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´egalement `a l’´etude pour une int´egration dans SHREK.

7.3 Analyse des couples et de la dissipation

7.3.1 La campagne de mesures

La premi`ere s´erie d’exp´eriences datant d’octobre 2012 ´etait une campagne de tests pour savoir, tout simplement, si l’exp´erience SHREK fonctionnait. Les premiers tests, qui ont rapi-dement montr´e des r´esultats au del`a de nos esp´erances, ont pouss´e la collaboration `a comparer les mesures (essentiellement de couple) de l’exp´erience SHREK dans un fluide normal et dans un superfluide. Cette s´erie de mesures a donc pu s’appuyer sur les nombreux r´esultats que le groupe de Saclay a obtenus dans l’eau. Il a donc ´et´e d´ecid´e d’effectuer principalement des me-sures dans le sens (−), `a diverses asym´etries θ, afin de comparer l’aspect du cycle d’hyst´er´esis observ´e dans l’eau avec le comportement de SHREK dans les mˆemes conditions.

7.3.2 Pr´esence d’´etats bifurqu´es

−20 −10 0 C1 (Nm) 0 100 200 300 400 500 −20 −10 0 C2 (Nm) t(s)

Figure 7.5 – Signal de couplem`etres cryog´eniques froids (—) et des couplem`etres ambiants chauds (—), pour une exp´erience effectu´ee dans le sens (−) `a θ = 0. Un ´ev´enement associ´e `a une bifurcation statistique spontan´ee est visible entre les deux lignes en pointill´es.

Les mesures les plus simples nous r´ev`elent d´ej`a d’importantes informations quant `a la dynamique de l’´ecoulement : la figure7.5nous montre l’exemple d’une exp´erience effectu´ee `a θ = 0 dans le sens (−), pour une temp´erature T = 1.8 K et donc dans l’h´elium superfluide. Celle-ci montre clairement une augmentation brusque et irr´eversible du couple entre deux ´etats stationnaires. Nous interpr´etons un tel ´ev´enement comme une transition (s)→ (b), observ´ee `

a θ = 0. De la mˆeme mani`ere que dans l’eau, l’´ecoulement superfluide poss`ede donc trois ´etats statistiques dans le sens (−), l’un d’entre eux ´etant Rπ sym´etrique, et les deux autres, non sym´etriques, ´etant images l’un de l’autre par application d’une telle sym´etrie.

Les mesures dans le sens (+) ont ´et´e plus rares, mais celles-ci laissent penser que le couple C1,2(θ) ne poss`ede qu’une seule branche continue et qu’aucune bifurcation n’est accessible dans ce sens, une fois de plus en accord avec les exp´eriences effectu´ees dans l’eau. Ces ´el´ements sont des pr´esages int´eressants du comportement de l’´ecoulement superfluide qui poss`ede d´ej`a des similitudes avec l’´ecoulement turbulent classique.

174 7. L’exp´erience SHREK 7.3.3 Calibrations et couples adimensionn´es Kp

Nous pouvons alors tenter de comparer les couples adimensionn´es Kp correspondant `a de tels ´etats statistiques. Bien entendu, il faudra une fois de plus effectuer des calibrations des couples, afin d’en d´eduire les couples statiques (importants) li´es aux renvois ´eventuels d’arbre m´ecanique et aux joints d’´etanch´eit´e ferrofluidiques. La figure7.6nous montre bien la diff´erence entre la transmission du couple en haut et en bas : en effet, plus d’1 Nm de couple est consomm´e uniquement par la transmission du couple du bas, ce qui n’est pas visible sur le signal du haut. Cela semble coh´erent avec la quantit´e de bruit observ´ee sur le signal du couple du bas de la figure 7.5. L’ajustement en une loi quadratique avec ordonn´ee `a l’origine, du type C = Cstat+ a(2πf )2 semble une fois de plus judicieux : le tableau 7.1 r´esume les valeurs obtenues pour de tels param`etres. En utilisant les mˆemes conventions que dans les pr´ec´edentes sections, nous pouvons enfin d´eterminer une estimation du Kp des exp´eriences, qui n’est autre que a/(ρR5). Les valeurs obtenues, pour une masse volumique du superfluide ρSF = 147 kg· m−3 et un rayon R = 0.39 m semblent tout `a fait compatibles avec celles issues des exp´eriences dans l’eau.

