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Chapitre I : Etat de l’art de la dosimétrie et de la planification de traitement en Radiothérapie Interne

3. Etat de l’art de la dosimétrie interne en médecine nucléaire

3.5. Calcul des dépôts d’énergie

Une fois définies la géométrie (i.e. l’anatomie) et la distribution spatiale de l’activité cumulée dans cette géométrie, la dernière étape nécessaire à l’obtention d’une estimation des doses absorbées délivrées dans la géométrie par cette distribution d’activité est l’estimation des dépôts d’énergie. Cette estimation peut être réalisée en calculant directement l’énergie déposée en chaque point de la géométrie par la

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30 simulation du transport des particules dans la géométrie pour la distribution d’activité donnée (§ 3.5.1) ou en utilisant des facteurs S (cf. § 3.1.4), calculés au préalable pour la géométrie et le radionucléide considérés (§ 3.5.2). Selon la complexité du problème en termes de géométrie et de transport des particules, plusieurs méthodes existent pour simuler le transport des particules dans la géométrie. Dans certains cas simples, comme par exemple dans le cas d’une géométrie de densité homogène et quand la fonction de transfert de l’énergie est connue, des méthodes analytiques peuvent être utilisées. Pour les cas plus complexes, les deux méthodes les plus courantes sont les simulations Monte Carlo et l’utilisation de dose-point kernels (DPK) [45-47]. Ce paragraphe a donc pour objectif de présenter le principe général de ces deux méthodes et de leur utilisation pour les calculs de facteurs S à l’échelle tissulaire ou à l’échelle des voxels. Enfin, les différents logiciels actuellement disponibles seront présentés brièvement.

3.5.1. Simulation du transport des particules

3.5.1.1. Méthodes Monte Carlo directes

Les méthodes Monte Carlo sont utilisées pour résoudre des problèmes complexes reposant sur des phénomènes régis par des lois statistiques et pour lesquels les solutions analytiques ou numériques s’avèrent insuffisantes. Par l’intermédiaire d’une méthode statistique, elles permettent de simuler les processus stochastiques en les décrivant par des lois de probabilité échantillonnées à partir de nombres aléatoires équidistribués ; l’incertitude du calcul est alors liée au nombre de tirages de nombres aléatoires effectués et aux modèles physiques utilisés.

La nature stochastique des processus d’émission et de transport des particules dans la matière rend les méthodes Monte Carlo parfaitement adaptées pour l’estimation des dépôts d’énergie dans une géométrie. Chaque particule émise, ainsi que les autres particules qu’elle engendre, sont suivies depuis leur création jusqu’à leur disparition. Une « histoire » correspond alors à la simulation du transport d’une particule et de celles qu’elle engendre avant sa disparition. Les méthodes Monte Carlo reposent donc sur une modélisation explicite de l’émission de particules, du transport des particules et de la comptabilité des dépôts d’énergie et ce, quelle que soit la géométrie ; cette dernière peut être simple ou complexe, de milieu homogène ou hétérogène. L’échantillonnage aléatoire se fait alors sur les paramètres d’interaction (par exemple, la nature de l’interaction, le type de particule créée et son énergie ou encore le transfert d’énergie) et les distributions de probabilité sont définies par les sections efficaces d’interaction des particules avec les matériaux constituant la géométrie.

Les principes de la méthode Monte Carlo et les premières applications en physique médicale datent du début des années 1960 [48]. Son utilisation dans le domaine de la physique médicale s’est depuis généralisée [47,49-51], du fait notamment de l’accroissement des performances des ordinateurs. Différents codes de calcul sont disponibles pour les simulations Monte Carlo du transport des particules. On peut notamment citer les codes MCNP(X) (Monte Carlo N-Particle (eXtended)) [52], EGS (Electron-Gamma Shower) [53], GEANT (GEometry And Tracking) [54], TRIPOLI [55] ou PENELOPE (PENetration and Energy Loss of Positrons and Electrons) [56]. Le code de calcul MCNP(X) est développé et maintenu par le LANL (Los Alamos National Laboratory, Etats-Unis) depuis 1977. Son utilisation pour les applications de physique médicale est établie depuis de nombreuses années et il est utilisé pour de nombreux travaux effectués au Laboratoire d’Evaluation de la Dose Interne (IRSN). De plus, MCNPX est utilisé régulièrement en association avec le logiciel de dosimétrie interne personnalisée (OEDIPE) développé au laboratoire (cf. chapitre II). Jusqu’à récemment, la principale limitation des calculs Monte Carlo pour l’estimation des doses absorbées était liée au temps de calcul nécessaire pour les simulations. Les progrès techniques de

