clarté, le champ magnétique est nul en tout point.

Transformée de Fourier Discrète

La surface stellaire étant discrète et ne possédant aucune symétrie, le passage de la carte d’in-tensité aux observables interférométriques se fait par une Décomposition en Série de Fourier8. Le degré complexe de cohérence s’écrit comme une somme d’exponentielles pondérées par le flux Ij et la surface apparente Sj de chaque cellule :

Γu= P

Ij· Sj· exp(−2iπ ~xj~un) P

Ij· Sj (2.2)

où ~xj est la position de la maille j dans le repère de l’observateur Ro. La valeur numérique obtenue dépend nécessairement de l’échantillonnage choisi. Elle converge théoriquement vers la Transformée de Fourier quand le nombre de mailles devient infini. En pratique, il faut donc adapter la finesse du maillage à la précision recherchée (Section 2.3.3).

La somme discrète est effectuée pour chaque longueur d’onde et chaque état de polarisation. La phase couleur-différentielle est donnée par la différence de phase entre le degré de cohérence en deux points du spectre. La phase des franges en lumière polarisée est reliée aux cartes d’intensité dans les paramètres de Stokes correspondants. Néanmoins, le passage des cartes d’intensité de Stokes aux

8Dans d’autres cas, la transformée de Fourier associée au Théorème de Zernicke-van Cittert est analytique ou peut

être simplifiée en projetant le problème sur une famille de fonction particulière. Les familles couramment utilisées sont les fonctions de Bessel, les fonctions de Henkel ou les polynômes de Zernicke en fonction de la géométrie du problème.

observables interférométriques est un peu plus difficile que dans le cas de la spectro-polarimétrie classique. En effet, l’observable n’est pas la différence des degrés complexes de cohérence entre deux états de polarisation, mais la différence de leur phase.

Phase de franges et lumière polarisée

Si l’on se place dans le cas marginalement résolu, on peut linéariser l’expression de la phase de la Transformée de Fourier de n’importe quelle carte d’intensité, et en particulier celle du paramètre de Stokes V , qui détermine le taux de polarisation circulaire (α est la position angulaire sur le fond du ciel) : φV ∼ R V (α).α.dα R V (α).dα (2.3)

La question est de savoir si cette observable est réellement celle qui est mesurée. Si nous enregistrons les franges dans deux états de polarisation orthogonaux, par exemple droit et gauche et si nous mesurons la différence des phases, l’observable est donnée par :

φ− φ ∼ R F(α).α.dα R F(α).dα − R F (α).α.dα R F (α).dα (2.4)

Si on suppose le taux de polarisation intégrée faible, c’est-à-dire si les deux numérateurs sont proches, on peut ramener cette expression à la différence des moments d’ordre un :

φ− φ ∼ R

(F(α)− F (α)).α.dα R

(F(α) + F (α))/2.dα (2.5)

Et on fait apparaître les cartes d’intensité dans les paramètres de Stokes I et V correspondant au flux total et à la polarisation circulaire :

φ− φ ∼ R

V (α).α.dα R

I(α)/2.dα (2.6)

Cette expression est fondamentalement différente de la phase de la simple Transformée de Fourier de la carte en V (Équation (2.3)). Pour déterminer correctement les observables polarisées, il nous faut donc convertir les cartes de Stokes en états de polarisation réellement mesurés avant de prendre la phase du degré complexe de cohérence.

2.3.3 Quantification de la précision sur les grandeurs interférométriques

Pour valider la méthode de calcul des observables interférométriques, nous avons comparé les visibilités et les phases obtenues dans le cas de problèmes possédant une solution analytique. Cette étude a été menée dans les différents paramètres de Stokes bien que je ne présente ici que des calculs en lumière naturelle, par souci de clarté. Pour ce test, j’ai choisi deux configurations complémentaires directement en lien avec les objets qui nous intéressent :

– un disque uniforme.

– un disque uniforme avec une tache uniforme située en ~p, de profondeur relative F , et de rayon r (en unité de rayon stellaire).

0 50 100 −2 0 2 0.5 1.0 1.5 0 50 100 0.5 1.0 1.5 −2 0 2

. freq. spatiale freq. spatiale

ss tache

avec tache

Image vis. en % phase en rad

0.1 0.47 0.83 1.2

Fig. 2.8 – Comparaison des visibilités et phases interférométriques obtenues par la simulation (tirets) et par un calcul analytique (traits continus), dans le cas d’un disque uniforme (haut) et dans le cas d’un disque uniforme taché d’une tache circulaire et uniforme (bas). Dans les deux cas la base interférométrique est alignée avec la verticale de la figure, direction qui ne correspond ni à la position de la tache ni à une symétrie du maillage. La surface est décomposée en 1200 éléments. Les tirets verticaux représentent la fréquence spatiale théorique à laquelle le degré complexe de cohérence d’un disque uniforme s’annule pour la première fois (∼ 1.22).

