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Chapitre II: Bilan des activités de recherche

4 Oxydation de micropolluants émergents par le procédé peroxone

4.3 Développement et application d’un réacteur à cellules agitées pour la mesure de la constante

4.3.2 Caractérisation du réacteur et validation de la méthode

L’absorption réactive a été adoptée avec succès pour la mesure de constantes cinétiques dans le domaine de l’ozonation, notamment par Beltrán et ses collaborateurs, dans des réacteurs de type colonne à bulles agitée ou non (Beltrán, 2004; Beltrán et al., 1998; Cardona et al., 2010; Sotelo et al., 1991, 1990). Peu d’étude ont été menées avec des contacteurs possédant une aire interfaciale bien définie, tels que des colonnes à paroi mouillée, des absorbeurs à sphère mouillée ou des réacteurs à cellules agitées (Augugliaro and Rizzuti, 1978; Beltrán et al., 1995; Rinker et al., 1999).

L’absorption réactive est gouvernée par la vitesse globale de transfert d’O3, qui dépend de l’hydrodynamique et des performances de transfert du réacteur, des caractéristiques du réacteur, de

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la nature des écoulements des deux phases, ainsi que de la cinétique et de la stœchiométrie de la réaction. De fait, la constante de Henry (H) et les coefficients de diffusion de l’ozone dans les deux phases (DL et DG), ainsi que le coefficient de diffusion du réactif (DR) en solution doivent être pris en compte. En général, dans le cas d’études d’ozonation, des concentrations assez faibles en réactif sont mises en œuvre (< 10-3 mol L-1), conduisant à des vitesses de transfert limitées, telles que la différence de concentration de l’ozone en phase gaz entre l’entrée et la sortie est négligeable, nécessitant de déduire la vitesse de transfert de la variation temporelle de la concentration du réactif CR.

Figure 40. Présentation du réacteur à cellules agitées et du processus de caractérisation du réacteur et de validation de la méthode cinétique.

Tableau 39. Tableau de synthèse des conditions opératoires retenues pour l’étude cinétique d’ozonation du résorcinol.

Conditions : 20°C ≤ T ≤ 35°C, N = 160 rpm, V = 1,3 L, FG ≈ 68,5 ± 1,5 NL h-1

Objectif Détermination de kL Détermination de kG Détermination de k (constant cinétique de la réaction Ozone/résorcinol) pH 2,5 ± 0,1 10,2 ± 0,2 2,5 ± 0,1 Conditions chimiques Tert-butanol (0,001 M) Acide sulfurique Sulfite (0,2 M) Tert-butanol (0,001 M) Hydroxyde de sodium Resorcinol (0,1 M) Tert-butanol (0,001 M) Acide sulfurique Régime d’absorption

Absorption physique Absorption chimique – Réaction de surface Absorption chimique – Réaction de pseudo-premier ordre Localisation de la résistance au transfert

Phase liquide Phase gazeuse Dans les deux phases

Solution acide kL Solution de sulfite Réaction de surface kG O3entrée O3sortie Solution aqueuse Solution de résorcinol Réaction de pseudo-premier ordre Constante de réaction O3/ résorcinol Vitesse de transfert et bilan de matière Caractérisation du transfert (20 T 35°C) Etude cinétique (20 T 35°C) Absorption physique Réacteur à cellules agitées de 2 L

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Un réacteur en verre à cellules agitées de 2 L (vitesse d’agitation de 160 rpm), contenant un volume V de liquide de 1,3 L, a été développé et utilisé dans cette étude dans une gamme de température comprise entre 20 et 35°C (circulation d’eau à température contrôlée dans le double manteau du réacteur). Les deux phases, parfaitement agitées par une turbine à deux double pales, étaient séparées par une interface plane de 7,72×10-3 m2. Le réacteur était opéré en semi-continu.