0 0.2 0.4 0.6 0.8 20 15 10 5 0 f (Hz) C (Nm) 0.2 0.4 0.6 0.8 f (Hz)

Figure 7.6 – Calibration effectu´ee dans le sens (−), pour diff´erentes exp´eriences r´ealis´ees dans l’´etat (b2) `a θ = 0 dans l’´etat superfluide. Les symboles () repr´esentent les moyennes des couples cryog´eniques, et les symboles (•) les couples `a temp´erature ambiante. Les barres d’erreur caract´erisent l’´ecart-type des couples `a la fr´equence associ´ee. Les tiret´es correspondent `

a des ajustements quadratiques avec ordonn´ee `a l’origine non nulle. La figure de gauche pr´e-sente les signaux li´es aux couples du bas. Celle de droite, le signal du couple ambiant du haut : le couple cryog´enique du bas ´etait en panne.

SHREK V K2

Cstat (Nm) a (m2· kg) Kp Cstat (Nm) a (m2· kg) Kp

Couple bas cryo. 1.37 0.59 0.44

Couple bas amb. 1.28 0.85 0.64 0.15 4.5· 10−3 0.45 Couple haut amb. 0.30 0.70 0.53 −0.18 5.5· 10−3 0.55 Table 7.1 – Param`etres issus de la calibration de l’exp´erience SHREK de la figure 7.6. Le couple statique Cstat est directement exprim´e en unit´es SI, a est le pr´efacteur du terme qua-dratique de l’ajustement parabolique du couple, et le Kp correspond `a sa d´efinition usuelle dans le cadre de cette th`ese. Les mˆemes donn´ees, pour VK2, y ont ´et´e juxtapos´ees `a titre de comparaison.

7.3. Analyse des couples et de la dissipation 175 7.3.4 Analyse des couples en fonction du nombre de Reynolds

La comparaison des Kppeut ˆetre pouss´ee en ´etudiant sa d´ependance en fonction du nombre de Reynolds. Les mesures dans l’h´elium normal viennent donc naturellement prolonger `a Re tr`es ´elev´e les mesures de la figure 5.4 du chapitre 5. La d´efinition d’un tel nombre de Reynolds pour l’´ecoulement superfluide n’est pas triviale, et a pos´e un premier probl`eme. En effet, le mod`ele `a deux fluides vient nous indiquer que l’´ecoulement superfluide poss`ede une composante parfaite sans aucune viscosit´e (d’o`u Re =∞) et une autre composante normale qui poss`ede une viscosit´e non nulle. Les ´ecoulements r´eellement observ´es conservent d’ailleurs cette ambigu¨ıt´e, d´ej`a d´ecrite dans le d´ebut de ce chapitre. Nous avons donc choisi de calculer un nombre de Reynolds superfluide en nous basant sur la viscosit´e de la composante normale du fluide pour T ≤ Tλ. Ce choix est relativement arbitraire : nous aurions tout aussi bien pu utiliser le nombre de Reynolds quantique, d´efini par rapport au quantum de moment cin´etique, Rq= mR2(f1+ f2)/~, dans notre comparaison.

Afin de se rapprocher des exp´eriences effectu´ees dans le von K´arm´an de Saclay, des exp´e-riences compl´ementaires ont ´et´e effectu´ees `a Grenoble `a temp´erature ambiante dans l’azote (gazeux, sous pression). Les nombres de Reynolds obtenus sont alors compris entre 4· 105 et 7· 105 et ont permis une comparaison directe des r´esultats de l’exp´erience, qui montrent un bon alignement entre les deux exp´eriences. Ces mesures indiquent en outre une tendance des Kp `a converger vers des valeurs finies pour les nombres de Reynolds les plus ´elev´es. Ces valeurs semblent, aux impr´ecisions pr`es, identiques dans le cas de l’h´elium liquide et dans celui de l’h´elium superfluide. 102 103 104 105 106 107 108 0 0.2 0.4 0.6 Re Σ Kp

