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2.3 Quelles grandeurs pour d´ecrire l’´ecoulement ?

2.3.3 Calibrations

Le but de notre exp´erience est double : pour la commande en vitesse, il nous faut connaˆıtre le couple exerc´e par le fluide sur les turbines, mesur´e par les couplem`etres et les moteurs. Pour la commande en couple, il faut nous assurer que le couple command´e par la consigne est effectivement transmis au syst`eme. Si ce n’est pas le cas, il faut alors savoir quel est l’´ecart entre la consigne et la valeur r´eellement impos´ee, ce qui revient au final `a la mˆeme chose qu’en commande en vitesse. Or, nous avons vu dans la section 2.1.6 que les montages assurant l’´etanch´eit´e de l’exp´erience apportaient malheureusement leur lot de frottements. La mesure de couples est donc n´ecessairement entach´ee d’erreurs. Il est alors n´ecessaire de retirer la contribution de ces frottements avant d’aller plus loin dans l’examen des couples. Deux m´ethodes existent pour d´eterminer la contribution des frottements dans le couple total mesur´e. La premi`ere implique d’effectuer des exp´eriences sans turbine. Le couple exerc´e par le fluide sur l’arbre tournant est alors n´egligeable devant les frottements. Cette technique permet en outre de v´erifier facilement le bon fonctionnement m´ecanique de l’exp´erience : pour toute fr´equence de rotation, les frottements sont a priori similaires. Cela est bien v´erifi´e dans la figure2.12, mais uniquement pour la garniture du bas, qui ´etait la seule bien r´egl´ee `a l’´epoque de la mesure.

La deuxi`eme technique, plus souvent employ´ee, consiste `a faire tourner les turbines `a un θ fix´e pour diff´erentes fr´equences de rotation. Ces fr´equences s’´echelonnent g´en´eralement de 1 Hz `a 12 Hz, les couples des exp´eriences `a plus basse fr´equence de rotation ´etant notoirement peu fiables. Nous pouvons alors voir que les couples s’alignent plutˆot bien selon une courbe quadratique du type C = a1f2+ a2. Le param`etre a2 repr´esente alors le prolongement en f = 0 de notre ajustement, qui n’est autre que le frottement parasite qui vient entacher notre mesure.

Le probl`eme ne s’arrˆete pas l`a. En effet, il est tout `a fait illusoire de croire que ces frot-tements sont reproductibles : une tr`es large dispersion est en effet observ´ee au niveau des frottements statiques. Nous n’avons pas tent´e de d´eterminer trop pr´ecis´ement les causes d’un tel frottement, le domaine relevant ici d’un certain masochisme... comme le montre la fi-gure2.13, o`u des tests ont r´ev´el´e que la pression avait une influence consid´erable sur la valeur

42 2. L’exp´erience VK2 0 2 4 6 8 10 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 f (Hz) C (Nm ) 10 5 0 −5 −2 0 2 4 6 f (Hz) C (Nm)

Figure 2.12 – Les deux m´ethodes utilis´ees pour calibrer l’exp´erience afin de d´eterminer les frottements statiques. Les couples de la turbine basse () et de la turbine haute () sont repr´esent´es, les barres d’erreur repr´esentant les ´ecarts-types des couples en question. `A gauche, calibration avec turbines : les fr´equences du sens (+) sont not´ees positives et celles du sens (−) sont not´ees n´egatives. Pour chaque sens de rotation, nous effectuons des exp´eriences `a une valeur de θ fix´ee, pour plusieurs fr´equences f de rotation des turbines. Nous ajustons ensuite les valeurs du couple selon une loi quadratique en f . Le prolongement `a f = 0 de cet ajustement donne la valeur des frottements statiques. `A droite, calibration effectu´ee sans turbine. Dans ces conditions, la rotation des arbres devrait avoir une influence quasi-nulle sur les couples. Nous v´erifions alors que le couple est quasi-constant au niveau de la turbine du haut (garniture bien r´egl´ee).

