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Caractéristiques des sarcomes en territoire irradié

Les sarcomes secondaires sont des cancers fréquents en territoire irradiée et ils posent un réel problème car ils sont de pronostics très défavorable. Nous allons voir ci après les caractéristiques générales de ceux-ci (Vautravers et al. 2010).

Définition

Même si on ne peut jamais prouver clairement qu’un second sarcome est consécutif à une radiothérapie, on s’accorde sur le fait que la probabilité d’en développer un augmente avec celle-ci. Les critères généralement reconnus pour définir les sarcomes radio-induits ont été d’abord proposés par Cahan et Woo- dard1948, ensuite modifiés par Arlen et al. 1971. Ces critères sont les suivants : — Un traitement irradiant à des doses thérapeutiques précédant le dévelop-

pement du sarcome

— Une lésion développée au sein du ou des champs d’irradiation

— Une histologie différente entre la tumeur primitive irradiée et la lésion sarcomateuse

3.2. Caractéristiques des sarcomes en territoire irradié 71

Figure3.1 –Exemple de dosimétrie en radiothérapie 3D. Ici le PTV est traité à l’aide

de 4 faisceaux d’irradiation ce qui est standard en radiothérapie conformationnelle 3D. Nous pouvons visualiser les différentes régions caractéristiques avec le maximum de dose reçue dans le PTV (en violet 100 % de dose), la région de bordure proche (vert 80 % de dose) et la région de bordure plus lointaine (bleu moins de 50 % de dose). Ainsi nous pouvons visualiser le fait qu’un nombre important de cellules normales reçoivent de la dose. :

Type histologique

Les sarcomes en territoire irradié sont majoritairement de grade élevé et souvent peu différenciés (Brady, Gaynor et Brennan 1992 ;Barbara et Ira 1998 ;Lagrange et al. 2000 ;Penel et al. 2008 ;Robinson, Neugut et Wylie 1988). Dans la littérature, les ostéosarcomes sont les plus fréquents, suivis par les fibrosarcomes et les histiocytomes fibreux malins (J. H. Kim et al. 1978). Dans des séries de patients plus récentes, l’histiocytome fibreux malin était le plus fréquent suivi de l’ostéosarcome (Barbara et Ira 1998). Il n’est pas possible de déterminer grâce à l’examen anatomo-pathologique si un sarcome développé dans un volume irradié est radio-induit ou de novo. Cependant, il semble y avoir quelques différences dans la morphologie des tissus adjacents (Laskin, Silvermanet Enzinger 1988).

Caractéristiques moléculaires

Concernant les caractéristiques moléculaires, une étude a montré que les sarcomes induits par la radiothérapie présentent un transcriptome spécifique par rapport aux sarcomes sporadiques non radio-induits. En effet il a été montré que ces sarcomes en territoire irradiée régulent spécifiquement 135 gènes (63 de ses gènes présentent une "downregulation" et 72 une "upregulation") par rapport aux sarcomes sporadiques non radio-induits. Une grande partie de ces gènes est impliquée dans la régulation du stress oxydant. Ainsi cette signature transcriptomique des sarcomes radio-induits suggère une implication forte du stress oxydant chronique dans la survenue de ceux-ci (Hadj-Hamou et al. 2011).

Facteurs pronostiques

Le pronostic est très défavorable, avec un taux de survie global à cinq ans de 10 à 30 % (Lagrange et al. 2000 ;Mark, Poen et al. 1994 ;Pitcher et al. 1994). La durée médiane de survie était de 12 à 24 mois dans les séries les plus récentes (Murray et al. 1999 ;Lagrange et al. 2000). Ce pronostic défavorable semble lié à des facteurs tels que le grade, la taille, la localisation tumorale et la difficulté de mise en oeuvre du traitement chirurgical (Brady, Gaynor et Brennan 1992).

