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STATUT ET CARACTERISTIQUES DU PROVERBE

Chapitre 3. Caractéristiques du proverbe

Dans le chapitre précédent, en distinguant le proverbe des autres genres phraséologiques, nous avons montré que le proverbe est un genre du discours indépendant. Le proverbe est un genre élémentaire qui est constitué d’un seul énoncé. Nous comprenons

énoncé au sens que lui donne Maingueneau (2002). L’énoncé est considéré comme une séquence verbale qui forme une unité de communication complète relevant d’un genre du discours déterminé. L’énoncé doit être appréhendé comme formant un tout, comme constituant une totalité cohérente. Une question se pose : comment les proverbes, en tant que genre du discours, établissent-ils leur système ? autrement dit, quels sont les facteurs qui participent à former ce système ? A nos yeux, ce sont des facteurs linguistiques qui comprennent des éléments morphologiques, sémantiques, syntaxiques. Néanmoins, le proverbe est aussi codé par les principes poétiques, la versification. Lorsqu’un proverbe est utilisé dans la communication, il peut atteindre un certain effet esthétique. C’est pourquoi on peut ajouter des facteurs littéraires qui comprennent des éléments tels que : thèmes, images, tropes, etc. Ces facteurs, peut-on dire, sont caractéristiques du proverbe.

Ce qui est intéressant est que les facteurs caractéristiques du proverbe apparaissent tant en français qu’en vietnamien, malgré l’éloignement très marqué au plan typologique des deux langues. C’est pour cette raison que nous décidons de ne pas séparer les proverbes vietnamiens des proverbes français mais nous intégrons les deux en les analysant parallèlement.

3.1. Structure binaire

Cette propriété du proverbe est une formule structurée particulière qui existe dans toutes les langues. C’est un marqueur qu’on attribue souvent au proverbe comme trait distinctif entre le proverbe et d’autres énoncés « normaux ».

En vietnamien :

Đau thương thân / lành tiếc của

souffert/ avoir pitié/ corps/ bonne santé/ regretter/ bien

Quand on a souffert, on a pitié de soi-même ; quand on est en bonne santé, on regrette son argent

Môi hở/ răng lạnh

lèvre/ ouvert/ dent/ froid

En français :

Miel sur la bouche/ fiel sur le coeur Loin des yeux / loin du cœur

Le trait structurel et stylistique le plus saillant du proverbe en vietnamien et en français se trouve dans son organisation binaire. La forme binaire peut résulter de la juxtaposition des deux propositions et elles peuvent être achevées ou elliptiques.

- deux propositions achevées : En vietnamien :

Con biết ngồi/ mẹ rời tay

enfant/ savoir/ tenir assis/ mère/ se détacher/ main

Quand l’enfant sait tenir assis, la mère ne le porte plus dans ses bras

En français :

L’homme propose / Dieu dispose

- deux propositions elliptiques : En vietnamien :

Miệng quan/ trôn trẻ

bouche/ mandarin/ anus/ bébé

La bouche du mandarin ressemble à l’anus du bébé

En français :

Froides mains/ chaudes amours

La structure binaire du proverbe est rattachée également à sa forme courte. La brièveté est l’un des traits identifiables du proverbe. Le proverbe en général est constitué par une petite quantité de mots, alors que l’exigence de manifestation du contenu doit être riche, donc, le proverbe doit emprunter la structure binaire comme un moyen d’expression adéquat. Grâce à la structure binaire, on peut décoder facilement des proverbes qui sont structurés en groupe de mots et dont la structure superficielle est totalement close, par exemple :

Dưa La/ cà Láng/ nem Bảng/ tương Bần/ nước mắm Vạn Vân/ cá rô Đầm Sét

pastèque/ La/ morelle/ Láng/ nem/ Bảng/ sauce de soja/ Bần/ sauce de poisson/ Vạn Vân/ anabas/ Đầm Sét

Pastèque de La, morelle de Láng, nem de Bảng, sauce de soja de Bần, saumure de poisson de Vạn Vân, anabas de Đầm Sét

Ce proverbe évoque un trait très intéressant que voici : la pression très forte de la structure binaire a fait apparaître un membre de quatre syllabes cá rô Đầm Sét car le membre précédent comporte quatre syllabes nước mắm Vạn Vân. Le proverbe : « Dưa La, cà Láng, nem Bảng, tương Bần, nước mắm Vạn Vân, cá rô Đầm Sét » est composé de six syntagmes

nominaux, quand le cinquième membre comporte quatre syllabes, alors le sixième doit également en avoir quatre. Ainsi, la structure binaire est généralement symétrique.

