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Chapitre 1 : Hydroaminométhylation des alcènes : état de l’art, défis et stratégies

II. 2.1 Caractérisation de l’espèce monomère formée

La structure exacte de la seconde espèce formée 6 est diffcile à déterminer. Comme 5, cette espèce  est  stable  seulement  sous  pression,  et  l’analyse  IR  de  la  solution  s’est  révélée  infructueuse.   Les études RMN 1H sous   pression   ont   montré   à   298K   la   présence   d’un   triplet   de   doublet   de   doublets partiellement superposé au signal hydrure du dimère 5. En RMN 1H{31P}, le signal est réduit à un doublet de doublet, dont nous pouvons extraire une 1JRh-H de 11Hz. Le complexe contient deux atomes de phosphore équivalents à 298K, avec une constante de couplage 2JP-H=61 Hz (Figure IV. 10).

Le spectre 31P révèle un doublet large à 94,9 ppm, avec une constante 1JRh-P de  l’ordre  de  113  Hz.   Le signal ressemblerait  à  un  doublet  de  doublet,  mais  l’espèce  n’étant  pas  majoritaire,  il  est  difficile   de  distinguer  l’allure  exacte  du  signal (Figure IV. 11). La HMQC 1

H-31P{1H}montre une corrélation entre  l’hydrure  et  le  doublet  à  94,9  ppm.

18 E. Martinez Viviente, P.S. Pregosin, D. Schoot, dans Mechanisms in Homogeneous Catalysis. A Spectroscopic

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Figure IV. 8. Spectre RMN 1H, réactivité du complexe 2 sous H2(THF-d8, 25 °C K). Signaux hydrures des complexes 5 et 6.

Figure IV. 10. Spectre RMN 1H (haut) et 1H{31P} (bas) de la zone hydrure de l'espèce 6 (THF-d8, 25 °C).

A 233 K, le spectre 1H révèle un doublet de doublets (2JP-H = 122Hz, 1JRh-H = 10Hz) à -8,95 ppm, réduit à un doublet en RMN 1H{31P}, chaque composante des doublets étant un multiplet résultant de faibles constantes de couplage (Figure IV. 9). En RMN 31P{1H} un doublet cohérent avec la présence de deux atomes de phosphore équivalents apparaît à 103,6 ppm, avec une 1JRh-P = 108Hz. L’analyse  HMBC  1

H-13C{1H}{31P} révèle une corrélation  entre  l’hydrure  à  -8.95 et un seul signal 13 CO large à 193,15 ppm. 5 6 5 η2 -H2 5 6 1 H 1 H{31P} 5 6 Figure IV. 9. RMN 1H à -40 °C (THF-d8)

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L’ensemble de ces données permet de suggérer que les signaux observés en RMN correspondent à une espèce mononucléaire, contenant un atome de rhodium, le ligand diphosphine, un (ou deux) hydrures (s), et un (ou deux) ligands CO. Nous allons voir dans les paragraphes suivants que   cette   espèce   a   également   été   observée   lors   d’essais   effectués   dans   le   CD2Cl2, et en présence de CO et  d’amine (§ III.2).

Les déplacements chimiques ne sont  pas  affectés  par  la  nature  du  solvant,  donc  l’hypothèse  d’une   espèce solvatée peut être écartée. En recoupant toutes les informations fournies par les essais RMN sous  pression,  à  basse  température  et  à  298K,  nous  pensons  que    les  données  de  l’espèce  6 seraient compatibles avec le complexe cationique dihydrure de formule générale [Rh(H)2(CO)2((R,R)-Ph- BPE)]BF4. Les propositions possibles pour les différentes structures du complexe dihydrure sont représentées ci-dessous (Schéma IV. 5).

Rh P OC H P P2 H CO BF4- Rh P OC H P P1 CO H BF4- Rh P H CO P P3 H CO BF4-

Schéma IV. 5. Structures possibles pour le complexe [Rh(H)2(CO)2((R,R)-Ph-BPE)]BF4

A 233 K, les données RMN correspondent au complexe P1, où les deux hydrures sont en trans des phosphores  équivalents.  En  revanche,  le  comportement  du  complexe  à  298K  n’est  pas  le  même.  Les   observations RMN ne sont pas compatibles avec le complexe P2, produit   cinétique   de   l’addition   oxydante de H2 sur le rhodium, puisque  l’on  attendrait  non  seulement  deux  signaux hydrures, mais également deux signaux en RMN 31P puisque les deux phosphores ne sont pas équivalents. Les signaux observés pourraient être dus à une inter-conversion rapide des différentes configurations P1-P2-P3, comme le suggère la constante de couplage moyenne 2JP-H= 61 Hz observée, souvent décrite  dans  le  cas  d’échange  rapide  de  la  position  des  ligands,  lié  à  un  réarrangement  du  complexe.   De  plus,  selon  l’environnement  stérique  apporté  par  le  ligand,  les  deux  hydrures  pourraient  ne  pas   être exactement équivalents dans un octahèdre déformé, ce qui expliquerait le dédoublement du signal en RMN.