T M60 T P (M)87

Figure 7.7 – Comparaison de ΣKp = 0.5(Kp,1+ Kp,2) pour tous les nombres de Reynolds accessibles aux diff´erents von K´arm´an `a θ = 0, pour diff´erents fluides. La partie `a gauche est tir´ee de la figure5.4 issue de la th`ese de Florent Ravelet, et concerne les T M 60. La partie `a droite est effectu´ee avec des T P 87 pour VK2 ou des T M 87 pour SHREK. (N), exp´eriences de VK2 dans le sens (−) dans l’´etat statistique bifurqu´e, avec un m´elange eau-glyc´erol (cas T M 60) et de l’eau pour la s´erie de Re plus ´elev´ee (cas T P 87). (H), mˆeme ´etat statistique dans SHREK, avec de l’azote. (◮), mˆeme ´ecoulement, mais dans l’h´elium liquide. Le symbole `

a contour noir repr´esente le r´esultat obtenu dans l’´etat superfluide. (), ´ecoulement sym´etrique dans le sens (−) de VK2 dans un m´elange eau-glyc´erol ou dans l’eau. (), mˆeme ´ecoulement mais dans SHREK et dans l’h´elium liquide (superfluide lorsque le symbole poss`ede un contour noir). (•), ´ecoulement dans le sens (+) dans VK2. (⋆), mˆeme conditions, dans SHREK et dans l’azote. (), mˆeme ´ecoulement, dans l’h´elium liquide. Les pointill´es horizontaux sont des guides permettant d’appr´ecier l’alignement des valeurs de Kp. Le tiret´e noir repr´esente la condition Kp ∝ Re−1.

176 7. L’exp´erience SHREK Nous voyons donc que le passage de l’´etat fluide normal vers l’´etat superfluide ne semble pas affecter le taux de dissipation observ´e d`es Re ≥ 104. Il semblerait donc que pour un tel ´ecoulement dont le for¸cage estRπ sym´etrique, le m´ecanisme microscopique de dissipation ne joue aucun rˆole.

7.3.5 Cycles effectu´es `a θ6= 0

7.3.5.1 Aspect qualitatif du cycle `a tr`es haut nombre de Reynolds

L’´ecoulement classique de l’exp´erience de von K´arm´an `a des asym´etries diff´erentes de θ = 0 a montr´e qu’un ´ecoulement `a θ non nul dans le r´ef´erentiel du laboratoire ´etait ´equivalent un ´ecoulement effectu´e en r´egime sym´etrique dans un r´ef´erentiel tournant, li´e au cylindre, de vecteur rotation Ω = f θez. Plus pr´ecis´ement, cette relation est vraie pour des petites valeurs du nombre d’Ekman [5], lorsque les effets de couches limites visqueuses sont faibles par rapport aux termes li´es `a la force de Coriolis (cela est donc vrai partout sauf `a proximit´e imm´ediate des parois) :

Ek = ν

fθR2 ≤ 10−4 (7.17)

Les ´ecoulements superfluides, bien que poss´edant un nombre d’Ekman tr`es faible, ne peuvent pas poss´eder de champ de vitesse en rotation solide `a cause de la nature quantique de l’´ecou-lement (voir la section7.1.3). Par cons´equent, il est difficile a priori de connaˆıtre l’´ecoulement qui sera produit dans SHREK lorsque le θ impos´e est diff´erent de 0. Nous avons mesur´e une fois de plus les valeurs de Kp qui caract´erisent de mani`ere quantitative les exc`es de dissipation li´es `a la turbulence, et ce pour diverses valeurs de θ. La figure 7.8nous renseigne `a ce sujet : malgr´e des mesures un peu bruit´ees, nous voyons que les couples adimensionn´es Kp issus de l’exp´erience VK2 dans l’eau, ceux de SHREK dans l’azote, dans l’h´elium liquide et dans l’h´e-lium superfluide sont tout `a fait comparables. Par cons´equent, soit les quelques 15% restants de fluide normal aux plus basses temp´eratures concentrent toute la dissipation, « noyant » la dissipation du superfluide, soit le superfluide dissipe (par un processus quelconque) une quantit´e d’´energie comparable `a celle du fluide normal avec lequel il est en ´equilibre `a T ≤ Tλ. Ce r´esultat est confirm´e par l’´etude de la figure7.9, qui montre une diff´erence de couple ∆Kp

compatible avec les mesures effectu´ees en eau.