Par ailleurs, la structure binaire va de pair avec un certain nombre de procédés stylistiques. En effet, l’image prototypique du proverbe se fonde sur une structure binaire, soulignée par :

- la rime et le rythme : En vietnamien:

Xa mỏi chân, gần mỏi miệng

loin/ fatigué/ jambe/ proche/ fatigué/ bouche

Quand on habite à proximité de chez soi, on se dispute ; quand on s’installe loin l’un de l’autre, on a le droit de se rendre visite

En français :

Menton luisant, ventre content

- le rythme avec assonance (répétition d’une voyelle) et allitération (répétition d’une consonne) :

En vietnamien:

Đồng tiền / liền khúc ruột

dong/ argent/ attacher/ NC/ entrailles

L’argent est étroitement lié aux entrailles

En français :

Maison sans flamme, corps sans âme

Ces traits stylistiques ont pourtant une très grande importance pour l’identification du genre, ils sont perçus comme caractéristiques du genre.

La structure binaire est soulignée encore par des figures rhétoriques récurrentes : - répétition d’un même terme dans chacun des deux membres de la formule En vietnamien :

Chê thằng bụng ỏng, lấy thằng lưng gù

dédaigner/ type/ ventre/ ballonné/ épouser/ type/ dos/ voûté

N’échapper à un mal que pour tomber sur un autre plus grand

En français :

Net de corps, net d’âme

- emploi de termes antonymiques dans les deux membres de la formule, afin de créer l’antithèse :

En vietnamien :

sage/ utiliser/ bouche/ sot/ utiliser/ main

Les gens sages utilisent la bouche, les sots utilisent la main

En français :

Aujourd’hui en chair, demain en bière

- paronomase : En vietnamien :

Cả mô là đồ làm biếng

grand/ vulve/ être/travailler/ n’avoir pas la volonté de

Les femmes à grande vulve sont fainéantes

En français :

Miel sur la bouche, fiel sur le coeur

- paradoxe : En vietnamien :

Khẩu Phật tâm xà

bouche/ Bouddha/ cœur/ serpent

Bouche de Bouddha, cœur de serpent Xấu người, đẹp nết

laid/ corps/ beau/ conduite

Laid corps, belle conduite

En français :

Longue langue, courte main Grosse tête, cerveau étroit

La structure binaire dans les proverbes vietnamiens et dans les proverbes français permet d’établir entre les deux membres du proverbe une relation et l’interprétation du proverbe s’appuie sur cette relation. Pour éclaircir ce propos, nous donnons un exemple de proverbe français et un exemple de proverbe vietnamien.

Dans le proverbe Tête de femme, tête de diable, l’auteur populaire compare « tête de femme » à « tête de diable ». La répétition des mots tête, de, l’emploi de l’antithèse femme Ŕ diable permet d’établir expressivement la relation de comparaison entre deux membres de l’énoncé proverbial. L’image comparante « tête de femme » et l’image comparée « tête de diable » deviennent plus expressives en présence de la structure binaire rythmique. Le sens des proverbes à formes nominales dans le proverbe français se construit dans et par relation établie par la structure binaire.

Le proverbe :

chien/ suspendre/ chat/ couvrir

est très mal compris, surtout par les locuteurs non-natifs. On ne peut pas appliquer la structure Sujet – Prédicat pour l’interpréter car c’est absurde : le chien et le chat ne peuvent pas jouer le rôle du sujet des actes de suspension et de fermeture. Seulement la structure Thème – Rhème peut arriver à décoder ce proverbe. Pour comprendre son sens, il faut le mettre dans la structure Thème – Rhème : Chó (thì) treo, mèo (thì) đậy, c’est-à-dire : pour empêcher le chien de manger en cachette, il faut suspendre les aliments ; pour empêcher le chat de manger en cachette, il faut couvrir les aliments.