mai jun. jui. aou. sep. oct. nov. déc. jan. fév. −0.4 −0.2 0 0.2 date Cs ta t (Nm )

Figure 2.13 – ´Evolution des couples statiques bas () et haut (N) durant l’ann´ee 2012 et le d´ebut de l’ann´ee 2013. La d´ecision d’effectuer des calibrations journali`eres a ´et´e prise durant le mois de juin 2012.

des frottements statiques (voir la s´erie verticale de points de la figure 2.13 pour des exp´e-riences effectu´ees le mˆeme jour `a des pressions diff´erentes !). Nous consid´ererons cependant qu’une calibration par jour — effectu´ees depuis juin 2012 — suffit `a ´eliminer correctement les frottements statiques de l’exp´erience quand les autres conditions exp´erimentales restaient constantes.

Notre parti pris pour les calibrations est d’effectuer ces derni`eres dans les conditions qui requi`erent le plus de couple, afin de minimiser l’effet li´e aux frottements. Comme nous le verrons dans le chapitre 5 consacr´e `a la commande en vitesse, cela implique d’effectuer les

2.3. Quelles grandeurs pour d´ecrire l’´ecoulement ? 43

Grandeur R ρ f C ν

D´ecomposition L M.L−3 T−1 M.L2.T−2 L2.T−1

Table2.3 – Les diff´erentes grandeurs `a notre disposition, et leur d´ecomposition sur les gran-deurs physiques de base du syst`eme international : ici, L repr´esente les longueurs, M la masse et T le temps.

calibrations avec un ´ecoulement bifurqu´e, qui sont alors essentiellement non-sym´etriques. Il est possible que cela induise une l´eg`ere asym´etrie dans les divers trac´es de la suite de ce manuscrit.

2.3.3.1 Couples adimensionn´es Kp

Maintenant que nous nous sommes charg´es d’´eliminer les couples parasites venant pertur-ber la mesure de la contribution de la turbulence au couple total, il va ˆetre possible de d´efinir de nouvelles grandeurs sans dimension. En effet, il nous est difficile de comparer, par exemple, les valeurs de couple pour deux fluides aux masses volumiques diff´erentes ρ1 6= ρ2. L’analyse dimensionnelle va alors nous guider pour d´efinir des vitesses et des couples sans dimension qui nous permettront de comparer les r´esultats d’exp´eriences pratiqu´ees avec des fluides diff´erents. La table2.3 recense la liste des grandeurs `a notre disposition pour cet exercice.

Commande en vitesse En commande en vitesse, il s’agit donc de cr´eer, `a partir de f , R, ν et ρ, un couple caract´eristique de l’´ecoulement :

Ccarac= Rp1 (2πf )p2 ρp3 νp4 (2.30)

M.L2.T−2= Lp1−3p3+2p4 Mp3 T−p2−p4, (2.31)

Il faut donc r´esoudre trois ´equations `a quatre inconnues. Cependant, nous avons d´ej`a construit une grandeur sans dimension qui relie ν `a R et f , le nombre de Reynolds, pour caract´eriser les ´ecoulements de von K´arm´an. Pour tout couple caract´eristique Ccarac, Ccarac/Rea est donc un autre couple caract´eristique tout aussi justifi´e du point de vue de l’analyse dimensionnelle. Des arguments plus physiques nous conforteront dans notre d´ecision de supposer p4 = 0 afin d’´eliminer ν de la d´efinition de Ccarac, ce qui nous donne :

Ccarac= ρR5(2πf )2, (2.32)

ce qui nous permet de d´efinir un couple sans dimension, Kp, d´efini comme le rapport du couple mesur´e C et du couple caract´eristique Ccarac. Il nous permet en outre de d´efinir deux nouvelles quantit´es, que nous rappelons `a titre d’exhaustivit´e, ´etant largement utilis´es dans les th`eses pr´ec´edentes [5,65] : ∆Kp, li´ee `a la distance `a la sym´etrie, et ΣKp, la version sym´etrique des couples adimensionn´es :

∆Kp= Kp,1− Kp,2 (2.33)

ΣKp= Kp,1+ Kp,2 (2.34)