3.2. Caractéristiques des sarcomes en territoire irradié 73

Fréquence, incidence

Généralement, les données sur l’épidémiologie des sarcomes des tissus mous sont peu nombreuses (Lahat, Lazar et Lev 2008). Le taux de prévalence des sarcomes en territoire irradié est faible, de l’ordre de 0.14 à 0.20 % (Jacob- sen et al. 1993 ;Karlsson, Holmberg, Johansson et al. 1996). Par ailleurs le risque relatif (risque par rapport à une population non traitée par radiothé- rapie) de développer un sarcome en territoire irradié est de l’ordre de 1 à 5 (Arlen et al. 1971 ;Jacobsen et al. 1993 ;Karlsson, Holmberg, Johansson et al. 1996 ;Karlsson, Holmberg, Samuelsson et al. 1998). L’incidence des SETI (Sar- comes en Territoire Irradié) semble être en augmentation. Huang et al ont montré chez les patients traités par radiothérapie une augmentation d’un facteur 16 des angiosarcomes (sarcomes prenant origine à partir des cellules endothéliales vasculaires) et une augmentation d’un facteur 2 des sarcomes de façon globale par rapport à une cohorte témoin.

Période de latence

Le délai entre l’irradiation et l’apparition de la lésion est le critère le plus sujet à discussion entre les experts. Trois ou quatre ans semble être le temps moyen de latence après une irradiation pour développer un sarcome en territoire irradié. L’analyse de la littérature met cependant en évidence des temps de développement allant de quelques mois à 50 ans (Amendola et al. 1989 ;Kuten et al. 1985 ;Laskin, Silverman et Enzinger 1988 ;Mark, Bailet et al. 1993 ;Murray et al. 1999 ;Murray et al. 1999 ;Ruka et al. 1991 ;Taghian et al. 1991). L’équipe médicale en charge des sarcomes au sein du Memorial Sloan Kettering Cancer Center (MSKCC) considère qu’une période de latence de quelques mois est suffisante pour affirmer le diagnostic de SETI (19).

influence de la zone d’irradiation et de la dose associée

Pour décrire l’influence de la zone d’irradiation sur la survenue des cancers en territoire irradié, nous allons ici nous appuyer sur une étude épidémiologique de 115 patients atteints de cancers radio-induits. Il a été montré que 12 % des cancers radio-induits surviennent dans le PTV, 66 % dans la région de bordure

du PTV et enfin 5 % surviennent à plus de 5 cm du PTV. De plus cette étude nous donne des informations très intéressantes sur la dose totale reçue au site d’émergence du second cancer. En effet au site d’émergence du second cancer, tous les niveaux de doses allant de 0 à 75 Gy sont représentés, cependant notons que environ 30 % de ces cancers émergent dans une zone ou la dose totale reçue était inférieure à 2.5 Gy (voir figure 3.2)(Diallo et al. 2009).

3.3

Hypothèse sur les mécanismes d’induction des

seconds sarcomes en territoire irradié et objec-

tifs de l’étude

De nombreuses données ont amené à considérer la sénescence comme un mé- canisme d’arrêt irréversible de prolifération que les cellules doivent contourner pour devenir tumorigène. Cependant, l’arrêt dans le cycle cellulaire associé à la sénescence n’est pas irréversible dans tous les types cellulaires, notamment dans les cellules épithéliales, le type cellulaire à l’origine des cancers les plus fréquents chez l’homme. En effet, il a été montré que les kératinocytes ou les cellules épithéliales mammaires humaines normales développent au plateau de sénescence toutes les caractéristiques de cellules sénescentes, mais un petit nombre d’entre elles réactivent spontanément un processus mitotique qui génère des clones de cellules post-sénescentes. Mon équipe d’accueil a montré que ces cellules post-sénescentes sont mutées et transformées et capables de former des hyperplasies ou des petits carcinomes dans des essais de tumorigenèse chez la souris. Ils ont également montré que des dommages à l’ADN générés par les espèces réactives de l’oxygène (ROS) accumulées à la sénescence seraient le mo- teur mutagène de cette émergence néoplasique post-sénescence (PSNE). Un des projets de mon équipe consiste à caractériser les dommages oxydants de l’ADN potentiellement impliqués. Pour ce faire ils se sont focalisés sur les dommages les plus mutagènes et générateurs d’instabilité génétique : les CSB et les CDB . Pour déterminer si ces cassures jouent un rôle dans la PSNE, il a été question de tirer partie de l’analyse comparée de deux types cellulaires qui diffèrent complètement quant à leur capacité à émerger de la sénescence : les fibroblastes