On peut appliquer la structure Thème – Rhème sur l’interprétation des proverbes français à forme nominale. Dans Tête de femme, tête de diable, le premier membre est thème, il joue le rôle de point de départ et exprime ce dont il est question ; le deuxième membre est rhème qui joue le rôle d’apport sémantique à propos du thème.

La structure binaire constitue une des caractéristiques saillantes du proverbe tant en vietnamien qu’en français. Elle est une des composantes du discours proverbial qui permet à ce dernier de faire sens.

3.2. Rime et rythme

La rime et le rythme sont étroitement attachés l’un à l’autre. Ce sont des procédés stylistiques perçus comme caractéristiques du proverbe, comme nous l’avons déjà dit ailleurs.

En vietnamien, d’après la statistique de Nguyễn Thái Hòa (1997), seulement 100/5000 proverbes examinés sont non-rimés, soit 0,02%, ce qui représentent une très petite proportion. Nguyễn Thái Hòa qui se fonde sur le critère locatif des rimes, fait la typologie suivante5

: -rime contiguë :

Đồng tiền liền khúc ruột

dong/ argent/ attacher/ NC/ entrailles L’argent est étroitement lié aux entrailles - rime séparée par une syllabe :

Miệng nam bụng bồ dao găm

bouche/ gloire à Bouddha/ ventre/ gros panier/ poignard

Bouche disant les prières, ventre n’étant qu’un gros panier de poignards

- rime séparée par deux syllabes

Anh em rể đánh nhau sể đùi

beaux-frères/ se battre/ casser/ jambe

Les beaux-frères ne s’aiment pas

5

- rime séparée par trois syllabes :

Tết đến sau lưng, ông vải thí mừng con cháu thì lo

nouvel an/ arriver/ derrière/ dos/ ancêtres/ PAR/ réjouir/ descendance/ PAR/ inquiéter

Le Nouvel an arrivé, les ancêtres se réjouissent, les descendants s’inquiètent

- rime séparée par quatre syllabes :

Mồ côi cha nìu chân chú, mồ côi mẹ nìu

orphelin/ père/ se raccrocher/ oncle/ orphelin/ mère/ se raccrocher/ sein/ tante

Quand le père est mort, son enfant doit s’appuyer sur l’oncle, quand la mère est morte, son enfant doit s’appuyer sur la tante

- rime séparée par cinq syllabes

Thầy bói, thầy số, thầy đồng, Nghe ba thầy ấy cái lông không còn

voyant/ astrologue/ mage/ écouter/ trois/ PAR/ PAR/ NC/ poil/ ne pas/ exister

Il ne faut pas croire aux voyants

Cette dernière position de la rime se rencontre dans les proverbes ayant une forme en mètre de six-huit et c’est la forme la plus longue du proverbe vietnamien.

Dans le proverbe vietnamien, on constate dans les proverbes non-rimés (0,02% selon la statistique de Nguyễn Thái Hòa 1997) une présence saillante du rythme :

Sẩy vai / xuống cánhtay

glisser/ épaule/ descendre/ bras

On ne peut pas tout perdre Tay không/ nói chẳng nên điều

main/ vide/ parler/ aboutir/ chose

De mains vides, prières vaines

Tous les proverbes vietnamiens, sans exception, sont porteurs d’un rythme. Le vietnamien est une langue à tons et dans le proverbe vietnamien, il existe incontestablement une harmonie de tons. L’harmonie de tons repose sur le fait de coordonner l’accent grave et l’accent prononcé entre les syllabes de la phrase, ce qui donne une eurythmie au rythme. Un proverbe non-rimé est remplacé par le roulement de l’accent grave et de l’accent prononcé et cette alternance prend en charge la fonction de la rime :

Khẩu Phật tâm xà

bouche/ Bouddha/ cœur/ serpent T T B B6

Nhân hiền tại mạo

6

B : accent grave T : accent prononcé

personne/ bon/ sur/ visage B B T T

Sẩy vai / xuống cánhtay

glisser/ épaule/ descendre/ bras T B T T B

Tay không nói chẳng nên điều

main/ vide/ parler/ aboutir/ chose B B T T B B

Dans l’intuition linguistique des Vietnamiens, ce sont l’euphonie et l’harmonie des tons qui leur permettent de reconnaître un proverbe.