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31 ces dernières années ont cependant permis de réduire considérablement les temps de calcul, ce qui rend dorénavant envisageable l’implémentation des codes Monte Carlo en routine clinique. Du fait des temps de calcul prohibitifs nécessités jusqu’à récemment pour les simulations Monte Carlo, d’autres méthodes ont été mises au point pour estimer les dépôts d’énergie dans la matière. Le paragraphe 3.5.1.2 présente la méthode la plus utilisée en clinique pour la dosimétrie interne, à savoir la méthode des dose-point kernels.

3.5.1.2. Dose-Point Kernel (DPK)

Un dose-point kernel (DPK) représente la fonction de transfert de l’énergie pour un point source isotrope situé dans un milieu homogène infini. Il définit ainsi la dose absorbée moyenne délivrée à une distance radiale donnée par transition nucléaire issue de la source ponctuelle isotrope [46]. Les DPK sont définis pour des électrons, des photons, des sources monoénergétiques ou des radionucléides à partir de mesures expérimentales ou de calculs (analytiques ou Monte Carlo). Pour une distribution hétérogène de l’activité, le calcul de la distribution de la dose absorbée dans le milieu repose alors sur le principe de superposition [57], c’est-à-dire si la fonction de transfert de l’énergie est connue d’un point à un autre, n’importe quel volume source peut être considéré comme une juxtaposition de sources ponctuelles ; l’énergie absorbée dans un volume est alors la somme des énergies déposées pour chacune des sources ponctuelles. La distribution de la dose absorbée est donc obtenue par convolution de la distribution tridimensionnelle d’activité par le DPK. Cette convolution étant extrêmement chronophage, des méthodes par transformations de Fourier (FFT – Fast Fourier Transforms) ou de Hartley (FHT – Fast Hartley Transforms) sont souvent utilisées [57-60]. Pour la dosimétrie interne en médecine nucléaire, le principal avantage de cette méthode est sa rapidité. Cependant, le corps humain étant une géométrie complexe constituée de différentes densités, l’hypothèse d’un milieu de composition homogène sur laquelle elle repose est une limitation importante. L’utilisation des DPK pour l’estimation des doses absorbées ne permet donc pas de prendre en compte les interfaces entre milieux de densités différentes, comme par exemple les interfaces avec les poumons ou les os. Certaines études ont ainsi montré que l’utilisation de DPK définis pour des milieux homogènes peut introduire des erreurs significatives sur l’estimation des distributions de doses absorbées dans les milieux hétérogènes [61].

3.5.2. Calculs des facteurs S

Les méthodes Monte Carlo et par dose-point kernel présentées au paragraphe 3.5.1 peuvent être utilisées pour calculer directement la distribution des doses absorbées pour une géométrie et une distribution d’activité cumulée données. En outre, elles peuvent être utilisées pour calculer les facteurs S nécessaires à l’application de l’équation simplifiée du formalisme du MIRD (cf. § 3.1.4) ; ceux-ci définissent la dose absorbée déposée dans une région cible en provenance d’une région source par unité d’activité cumulée pour une géométrie et un type d’émission donnés. Les facteurs S sont généralement calculés à une échelle macroscopique (organe ou sous-compartiment d’un organe) ou à l’échelle des voxels ; ces deux approches sont donc présentées dans ce paragraphe.

