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Notre recherche s’inscrit dans une démarche de théologie pratique. Selon Poling et Miller, la théologie pratique est une réflexion qui se veut constructive sur les expériences et les interactions d’une communauté de personnes, incluant une corrélation entre l’histoire chrétienne et les autres perspectives menant à une interprétation de sens et de valeur et résultant en des directives quotidiennes et des habiletés pour la formation de gens et de communautés1. Selon la terminologie de Gauthier et Bourgeois2, nous inscrivons ce travail

dans une démarche de recherche appliquée, qui a pour objectif une meilleure compréhension d’un processus en « ayant en tête une application de ces nouvelles connaissances3 ».

Nous privilégions pour notre réflexion théologique la contextualisation. Nous avons identifié un contexte particulier au sein de l’Église la Chapelle à Montréal. Pour cette recherche, nous avons choisi le cadre théorique de l’auteur Glenn Smith4, le schéma qui apparait ci-dessous.

Ce schéma comprend deux démarches et il commence par une réflexion impliquant deux sources : « Il y a deux sources d’information pour “ informer ” cette contextualisation. Premièrement, il s’agit de la tradition chrétienne (Bible, l’histoire et notre théologie). Deuxièmement, il faut écouter et apprendre du contexte5 ». D’une part, le cadre théorique

nous invite à porter une attention spéciale sur ce qu’il y a comme écrits de la tradition chrétienne, catholique, protestante qu’orthodoxe concernant notre sujet de recherche. D’autre part, l’écoute et la réflexion de notre contexte nous permettent d’identifier les différents enjeux.

1 Il s’agit d’une traduction suggérée par Glenn Smith, de James N. Poling et Donald E. Miller, Foundations for a Practical Theology of Ministry, Nashville, Tenn., Abingdon Press, 1985, p. 62.

2 Benoît Gauthier et Isabelle Bourgeois (dir.), Recherche sociale : De la problématique à la collecte des données, Québec, Presses de l'Université du Québec, 2016, p. 8-9.

3 Ibid., p. 8.

4 Glenn Smith est docteur en théologie urbaine et il a été le directeur général de Direction Chrétienne à Montréal. Il a écrit différents ouvrages sur la missiologie urbaine et la contextualisation. Il est également professeur à Montréal et à l’Institut de théologie pour la francophonie à Longueuil, deux universités protestantes. Il est codirecteur de ce projet de recherche.

5 Glenn Smith, « La mission de Dieu dans le monde urbain du XXIe siècle », dans Glenn Smith (dir.), L'évangile et le monde urbanisé, Montréal, Direction chrétienne, 2009, p. 4-5.

La deuxième démarche est la mise en action en contexte qui découle de la réflexion et de l’écoute. Les deux démarches ne se font pas nécessairement l’une après l’autre isolément, il peut y avoir un aller et retour, une interaction entre elles. Par cette dernière démarche, nous cherchons à renouveler et à transformer nos praxis afin de mieux répondre aux enjeux identifiés. Pour les besoins de notre recherche, nous avons utilisé certains éléments du cadre théorique. L’analyse du contexte et ses caractéristiques, l’écoute des nouveaux arrivants francophones, une exégèse d’un texte de la Bible, spécialement l’Épître aux Romains, les échanges avec les responsables de l’Église et l’aspect de la transformation du contexte sont les éléments qui sont choisis pour notre recherche.

Figure 3: Cadre théorique

Source : Glenn Smith, L'air de la ville incite au changement, Montréal, Direction Chrétienne, 2018, p. 11.

Benoit Gauthier, Simon N. Roy mentionne que : « Les meilleures équipes de recherche feront plutôt des allers-retours entre le processus de sélection du cas et la construction du cadre

théorique. Il y a donc un processus itératif, du moins au début, qui mènera à la construction d’un cadre théorique solide6 ».

Nous résumons notre cadre théorique de la façon suivante : nous avons un contexte, qui est notre milieu de vie sur lequel et dans lequel nous réfléchissons. La tradition de l’Église oriente notre réflexion et nous aide à répondre aux enjeux identifiés. Toute cette démarche et cette réflexion nous amènent à une praxis transformée et contextualisée.

Méthodologie

Étude de cas

Notre méthode de recherche privilégiée est l’étude de cas, définie comme : « une approche méthodologique qui consiste à observer une personne, une communauté, une organisation ou une société individuelle pour en tirer un enseignement quelconque7 », ou : « une approche de

recherche qui consiste à enquêter sur un phénomène, un événement, une organisation ou un groupe d’individus bien délimité, afin de tirer une description précise et une interprétation qui dépasse ses bornes8 ». Cette méthode permet de décrire en profondeur les facteurs

explicatifs qui conduisent les chercheurs à répondre à la question de recherche. Étant donné la diversité des organisations ecclésiales et les parcours migratoires différents des nouveaux arrivants, cette stratégie permet de saisir les réalités complexes et les particularités de ceux- ci. Nous avons privilégié trois outils pour recueillir les informations nécessaires pour notre recherche : l’entretien, l’entrevue semi-dirigée et le groupe de discussion.

