5-‐ Spectrométrie de masse : Orbitrap
I. Caractérisation des modifications post-‐traductionnelles des protéines Ilf3 et NF90
I. Caractérisation des modifications post-‐traductionnelles des
protéines Ilf3 et NF90
Bien que certaines modifications post-‐traductionnelles des facteurs Ilf3 et NF90 avaient déjà été mises en évidence lors d’étude de protéomique à grande échelle, ces dernières n’ont pas été poursuivies par des analyses fonctionnelles (Ong et al., 2004 ; Dephoure et
al., 2008 ; Olsen et al., 2010). De plus, rien ne prouvait que l’ensemble des modifications
avait été caractérisé. De ce fait, afin de mieux identifier l’origine de l’important polymorphisme des protéines Ilf3 et NF90, l’étude exhaustive de leurs modifications post-‐traductionnelles a été entreprise.
La première stratégie choisie a été de purifier les protéines endogènes présentes dans les cellules HeLa. Cependant, ces protéines sont très faiblement représentées dans cette lignée cellulaire, comme dans les autres d’ailleurs. Pour éviter de rencontrer des problèmes de quantité limitante pour certaines analyses, la deuxième stratégie choisie a été de surexprimer l’isoforme longue d’Ilf3 dans ces mêmes cellules HeLa. Ainsi, la première étape a été de purifier les protéines endogènes et recombinantes par immunoprécipitation à l’aide du sérum polyclonal 77 qui reconnaît toutes les isoformes d’Ilf3 et de NF90, ainsi que la protéine recombinante. Les protéines purifiées ont été analysées à partir d’extraits de cellules HeLa témoin ou transfectées avec un plasmide recombinant permettant l’expression de l’isoforme longue d’Ilf3 fusionnée en N-‐ terminal de la GFP (« Green Fluorescent Protein ») (L-‐Ilf3-‐GFP).
Il a été constaté que les transfections ont peu d’effet sur l’expression des protéines endogènes mais entraînent une surexpression d’un facteur 2 de l’isoforme L-‐Ilf3-‐GFP par rapport à l’ensemble des protéines endogènes Ilf3 dans l’ensemble de la cellule et que, selon le plasmide utilisé et l’expérience considérée, le taux de transfection varie entre 50% et 80% de cellules positives.
Le polymorphisme des protéines recombinantes L-‐Ilf3-‐GFP a tout d’abord été étudié par électrophorèse bidimensionnelle et comparé avec celui des protéines Ilf3 et NF90 endogènes (Figure 34).
Figure 34 : Analyse de l’hétérogénéité des protéines Ilf3 et NF90 endogènes ou surexprimées.
Immunodétection avec le sérum 78 des protéines Ilf3 et NF90 présentes dans des cellules HeLa témoin ou transfectées avec le plasmide pEGFP-‐N1-‐L-‐Ilf3 et séparées par électrophorèse bidimensionnelle. Pour permettre une visualisation optimale des profils électrophorétiques, le temps d’exposition de chacun des cadrans a été adapté en fonction de l’intensité du signal.
Comme déjà décrit (Larcher et al., 2004 ; Viranaïcken et al., 2006), les protéines endogènes présentent un large polymorphisme au niveau du point isoélectrique et ce, aussi bien dans les cellules témoins que dans celles transfectées. Cependant, le polymorphisme des protéines Ilf3 recombinantes est beaucoup plus faible que celui des protéines Ilf3 endogènes avec seulement deux spots (Figure 34, cadran supérieur). Se souvenant que toutes les formes courtes et longues d’Ilf3 sont présentes dans le cytoplasme et le nucléoplasme mais que seules les isoformes longues les plus basiques sont localisées dans le nucléole, les différences de niveau d’expression, de localisation subcellulaire et d’hétérogénéité ainsi que la prise en compte du taux de transfection font qu’il est possible d’estimer à un facteur 100 à 200 l’accroissement de la quantité de protéines L-‐Ilf3 localisées dans le nucléole après transfection. Les perturbations entraînées par ce très fort accroissement pourraient donc être à l’origine de la mort cellulaire observée dès 24 heures après la transfection (Viranaïcken et al., 2011).
Pour revenir au polymorphisme des formes surexprimées, la forme la plus basique pourrait correspondre au produit primaire de traduction et la plus acide aux isoformes L-‐Ilf3-‐GFP ayant subi un évènement de modification post-‐traductionnelle entraînant une acidification du point isoélectrique comme, par exemple, une phosphorylation. Pour tester cette hypothèse, une analyse par spectrométrie de masse a été initiée. Les isoformes séparées par électrophorèse monodimensionnelle étant trop faiblement représentées pour être aisément visualisées par coloration au bleu colloïdal, une purification préalable des protéines d’intérêt s’est donc avérée nécessaire.
La surexpression de L-‐Ilf3-‐GFP n’ayant pas d’effet sur le niveau d’expression des protéines endogènes, ni sur leur hétérogénéité (Figure 34), il a été décidé de purifier à la fois les protéines endogènes et exogènes à partir des cellules HeLa transfectées avec le plasmide pEGFP-‐N1-‐L-‐Ilf3 ou de cellules témoins et de les utiliser par la suite dans le cadre de la recherche des modifications post-‐traductionnelles d’Ilf3 et de NF90.
Sur la base de cette stratégie, une purification à grande échelle a été entreprise. Sur le gel d’électrophorèse coloré au bleu colloïdal, la protéine recombinante est fortement enrichie dans les culots d’immunoprécipitation alors que de plus faibles quantités de protéines endogènes sont présentes (Figure 35, panneau A).