Quant au proverbe français, d’après les résultats d’une enquête menée par Anscombre (1999) sur le critère de reconnaissance du degré de prototypie proverbiale, les phrases sentencieuses qui présentent un schéma bipartite et ou bien pourvu d’une rime, ou bien isosyllabique obtiennent la note la plus élevée chez les enquêtés français. Les résultats de l’enquête permettent à Anscombre de formuler cette thèse : « […] un proverbe est bipartite, et ou bien pourvu d’une rime, ou bien isosyllabique. Cette thèse est en fait très classique et repose sur l’observation fréquemment faite que beaucoup de proverbes se composent de deux parties repérables, pourvues soit d’une rime, soit du même nombre de syllabes. En voici quelques exemples, en notant par une minuscule le type de la rime, suivi du nombre de syllabes entre parenthèses : Fleur flétrie, jamais ne refleurit [a (3), a (5)] ; Loin des yeux, loin du cœur [a (3), b (3)] ; Qui aime bien châtie bien [a (3), a (3)] ; Rien ne sert de courir, il faut partir à point [a (6), b (6)] » (2000 : 15). Dans le proverbe français, la rime est perçue comme une propriété importante du proverbe, comme dit Anscombre (2000 : 16) : « La perte du caractère binaire et /ou la rime et /ou l’isosyllabisme tend à faire perdre à la forme sentencieuse son caractère proverbial ». Néanmoins, Anscombre note que la thèse de la structure binaire combinée avec celle de la rime, si elles expliquent l’identité proverbiale de certaines formes, semblent un peu trop fortes dans ce sens qu’elles « ne rendent pas compte de tous les phénomènes d’une part, et conduisent d’autre part, dans certains cas, à des prédictions qui semblent aller à l’encontre de l’intuition » (2000 : 18). Dès lors, l’auteur propose une autre thèse de l’identification du proverbe qui semble liée à la première thèse mais qui est susceptible d’éviter toute objection pouvant arriver, celle de la structure rythmique du proverbe :

Tant les rimes, les assonancements, les allitérations, que l’isosyllabisme ne sont pas là en tant que tels, mais en tant qu’indicateurs d’une structures rythmique. Peu importe donc que le phénomène ait lieu à l’initiale, en finale, ou en position médiane : c’est la

structure rythmique dans son ensemble qui compte. Ma dernière thèse concernant les [proverbe] sera donc qu’ils sont des occurrences de certaines configurations rythmiques. Je rejoins ainsi une thèse esquissée déjà dans Dessons ; 1984, qui voit dans les proverbes des schémas prosodiques. Quelles sont ces structures ? Une hypothèse tentante – mais qui reste à vérifier dans les détails – serait que ces schémas rythmiques sont en nombre restreint [les schémas de base sont peu nombreux, et que les autres configurations sont obtenues par combinaison de ces schémas de base], et qu’ils représentent une sorte de « poésie » naturelle propre à la langue, de la même façon qu’il y a en langue une astronomie « naturelle », ou une biologie « naturelle ». C’est sans doute de cette poésie naturelle présente en langue qu’est née la poésie tout court, après une lente maturation (2000 : 19).

Dans la même ligne de pensée, Meschonnic (1976 : 421) écrit « Un proverbe est fixe, relativement. […] Sa fixité est tenue par son originalité prosodique. Il est souvent rythmé, serré par des rapports de sonorités qui font une sémantique prosodique. »

De ce qui précède, on peut poser une question : pourquoi les proverbes ont-ils recours à la structure rimique et à la structure rythmique ? La réponse se trouve dans le mode de diffusion du proverbe. Les proverbes sont une création collective, transmis de génération en génération par voie orale. Pour faciliter la mémorisation, rien n’est plus efficace que la rime et le rythme. Les structures rythmiques et rimiques ont essentiellement une fonction mnémotechnique. En effet, il est plus facile à retenir une structure rythmée qu’une structure non-rythmée. Il existe effectivement des moyens mnémotechniques utilisant des structures rimiques et rythmiques. C’est pourquoi, la rime et le rythme existent dans le trésor de proverbes de toutes les langues du monde.

