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Chapitre 2 Méthodes générales

3. Analyse des données

3.2. Caractérisation des relations affiliatives

3.2.1. Procédure générale

Les relations interindividuelles ont été étudiées grâce à la méthode d’analyse des réseaux sociaux, dérivée de la théorie des graphs (Jacobs & Petit 2011). Classiquement, ces relations sont évaluées sur la base d’associations d’individus ou d’interactions entre individus, telles que le toilettage social ou encore le jeu. Ces données comportementales sont généralement considérées comme plus précises, mais sont également plus rares et nécessitent donc un nombre élevé d’évènements pour que le réseau social obtenu soit représentatif de la distribution des relations interindividuelles. Chez les espèces comme les

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primates, où les proximités spatiales entre individus ne sont pas aléatoires et sont généralement conditionnées par d’autres paramètres démographiques ou sociaux, tels que l’âge, le sexe, ou la parenté, les associations spatiales constituent une très bonne alternative au relevé des interactions sociales. Ces proximités spatiales sont reconnues comme reflétant la qualité des relations (Helmerijk 1990, 2002a,b,c). Cette similarité entre proximités et contacts physiques est testée pour les mandrills dans la section suivante (section 3.2.2).

J’ai donc utilisé les proximités interindividuelles relevées lors des scans de position pour évaluer les relations entre les membres des cinq groupes étudiés. Deux individus sont considérés comme associés si la distance qui les sépare est inférieure à un seuil d’association donné (les seuils utilisés pour les cinq groupes seront présentés dan la section 3.2.2). Dans tous les cas, la règle du « gambit of the group » (Franks et al. 2010) a été utilisée, et par conséquent, si A est à proximité de B qui est lui-même à proximité de C, alors A et C sont considérés comme associés, même s’ils ne sont pas à proximité immédiate. Puis, pour chaque paire d’individus ij, l’indice d’association Half-Weight Index (HWI) a été calculé comme suit (Cairns & Schwager, 1987):

𝐻𝑊𝐼 = 𝑥

𝑥 + 𝑦𝑖𝑗+𝑦𝑖+ 𝑦2 𝑗

où x représente le nombre de scans où les individus i et j ont été observés associés, 𝑦𝑖𝑗 correspond au nombre de scans pour lesquels les individus i et j ont été observés non associés, et 𝑦𝑖 et 𝑦𝑗 sont le nombre de scans pour lesquels seul l’individu i ou j respectivement a été observé. Cette méthode donne plus de poids aux observations de paires associées plutôt que de paires non-associées, et permet également de contrôler l’absence d’individus lors des scans.

3.2.2. Seuils utilisés

Chez les primates, le contact physique qui correspond à la distance zéro est généralement la mesure la plus appropriée pour discriminer efficacement, à partir des associations spatiales, les relations affiliatives existant au sein d’un groupe. En effet, les individus affiliés vont passer du temps en contact lorsqu’ils interagissent à travers des

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comportements sociaux, alors qu’à l’inverse, les individus non-affiliés ne seront quasiment jamais observés en contact. J’ai donc utilisé les contacts relevés durant les scans de position afin de calculer les indices d’association pour les groupes de macaques rhésus, de macaques de Tonkean, et du groupe de mandrills E3. Pour les groupes E1 et E2, le nombre de contacts observés durant les périodes d’observation était trop faible pour permettre une analyse pertinente. En effet, les interactions et les contacts sont rares chez les mandrills, et ces deux groupes présentent un grand nombre d’individus, diminuant la probabilité d’observer plusieurs fois les mêmes paires en contact, et créant ainsi des valeurs nulles pouvant être dues aux fluctuations de l’échantillonnage et non à la réalité des relations interindividuelles. Pour ces deux groupes, j’ai donc utilisé un critère de proximité d’1m : deux individus sont associés lorsque la distance qui les sépare est inférieure ou égale à 1m. Afin de vérifier la validité de ce critère, j’ai comparé la distribution des relations obtenue avec les seuils ‘contact’ et ‘1m’ pour le groupe de mandrills E3. Pour cela, j’ai comparé les matrices d’indices d’association ‘contact’ et ‘1m’ à l’aide du R-test de corrélation de matrice de Dietz, implémenté dans SocProg 2.4. Les données ayant servi à construire la matrice ‘contact’ n’ont pas été utilisées pour la construction de la matrice ‘1m’. La corrélation entre les deux matrices est significative (test de corrélation de Dietz : R = 0,27 ; p < 0,05) : la distribution des relations observée entre les deux seuils est donc similaire. Le seuil ‘1m’ peut être utilisé pour les groupes E1 et E2. Il a également été utilisé pour le groupe de mandrills E3 dans le cadre de sa comparaison avec les deux autres groupes.

