3. Synthèse et caractérisation des PUIs linéaires
3.2. Caractérisation des PUIs linéaires
3.2.4. Caractérisations morphologiques : DSC et SAXS
La relation importante entre structure et propriétés des matériaux requiert de bien en connaître leur
morphologie. En effet, la littérature rapporte plusieurs phénomènes qui ont un fort impact sur les
propriétés de séparation gazeuse. Notamment, la réduction du taux de cristallinité et le contrôle de
la séparation de phases entre blocs souples et rigides sont deux enjeux de taille pour le
développement de membranes pour la séparation gazeuse
40–43. Les phases cristallines sont
considérées comme étant imperméables aux gaz et la séparation de phase impacte fortement les
performances de séparation des gaz. Il est rapporté qu’une séparation de phase nette conduit à des
perméabilités et sélectivités élevées ; alors que pour les séparations de phases mal définies, où l’on
a des interphases interpénétrées, la perte de mobilité locale des chaînes conduit très souvent à
une diminution de la perméabilité
40,44,45.
Ici, on étudie la morphologie des PUIs linéaires en utilisant deux techniques de caractérisation qui en
donne une estimation indirecte: la DSC et le SAXS.
DSC (Calorimétrie différentielle à balayage)
Grâce à la DSC, nous observons les transitions de phase des blocs souples (voir Figure 86 et Tableau
33). Néanmoins, comme il a été reporté dans la littérature, nous ne pouvons observer les transitions
liées aux blocs rigides car ces transitions interviennent à des températures supérieures à la
température de dégradation des blocs souples
45–47. Nous pouvons observer que, malgré leur
structure alternant PEO et PPO, les oligomères Jeffamines présentent une structure cristalline. Plus
leur masse molaire est élevée (de 600 à 2000 g/mol), plus leur température de fusion est élevée
(variant de -11,4 à 36,7 °C) ; démontrant la présence de cristallites qui possèdent une structure plus
Chapitre 3 3.2 - Caractérisation des PUIs linéaires
incorporation dans les copolymères PUIs, cette structure cristalline disparaît, ce qui est un avantage
important pour des membranes de séparation, dans lesquelles les phases cristallines jouent le rôle
de zones imperméables.
Comme nous l’avions prédit, le bloc souple le plus long (JFAED2000) conduit à une phase souple très
mobile, caractérisée par une Tg très basse (-31,1 °C). A l’inverse, le PUI JFAED600, qui possède le taux
de phase souple le plus bas, a la Tg la plus haute (40,1 °C). Il est reporté dans la littérature qu’un
faible taux de phase souple conduit à une faible séparation de phase, créant une interphase
souple-rigide interpénétrée conduisant à une faible mobilité et donc une Tg élevée
40,44,45. Ainsi, sur les trois
PUIs linéaires obtenus, deux (avec les blocs souples JFAED 900 ET 2000) ont des Tgs inférieures à 20
°C et correspondent donc à des élastomères thermoplastiques. Le troisième PUI, avec le bloc souple
le plus court (JFAED 600), est un matériau amorphe, dont les propriétés physiques sont donc
différentes des deux autres.
JFAED 900 nd 21,8 112,8
JFAED 2000 nd 36,7 114,8
PUI JFAED 600 40,1
PUI JFAED 900 7,6
PUI JFAED 2000 -31,1
Tableau 33 – Résultats des thermogrammes obtenus par DSC pour les différents oligomères
Jeffamines et les PUIs linéaires ; avec nd : non détecté.
SAXS (Diffraction des rayons X aux petits angles)
Les analyses des copolymères par diffraction des rayons X ont été réalisées par le Professeur Laurent
David de l’Université Lyon 1 à l’European Synchrotron Radiation Facility (ESRF) de Grenoble. Les
expériences de SAXS ont été effectuées avec des échantillons relativement épais (200 μm environ)
afin d'obtenir un signal suffisant sous le faisceau incident de la ligne BM2-D2AM à une énergie de 16
keV, à la température ambiante, sans traitement thermique supplémentaire.
