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Chapitre 4 : Présentation et analyse des résultats

4.1 Les obstacles à la transition aux études collégiales

4.1.3 Caractéristiques de l’environnement

4.1.3.1 Soutien interpersonnel

Manque d’appui des parents

Il arrive que les parents exercent une influence, voire certaines pressions, dans la démarche d’OSP de leur enfant : « L’élève qui veut être chirurgien ou pédiatre [...], je ne sais pas si c’est l’élève ou ses parents qui veulent qu’il soit ça. » La fonction jouée par le réseau de soutien de la personne (affection, opinion, soutien financier, etc.) et la façon dont ce soutien se déploie (soutien accru, diminué, interrompu, etc.) influence l’adaptation à la transition (Schlossberg et al., 1989). En cas de conflit, le rôle des parents peut diminuer le

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Influence négative des pairs

L’influence des pairs au moment du choix professionnel, du choix du cégep ou de l’abandon d’un cours peut également avoir un effet sur l’adaptation à la transition. À ce sujet, une dynamique particulière s’est installée dans un des cours axés sur l’OSP : « Ils n’ont pas de modèle positif à côté d’eux. Ils se retrouvent en petites gangs entre eux, puis ils tapent du coude parce qu’ils sont fiers de ne pas avoir d’intérêt au cours. » Tel qu’évoqué précédemment, la fonction exercée par les proches et la façon dont leur soutien se déploie influence la qualité du passage de la transition (Schlossberg et al., 1989). En ce sens, l’influence négative des pairs sur le choix professionnel ou sur l’engagement dans la démarche d’orientation peut constituer un obstacle à l’adaptation à la transition.

4.1.3.2 Soutien institutionnel

Les obstacles sur le plan du soutien institutionnel peuvent eux aussi influencer la qualité du soutien reçu au moment de la transition. La majorité des observations des professionnelles et professionnels à ce sujet sont liées au soutien des collèges. Nous avons subdivisé les résultats en trois catégories que le modèle des transitions ne permet pas de distinguer (Huberman et Miles, 1991) : les contingences du système scolaire, le fonctionnement du collège et l’attitude négative à l’égard de la SAI.

Contingences du système scolaire

Les nouvelles pratiques accompagnant les changements dans le monde de l’éducation24 génèrent des questionnements, lors des groupes de discussion. Entre autres, les professionnelles et professionnels craignent l’impact de ces changements sur l’uniformité dans l’évaluation des élèves du secondaire pour l’admission au collégial25 : « Je pense que ça biaise un peu l’admission dans les programmes contingentés. Il y en a qui ont été admis avec plus de notes que d’autres. Il y a un aspect d’évaluation du secondaire qui n’est pas uniforme. » La qualité de l’arrimage entre les anciennes et les nouvelles

24 Au moment de la collecte de données, les collèges s’apprêtaient à accueillir une cohorte d’élèves dont le parcours scolaire a été caractérisé par de nombreux changements dans le système d’éducation découlant d’une réforme à l’enseignement primaire et secondaire.

25 Au secondaire, l’évaluation porte sur les apprentissages prévus au programme auquel est inscrit l’élève, décrits sous forme de compétences à développer. La définition des compétences varie selon les secteurs de formation (MELS, 2003).

54 séquences de mathématiques26 et de sciences27 est également anticipée, tout comme les conséquences de la suppression des cours d’ECC.

D’un autre côté, la rigidité de certaines directives caractérise la transition au collégial, notamment sur le plan de l’offre de services : « Dans mon contrat [...], je ne peux pas rencontrer les étudiants individuellement. Je vais en classe, je leur fais des présentations et lorsqu’ils viennent me voir et me demandent une rencontre, je leur dis non. […] Ce n’est pas moi qui décide! » D’autres obstacles concernent la réussite obligatoire des cours du secondaire en première session28. En dépit des fondements logiques qui sous-tendent ce règlement, l’intransigeance dans son application peut nuire à la motivation des étudiantes et étudiants qui ont réussi les cours de niveau collégial malgré l’échec d’un cours de mise à niveau (cours du secondaire).