3.2.3. Structure du réseau social

La matrice d’association précédemment calculée permet de représenter le réseau des relations affiliatives existant au sein du groupe considéré. Plusieurs mesures permettent de décrire la structure générale de ce réseau, et donc du groupe entier. Dans ce travail, j’ai considéré les trois mesures suivantes qui permettent d’évaluer la connectivité du réseau (Wasserman & Faust 1994) :

- la densité du réseau, qui est le nombre d’associations observées sur le nombre d’associations possibles. Elle évolue entre 0 (aucun individu n’est associé) et 1 (tous les individus sont associés avec tous les autres individus).

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- le diamètre, qui correspond au plus long des chemins les plus courts existant entre deux individus du réseau. Cette valeur est calculée à l’aide du logiciel Gephi (Gephi Consortium 2008, Bastian et al. 2009)

- la fragmentation, qui représente le nombre d’individus déconnectés du sous-groupe principal divisé par la taille du sous-groupe. Cette mesure évolue entre 0 (le réseau n’est pas fragmenté) et 1 (tous les individus sont déconnectés).

Afin de mettre en évidence des sous-groupes d’individus fortement associés, on effectue une analyse appelée ‘community division by modularity’ à l’aide du logiciel Socprog, qui recherche l’existence de groupes d’individus plus fortement reliés entre eux qu’avec le reste du groupe, et isole ainsi des clusters (Newman 2004, Whitehead 2007). Ces regroupements d’individus en fonction de leurs relations affiliatives pourront ensuite être comparés à d’autres regroupements des individus en fonction de leurs caractéristiques individuelles, telles que l’âge, la parenté, ou encore le rang de dominance.

3.2.4. Mesures individuelles

Après avoir évalué la structure du groupe au travers des relations interindividuelles, on peut déterminer la place qu’occupe chaque individu dans le réseau social du groupe. Cette place représentera alors la position sociale de l’individu au sein de son groupe. Un très grand nombre de paramètres individuels peuvent être obtenus à partir d’un réseau social (Wasserman & Faust 1994, Whitehead 2008), et tous ne vont pas présenter la même signification. Dans ce travail, j’ai choisi d’utiliser les différents paramètres suivants :

- Le degré, qui correspond au nombre de liens que possède un individu.

- Le coefficient de centralité ‘eigenvector’, qui prend en compte le nombre et l’intensité des relations d’un individu (relations directes), mais aussi les forces d’association des individus auxquels il est lui-même associé (relations indirectes). Cet indice représente la centralité sociale de l’individu, évolue entre 0 (individu non-central) et 1 (individu central). Il est calculé grâce au logiciel Socprog.

- La betweenness, qui, pour un individu i, correspond au nombre de plus courts chemins entre tous les autres individus passant par cet individu i. La

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betweenness représente ainsi l’importance de l’individu dans la connectivité du réseau. Elle est calculée grâce au logiciel Gephi.

Ces paramètres ont été choisis car ils reflètent le mieux les caractéristiques que nous avons voulu tester dans les différents travaux présentés dans cette thèse (Jacobs & Petit, 2011).

3.2.5. Visualisation des réseaux sociaux

Les réseaux sociaux ont été représentés grâce au logiciel libre de visualisation Gephi. Chaque individu est matérialisé par un nœud, dont on peut faire varier la taille et/ou la couleur en fonction de caractéristiques individuelles (âge, sexe, matriline, cluster, centralité, rang de dominance, etc). La relation entre deux individus est représentée par un trait reliant les deux nœuds, dont la taille est proportionnelle à l’intensité de la relation entre les deux individus (Figure II.10). Afin d’obtenir une représentation du réseau facilement interprétable, j’ai utilisé une méthode de spatialisation, i.e. de répartition des nœuds dans l’espace, appelée force atlas. Cette spatialisation place d’abord les nœuds de manière aléatoire. Initialement, les nœuds se repoussent les uns les autres puis cette méthode applique une force d’attraction entre les nœuds qui présentent une relation de forte intensité. Les individus sont donc placés dans l’espace de manière à être regroupés selon l’intensité de leurs relations avec les autres individus.

Figure II.10 : Représentation d’un réseau théorique. Chaque nœud représente un individu, et les traits reliant deux nœuds représentent la relation existante entre ces deux individus.

73 Chapitre 3 : structure social des mandrills

Chapitre 3