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Caractérisations théoriques : Théorie de la fonctionnelle de la den-

La microscopie à effet tunnel permet d’obtenir une information électronique avec une résolution intramoléculaire. Par contre, cette technique ne permet pas une caractéri- sation chimique de la surface et des molécules qui y sont adsorbées. C’est pourquoi l’utilisation de méthodes complémentaires est requise lors de l’étude d’un système. Quelques méthodes mesurant un large ensemble de molécules sur la surface ont d’ailleurs été présentées à la section ??. Les simulations théoriques apportent quant à elles un éclairage sur la chimie au niveau moléculaire. Les travaux présentés dans cette thèse reposent sur des simulations théoriques effectuées au sein du groupe de recherche de Pr Bjørk Hammer, de l’Université d’Aarhus au Danemark.

Le physicien théorique Wolfgang Pauli ironisait sur la difficulté de bien modéliser les phénomènes de surface en disant que Dieu avait créé le volume, tandis que la surface était l’œuvre du diable. Le manque de périodicité de la surface requiert de considérer un grand nombre d’atomes pour modéliser des phénomènes de surface. On peut trouver la configuration du système en trouvant la fonction d’onde à plu- sieurs électrons pour laquelle l’énergie — selon l’équation de Schrödinger (éq.1.1) – sera minimale [15]. Pour un système à N électrons, on doit résoudre un problème à

3N variables, et le temps de calcul requis sera trop long pour une application com- portant plus de dix électrons actifs chimiquement [15]. Pour les assemblages étudiés dans cette thèse, on doit tenir compte de tous les atomes de deux molécules orga- niques et de quatre couches d’atomes de platine de la surface sous-jacente. Le temps de calcul requis pour modéliser efficacement une réaction de surface rend donc im- possible l’application des méthodes de la chimie quantique traditionnelles se basant sur les orbitales moléculaires.

Une stratégie alternative se base sur l’application de la théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT : Density Functional Theory). Celle-ci repose sur deux théorèmes, dits de Hohenberg-Kohn [118]. Le premier stipule que la fonction d’onde électronique de l’état fondamental détermine uniquement une densité électronique. Le deuxième énonce que l’énergie est une fonctionnelle de la densité. Selon le principe variation- nel, la densité qui minimise l’énergie du système sera donc la densité électronique de l’état fondamental.

Un problème à 3N variables peut donc être réduit à un problème à trois variables. On peut donc effectuer des calculs pour optimiser un système comportant plusieurs cen- taines d’atomes en un temps raisonnable. Jusqu’à ce point, la DFT reste une approche rigoureusement exacte. On doit cependant introduire une approximation pour les interactions d’échange-corrélation, des interactions à plusieurs corps entre les élec- trons [15]. Les fonctionnelles utilisées en DFT doivent prendre en compte ces inter- actions de façon assez simple pour que les calculs soient faciles à effectuer, et qu’ils soient suffisamment précis.

Ces impératifs de simplicité et de précision guident les théoriciens dans le choix des fonctionnelles utilisées. La validité de leurs choix se traduit par l’adéquation entre leurs résultats et les mesures expérimentales. Par exemple, la plupart des fonction- nelles vont sous-estimer l’énergie d’adsorption des composés aromatiques sur des métaux nobles [62,80], puisqu’elles sous-estiment l’influence des interactions de type van der Waals. C’est pourquoi la fonctionnelle opt-B88-vdW [119] est utilisée pour modéliser les assemblages impliquant du TFAP. Cette fonctionnelle s’avère aussi ap- propriée pour décrire les assemblages impliquant du KPL. Cependant, la fonction- nelle M06-L est plus exacte dans sa prédiction de l’énergie d’adsorption du MTFP, et est donc utilisée pour modéliser les assemblages impliquant cette molécule [120]. Bien que les énergies de complexation absolues varient beaucoup selon la fonction- nelle utilisée, leurs valeurs relatives restent relativement stables [62].

L’utilisation de la DFT permet d’obtenir l’information chimique inaccessible par STM. Prenons la Figure 1.8 par exemple. En comparant la densité électronique du (R)- NEA et du MTFP adsorbés seuls sur le Pt(111) et en complexes, on observe la contri- bution des interactions intermoléculaires faibles –NH ⋅⋅⋅ OCcarbonyl, NH ⋅⋅⋅ OCester et

CH ⋅⋅⋅ OCester— guidant les assemblages.

Ce dernier exemple illustre comment on peut comparer les résultats STM et DFT. Puisqu’une image STM contient de l’information topographique et électronique, l’as- signation d’une structure à un motif peut ne pas être intuitive. Pour simuler exacte- ment quel motif serait obtenu à partir d’une structure donnée, on doit connaître la densité électronique autant de la pointe que de la surface. La fonction d’onde de la pointe, qui est inconnue, peut alors être approximée par une orbitale atomique s. On peut aussi supposer que le couplage entre la pointe et la surface est faible. Cette approche, celle de Tersoff-Hamann, permet de simplifier les calculs et de simuler, grossièrement, une image STM à partir des structures DFT [121]. Cette approche très simple est suffisante pour les résultats présentés dans cette thèse, bien que des ap- proches plus sophistiquées existent [113]. On peut donc corréler directement des mo- tifs observés par microscopie à effet tunnel aux structures les plus stables calculées par DFT. Ceci justifie l’assignation sans ambigüité des sous-structures moléculaires à des sections de motifs. De plus, cette comparaison directe permet de jauger de la justesse des structures DFT.

À partir des densités électroniques calculées par la DFT, on peut simuler des images STM directement comparables à nos mesures expérimentales. La Figure 0.14 dans la section 0.6 illustre justement une telle comparaison. Dans ce cas, la DFT apporte une explication aux géométries différentes observées pour les dimères de TFAP. L’ap- proche Tersoff-Hamann a été utilisée dans ce cas particulier.