CHAPITRE II : CARACTERISATION ELECTRIQUE DES DOPANTS (CONCENTRATION, NATURE) SUR LA BASE D’UN
I.1 Caractérisation des teneurs en bore et phosphore par la technique 1, et comparaison avec les
I.1.1 Protocole expérimental et données brutes obtenues par effet Hall
Cette partie a pour objectif de confronter les résultats obtenus par la technique de caractérisation
électrique (méthodes 1 à 4) aux techniques usuelles de caractérisation des dopants (ICPMS, GDMS,
SIMS). Pour cela, des échantillons jumeaux ont été découpés à plusieurs hauteurs du lingot B selon le
schéma de découpe présenté Figure II-18. L’objectif est de tester la technique de caractérisation sur une
gamme aussi large que possible de degrés de compensation et de teneurs en dopants. La majorité des
échantillons est donc sélectionnée pour des hauteurs relatives supérieures ou égales à 50% (du fait des
mécanismes de ségrégation, c’est la partie du lingot où les variations de teneurs en dopants seront les
plus importantes). La Figure IV-1-a présente les courbes expérimentales de s(T) corrigées par le facteur
de Hall adéquat (Szmulowicz [125] dans le cas type p, et ce travail [148] dans le cas type n). Ces courbes
sont ensuite ajustées par l’expression théorique de s(T) issue de Fermi-Dirac : comme B et P sont les
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deux dopants majoritairement présents, l’hypothèse est faite que N
A=[B] et N
D=[P]. Dans le cas type n,
l’équation théorique prend en compte le niveau d’énergie E* qui intègre la multiplicité des niveaux en
énergie introduits par P dans la bande interdite du Si. Un exemple d’ajustement est présenté Figure IV-1
pour le cas type p et pour le cas type n. La Figure IV-1-b présente la variation expérimentale de résistivité
avec 1000/T pour ces mêmes échantillons.
Figure IV-1: (a) Courbes expérimentales de s(T) corrigées par le facteur de Hall adéquat (Szmulowicz pour le type p [125]
et ce travail [148] pour le type n, et exemple d’ajustement par la statistique de Fermi-Dirac pour un échantillon de type p (D1) et n (E1). Les incertitudes expérimentales sont établies à 10% mais ne sont pas représentées ici pour des raisons de
clarté, (b) et courbes expérimentales de résistivité en fonction de 1000/T.
On notera qu’un léger décrochage entre les valeurs théoriques et expérimentales apparait pour les faibles
températures (T<100K). Cela est dû à la valeur de niveau en énergie utilisée dans les calculs.
L’ajustement est en effet effectué pour une valeur fixe de E
Bcalculée avec le modèle interne de variation
de E avec le dopage (ici E
B=44,6meV). Une variation de E
Bde moins de 4% (E
B=43meV) corrige cet
écart à basse T (mais n’est pas représenté ici). La section I.1.2 commence par comparer les résultats
issus de la méthode 1 (basée sur des mesures de s(T)) avec les méthodes physico-chimiques usuelles.
Elle confronte ensuite les méthodes basées sur des mesures de ρ(T) (méthodes 2 à 4) avec les
précédentes.
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I.1.2 Comparaison des teneurs en B et P extraites par la méthode 1 et par les méthodes
physico-chimiques usuelles (GDMS, ICPMS, SIMS)
La Figure IV-2 compare les teneurs en B et P mesurées d’une part à l’aide de la technique 1 optimisée,
et d’autre part par les techniques usuelles de caractérisation (GDMS, ICPMS, SIMS).
Figure IV-2: Comparaison des teneurs en bore (a) et phosphore (b) mesurées par la méthode 1 (rouge) et par les méthodes physico-chimiques usuelles (GDMS (bleu), ICPMS (orange) et par SIMS (gris) sur un lingot en cours de purification par voie métallurgique (lingot B).
Ces résultats appellent plusieurs commentaires.