Nos deux groupes de participants

 Les pasteurs et les responsables de l’Église

Ce premier groupe de personnes a été choisi afin d’établir, de la part des responsables de l’Église la Chapelle, leur point de vue au sujet de l’intégration des nouveaux

6 Simon N. Roy, « L'étude de cas », dans Benoît Gauthier et Isabelle Bourgeois (dir.), Recherche sociale : De la problématique à la collectes de données, Québec, Presses de l'Université du Québec, 2016, p. 208. 7 Ibid., p. 196.

arrivants, de l’espace participatif pour les nouveaux arrivants francophones et de les entendre sur des suggestions possibles pour favoriser l’intégration des nouveaux arrivants. Le nombre de pasteurs et responsables de l’Église est grand, car il y a plusieurs campus et plusieurs départements de service. L’objectif de la démarche a été d’atteindre une unité de sens, pour finalement constituer un discours commun, cohérent et unique9.

 Les nouveaux arrivants francophones

Les participants aux groupes de discussion sont des résidents au Canada depuis le mois d’avril 2013 ou après, qui ont assisté et participé régulièrement à l’Église depuis au moins une année. Nous avons utilisé les moyens de communication de l’Église afin de joindre ces personnes. Nous avons publié une première annonce sur la page Facebook de l’Église informant l’ensemble de participants de l’Église. Certains ont répondu à la suite de cette annonce et nous ont suggéré des noms potentiels. Nous avons aussi demandé à certains pasteurs et responsables les noms de futurs participants potentiels ainsi que leur courriel, car nous ne pouvions pas les approcher directement. Nous avons réussi à avoir 26 nouveaux arrivants francophones qui nous ont répondu par courriel.

Guide d’entretien pour définir le portrait de l’Église

Notre premier outil a été choisi afin de comprendre et de définir le portrait de l’Église. Le chercheur a rencontré individuellement David Pothier et David Mirck, tous deux étaient présents dès le début du projet d’une nouvelle Église. Nous leur avons demandé de répondre aux différentes questions de l’Annexe A. Nous avons aussi demandé à David Pothier de répondre aux questions de la recherche de l’Annexe B. Les deux pasteurs principaux ont défini le portrait général de l’Église la Chapelle.

9 Lorraine Savoie-Zajc, « L'entrevue semi-dirigée », dans Benoît Gauthier et Isabelle Bourgeois (dir.), Recherche sociale : De la problématique à la collectes de données, Québec, Presses de l'Université du Québec, 2016, p. 341.

Entrevues semi-dirigées avec les pasteurs et les responsables de l’Église

Nous avons choisi l’entrevue semi-dirigée comme méthode qualitative avec les pasteurs et les responsables de l’Église. Le chercheur les a rencontrés et a utilisé les questions présentées à l’annexe B. « D’abord, l’entrevue semi-dirigée permet de rendre explicite l’univers de l’autre10 ». Cela étant, elle « vise la compréhension du monde de l’autre11 ». Ensuite, les

entrevues permettront de mieux comprendre, de mieux apprendre, de mieux organiser et structurer la pensée de la recherche12. Pour enfin avoir une fonction émancipatrice concernant

les responsables de l’Église choisie, car « les questions abordées avec l’interviewé permettent d’approfondir certains thèmes. Elles enclenchent ainsi une réflexion et peuvent stimuler des prises de conscience et des transformations de la part des interlocuteurs en présence13 ».

L’approche inductive et interprétative est privilégiée dans notre démarche de recherche. Les entrevues semi-dirigées sont le modèle de consultation et celles-ci ont été réalisées avec les pasteurs principaux et quelques responsables de départements. Le chercheur a utilisé le même questionnaire pour chacune des entrevues. Pour répondre aux exigences de la représentativité et de la saturation de notre échantillonnage, nous avons rencontré 9 personnes afin d’obtenir ce seuil.

Groupes de discussion avec les nouveaux arrivants francophones

Pour la deuxième étape de notre recherche, nous avons opté pour les groupes de discussion qui sont « une technique d’entrevue qui réunit de six à douze participants et un animateur, dans le cadre d’une discussion structurée, sur un sujet particulier14 ». Nous considérons

plusieurs avantages avec cette technique :

10 Ibid., p. 343. 11 Ibid. 12 Ibid., p. 344. 13 Ibid.

14 Paul Geoffrion, « Le groupe de discussion », dans Benoît Gauthier et Isabelle Bourgeois (dir.), Recherche sociale : De la problématique à la collecte des données, Québec, Presses de l'Université du Québec, 2016, p. 401.

 l’entière liberté des participants dans leurs réponses, en raison de l’utilisation de questions ouvertes.

 une compréhension commune des questions sachant que le rôle de l’animateur est justement de vérifier et préciser le sens de celles-ci;

 une compréhension approfondie des réponses fournies; l’animateur peut demander aux participants d’expliquer les motifs et le pourquoi de leurs réponses;

 « une interaction contrôlée entre les participants, le groupe de discussion recrée un milieu social, c’est-à-dire un milieu où des individus interagissent. Ce contexte crée une dynamique de groupe où les énoncés formulés par un individu peuvent engendrer des réactions et entraîner dans la discussion d’autres participants15 »;

 une flexibilité, une souplesse pour l’animateur dans le déroulement.