La première étape de l’étude a consisté à déterminer les coefficients de transfert kL et kG (Figure 40 et

Tableau 39) en fonction de la température:

 kL a été déduit de l’absorption physique de l’ozone dans de l’eau ultra pure à pH acide en présence de tert-butanol en monitorant l’évolution temporelle de la concentration en ozone dissous CL (CG,e ≈ CG,s). Des valeurs de kL comprises entre 1 et 2×10-5 m s-1, croissantes avec la température et la diminution de la viscosité de la solution, ont été mesurées, pour des valeurs de RL supérieures à 99,9%, permettant de valider l’absence de résistance au transfert côté gaz. Ces valeurs sont cohérentes avec les valeurs mesurées par Versteeg et al. (1987) et Littel et al. (1991) et le modèle proposé par Kucka et al. (2003).

 kG a été déduit de l’absorption chimique de l’ozone fortement accélérée dans une solution de sulfite introduit en excès, de façon à obtenir un régime de réaction instantanée de surface pour lequel toute la résistance au transfert est localisée dans la phase gazeuse. Des ratios CG,s/CG,e proches de 40 % ont été mesurés en régime permanent, conduisant à des valeurs de kG de l’ordre de 10-3 m s -1, croissantes avec la température. Des valeurs de RL inférieures à 5%, montrant la quasi absence de résistance côté liquide, ont été mesurées.

La seconde étape de l’étude a permis de déduire la constante cinétique k de réaction de l’ozone avec le résorcinol. Une concentration élevée en résorcinol a été avantageusement introduite pour atteindre un régime permanent suffisamment long, d’au moins une vingtaine de minutes, permettant de simplement déduire la vitesse de transfert de la différence de concentration CG,e-CG,s, et non de la variation temporelle de la concentration du réactif introduit en phase aqueuse (Figure 40). La vitesse de transfert dans ce cas peut s’écrire selon l’Eq. 82 :

𝐹𝐺(𝐶𝐺,𝑒− 𝐶𝐺,𝑠) = 1 1 √𝑘𝐶𝑅𝐷𝐿+ 𝑅𝑇 𝐻𝑘𝐺 𝑆𝑅𝑇𝐶𝐺,𝑠 𝐻 Eq. 82

Un régime de réaction rapide de pseudo-premier ordre, caractérisé par un nombre de Hatta supérieur à 5, ainsi que par un excès de résorcinol par rapport à la concentration interfaciale de l’ozone (CR >>

CL*), a été mis en place. Dans ce cas, le facteur d’accélération est égal au nombre de Hatta, quelle que soit la théorie de transfert considérée (théorie du double film de Whitman ou théorie de la pénétration

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de Higbie). Des facteurs d’accélération E compris entre 650 et 800 ont ainsi été mesurés pour des rapports CG,s/CG,e de l’ordre de 60%. Les valeurs de la constante cinétique k ont ensuite été déduites de l’équation suivante découlant directement de l’Eq. 82 :

𝑘 = 1 𝐶𝑅𝐷𝐿(𝐻 𝑅𝑇)2( 𝑆𝐶𝐺,𝑠 𝐹𝐺(𝐶𝐺,𝑒−𝐶𝐺,𝑠)1 𝑘𝐺) −2 Eq. 83

Figure 41. Evolution de la constante cinétique de la réaction entre l’ozone et le résorcinol déterminées entre 20 et 35°C et comparaison avec les valeurs de Sotelo et al. (1991). Les barres d’erreur correspondent à l’écart type calculés avec les valeurs expérimentales. Les valeurs de Sotelo

et al. sont extrapolées entre 293 et 308 K à l’aide de la relation d’Arrhenius.

Plusieurs corrélations pour le calcul de la constante de Henry H ont été considérées : la corrélation de Perry (1973), souvent employée en ingénierie dans le domaine de l’ozonation, ainsi que les corrélations récentes et basées sur des protocoles expérimentaux robustes de Mizuno et Tsuno (2010) et Ferré-Aracil et al. (2015) (Ferre-Ferré-Aracil et al., 2015; Mandel, 2010; Mizuno and Tsuno, 2010; Perry and Green, 1997). Les corrélations de Mizuno-Tsuno et Ferre-Aracil et al. conduisent à des valeurs de H proches dans la gamme de température 20-35°C, avec un écart relatif maximum de 4% à 20°C. Seules les valeurs calculées avec la corrélation de Ferre-Aracil et al. sont ainsi présentées sur la Figure 41. L’écart entre la corrélation de Ferre-Aracil et al. et celle de Perry est au maximum de 12% à 35°C. Les valeurs de k calculées présentent ainsi un écart minimal de 6% à 25°C et un écart maximal de 23% à 35°C selon les corrélations considérées. Des énergies d’activation de 58,7 kJ mol-1, en considérant la corrélation de

0.0E+00 2.0E+05 4.0E+05 6.0E+05 8.0E+05 1.0E+06 1.2E+06 1.4E+06 270 280 290 300 310 k in L mo l -1s -1 T (K) Ferre-Aracil et al. Perry Sotelo et al.