D’une manière générale, les valeurs de [B] et [P] mesurées sont comparables : les différences résiduelles
observées sont pour la plupart de l’ordre de grandeur de l’incertitude associée à chaque technique (10%
à 20%, cf. Tableau I-1). Egalement, on constate une augmentation des teneurs en dopants le long du
lingot, ce qui est en accord qualitatif avec les lois de ségrégation relatives aux impuretés dont le
coefficient de ségrégation est inférieur à l’unité. On peut noter que le profil de concentration en B montre
moins de variations que celui en P : cela est là encore, en accord avec l’écart relatif entre les coefficients
de ségrégation de B (k
B=0,8, à l’équilibre) et de P (k
P=0,35, à l’équilibre). On peut noter cependant que
les mesures ICPMS, notamment celles effectuées pour H=10% et H=50%, s’écartent notablement de ce
qui est attendu des lois de ségrégation (variations non monotones de [B] et [P]), même en considérant
les extrema des barres d’incertitudes.) L’origine de ce comportement n’a pas été identifiée.
On notera que la plupart des mesures par SIMS et par EH ont été effectuées sur les mêmes échantillons.
Les différences observées entre ces techniques sont donc bien dues à la mesure en elle-même (et non à
une différence due à de potentiels effets liés à la ségrégation radiale résultant d’un front de solidification
non-plan). Dans la plupart des cas, les teneurs en dopants mesurées par EH sont inférieures à celles
mesurées par SIMS ou GDMS. Parmi les raisons pouvant justifier cet écart se trouve le fait que l’EH ne
mesure que les dopants électriquement actifs alors que les deux autres techniques prennent en compte
l’ensemble des dopants. Cela peut suggérer qu’une partie des dopants n’est pas actif (et donc que
l’histoire thermique du lingot a favorisé la formation d’agrégats ou de précipités inactifs de dopants).
Une autre différence notable entre les résultats obtenus par EH, GDMS et SIMS, est que la première est
une mesure de volume alors que les suivantes sont des mesures de surface. Cependant, du fait de la
faible épaisseur des échantillons (moins de 1mm), la différence en concentration de dopants (résultant
du procédé de ségrégation) entre les deux faces de l’échantillon est trop faible (entre 0,1% et 2% pour
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[B] selon sa position dans le lingot) pour pouvoir expliquer l’écart observé expérimentalement entre ces
techniques.
Les échantillons situés aux hauteurs relatives 89% et 94% sont particulièrement compensés puisque
proches de la transition de type de conductivité. Pour ceux-là, contrairement aux autres hauteurs
relatives, les densités de dopants obtenues par EH ne sont pas inférieures à celles mesurées à l’aide des
autres techniques. Or, tel que discuté dans la partie III.2.1 du chapitre II, ce lingot présente des teneurs
résiduelles non négligeables en Al, particulièrement dans la dernière partie cristallisée (ségrégation).
Ces teneurs, qui atteignent dans cette partie un pourcentage conséquent de la teneur totale en dopants
(≈5%) n’ont dans un premier temps pas été prises en considération dans la méthode 1 (hypothèse :
N
A=[B] et N
D=[P]). Dès lors, il est légitime d’avancer que ces teneurs influencent la précision des
teneurs en B et P évaluées dans cette dernière fraction de lingot par la méthode. Il est donc nécessaire
d’évaluer l’influence de la présence des teneurs résiduelles en Al sur les teneurs en B et P extraites par
la méthode 1 (partie I.2 de ce chapitre).
Pour comparer la prévision de ces différentes techniques de mesures des densités de dopants, nous
proposons de comparer les valeurs expérimentales de résistivité à T ambiante (méthode Van Der Pauw)
à celles calculées à partir des teneurs en B et P obtenues par chacune de ces techniques (via ρ=(qsμ)
-1en
utilisant le modèle de mobilité de Schindler et en calculant s par la statistique de Fermi-Dirac, avec le
modèle développé en interne pour la variation de E avec le dopage). Les résultats sont présentés sur la
Figure IV-3 : ils montrent les écarts relatifs entre les résistivités expérimentales et les résistivités
calculées (i.e. 100×|ρ
expérimentale-ρ
calculée|/ρ
expérimentale), ils sont donnés en pourcentage.