Commande en couple En commande en couple, nous pouvons de mˆeme d´efinir une fr´equence caract´eristique `a partir de C, ρ et R, en ´eliminant `a nouveau ν :

fcarac= 1

s C

ρR5 (2.35)

Cette fr´equence nous permet de d´efinir les fr´equences adimensionn´ees fp. En outre, il faut en toute rigueur utiliser fcarac pour d´efinir le nombre de Reynolds en commande en couple, not´e

44 2. L’exp´erience VK2 ˜ Re : ˜ Re = 1 ν s C ρR (2.36)

Ce nombre vaut 1.3 105 lorsqu’on demande 10% du couple nominal dans l’eau. Cette va-leur correspond plutˆot `a des ´ecoulements bifurqu´es qu’`a des ´ecoulements sym´etriques, o`u la fr´equence de rotation des turbines est bien plus ´elev´ee que fcarac.

2.4 Conclusion

Nous avons d´ecrit, au cours de ce chapitre, le montage exp´erimental VK2 — principal montage utilis´e —, ainsi que le montage VK- ´Energie. Ces deux exp´eriences similaires, ont pour base commune :

— Un ´ecoulement qui est produit par la rotation de deux turbines munies de pales dans un cylindre rempli d’eau.

— Des mesures de couple et de vitesse, fournies par les moteurs (et ´eventuellement les couplem`etres) entraˆınant les turbines.

— Des moteurs permettant ind´ependamment d’imposer le couple transmis aux turbines ou la fr´equence de rotation des turbines.

— Un ´ecoulement toujours consid´er´e en moyenne axisym´etrique, et, `a vitesses des turbines identiques, Rπ sym´etrique.

— Une distance `a la Rπ sym´etrie, not´ee θ en commande en vitesse et γ en commande en couple.

— Une caract´erisation non ambig¨ue des ´ecoulements grˆace `a ce param`etre d’asym´etrie et `

a plusieurs nombres sans dimension, Re, le nombre de Reynolds et les couples ou les vitesses adimensionn´es Kp et fp selon le type de commande choisi.

La principale diff´erence entre les deux exp´eriences provient des techniques optiques qu’elles emploient pour ´etudier plus pr´ecis´ement l’´ecoulement.

— L’exp´erience VK-´Energie dispose d’une v´elocim´etrie Laser Doppler, permettant d’aller explorer de mani`ere r´esolue en temps la vitesse en un point de l’´ecoulement. L’´echan-tillonnage effectu´e est n´eanmoins irr´egulier.

— L’exp´erience VK2 poss`ede une PIV st´er´eoscopique, permettant de cartographier les trois composantes de l’´ecoulement instantan´e sur un plan, sans pouvoir examiner les fluctuations instantan´ees de la vitesse. Elle poss`ede en outre des couplem`etres qui permettent une ´etude plus pr´ecise du couple exerc´e par le fluide sur les turbines.

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Chapitre 3

Transitions de phase

Avant-propos

Nous allons ici illustrer ici quelques r´esultats de la thermodynamique li´es aux transitions de phase. Nous avons montr´e, dans l’introduction (chapitre1), qu’il existait certaines similitudes int´eressantes entre les syst`emes `a l’´equilibre thermodynamique et les ´ecoulements turbulents, comme les concepts de degr´es de libert´e ou l’´emergence de propri´et´es statistiques. Nous al-lons donc expliciter dans ce chapitre la d´erivation des ensembles statistiques, ainsi que les hypoth`eses sous-jacentes d’une telle d´erivation, ce qui nous permettra de discuter les effets de leur ´eventuelle violation. Nous d´ecrirons ensuite en d´etail une transition critique, celle du mod`ele d’Ising, afin de nous familiariser avec les notations employ´ees dans le domaine des transitions de phase. Les principaux r´esultats de ce chapitre seront ensuite confront´es aux donn´ees exp´erimentales dans les chapitres 5 et 6 consacr´es aux commandes en couple et en vitesse.

3.1 Introduction aux ensembles statistiques