Fonctionnement du collège

Le manque de ressources professionnelles à l’intérieur des collèges peut nuire à l’offre de services à la population étudiante. À ce sujet, une personne commente l’ampleur de l’achalandage à son bureau, à la suite de chaque atelier en groupe : « Tout de suite après, ma secrétaire me dit : Ils arrivent au bureau. [...] Ils sont découragés parce que ça prend

trois semaines [pour obtenir un rendez-vous]. » Schlossberg et al. (1989) indiquent que les

personnes qui entrent aux études supérieures s’attendent à ce qu’on réponde à leurs besoins. Dans ce contexte, le nombre de places limité pour obtenir un service particulier peut affecter considérablement leur adaptation à la transition.

Il existe un certain roulement en ce qui touche le poste de responsable des cours axés sur l’OSP. Il est donc possible que la fréquence à laquelle ces personnes se succèdent affecte la qualité de l’enseignement. Ainsi, l’instabilité entre les membres de l’équipe

26 Les anciennes séquences de mathématiques de quatrième secondaire et de cinquième secondaire ont été remplacées par trois séquences de formation choisies par les élèves en fonction de leurs intérêts, de leurs aptitudes et de leurs besoins de formation. Il s’agit de : 1 — Culture, société et technique (CST) 2 —

Technico-sciences (TS) et 3 — Sciences naturelles (SN) (MELS, 2008a).

27 Les anciens cours de sciences de quatrième secondaire ont été remplacés par le cours Sciences et

technologies (ST). Les élèves qui le désirent peuvent choisir, en option, un cours supplémentaire pour aller

plus loin dans leurs apprentissages (MELS, 2008b).

28 Le non-respect de cette condition provoque l’expulsion du collège, le temps de compléter ces cours à l’éducation des adultes.

55 complexifie la collaboration entre eux : « Il y a des choses qui se commencent, puis oups! Ça tombe. » Dans ce contexte, les initiatives sont souvent à recommencer par de nouvelles personnes. La qualité du cours dépend donc de leur engagement et du temps qu’elles ont à consacrer au renouvellement des pratiques.

D’un autre point de vue, le manque de ressources financières peut affecter l’organisation de certains projets ou le maintien des pratiques particulières, comme l’inscription à Academos29. Par exemple, dans un des collèges, une subvention a permis de mettre en place un programme de tutorat dans le cours axé sur l’OSP. Au moment des groupes de discussion, la personne représentant ce collège ne savait pas si cette pratique allait être reconduite : « Le collège aura un choix à faire, à savoir : Est-ce que la mesure

qu’on a essayé d’instaurer vaut la peine d’être conservée? » Dans ce contexte,

l’insuffisance des budgets alloués à la SAI peut gêner l’offre de services. Du coup, les moyens mis en place pour soutenir l’adaptation à la transition sont réduits.

Le manque de coordination à l’intérieur des collèges fait partie des obstacles les plus fréquemment mentionnés, lors des groupes de discussion : « On a besoin d’un comité qui serait en charge de la SAI. Actuellement, c’est juste l’a.p.i. et le c.o. qui en ont la responsabilité. C’est trop. » Comme la SAI n’est pas considérée comme un programme, il arrive que les personnes qui y interviennent se rassemblent rarement. De plus, dans les cégeps où le cours axé sur l’OSP n’est pas offert en SAI, le sentiment d’appartenance envers l’établissement est plus faible : « Quand ils sont ensemble, ils peuvent créer des liens, et ça contribue à l’ancrage au cégep, à l’engagement. Nous, on n’a pas ça. » En outre, les failles dans l’organisation des services offerts à la population étudiante peuvent constituer un obstacle à l’adaptation à la transition.

Les faiblesses dans le système de communication utilisé peuvent faire en sorte que certaines informations utiles se perdent : « On a l’impression qu’on n’arrive pas à les rejoindre. On a de la misère à comprendre, parce qu’on a l’impression qu’on fait beaucoup d’efforts. Mais finalement, ils ne participent pas et ça ne donne pas de résultat. » D’abord,

29 Academos Cybermentorat est un organisme sans but lucratif qui a pour mission de favoriser l’orientation professionnelle et la persévérance scolaire des Québécois de 14 à 30 ans (Academos Cybermentorat, 2010). Il permet de relier des étudiants à des mentors sur le marché du travail par divers médias électroniques.

56 les efforts déployés pour rejoindre les étudiantes et étudiants ne peuvent rien contre leur désengagement ou leur attitude résistante. Cela dit, il y a lieu de se questionner sur la façon dont les moyens de communication choisis sont adaptés à leurs besoins et à leur mode de vie.