Les mesures de résistivité expérimentales utilisées comme référence sont celles mesurées sur les
échantillons les plus centraux du lingot (colonne 1, cf. Figure II-18), c’est à dire sur les échantillons
utilisés pour la méthode 1 et la méthode SIMS.
Figure IV-3: Ecarts relatifs donnés en pourcentage entre les résistivités expérimentales mesurées par la technique de Van der Pauw et les résistivités calculées à partir des valeurs de [B] et [P] mesurées par la technique 1, par GDMS, par ICPMS et par SIMS (i.e. 100×|ρexpérimental- ρcalculé|/ρexpérimental) dans la partie type p du lingot B. Les résistivités sont calculées à partir
du modèle de mobilité de Schindler [88] et de la statistique de Fermi-Dirac.
Les écarts relatifs entre les valeurs de résistivité expérimentales et celles calculées à partir des valeurs
de [B] et [P] mesurées par ICPMS et par GDMS sont les plus élevés. Bien que la valeur de résistivité de
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référence utilisée soit celle mesurée sur les échantillons de la colonne 1 (cf. Figure II-18), les variations
latérales de résistivité engendrées par des effets de ségrégation latérale sont négligeables (<1%). Cela a
été vérifié en effectuant une cartographie de résistivité de la tranche de Si dans laquelle l’ensemble des
échantillons ont été découpés (cartographie non présentée ici). Ces résultats indiquent donc que la
méthode 1 permet d’extraire des teneurs en dopants fiables, voire pour ce test, plus précises que les
autres méthodes physico-chimiques ici étudiées. Pour ce travail, et au regard de la dispersion constatée
sur les points issus des mesures par ICPMS, ils ont également tendance à discréditer les mesures
effectuées par ICPMS. Cela est cohérent avec l’écart constaté précédemment entre les teneurs en dopants
extraites par ICPMS et ce qui est attendu par les lois de ségrégation.
Ainsi, l’extraction des teneurs en dopants par la méthode 1 optimisée est prometteuse pour la
caractérisation des dopants dans le Si compensé, aussi bien en termes de précision des résultats, qu’en
ce qui concerne sa rapidité de mise en œuvre. Afin d’encore améliorer le temps de mesure, les méthodes
2, 3 et 4 basées sur des mesures expérimentales de résistivité ont été construites dans le chapitre
précédent. La section suivante s’attèle donc à estimer la précision des teneurs en dopants extraites par
ces trois méthodes, en les comparant aux données extraites par la méthode 1 et par SIMS (qui sont les
deux méthodes les plus fiables au regard de la Figure IV-3).
I.1.3 Comparaison des teneurs en B et P extraites par les méthodes 1, 2, 3 et 4 et par SIMS
La Figure IV-4 présente les teneurs en B et P extraites par les méthodes 1 et par SIMS avec celles
extraites par les méthodes 2 à 4. Dans le cas du type n (hauteur relative =94%), la méthode 2 a été
appliquée en faisant l’hypothèse que la relation linéaire établie entre T
tet N
maj(Figure III-19) était
également valable dans le cas du Si de type n. La méthode 3 a été appliquée en se basant sur une équation
ρ
1=f(K/(1-K)) établie à partir de mesures de ρ
1effectuéessur 3 échantillons de Si dopés au P. Cette
équation n’est pas présentée dans le manuscrit dans la mesure où elle n’a été établie qu’à partir de peu
de points expérimentaux. Les incertitudes de mesure sont établies à 70%, 30% et 90% respectivement
pour les méthodes 2, 3 et 4 : elles sont calculées à partir de la dispersion des points expérimentaux
observée Figure III-13 et Figure III-19.
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Figure IV-4: Comparaison des teneurs en B (a) et P (b) mesurées par les méthodes 1, 2, 3 et 4 et par SIMS. Les incertitudes sont établies à 70%, 30% et 90% respectivement pour les méthodes 2, 3 et 4 (calculées à partir de la dispersion des points expérimentaux observée figures III-13 et III-19). Les teneurs en dopants majoritaires issues de la méthode 4 sont les mêmes que celles issues de la méthode 2. Elles ne sont donc pas représentées ici pour les dopants minoritaires (B dans la partie type n, et P dans la partie type p).