La diffraction des rayons X est une méthode de caractérisation non destructive qui permet de
déterminer les propriétés structurales d’un matériau. Un faisceau monochromatique de rayons X est
envoyé sur l’échantillon à analyser. Des photons du faisceau incident interagissent alors avec des
électrons du matériau et créent un faisceau diffusé qui est recueilli par un détecteur de rayons X à
deux dimensions placé derrière l’échantillon perpendiculairement au rayon incident. Les
inhomogénéités de l’échantillon créent des densités électroniques différentes dans le matériau et
donnent des caractéristiques particulières au faisceau diffusé. L’étude aux petits ou grands angles
permet d’obtenir des informations différentes sur la structure. Aux grands angles (angles supérieurs
à 10°, WAXS), on peut accéder à la structure cristalline, au taux de cristallinité et à l’orientation des
chaînes du polymère étudié. Aux petits angles (angles inférieurs à 10°, SAXS), on obtient des
informations sur la structure nanométrique du matériau : forme, taille et distribution des
inhomogénéités. Dans notre étude, nous nous intéressons aux analyses aux petits angles afin de
préciser la nanostructuration (blocs rigides-blocs souples) des copolymères préparés.
Pour le PUI JFAED 600, la Figure 87 montre deux régimes différents. Le premier régime diffusionnel
obéissant à une loi d’échelle q
3-q
3,2aux faibles q (au dessus de 2.10
-2Å
-1) correspondant à une loi de
Porod étendue à des interfaces rugueuses et un deuxième proche d’une loi en 1/q (attendue pour les
structures macromoléculaires rigides en bâtons) dans la plage de vecteur d’onde q inférieure à 2.10
-2Å
-1. La loi de Guignier (voir Équation XXIX), permettant de calculer la taille des nanodomaines dans
les matériaux ségrégés, n’est pas applicable au PUI JFAED 600, démontrant qu’il ne présente pas de
séparation de phase. On peut relier le manque d’organisation de ce matériau à la faible taille de ses
blocs souples à base de PEO, favorisant l’interpénétration des deux blocs, en bon accord avec les
résultats obtenus par DSC.
Le PUI JFAED 900 montre un début de structuration avec une loi de Guignier applicable qui conduit à
Echantillons
JFAED 600
Tg (°C) Tf (°C ) ∆Hf (J/g)
-49,3 -11,4 60,7
Chapitre 3 3.2 - Caractérisation des PUIs linéaires
Pour le PUI JFAED 2000, la morphologie est encore plus structurée que celle du PUI JFAED 900 avec
apparition d’un épaulement aux grands q (3.10
-2à 10
-1Å
-1) correspondant à une structuration à
l’échelle nano avec une taille moyenne d’environ 2 nm d’après la loi de Guignier. Il existe visiblement
une distribution de tailles car la régression correspondante ne passe sur la courbe que dans une zone
limitée de l’épaulement. Si on avait voulu approfondir l’étude ; l’utilisation d’une série de régressions
permettant de prendre en compte une distribution de tailles aurait pu être envisagée. Par ailleurs, la
remontée du signal aux très faibles q, montre également une structuration à plus grande échelle
mais le domaine de q accessible en SAXS ne permet pas d’explorer complètement cette
structuration ; la loi de Guignier ne peut donc pas y être appliquée. Des mesures TEM sont
envisagées, dans le cadre d’une collaboration en cours, pour la caractérisation directe de la
morphologie de ce matériau ségrégé.
�(�) =�.��2. (∆�)2. exp�−��32�2� �����.��< 1
Équation XXIX – Equation de la loi de Guignier permettant de calculer la taille des nanodomaines
dans des matériaux structurés.
Avec � le nombre de nanodomaines dans le volume considéré, �� le volume du nanodomaine, ∆� la
différence de densité électronique entre les nanodomaines et la matrice environnante et �� le rayon
de giration moyen des nanodomaines.
En conclusion, une nanostructuration franche des PUIs linéaires n’est observée que pour le PUI avec
le bloc souple le plus long (JFAED 2000), qui est le seul permettant une séparation de phase bien
définies, en bon accord avec la faible Tg (-31,1 °C) déterminée par DSC. Le début de structuration
observé avec le bloc souple JFAED 900 correspond à une morphologie grossière associée à une faible
séparation de phase, comme l’a montré la Tg beaucoup plus élevée pour ce matériau (7,6 °C). Le bloc
souple JFAED 600 ne permet pas une bonne séparation de phase. L’interpénétration des blocs rigides
et souples au sein de ce matériau conduit donc à une Tg élevée (40,1 °C). Comme nous l’avons relevé
dans le chapitre 1, pour les copolymères multi-blocs en séparation gazeuse, une séparation de phase
bien marquée conduit à une perméabilité élevée.
Dans le document
Nouveaux matériaux polymères pour la capture du CO2 par un procédé de séparation membranaire
(Page 180-184)