Cette   interconversion   n’est   vraisemblablement   pas   liée   à   une   décoordination-recoordination des CO, qui serait défavorisée puisque nous sommes sous pression   d’hydrogène. Cependant, pour ce type de complexe, un échange rapide hydrure-hydrure entre deux hydrures voisins peut se produire19 via  la  formation  transitoire  d’un  ligand  η2-H2, et dans la plupart des cas, un seul signal hydrure est observé en RMN 1H pour ces complexes. Dans ce mécanisme les deux hydrures

19 J.W. Tye, M.Y. Darensbourg, M.B. Hall, in Activation of Small Molecules, (Ed: W.B. Tolman), WILEY-VCH, Weinheim, 2006, pp 121-158

155 interagissent  pour  former  le  ligand  η2

-H2,  qui  subit  une  rotation  autour  de  l’axe  métal-H2, avant de redonner les deux ligands hydrures20 (Schéma IV. 6).

M H H M H H M H H M H H (a) (b) (a) (b) (b) (a) (b) (a)

Schéma IV. 6. Echange hydrure-hydrure dans un complexe (adapté de la référence [19])

Aucun exemple de complexe cationique du rhodium diphosphine-dicarbonyle-dihydrure   n’a   été   décrit. L’analyse  de  la  littérature  révèle  par  contre  des  exemples  de  complexes  de  l’iridium21,22. Les observations   faites   dans   le   cas   de   l’iridium   sont   souvent   généralisées   aux   complexes   du   rhodium   mais sans que les complexes aient été caractérisés21,23. Bianchini et coll. ont décrit les exemples de complexes   d’iridium   et   de   rhodium   disolvatés   [M(H)2(PBz3)2(Solv)2]+ et dicarbonyles [M(H)2(PBz3)2(CO)2]+, avec deux ligands monophosphine PBz3 (tribenzylphosphine). Dans le cas de  l’iridium,  les  complexes  ont  pu  être  isolés  et  caractérisés.  Dans  le  cas  du  rhodium,  les  complexes   solvatés ont pu être observés seulement en solution, et seulement sous atmosphère de H2, et le complexe dicarbonyle [Rh(H)2(PBz3)2(CO)2]+ décrit comme instable   n’a   pas   été   caractérisé.   L’iridium   étant   en   effet   un   métal   de   densité   électronique   plus   grande   que   le   rhodium,   il   favorise   l’addition  oxydante  de  H2 et les complexes obtenus sont plus stables.

Les observations décrites et les exemples de la littérature confirment nos hypothèses quant à l’espèce  que  nous  observons  en  RMN  sous  pression.  La  pression  de  H2 supérieure à 1 atm pourrait permettre   de   déplacer   l’équilibre   vers   la   formation   de   l’espèce   dihydrure   et   la   stabiliser   suffisamment   pour   que   l’on   puisse   l’observer.   Dans   notre   cas,   parmi   les   essais   qu’il   serait   intéressant  d’effectuer,  nous  pouvons  ainsi  proposer :

(i) de modifier le contre-ion BF4- utilisé, pour un anion plus encombré, plus coordinant, qui permettrait de stabiliser le complexe formé.

(ii) de  réaliser  un  essai   analogue  à  partir  du  complexe  cationique  d’iridium   [Ir(CO)2((R,R)-Ph- BPE)]BF4 sous 7 bar H2.

Nous  n’avons  pas  eu  le  temps  de  poursuivre  les  investigations  sur  ce  complexe,  qui  sont  d’autant   plus   difficiles   que   l’espèce   formée   n’est   pas majoritaire   et   n’est   stable   que   sous   pression   d’hydrogène.   La   proposition   de   la   structure   [Rh(H)2(CO)2((R,R)-Ph-BPE)]BF4 à   l’espèce   6 est renforcée   par   les   essais   menés   en   présence   d’amine   qui   seront   détaillés   dans   les   paragraphes   suivants (§ III.2.1).

20

C.A. Bayse, M. Couty, M.B. Hall, J.Am. Chem. Soc., 1996, 118, 8916-8919. 21

V.R. Landaeta, M. Peruzzini, V. Herrera, C. Bianchini, R.A. Sanchez-Delgado, A.E. Goeta, F. Zanobini, J.

Organomet. Chem., 2006, 691, 1039-1050

22 P.J. Albietz, J.F. Houlis, R. Eisenberg, Inorg. Chem., 2002, 41, 2001-2003

23 M. Rosales, J.A. Duran, A. Gonzalez, I. Pacheco, R.A. Sanchez-Delgado, J. Mol. Cat. A : Chemical, 2007, 270, 250- 256

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