Réunis à Paris, les 19 et 20 octobre 1972, les chefs d’États et de gouvernements de la Communauté européenne ont donné une nouvelle impulsion à la protection de l’environnement en déclarant notamment «qu’une attention particulière sera portée aux valeurs et aux biens non matériels et à la protection de l’environnement afin de mettre le progrès au service des hommes»149. À cet effet, ils ont invité les Institutions communautaires à établir un programme d’actions assorti d’un calendrier précis avant le 31 juillet 1973150. Ce calendrier a vu le jour le 22 novembre 1973 et conformément à ce qui a été arrêté lors de la conférence de Stockholm de 1972151, les grands principes du droit de l’environnement sont énoncés pour la première fois au niveau européen. Cinq autres programmes ont fait suite à celui-‐ci. Les questions relatives à l’eau ont été abordées dans chacun de ces programmes, qui se traduiront par la mise en œuvre de directives européennes en matière de protection des ressources en eau. Les premiers de ces textes ont vu le jour au milieu des années soixante-‐dix et la dernière directive date de 2006. À ce jour, sont comptabilisées plus d’une trentaine de directives liées directement ou indirectement à la protection et à la préservation des ressources hydriques.
Par conséquent, en droit européen de l’environnement, la directive constitue l’instrument préféré des États. Est-‐elle pour autant la norme la plus efficace ? Il semblerait, de prime abord, qu’elle soit la plus appropriée. En effet, par définition, la
149 Article 3 de la déclaration du sommet européen de Paris, bulletin des Communautés européennes,
octobre 1972, n°10, Office des publications officielles des Communautés européennes,
http://www.cvce.eu/content/publication/1999/1/1/b1dd3d57-5f31-4796-85c3-cfd2210d6901/publishable_fr.pdf.
150 Le premier programme européen de l’environnement est adopté le 22 novembre 1973 «Programme
d’action des communautés européennes en matière d’environnement» (période 1973/1976), J.O.C.E. n°C112 du
20 décembre 1973, l’eau constitue l’une des préoccupations majeures du programme.
151 Tenue en juin 1972, la conférence des Nations unies sur l’environnement a été l’événement qui a fait de
l’environnement une question majeure au niveau international. Seuls les pays développés et en développement étaient présents alors que l’Union soviétique et la plupart de ses stellites n’y ont pas participé. La conférence de Stockholm a produit une déclaration de 26 principes et un plan d’action de 10 recommandations. C’est également à l’occasion de cette conférence qu’a vu le jour le Programme des nations Unies pour
l’environnement (P.N.U.E.).
Enfin, il est utile de prendre conscience que les principales étapes de l’écologie découlent directement de cette conférence notamment en ayant proclamé, par exemple, le droit « à un environnement de qualité permettant de vivre dans la dignité et le bien être », elle a inspiré bon nombre de dispositions constitutionnelles.
directive impose un résultat tout en laissant une certaine liberté aux États souverains
quant à la mise en œuvre des normes internes152, tout en permettant au juge de
contrôler les normes de transposition. Ceci paraît particulièrement adapté aux politiques environnementales du fait que les acteurs et les causes des pollutions sont très différents d’un pays à l’autre, voire d’une région à l’autre. De ce point de vue, la directive permet de s’adapter aux particularités locales tout en garantissant aux États la maîtrise de leurs actions normatives en limitant l’atteinte à leur souveraineté, ce qui pourrait constituer un frein à l’acceptation d’une telle politique de la part d’États.
Néanmoins, cette particularité qui d’apparence paraît être un réel atout constitue très certainement l’une des causes de l’inefficacité des dispositifs environnementaux de lutte contre la pollution diffuse d’origine agricole à l’échelle de l’Union153. Effectivement l’échec de la politique de lutte contre les pollutions de l’eau dans le cadre d’une activité agricole tient en partie à l’incapacité de certains États à traiter le problème sur un espace territorial relativement large qui dépasse les limites de leur propre espace national. Cette dimension transfrontière paraît indispensable et s’explique notamment par le caractère diffus de ce type de pollution. De plus, la souplesse accordée par l’article 249 du T.U.E.154 semble être inappropriée pour imposer aux États membres une politique d’ensemble suffisamment contraignante pour lutter contre ce type de pollution et il serait légitime de s’interroger sur l’éventuel recours au règlement dont les contraintes pourraient être plus adaptées à la situation155.
La fiscalité environnementale constitue un instrument économique particulièrement efficace en matière de protection des ressources hydriques, à travers les différentes formes qu’elle peut revêtir : il peut s’agir d’impositions de « toute nature »156, de redevances157 et de taxes parafiscales158. L’atout majeur de la fiscalité réside dans le fait qu’elle peut être utilisée soit comme un instrument incitatif, à vocation économique, en récompensant les comportements respectueux de l’environnement, soit comme un élément dissuasif en pénalisant les pratiques des consommateurs ou des producteurs dont l’attitude est préjudiciable à l’environnement. Or, comme cela l’a été démontré plus haut à travers l’étude de la Politique agricole commune, les agriculteurs sont extrêmement sensibles aux normes ayant une incidence directe sur leurs finances. Par ailleurs, la fiscalité joue également un rôle budgétaire en collectant des fonds utiles à toute action publique, ce qui présente un aspect tout aussi séduisant pour les États membres, particulièrement dans la conjoncture actuelle où les dépenses doivent être réduites.
La fiscalité est au centre de nombreuses politiques publiques pour lesquelles elle constitue un moyen d’action bien connu ; il n’est donc pas étonnant que la France se soit « engagée dans une politique fiscale pour atteindre ses objectifs environnementaux »159 . De même, l’importance de la fiscalité environnementale ne cesse de croître. Ainsi, le ministre d’État, ministre de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer en charge des Technologies vertes et des Négociations sur le climat, Jean-‐Louis BORLOO, a pu considérer que « l’année 2010 marque l’acte 2 du verdissement de la fiscalité française, engagé dans le cadre du Grenelle Environnement. Cette fiscalité environnementale permet d’adresser un signal/prix suffisamment clair aux acteurs, pour les inciter à modifier leur comportement en profondeur, et contribue à renforcer la « croissance verte » et donc les emplois de demain ».
Il est d’autre part intéressant et utile d’évoquer les fondements d’une telle fiscalité pour apprécier la portée réelle de cette notion. À cette occasion il est opportun de rappeler les principes constitutionnels auxquels le législateur doit se conformer dans une telle tâche. En effet, il convient de préciser que la fiscalité « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leur faculté »160 et que « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-‐mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée »161 ; qu’enfin, c’est à la loi qu’il revient de fixer « les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature »162. Ces principes sont directement imposés par la loi organique relative aux lois de finances de 2001163 qui remplace et abroge l’ordonnance du 2 janvier 1959164.
Il faut souligner, tout de même, que le caractère diffus de la pollution de l’eau dans le cadre de l’activité agricole semble être un élément qui complique grandement l’élaboration d’une stratégie fiscale en la matière.
Les normes par lesquelles le législateur participe à la protection de l’environnement, notamment face à l’activité agricole, s’expriment à travers une législation spécifique qui utilise la directive comme instrument de lutte contre la pollution de l’eau (Chapitre I), cette législation étant complétée par une fiscalité propre
Chapitre I : La portée limitée des directives communautaires en matière de lutte