3.5.2.1. A l’échelle macroscopique

A la fin des années 1970, l’activité cumulée étant principalement définie à partir de données planaires, les estimations des doses absorbées étaient principalement effectuées à l’échelle des organes en considérant des distributions d’activité intra-organe homogènes. Le formalisme du MIRD (cf. § 3.1.4) était donc appliqué à l’échelle des organes et les facteurs S étaient calculés pour des géométries standards (cf. § 3.2) [25,61]. Cette méthode est toujours utilisée à l’heure actuelle pour les applications diagnostiques ; une

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32 correction des doses absorbées est éventuellement apportée en fonction des caractéristiques physiques du patient (poids, taille, …). L’introduction des TEP et TEMP à la fin des années 1970 a ensuite permis de caractériser la distribution de l’activité à l’échelle de sous-compartiments de certains organes comme, par exemple, le cerveau [63], le cœur [64-65] ou les reins [66-68]. Le formalisme du MIRD est alors appliqué en considérant des distributions d’activité et des densités homogènes dans ces sous-compartiments.

3.5.2.2. A l’échelle du voxel

La description de la distribution d’activité in vivo à l’aide d’imageries TEP et TEMP étant par nature définie à l’échelle du voxel, la notion de facteurs S à l’échelle du voxel a été développée à la fin des années 1990. En outre, la distribution spatiale de l’activité dans les tissus étant hétérogène, cette approche est particulièrement intéressante pour la dosimétrie des RIV [46].

La méthode des voxel-dose kernels (VDK) est une variante de la méthode des dose-point kernels [46]. Un VDK représente la fonction de transfert de l’énergie pour un voxel source isotrope situé dans un milieu homogène infini et est défini pour un certain nombre de voxels cibles localisés autour du voxel source. Un VDK peut donc être vu comme un DPK échantillonné. A condition que le VDK soit défini à la même échelle que la distribution tridimensionnelle d’activité cumulée, la distribution des doses absorbées à l’échelle des voxels est obtenue par convolution de la distribution d’activité cumulée par le VDK. De plus, comme pour les DPK, les VDK peuvent être définis à partir de mesures expérimentales ou de calculs Monte Carlo. Des VDK ont notamment été calculés avec le code Monte Carlo EGS pour plusieurs radionucléides (32P, 99mTc,

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Sr, 90Y, 131I), et pour des voxels cubiques de 3 ou 6 mm de côté [46]. Les VDK devant être définis pour une taille de voxels identique à ceux définissant la distribution d’activité, une nouvelle méthodologie a été proposée par Dieudonné et al. [69-70] afin de calculer des VDK pour n’importe quelle taille et forme de voxels. Cette méthodologie consiste à calculer les VDK pour des voxels aux bonnes dimensions à partir de valeurs calculées pour un échantillonnage plus fin. Enfin, de même que pour les DPK, la principale limitation de cette approche est liée à l’hypothèse d’un milieu de composition homogène.

3.5.3. Logiciels dédiés au calcul de la dose absorbée en médecine nucléaire

Afin de faciliter le calcul des doses absorbées, plusieurs logiciels ont été développés. Ces logiciels permettent d’associer des géométries mathématiques ou voxelisés, standards ou personnalisées à des estimations des dépôts d’énergie basés sur des méthodes analytiques, des voxel-dose kernels ou des calculs Monte Carlo. Pour les approches standards, c’est-à-dire qui utilisent des géométries standards et des facteurs S définis à l’échelle des organes ou sous-compartiments, on peut citer par exemple les logiciels MIRDOSE [71], MABDOSE [72-73], OLINDA [74] et DOSE3D [75-77]. De même, plusieurs logiciels ont été développés pour permettre de réaliser des calculs dosimétriques à partir d’une géométrie personnalisée. Parmi les logiciels utilisant une approche par voxel-dose kernels, on peut notamment citer le logiciel VoxelDose [78]. De plus, parmi les locigiels utilisant une approche par calculs Monte Carlo, on peut citer le logiciel SIMDOSE [79] et le logiciel 3D-ID [51]. Enfin, le logiciel OEDIPE [80-81] développé au Laboratoire d’Evaluation de la Dose Interne de l’IRSN depuis le début des années 2000 permet de réaliser des calculs Monte Carlo avec le code de calcul MCNPX à partir de fantômes voxelisés et de distributions d’activité définies sous forme de sources homogènes ou hétérogènes. La description du logiciel OEDIPE et des récents développements apportés fera l’objet du chapitre II.

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