Pour la planification de la structure des groupes de discussion, trois groupes ont été établis et nous avons eu entre 7 et 12 participants par groupe, nous avions ciblé moins d’une trentaine de participants et nous avons atteint notre cible avec 26 participants. Nous avons enregistré les trois groupes de discussion afin de faciliter la mise par écrit et l’analyse des échanges. Les informations concernant le guide de discussion et les questions sont présentées dans l’Annexe C.

Pour le lieu physique de nos rencontres, nous avons choisi le local de l’Église autour d’une table de conférence, ce lieu est un lieu neutre et représentatif. Le chercheur s’est placé sur un côté de l’animateur afin d’attirer le moins l’attention des participants. L’animateur de nos groupes de discussion est Glenn Smith, codirecteur de la recherche et membre de cette Église. Son expertise comme animateur est reconnue et il connait très bien le but de la recherche. Le style d’animation privilégié est non directif, il est plus approprié pour le but de notre recherche afin de découvrir de nouvelles réponses à des problématiques différentes.

Des chercheurs débattent sur la validité des résultats dans les recherches qualitatives lorsque les entretiens sont utilisés comme méthode pour recueillir des informations. Nous

mentionnons premièrement Patton16 comme chercheur et nous nommons Boutin pour

l’explication : « La question de la validité des résultats obtenus est très liée à celle du choix des sujets17 ». Deuxièmement, pour répondre à la suffisance de la représentativité, nous avons

ciblé un groupe de nouveaux arrivants francophones avec des caractéristiques précises déjà mentionnées. Pour la question de la saturation de l’information, il faut avoir suffisamment d’informations recueillies jusqu’à ce qu’elles soient redondantes18. Nous avons obtenu un

niveau de saturation des informations avec les pasteurs et responsables de l’Église assez rapidement. Après avoir rencontré 7 personnes, nous avions atteint une redondance dans les informations recueillies. Nos trois groupes de discussion nous ont permis aussi d’avoir un seuil de saturation des informations, ce qui nous semblait être plus difficile à atteindre avant la rencontre du troisième groupe de discussion.

Le but de cette technique d’entrevue nous permet d’aller dans les détails, d’approfondir les échanges et d’identifier les facteurs perçus par les nouveaux arrivants. Nous sommes précisément dans une recherche qualitative. Nous terminons avec l’article de Vatz Laaroussi sur ses conclusions sur la recherche qualitative interculturelle en trois temps :

Le premier temps repose sur le don de la parole. Faire de la recherche interculturelle qualitative, c’est non seulement augmenter les connaissances sur le social, mais c’est aussi donner un droit de parole et de visibilité à ceux qui souffrent de leur invisibilité et du manque de reconnaissance dont ils font l’objet. Le deuxième temps est celui des questions posées à la science. Il nous faut remplacer les concepts de « quantité, objectivité, neutralité, généralisation, représentativité et validité » par ceux de « qualité, pertinence, cohérence, argumentation, rigueur, appropriation, sens et sujet ». Plus encore pour que ces questions atteignent leur but, il faut sans doute reposer les finalités de la recherche et peut être alors ne doit on pas parler uniquement de participation à la science, mais aussi de changement social. C’est alors que se joue le troisième temps qui permet au chercheur de se placer dans un mouvement social d’émancipation dont nous pouvons rappeler les jalons. Donner la parole, le faire dans des équipes de proximité qui s’ouvrent à la différence, admettre et faire croître les savoirs de chacun, se placer dans une posture de solidarité, s’intéresser aux histoires pour mieux comprendre l’Histoire, croire aux compétences des acteurs pour choisir ceux qui les écoutent et ce qu’ils ont à dire, voilà les

16 Michael Quinn Patton, Qualitative Research & Evaluation Methods : Integrating Theory and Practice, Thousand Oaks, SAGE Publications, Inc., 2015.

17 Gérald Boutin, L'entretien de recherche qualitatif, Québec, Presses de l'Université du Québec, 2011, p. 107. 18 Ibid.

éléments clés d’une trajectoire de recherche qui favorisera le développement des « connais-SENS » et l’émancipation des acteurs19.

Nous avons cité Laaroussi, car nous pensons que notre recherche permet à de nouveaux arrivants de prendre la parole et de permettre, en autre, à l’Église la Chapelle de réfléchir à ses façons d’intégrer les nouveaux arrivants. Nous avons terminé notre cadre théorique et notre méthodologie. Nous abordons la tradition de l’Église dans notre prochain chapitre.

19 Michèle Vatz Laaroussi, « La recherche qualitative interculturelle : Une recherche engagée ? », Recherches qualitatives 4 (2007), p. 11.

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