Nous pouvons directement calculer la puissance normalis´ee dissip´ee dans l’exp´erience Pnorm en utilisant les mesures de Kp :

Pnorm= 2πf1C1

ρR5(2πf )3 + 2πf2C2

ρR5(2πf )3 (7.18)

= (1 + θ)Kp,1+ (1− θ)Kp,2 (7.19)

= 2ΣKp− θ∆Kp (7.20)

Cette mesure de la puissance dissip´ee est alors compar´ee `a la donn´ee de la puissance de froid r´eellement retir´ee par le groupe de froid et d´ecrite pr´ec´edemment. Nous pouvons voir sur la figure 7.10 que les deux s´eries de donn´ees semblent montrer une mˆeme tendance `a la croissance de la dissipation lorsque |θ| augmente, quoique leurs valeurs semblent l´eg`erement diff´erentes (une diff´erence de l’ordre de 33% ´etant observ´ee). La dissipation fournie par les Kp de SHREK semble par ailleurs sensiblement sup´erieure `a celle de VK2, visible sur la mˆeme figure. Cette diff´erence s’explique en partie par les frottements m´ecaniques li´es aux arbres, renvois d’angles et aux autres ´el´ements m´ecaniques pr´esents dans la cuve interne contenant le superfluide. `A ces points viennent s’ajouter bon nombre de points aberrants de l’estimation de la puissance de froid r´eellement retir´ee, notamment pour θ = 0 : dans un tel cas, la dissipation des exp´eriences effectu´ees `a diff´erentes vitesses va poss´eder deux contributions, l’une li´ee aux frottements m´ecaniques (qui varie, nous le supposons, comme f ) et l’autre li´ee `a l’´ecoulement

7.3. Analyse des couples et de la dissipation 177 −10 −0.5 0 0.5 1 0.2 0.4 0.6 0.8 θ Kp −0.5 0 0.5 1 θ

Figure 7.8 – Couples adimensionn´es Kp corrig´es par les valeurs de Kp en θ = 0 afin d’ˆetre sym´etriques θ→ −θ. Ces couples sym´etris´es sont exprim´es en fonction de θ pour diff´erents fluides. `A gauche, donn´ees superpos´ees incluant des exp´eriences dans l’azote ((), couple du bas, et (), couple du haut) et dans l’h´elium liquide ( (H), couple du bas, et (N) couple du haut). `A droite, exp´eriences dans l’h´elium superfluide ( (◮), couple du bas et (◭) celui du haut). Les couples adimensionn´ees des exp´eriences dans l’eau sont superpos´es `a chacun des graphes (tiret´es pour le couple du bas et traits pleins pour le couple du haut).

−1 −0.5 0 0.5 1

−0.2

−0.1

0

0.1

0.2

θ

K

p

Figure 7.9 – Diff´erence des couples normalis´es ∆Kp de SHREK, d´ecal´es pour centrer les courbes par rapport `a θ = 0 (mˆeme proc´ed´e que pour la figure 7.8). (), exp´erience dans l’azote, (•) exp´erience dans l’h´elium liquide, et (◮), h´elium superfluide. Le tiret´e bleu marine correspond au ∆Kp calibr´e obtenu par VK2 dans l’eau.

(qui varie comme f3), qui n’ont donc pas le mˆeme poids lorsque f change (les exp´eriences `a θ = 0 ayant ´et´e effectu´ees pour diverses valeurs de f ). Le calcul de cette puissance est en outre particuli`erement sensible `a certains param`etres de calibration qui ont visiblement provoqu´e des erreurs, certaines exp´eriences atteignant une dissipation normalis´ee de 50 (soit 5000 W consomm´es dans l’exp´erience `a f = 0.66 Hz).

7.3.5.2 Evolution des caract´´ eristiques du cycle avec Re

Le cycle d’hyst´er´esis semble donc avoir une forme tr`es semblable `a celle du cycle dans l’eau `

a haut nombre de Reynolds. Cette observation semble coh´erente avec le fait que la forme du cycle ne semblait pas beaucoup ´evoluer pour les nombres de Reynolds ´elev´es dans l’exp´erience en eau. Pour caract´eriser plus pr´ecis´ement les ´eventuelles diff´erences d’ouverture de cycle `a tr`es haut nombre de Reynolds, nous allons examiner la diff´erence de ∆Kp,0 entre les branches

178 7. L’exp´erience SHREK −10 −0.5 0 0.5 1 1 2 3 4 5 θ Pn o r m

Figure 7.10 – Puissance dissip´ee normalis´ee Pnorm dans l’´ecoulement superfluide. () est la donn´ee de 2ΣKp− ∆Kp identifi´e `a Pnorm par la relation 7.20 et (•) repr´esente la puissance de froid r´eellement retir´ee afin de maintenir la temp´erature du superfluide constante, qui est une approximation (et une borne sup´erieure) de la dissipation totale au sein de l’´ecoulement.