En parallèle, les protéines extraites de cellules HeLa ont été séparées par électrophorèse monodimensionnelle, transférées sur membrane de nitrocellulose puis immunodétectées avec un anticorps reconnaissant les isoformes d’Ilf3 et de NF90 endogènes ou recombinantes. Après révélation, la protéine Ilf3 endogène est présentée sous forme d’un doublet (Figure 35, panneau B).
Figure 35 : Purification à grande échelle des protéines L-‐Ilf3-‐GFP et des protéines Ilf3 et NF90 endogènes.
(A) Coloration au bleu colloïdal des protéines immunoprécipitées à l’aide du sérum 77 à partir de cellules HeLa surexprimant L-‐Ilf3-‐GFP, puis fractionnées par électrophorèse monodimensionnelle. (B) Immunodétection avec un anticorps dirigé contre les isoformes d’Ilf3 et NF90 endogènes et L-‐Ilf3-‐GFP. MM : marqueurs de masse moléculaire (en kDa). S : surnageant et C : culot d’immunoprécipitation.
Une interrogation supplémentaire est apparue suite à la coloration au bleu colloïdal. Alors qu’une seule bande est immunodétectée pour NF90 et un doublet pour Ilf3 (Figure 35, panneau B), après coloration au bleu colloïdal, deux bandes sont observées à la masse moléculaire attendue pour chacune des protéines (Figure 35, panneau A), laissant en suspens la question de savoir à quelle bande correspondent précisément les protéines Ilf3 et NF90 endogènes. Pour y répondre, les quatre bandes correspondant potentiellement aux protéines endogènes plus celle de la protéine recombinante ont été excisées. Puis, les protéines contenues dans chacune ont été soumises à une digestion trypsique et les peptides résultants ont été analysés par spectrométrie de masse. A l’issue de cette analyse, il est apparu que, pour chaque doublet, seule la bande supérieure correspond à notre protéine d’intérêt.
Les analyses par spectrométrie de masse (MALDI-‐TOF) ont permis d’obtenir des spectres correspondant aux peptides trypsiques issus de la protéine recombinante (Figure 36) ou des protéines endogènes (Figure 37).
Figure 36 : Spectre de masse obtenu par MALDI-‐TOF des peptides issus de la digestion trypsique de la protéine L-‐Ilf3-‐GFP (collaboration avec Gérard Bolbach et Gilles Clodic de la plateforme « Spectrométrie de Masse et Protéomique » de l’Institut de Biologie Paris-‐Seine (IBPS/FR 3631) de l’Université Pierre et Marie Curie). Les flèches violettes représentent des pics caractéristiques de la protéine L-‐Ilf3-‐GFP et celle en rouge un peptide de masse non attendue qui, après confirmation par séquençage par spectrométrie de masse en tandem, correspond à notre protéine d’intérêt modifiée.
Figure 37 : Spectres de masse obtenus par MALDI-‐TOF des peptides issus de la digestion trypsique des protéines Ilf3 et NF90 endogènes (collaboration avec Gérard Bolbach et Gilles Clodic de la plateforme « Spectrométrie de Masse et Protéomique » de l’Institut de Biologie Paris-‐Seine (IBPS/FR 3631) de l’Université Pierre et Marie Curie). Les flèches vertes représentent des pics caractéristiques des protéines Ilf3 et NF90 et celles en rouge un peptide de masse non attendue qui, après confirmation par séquençage par spectrométrie de masse en tandem, correspond à nos protéines d’intérêt modifiées.
Sur ces spectres de masse, des pics caractéristiques des protéines d’intérêt ont été repérés par des flèches violettes pour L-‐Ilf3-‐GFP (Figure 36) et vertes pour Ilf3 et NF90 endogènes (Figure 37). Le tableau 3 regroupe l’ensemble des masses des peptides caractéristiques des protéines Ilf3 et NF90 obtenues lors de plusieurs expériences indépendantes et dont l’identité a été confirmée par séquençage en spectrométrie de masse en tandem. Des pics issus de l’hydrolyse des immunoglobulines et de l’autolyse de la trypsine ont également été répertoriés. Certains des pics présents sur ces spectres correspondent à des peptides qui n’ont pas encore été attribués. Ceci fera l’objet d’une étude ultérieure car leur analyse est peu aisée du fait de problèmes de limitation technique (quantité trop faible, pics trop proches pour être séparés afin de séquencer les peptides, …).
Ilf3/NF90 L-Ilf3-GFP IgG Trypsine
925 925 1202 842 1161 1328 1621 1045 1328 1336 1634 1940 1368 1368 1664 2211 1442 1442 2262 2227 1443 1443 2374 2283 1600 1600 2284 1909 1909 2300 2102 2102 2671 2671 3503 3503
Tableau 3 : Liste récapitulative des peptides caractéristiques des protéines Ilf3/NF90 endogènes, de L-‐Ilf3-‐GFP, des chaînes lourdes des IgG et de la trypsine vérifiés par séquençage en spectrométrie de masse en tandem.
En rouge, sont indiquées les masses non attendues des pics obtenus lors des analyses. Pour en simplifier la lecture, les masses des peptides ont été arrondies au Dalton près.
Par comparaison avec les masses de peptides prédits par analyse de la séquence des protéines, des pics fléchés en rouge présentant une masse non attendues de 1336 Da (Figure 36) et de 1161 Da (Figure 37) mais confirmés par séquençage en spectrométrie de masse en tandem comme correspondant à nos protéines d’intérêt ont attiré notre attention.