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Perry, et de 35,7 kJ mol-1, en considérant la corrélation de Ferre-Aracil et al., ont ainsi été déduites des variations de k avec la température :

𝑘[L mol−1 s−1] = 1,02 × 1016exp (−58,7×103

𝑅𝑇[𝐾] ) avec H estimé selon Perry Eq. 84

𝑘[L mol−1 s−1] = 1,02 × 1012exp (−35,7×103

𝑅𝑇[𝐾] ) avec H estimé selon Ferre-Aracil et al. Eq. 85

Quelle que soit la corrélation considérée, les valeurs de k trouvées à 20°C étaient de 3,5 fois (corrélation de Perry) à 4,5 fois (corrélations de Ferre-aracil et Mizuno-Tsuno) plus élevées que celle trouvée par Sotelo et al (1991) par absorption réactive. Néanmoins, ces auteurs avaient employé un réacteur gaz-liquide à bulles, dont l’aire interfaciale a été déterminée par la méthode d’absorption chimique de l’oxygène dans du chlorure de cuivre et qui présente une importante incertitude.

Une analyse de sensibilité a ensuite été menée pour étudier l’influence sur la valeur de k des différentes entrées du modèle:

 Les propriétés physico-chimiques de l’ozone (H et DL) ;  Les conditions opératoires (FG, Sc, T, CR, CG,e) ;

 La variable suivie pour déduire k : CG,s

Des index d’élasticité importants ont été calculés en fonction de la valeur de k, montrant la sensibilité importante de la méthode à ces diverses variables, notamment les concentrations en ozone (index compris entre 8 et 13), mesurées cependant avec une assez bonne précision par un analyseur en ligne, et dans une moindre mesure la surface d’échange et le débit de gaz (index entre 3 et 4). Un index d’élasticité de 2 relatif à H a été calculé, montrant la sensibilité relativement importante de la méthode à cette valeur, dont la valeur ne fait toujours pas consensus dans la littérature, justifiant l’écart de 40% entre les deux énergies d’activation calculées.

Dans un dernier temps, la validité de cette méthode cinétique, basée sur l’utilisation de concentrations importantes de réactifs, a été discutée. Des constantes cinétiques comprises entre 104 et 107 L mol-1 s-1 pourraient être mesurées par cette méthode en validant les diverses hypothèses nécessaires (régime rapide de pseudo-premier ordre, régime permanent pendant au moins 10 min, rapport

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Dans cette étude, menée dans le cadre de la thèse de Thom Thi Dang, j’ai développé un dispositif d’application de la méthode cinétique de l’absorption réactive basé sur l’emploi d’un réacteur à cellules agitées. Après avoir été caractérisé (détermination de kL et kG), ce réacteur semi-continu a été employé pour la mesure de la constante cinétique de la réaction de l’ozone avec le résorcinol entre 20 et 35°C. Une concentration importante en résorcinol a avantageusement été mise en place pour atteindre un régime permanent afin de déduire la constante cinétique de la différence de concentration CG,e-CG,s. Les résultats mettent en évidence la sensibilité importante de la méthode à la constante de Henry de l’ozone, dont la valeur diverge dans la littérature selon les auteurs, en raison de la complexité de la mesure de ce paramètre. Plusieurs corrélations ont ainsi été considérées pour le calcul de k et de l’énergie d’activation.

La méthode développée, utile pour la mesure de réactions rapides, caractérisées par des constantes cinétiques dans la gamme 104-107 L mol-1 s-1, est avantageuse pour les raisons suivantes :

 L’absence d’incertitude sur l’aire interfaciale ;

 Un travail en régime permanent facilitant la quantification (mesure en ligne de la concentration

en ozone en phase gazeuse en sortie, pas d’analyse de la phase liquide nécessaire) et le traitement des résultats ;

 Une concentration d’ozone dissous en solution négligeable, quand cette concentration doit être

mesurée dans les méthodes appliquée dans des réacteurs liquides monophasiques. Cependant, la quantification de l’ozone dissous est entachée d’incertitudes significatives ;

 Un régime d’absorption de pseudo-premier ordre pour lequel la vitesse de transfert est

indépendante de kL, potentiellement affecté d’incertitudes significatives. Néanmoins cette méthode présente les inconvénients suivants :

 Une consommation importante de réactif ;

 Une forte sensibilité à la constante de Henry et à la diffusivité de l’ozone dans l’eau dont les

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4.3.3 Détermination de la constante cinétique de réaction de l’ozone avec l’anion