`

A titre de comparaison, le tiret´e correspond `a la donn´ee de 2ΣKp− ∆Kp dans l’exp´erience de Saclay effectu´ee dans l’eau.

bifurqu´ees `a θ = 0, qui est la hauteur du cycle d’hyst´er´esis, ainsi que la taille des branches anti-naturelles ∆θr, qui est la largeur dudit cycle.

L’influence du nombre de Reynolds sur la hauteur ∆Kp,0 du cycle d’hyst´er´esis `a θ = 0 n’est pas ´evidente. En premier lieu, la figure7.11(en haut) montre bien une hauteur de cycle coh´erente entre les mesures effectu´ees dans SHREK et dans celles de l’exp´erience de Saclay. Sur le graphique, les valeurs de ∆Kp,0 `a proximit´e des seuils d’apparition et l’abscisse de celui-ci d´ependent fortement de la convention que nous avons prise (de prolonger ou non en θ = 0 les branches qui s’´etendent `a θ = 1 et θ =−1) pour calculer ∆Kp,0 au chapitre5. Dans tous les cas, nous pouvons constater que la hausse du ∆Kp est tr`es importante pr`es du seuil, `

a la limite de la discontinuit´e. Pour le cas o`u nous avons prolong´e les branches en θ = 0, une loi d’´echelle semble d’ailleurs se d´egager pr`es du seuil Re0 ≈ 2900 :

∆Kp,0 = A0 1 ln Re− 1 ln Re0 1/3 , (7.21)

avec une constante A0´egale `a 0.72. Cet ajustement est montr´e `a titre indicatif sur la figure7.11, en tiret´e. La valeur de ∆Kp,0 semble ensuite passer par un maximum aux alentours de Re≈ 2· 104 avant de diminuer pour les Re plus ´elev´es. La hauteur du cycle d’hyst´er´esis semble ensuite remonter `a la transition vers le superfluide.

Il semble plus avantageux de tracer l’´evolution de ∆γ, qui est la hauteur du cycle d’hys-t´er´esis cette fois-ci dans l’espace (γ, θ). Dans un tel cas, les deux s´eries de points peuvent s’ajuster selon une mˆeme loi de puissance (`a une constante additive et multiplicative pr`es), visible au centre de la figure7.11 :

∆γ = A1− A2 1 ln Re− 1 ln Re0 1/6 , (7.22)

Cet ajustement s’effectue avec des constantes A1 = 0.76 et A2 = 1, toujours pour Re0 = 2900. Contrairement `a ∆Kp,0, ∆γ effectue un saut assez net avant de d´ecroˆıtre de mani`ere monotone avec Re. Ce comportement plus coh´erent sugg`ere que γ est un meilleur indicateur de l’´evolution du cycle en fonction du nombre de Reynolds.

7.3. Analyse des couples et de la dissipation 179 L’´evolution de la largeur du cycle ∆θr, enfin, semble assez claire : les valeurs de ∆θr obte-nues pour SHREK et von K´arm´an 2 sont en effet toujours compatibles, notamment dans les exp´eriences effectu´ees dans l’azote. Les mesures dans l’h´elium liquide, malgr´e leur assez grande impr´ecision (de l’ordre de δθ = 0.05, la diff´erence minimale entre les valeurs de θ dans le cycle ∆Kp(θ)) confirment une tendance `a l’augmentation de ∆θr lorsque le nombre de Reynolds augmente. Il est possible de grossi`erement mod´eliser une telle croissance comme une loi de puissance par rapport au seuil, toujours en suivant l’hypoth`ese ´emise par B. Castaing [141] concernant l’analogie entre temp´erature et nombre de Reynolds :

∆θr = A3 1 ln Re− ln Re1 1 2/3 (7.23) Cet ajustement, pour Re1= 8.9·103 et A3 = 3.5, est montr´e `a titre indicatif sur la figure7.11. L’hyst´er´esis apparaˆıt bien pour les hauts nombres de Reynolds, soit, pour les faibles temp´e-ratures de notre analogie.

