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Le cadre de modélisation de René Thomas avec multiplexes

Le cadre de modélisation discret de René Thomas déni en 1973 permet de représenter de manière qualitative la dynamique des entités d'un système biologique [124, 125]. Les modèles se basent sur des graphes d'inuence où les entités sont des n÷uds (l'ensemble des entités est noté V ) et les inuences sont représentées par des arcs orientés étiquetés, voir gure 3.1 page suivante. L'étiquette de l'arc représente le niveau d'expression que l'entité doit atteindre pour que l'arc soit actif, et son signe décrit le type d'activité : + pour une activation et − pour une inhibition.

Section 3.2, Le cadre de modélisation de René Thomas avec multiplexes v1 v2 −1 +1 v1 v2 0 1 0 1

Figure 3.1  Graphe d'inuence représentant une boucle de rétroaction négative simple et son graphe d'états. Lorsque l'entité v2 est active (niveau 1), elle active l'entité v1 et la fait passer du niveau 0 au niveau 1. Une fois que v1 a atteint le niveau 1, v1 inhibe v2 et la rend inactive. Tout l'intérêt de l'approche discrète de René Thomas réside dans la représentation des dyna-miques qui doivent être associées à ces graphes d'inuence statiques. La méthode utilisée consiste à abstraire les concentrations quantitatives des entités biologiques par des niveaux qualitatifs. L'abstraction des concentrations est une simplication acceptable puisque les concentrations réelles ne sont pas précisément mesurables in vivo.

Cette abstraction repose sur l'hypothèse suivante : pour chaque inuence v1 → v2, le taux de

v1 v2 +1 +1 −2 Concentration de v1 Syn thèse de v2 0 1 Syn thèse de v2 Concentration de v2 Syn thèse de v1 0 1 2

Figure 3.2  Discrétisation des concentrations en niveaux qualitatifs d'expression. L'entité v1

présente deux niveaux (0 inactif et 1 actif). L'entité v2 présente 3 niveaux : v2 peut ne réguler aucune de ses cibles (niveau 0), elle peut agir sur v1 uniquement (niveau 1) ou sur v1 et elle-même (niveau 2).

production de v2 après inuence dépend de la concentration de v1, et la courbe que représente le taux de production de v2 après inuence en fonction de la concentration de v1 est une sigmoïde

Chapitre 3 : Dénition du cadre de modélisation utilisé

plus ou moins raide. L'ensemble des concentrations de v1 peut donc être découpé en 2 intervalles de concentrations, appelésniveaux qualitatifscorrespondant à des espaces de concentrations homogènes où l'activité des entités ne changent pas, voir gure 3.2 page précédente. Le niveau qualitatif 0 d'une entité représente l'intervalle de concentration où l'entité est inactive tandis qu'un niveau qualitatif 1 représente l'intervalle où l'entité est active. De plus, lorsqu'une entité régule plusieurs cibles, il n'y a pas de raison pour que le seuil des sigmoïdes de ces diérentes régulations soient les mêmes. Dans de tels cas, il existe plusieurs niveaux qualitatifs pour repré-senter l'eet de l'entité sur ses cibles. Ces entités sont dites multivaluées. Le niveau maximal d'une entité v est noté bv.

Enn, un état qualitatif ou état discret nommé η est la donnée d'un niveau qualitatif pour chaque entité. L'ensemble des états qualitatifs dénit alors l'univers du modèle et la dynamique est représentée par un graphe d'états, voir gure 3.1 page précédente. Dans l'exemple de ce graphe d'inuence, il existe 4 états qualitatifs (ηv1, ηv2)représentés par des carrés : (0, 0), (0, 1), (1, 0) et (1, 1).

Deux états qualitatifs sont appelés états voisins s'ils ne varient que d'une seule composante et si les niveaux d'expressions de l'entité associée ne dièrent que de 1.

Dans cette approche discrète, il est possible d'atteindre plusieurs états voisins à partir d'un état qualitatif. C'est une caractéristique de ce cadre qui permet des comportements qu'il ne serait pas possible d'observer dans certains cadres de modélisation.

v1 v2

¬(v1 > 1)

m1

(v2 > 1)

m2

Figure 3.3  Graphe d'inuence avec multiplexes représentant une boucle de rétroaction néga-tive simple.