Dans le premier cas, le degré complexe de cohérence est indépendant de l’angle de la base. Il s’exprime avec une fonction de Bessel de premier ordre :

Γu = 2· J1πu(πun)

n (2.7)

Dans le second cas , le degré de cohérence s’écrit comme la somme pondérée des deux disques uniformes. Un terme de phase supplémentaire décrit leur position relative :

Γ = Γu(un) + Γu(r· un)· F r2e−iπ ~p.~un

1 + r2 (2.8)

Les paramètres choisis sont typiques d’une tache stellaire, c’est-à-dire un rayon r = 0.3R, une position ~p = −(0.3, 0.4)R. La profondeur relative de la tache est égale à F = 0.3. Une telle déplétion en flux n’est jamais rencontrée en pratique et on pourra donc dire que l’erreur obtenue est une borne supérieure. La Figure 2.8 illustre la visibilité et la phase obtenues par la simulation discrète en comparaison des valeurs analytiques dans le cas d’un échantillonnage de la surface en 1200cellules. La présence d’une tache vient sensiblement modifier les profils mais dans les deux cas les courbes sont en bon accord, même pour des résolutions spatiales importantes (second lobe).

Dans la pratique, nous ne nous intéresserons qu’aux configurations où la source est partiellement résolue (un < 0.6). La simulation n’a pas besoin d’être robuste dans le second lobe et au-delà. Par contre dans le premier lobe, nous avons besoin d’une précision meilleure que la fraction de degré. La Figure 2.9 illustre la différence entre solutions analytiques et solutions numériques pour différentes valeurs de discrétisation et en se concentrant sur le premier lobe. Les configurations de tache sont identiques à celles du paragraphe précèdent. On remarque que les précisions obtenues ont

0 500 1000 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 0 500 1000 0 500 1000 0 500 1000 0.2 0.73 1.3 1.8 0.1 0.37 0.63 0.9

nb. de cellules nb. de cellules nb. de cellules nb. de cellules

freq. spatiale

∆vis. (%)

avec tache ∆vis. (%)

uniforme ∆phase (deg)

avec tache ∆phase (deg)

uniforme

Fig. 2.9 – Différences absolues entre simulation et calcul analytique en fonction de la fréquence spatiale et de la précision du maillage. Les cartes avec et sans taches utilisées sont les mêmes que celles de la Figure 2.8. Les contours représentent 0.25% et 1% d’erreur en visibilité et 0.1◦et 0.25◦d’erreur sur la phase.

sensiblement les mêmes tendances avec ou sans tache. Un résidu inférieur à 0.1 est obtenu jusqu’à une fréquence spatiale normalisée de 0.6 pour un maillage d’environ 600 cellules.

2.4 Conclusions

Ce travail a permis de mettre au point et de valider un outil de résolution du problème direct dans le cas des étoiles magnétiques. Les données d’entrée de la simulation sont le modèle d’atmo-sphère, les paramètres de rotation stellaire (vitesse et inclinaison), une distribution d’abondance et de champ magnétique, les paramètres atomiques de la transition considérée et les paramètres de l’interféromètre utilisé (longueur de base, résolution spectrale). La carte d’intensité construite à par-tir des données du modèle permet de prédire de manière complète les observations spectroscopiques et interférométriques à haute résolution spectrale. Pour cela, une résolution complète du transfert polarisé s’est avérée nécessaire :

1. Dans un premier temps pour atteindre la précision requise dans le calcul de la carte d’intensité en lumière naturelle, à cause de la rétro-influence des profils polarisés.

2. Dans un second temps, pour déterminer les grandeurs interférométriques mesurées en lumière polarisée.

Ce travail spécifique a fait l’objet d’une présentation invitée à l’atelier "Transfert Radiatif VIS/IR/MM et Applications au VLTI/ALMA" (Avril 2004) du GRoupE Transfert en Astrophysique (GRETA)9.

Les différentes parties de cet outil ont été validées pas à pas. Bien qu’optimisée pour un pavage rapide et simple, la résolution du transfert polarisé est aussi précise que les autres codes actuels. Le calcul des observables spectroscopiques et interférométriques est environ un ordre de grandeur plus précis que la sensibilité des instruments actuels. Les premiers résultats de simulation ont été présentés à la SF2A et à la conférence « Magnetic Fields in O, B and A Stars » (Section 2.5, LeBouquin et al. 2003b,a).

2.5 Article: « Observing stellar activity with optical

interferome-ters »

Cet article fait suite à une intervention orale à la Semaine Française de l’Astrophysique (SF2A) en juin 2003 (LeBouquin et al. 2003a). Une version très similaire a été publiée dans les résumés de la « International Conference on magnetic fields in O, B and A stars », suite à une intervention orale en décembre 2002 (LeBouquin et al. 2003b). Il correspond à une partie du travail présenté dans les sections 2 et 3.

Faisabilité des observations avec les