Si nous tentons de poursuivre l’analogie entre l’exp´erience de von K´arm´an et les syst`emes magn´etiques, nous constatons que les grandeurs ∆θr et ∆Kp,0 se comportent de mani`ere surprenante. Le mod`ele d’Ising en champ moyen (que nous avons d´ecrit dans le chapitre 3) permet, en effet, de d´eterminer le comportement de l’aimantation spontan´ee m+(l’´equivalent de notre ∆Kp,0) `a proximit´e de la temp´erature critique :

m+(T ≤ Tc)∝ |T − Tc|1/2 (7.24) Les calculs en th´eorie de Landau, ainsi que des consid´erations effectu´ees `a partir du mod`ele d’Ising en champ moyen (voir annexeC) nous fournissent une d´ependance du champ coercitif en fonction de la temp´erature :

hc∝ |T − Tc|3/2 (7.25)

Cette exposant 3/2, bien que calcul´e en champ moyen, traduit une acc´el´eration de l’augmenta-tion du champ cœrcitif lorsque la temp´erature diminue, et trouve une certaine validal’augmenta-tion dans des r´esultats exp´erimentaux r´ecents [139,140], qui montrent des d´ependances en 1−(T/Tc)1/2 et 1− (T/Tc)3/4 o`u la mˆeme acc´el´eration de l’augmentation du champ coercitif est observ´ee pour les faibles temp´eratures. Toutefois, pour ces mod`eles, ce champ tend vers z´ero `a proximit´e du seuil T0 avec une pente finie. Notre champ coercitif ∆θ semble montrer une relativement bonne tendance en loi de puissance 1/2, et pr´esente donc une pente infinie aux alentours du seuil en nombre de Reynolds de l’apparition du champ coercitif, qui n’est pas vraiment com-patible avec les donn´ees exp´erimentales obtenues sur les mat´eriaux magn´etiques [139] ni avec les calculs que nous avons men´es dans le cadre du champ moyen (ou de la th´eorie de Landau). La th´eorie du champ moyen indique qu’il existe un facteur 3 entre l’exposant de la magn´e-tisation spontan´ee et celui du champ coercitif. Il est possible, une fois de plus, de tester cette propri´et´e sur notre courbe de ∆Kp,0, en essayant de l’ajuster avec une loi en puissance 2/9 :

∆Kp,0= A4 1 ln Re−ln Re1 2 2/9 , (7.26)

Un tel ajustement n’est pas vraiment compatible avec nos donn´ees si nous ne prolongeons pas les branches « ext´erieures » du cycle d’hyst´er´esis en θ = 0. L’ajustement dans un tel cas s’effectue plutˆot avec un exposant 1/6 (visible sur la figure7.11), l´eg`erement inf´erieur `a 2/9, et pour lequel le nombre de Reynolds seuil vaut Re2 = 5000. Cette propri´et´e du mod`ele d’Ising en champ moyen n’est donc pas respect´ee par notre ´ecoulement. Il est d’ailleurs possible de douter du bien-fond´e de ce r´esultat : nous disposons de peu de mesures, et les nombres de Reynolds correspondant aux seuils en ∆θ et en ∆Kp,0 sont distincts, mais il faut rappeler une fois de plus que ces r´esultats sont pr´eliminaires et contiennent malgr´e tout une quantit´e d’informations significative.

180 7. L’exp´erience SHREK

0

0.2

0.4

γ

0

0.1

0.2

0.3

K

p ,0

10

3

10

4

10

5

10

6

10

7

10

8

0

0.2

0.4

θ

Re

Figure 7.11 – En haut : mesure de la diff´erence normalis´ee de couple ∆Kp,0 `a θ = 0 dans le cycle d’hyst´er´esis, aussi appel´ee hauteur du cycle, en fonction du nombre de Reynolds. Au centre : diff´erence de couple r´eduite ∆γ, une autre d´efinition de la hauteur du cycle. En bas : mesure de l’extension ∆θr des branches antinaturelles du cycle d’hyst´er´esis, ´egalement appel´ee largeur du cycle d’hyst´er´esis. (), (•), et (◮) repr´esentent comme pour la figure