Dans nos travaux, le graphe d'inuence est complété avec les multiplexes qui spécient, par une formule logique, les conditions de régulations de coopération ou de concurrence entre deux ou plusieurs entités sur une même cible [77], voir gure 3.3. Les arcs pointillés arrivant sur un multiplexe indiquent les entités présentes dans la formule logique. Ces arcs pointillés peuvent être reconstruits en regardant uniquement les formules des multiplexes. Ces arcs ne sont donc pas spéciés dans la dénition formelle des graphes d'inuence. Enn, les multiplexes agissent toujours positivement sur une entité cible, représentée par des arcs pleins. Ainsi, un ensemble de régulations R est dénie par un ensemble V de variables, un ensemble de multiplexes M, un

Section 3.2, Le cadre de modélisation de René Thomas avec multiplexes ensemble d'arcs E ⊂ M × V et un ensemble de paramètres K. On notera R = (V, M, E, K).

Le graphe d'inuence de la gure 3.2 utilisé classiquement dans l'approche discrète peut être facilement transformé en un graphe avec multiplexes : pour un arc de la forme v1

+1

−→ v2 (resp. v2

−1

−→ v2), on ajoute un multiplexe de formule m = v1 > 1 (resp. m = ¬(v2 > 1)) et un arc m → v2. On peut montrer que dans ce cas, les 2 représentations sont équivalentes.

Les multiplexes agissant sur une entité sont appelées prédécesseurs, et l'ensemble des prédécesseurs d'une entité v est noté R(v). Les ressourcesd'une entité dans un état donné sont les multiplexes prédécesseurs dont les formules sont satisfaites dans l'état considéré. Notons que l'inactivité d'un inhibiteur revient à activer l'élément ciblé.

Le graphe d'états permet donc de représenter la dynamique d'un système. Cette dynamique est gouvernée par des paramètres dynamiques K qui donnent le niveau qualitatif vers lequel chaque entité est attirée. Chaqueparamètre dynamique Kest indexé par une entité et un en-semble de ressources (exemples : Kv,∅, Kv,{m1}, etc). Ainsi, puisque ces paramètres représentent des niveaux qualitatifs, ∀v ∈ V, ∀ω ∈ R(v), Kv,ωJ0, bvK1.

Des contraintes existent entre les paramètres dynamiques d'une même entité. En eet, puisque les multiplexes agissent toujours positivement sur leur entité cible, l'ajout d'une res-source sur un paramètre K ne peut pas faire diminuer sa valeur [120]. C'est la condition de Snoussi :

∀v ∈ V, ∀ω, ω0 ⊂ R(v), ω ⊂ ω0 ⇒ Kv,ω ≤ Kv,ω0

Ces contraintes, en plus des connaissances biologiques, peuvent permettre de déterminer les paramètres dynamiques des modèles biologiques décrits par des graphes d'inuence.

C'est notamment le cas sur le graphe du cycle circadien simplié présenté en [35]. Ce graphe comporte 3 entités : une abstraction des gènes per et cry notée G, le complexe protéique PER/-CRY noté P C et la lumière L. Le réseau de régulation déni est R = (V, M, E, K) où V = {G, P C, L}, M est l'ensemble des multiplexes {mG, mP C, mL}dont les formules sont respective-ment (ϕmG = G > 1), (ϕmP C = P C > 1) et (ϕmL= ¬(L > 1)), les cibles de ces multiplexes sont dénies par l'ensemble des arcs E = {mG→ P C, mP C → G, mL→ L, mL→ P C}et K est l'en-semble des paramètres dynamiques K = {KG,{}, KG,{mP C}, KL,{}, KL,{mL}, KP C,{}, KP C,{mG}, KP C,{mL}, KP C,{mG,mL}}. Enn, les valeurs de ces 8 paramètres dynamiques sont les suivantes :

KG,{}= 0, KG,{mP C} = 1, KL,{}= 0, KL,{mL} = 1,

KP C,{}= 0, KP C,{mG} = 0, KP C,{mL} = 0, KP C,{mG,mL} = 1

Ces valeurs ont été obtenues par les connaissances biologiques sur le cycle circadien. Par

Chapitre 3 : Dénition du cadre de modélisation utilisé

exemple, l'horloge circadienne oscille en nuit constante, et donc la boucle entre les entités G et P C oscillent, ce qui signie que KG,{} = 0et KG,{mP C} = 1.

Pour synthétiser, l'approche discrète de René Thomas présente un intérêt pour abstraire les concentrations des entités de systèmes biologiques. Cependant, le temps chronométrique joue un rôle crucial dans de nombreux systèmes biologiques et est présent dans peu de modèles discrets [118]. Nous avons donc utilisé un cadre de modélisation hybride basé sur l'approche discrète et qui permet de prendre en compte ces informations chronométriques.