Enfin, les effets de certaines contraintes administratives sont critiqués par les professionnelles et professionnels. Le manque de locaux, la nécessité de rendre des comptes, l’accessibilité des services d’aide et la gestion des horaires de cours sont soulevés : « Le problème, c’est de faire des horaires pour qu’ils aient une journée sans cours. Ça semble très compliqué de faire ça. » En somme, ces différents éléments peuvent gêner l’innovation et le renouvellement des pratiques qui pourraient avoir un impact positif sur la transition aux études supérieures.

Attitude négative à l’égard de la SAI

Lors des groupes de discussion, les professionnelles et professionnels dénoncent les préjugés entretenus par certains membres du personnel enseignant et de la direction à l’égard de la SAI : « On essaie de dire : Ce n’est pas juste les pourris qui sont là-dedans.

C’est pas juste ceux qui sont mêlés, c’est des clientèles hétérogènes. Pour vraiment amener

les profs à avoir une stabilité, qu’ils aient envie de choisir les groupes en accueil et intégration. » Autrement dit, l’intervention en SAI sort les enseignantes et enseignants de leur zone de confort. La résistance à intervenir auprès de ces étudiantes et étudiants risque donc de compromettre la qualité de l’enseignement et du soutien offert dans l’adaptation à la transition.

Un autre obstacle réside dans le manque d’ouverture et de collaboration des membres de la direction de certains collèges. Aux yeux des participantes et participants aux groupes de discussion, la réussite des projets dépend de leur engagement : « Moi, je pense que la direction doit être vraiment au cœur de tout ça. Il n’y a rien qui pourrait se réaliser si on n’avait pas leur appui. » Sachant que les difficultés d’orientation peuvent affecter la motivation, la durée des études et le rendement scolaire (Doray et al., 2009), le manque d’ouverture et de collaboration des membres de la direction à l’égard des mesures déployées à la SAI peut constituer un obstacle à la transition aux études collégiales.

57 4.1.3.3 Environnement physique

Les facteurs liés à l’environnement physique contribuent au stress et au sentiment de bien-être des personnes qui vivent le changement (Schlossberg, 1981). Ils jouent donc un rôle important dans l’adaptation aux transitions.

Éloignement géographique du collège

Le contexte socioéconomique de chaque région, la culture du milieu et la situation géographique du collège peuvent influencer la démarche d’OSP. Par exemple, dans un cégep situé en milieu rural, l’accès à certaines catégories de professions est limité : « Dans mon petit milieu à moi, c’est la limite de professionnels. Un criminologue, on ne retrouve pas ça. Donc Academos devient un plus quand on ne trouve pas certains professionnels. » Ainsi, il est possible que certains facteurs d’indécision, comme le manque d’information vocationnelle, interagissent avec le contexte géographique et socioéconomique du collège.

Obstacles liés à la taille du collège

Dans certains collèges, l’effectif étudiant ne permet pas de former un groupe suffisamment nombreux pour offrir un cours axé sur l’OSP. Dans d’autres, le nombre élevé d’inscriptions limite les interventions possibles : « D’un cégep à l’autre, le nombre d’élèves change beaucoup. [...] Le volume, un moment donné, fait que tu ne peux pas aller dans certaines directions. » Ainsi, dans les collèges de grande taille, les initiatives de renouvellement des pratiques sont limitées. D’un autre côté, les obstacles liés à un collège de petite taille peuvent empêcher la mise sur pied de projets d’envergure. Dans les deux cas, l’offre de services risque de ne pas être adaptée aux besoins particuliers des étudiantes et étudiants en transition.

Éloignement entre le collège et la résidence

La distance séparant le collège et la résidence peut constituer une source d’inquiétudes. En milieu rural, une des stratégies pour contourner cet obstacle consiste à retarder le départ du nid familial : « Cette année, je trouvais que les étudiants étaient pas mal sûrs de leur choix. Ils ont pris une année parce qu’ils n’étaient pas prêts à partir de la maison. C’est pour ça qu’ils sont en accueil. »

58 La stratégie décrite précédemment illustre une transition anticipée (Goodman et al., 2006), où les étudiantes et étudiants choisissent de prendre du temps pour s’approprier les normes, les règles et les attentes relatives à l’inscription au cégep. Il s’agit d’une caractéristique de la première phase de la transition (Schlossberg et al., 1989). D’ailleurs, les sentiments de confort et d’intimité font partie des facteurs environnementaux les plus importants dans l’adaptation au changement (Schlossberg, 1981).

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