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6. La paroi végétale : constituants et organisation

1.4 Campagnes en champs 2008, 2009 : discussion générale

L’effet population de la variété de chanvre utilisée, Félina 32, est très fort comme en témoigne l’écart-type résiduel calculé souvent autour de 15% lors des analyses statistiques. L’augmentation du nombre de plante mesurée entre la campagne 2008 et 2009 n’est pas suffisante pour contrer la dispersion des données relative au polymorphisme des chanvres au sein d’une même variété. Il n’est donc pas évident de conclure sur l’impact de l’azote sur la croissance des chanvres. Toutefois, nos investigations sur le nombre et les mesures de longueur des entre-nœuds montrent des résultats intéressants. En effet, les différents apports azotés n’impactent pas le nombre d’entre-nœud mais leur taille. L’azote n’aurait pas d’effet sur le développement des chanvres mais sur leur croissance. L’apport d’azote 80 U, qui est la condition usuelle des chanvriculteurs locaux, favorise la meilleure croissance des plantes en épaisseur et en hauteur.

Il est à noter que lors de la campagne 2009, les apports azotés ont été effectués dans le sens de la pente de la parcelle, ce qui ne permet pas de savoir si l’azote épandu correspond réellement à l’azote perçu par les plantes. Toutefois, il est notable de voir que sans apport d’azote (0 U) les plantes sont plus petites. L’apport d’azote est donc indispensable, ce qui reste une gageure. Il semble que l’apport d’azote à 120 U provoquerait des effets négatifs aussi sur la croissance des plantes : cela semble contraire aux données de la littérature qui indiquent les meilleurs rendements à 120 U voire au-delà (entre 150 et 240 U) (Van der Werf et al., 1995b). L’apport azoté interagit avec la densité de semis (Van der Werf et al., 1995a et b) en terme de compétition. A densité équivalente, si les apports azotés sont élevés (200 U), l’effet de compétition entre les plantes est plus important. Les rendements augmentent par contre la densité faiblit. La croissance de certaines plantes est plus robuste que d’autres i.e la dynamique de compétition est amplifiée. Les plantes qui croissent de façon plus importante optimisent leur accessibilité à la lumière tout en détériorant l’accès aux autres, la canopée des plantes plus grandes couvrent l’accès à la lumière des autres et provoquent l’auto-éclaircissement (Van der Werf et al., 1995a). En effet, à densité équivalente, 5% des plantes meurent avec 80 kg/ha contre 25% des chanvres à 200 kg/ha d’azote (Van der Werf et al., 1995a) par contre les rendements pailles à la récolte restent similaires en poids mais pas en nombre de plantes. Les plantes récoltées en 2009 sont plus grandes que les plantes récoltées en 2008 (Analyse de variance au seuil de 5%) (Figure 53). Les plantes cultivées en 2009 ont été semées un moins plus tôt que celles de 2008 pour une date de récolte équivalente (10 et 4 août respectivement). Le mois de croissance supplémentaire dont ont bénéficié ces plantes justifie leur plus forte croissance.

La dispersion des rendements obtenus par les agriculteurs d’EcoChanvre 86 est également très forte avec des rendements de paille totale de 2,1 t/ha à 8,5 t/ha (moyenne 5,7 t/ha) en 2008 et de 4,1 t/ha à 8,4 t/ha (moyenne 5,97 t/ha) en 2009. L’ITC rapporte également de très fortes dispersions de rendements en t/ha de paille de chanvre de 5,2 t/ha (sur 20 enquêtes : Euralis, Agrofibre, Région toulousaine) à 8,8 t/ha (sur 109 enquêtes, LCDA, Aube) en 2009.

Les dispersions des rendements sont notamment imputables au fort effet du polymorphisme des plantes au sein d’une variété population. De plus, les rendements cités sont calculés à partir de l’ensemble des rendements obtenus sur les différentes parcelles cultivées au sein d’EcoChanvre86. Les pédologies de ces parcelles peuvent modifier les rendements paille obtenus, comme montré lors de la campagne 2008. La pluviométrie était plutôt semblable en considérant les deux années testées (602 et 597 mm) d’après les données météorologiques régionales. Toutefois, des écarts de pluviométrie peuvent exister en fonction des champs et dans la répartition des précipitations, ce qui peut expliquer la dispersion des rendements.

Parmi les paramètres influençant les rendements du chanvre, la somme des températures est aussi un facteur déterminant (FNPC et Bouloc, 2006). Les sommes de température ces années sont respectivement de 1042°C et de 1208°C (d’après le calcul effectué par http://statmeteo.free.fr/) et sont supérieures de 15 à 30% à la somme de température de 900 °C nécessaire pour une conduite culturale du chanvre idéale (§ Matériel, Bouloc, 2006).

Il serait nécessaire de poursuivre les études sur les effets des conditions agronomiques sur la croissance des chanvres pour enrichir les données. L’étude mérite d’être continuée en considérant le nombre et les tailles des entre-nœuds. Les entre-nœuds 3, 4 et 5 sont les plus grands. Ces entre-nœuds sont comptés dans les portions de tige utilisées lors du rouissage.

Ces résultats soulignent la difficulté de passage d’une étude agronomique à l’échelle du champ, à une étude au niveau des individus. La représentativité de l’échantillonnage est donc une question primordiale à prendre en compte, surtout sur une espèce à croissance rapide comme le chanvre. Néanmoins, les résultats obtenus sur la constance du nombre d’entre nœud dans les portions de tiges qui seront utilisés pour la suite des études.

Afin d’évaluer l’impact des apports azotés sur la proportion de fibres, des études morphologiques ont été mises en place. Dans la partie suivante, la mise au point des techniques pour la caractérisation des fibres en proportion dans la tige de chanvre et pour la caractérisation des fibres primaires et secondaires sont présentées. L’effet de l’azote (0, 80 et 120 U) sur la proportion de fibres est évalué grâce à ces méthodes.

2 Etudes morphologiques et histocytochimiques

Les tiges de chanvre adulte sont difficiles à couper. Sur les tiges jeunes, les coupes transversales à main levée sont plus aisées, et l’observation en fond clair peut-être réalisée. Pour réaliser les coupes transversales de tige adulte, un couteau à lame vibrante a été utilisé (§ Méthodes) mais les coupes réalisées restent trop épaisses (40 μm) pour des observations en microscopie photonique classique. L’utilisation de méthodes d’observation en fluorescence permet de s’affranchir ou d’amoindrir l’impact des 40 μm d’épaisseur de la coupe. L’utilisation de la loupe à fluorescence et du microscope confocal à balayage laser (MCBL) sous UV n’est pas suffisante pour observer tous les types cellulaires constitutifs des tiges de chanvre. L’utilisation de la méthode de coloration à l’acridine orange permet de rehausser les contrastes sur l’ensemble des réseaux pariétaux des cellules de la tige. Ce colorant est dit métachromatique, c'est-à-dire qu’il révèle différentiellement les composés de la paroi (pectines, lignines, cellulose) en fonction des longueurs d’ondes (λ) d’excitation et d’émission.

Dans cette partie, le principe de la méthode de coloration à l’acridine orange est présenté. Un exemple d’application de ce colorant pour faciliter l’observation d’une coupe transversale de chanvre est détaillé.