3.3. Symétrie des mots d’un même champ lexical

Cette propriété est souvent liée à la structure binaire. Comme nous avons dit ailleurs, la structure binaire est relativement symétrique. Les proverbes symétriques sont normalement bipartites. On constate qu’il existe une symétrie des mots relevant d’un même champ lexical dans ces structures tant en français qu’en vietnamien.

En français :

Net de corps/ net d’âme Loin des jeux / loin du cœur

En vietnamien :

Đau thương thân / lành tiếc của

Quand on a souffert, on a pitié de soi-même ; quand on est en bonne santé, on regrette son argent

Cờ ba cuộc/ cơm ba bát/ thuốc ba thang

échec/ trois/ partie/ riz/ trois/ bol/ remède/ dose de tisane

Si on joue aux échecs, il faut prendre trois parties ; si on mange du riz, il faut prendre trois bols de riz; si on est malade, il faut prendre trois doses de tisanes

Nous allons établir un schéma afin de voir plus clairement la relation symétrique entre les constituants appartenant au même champ lexical :

Net de corps net d’ âme

Loin des yeux loin du cœur

Đau thương thân lành tiếc của

Cờ ba cuộc cơm ba bát thuốc ba thang

Dans le proverbe français : Net de corps, net d’âme, l’adjectif net relève du champ de

qualité, de est une préposition, corps et âme appartiennent au champ humain. Dans le proverbe vietnamien :

Đau thương thân, lành tiếc của

souffert/ avoir pitié/ corps/ bonne santé/ regretter/ biens

đau (souffert) et lành (bonne santé) relève du champ d’état de santé, thương (avoir pitié) et

tiếc (regretter) relèvent du champ du sentiment et enfin thân (corps) et của (biens) appartiennent au champ plus large, celui d’essentielde l’existence de l’homme. Ainsi, le sens des mots relevant d’un même champ lexical dans les deux membres de l’énoncé proverbial peut être en relation analogique ou opposée. Du point de vue des locuteurs, l’acquis de règle de cette symétrie leur permet d’interpréter des proverbes obscurs. Par exemple, le proverbe

français : Aujourd’hui en chair, demain en bière peut être une énigme pour les locuteurs non natifs parce que le mot bière fait penser immédiatement à un type de boisson et avec ce sens, le proverbe est incompréhensible. C’est la règle de la symétrie des mots d’un même champ lexical qui aide à décoder le sens du proverbe. Si aujourd’hui et demain appartiennent à un même champ lexical, celui de temps, chair et bière devraient en principe avoir un certain point sémantique commun. Cela pousse les locuteurs à chercher une autre signification du mot bière et avec le sens de cercueil, le proverbe devient intelligible.

3.4. Autonomie sémantique, syntaxique et pragmatique

Un proverbe est un énoncé autonome et clos. Sur ce point, Anscombre écrit : « Un proverbe est clos dans la mesure où il peut à lui tout seul faire l’objet d’une énonciation auto-suffisante, i.e. ne requérant pas d’énonciations antérieures et postérieures pour former un discours complet. Et un proverbe est autonome dans la mesure où il ne lui est pas assigné de place fixe dans les discours dans lesquels il apparaît » (2000 : 12).

Un proverbe est porteur d’un message achevé et complet. Le sens d’un proverbe est généralement la somme de l’ensemble de ses composantes lexicales et des relations syntaxiques qui s’installent entre elles. Cela explique le fait qu’on puisse toujours comprendre un proverbe qu’on n’a jamais entendu, ou un proverbe en langue étrangère. Un énoncé proverbial est sans rapport déictique avec le moment de l’énonciation. L’énonciation du proverbe implique une sorte de coupure entre l’énoncé et sa situation d’énonciation. Il n’y a pas de trace directe de l’énonciation, il n’y a aucune référence au moi-ici-maintenant.

Un proverbe peut être introduit dans les discours sous forme de citation. « La propriété la plus fondamentalement distinctive du proverbe est de n’avoir d’autre existence dans le discours que cité » (Ollier, 1976 : 331). Dans la même lignée, Greimas note :

Au niveau de la langue parlée, les proverbes et les dictons se découpent nettement de l’ensemble de la chaîne par le changement d’intonation : on a l’impression que le locuteur abandonne volontairement sa voix et en emprunte une autre pour proférer un segment de la parole qui ne lui appartient pas en propre, qu’il ne fait que citer. Il