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Le cadre général du projet est le suivant : La pertinence de la référence en clinique d’orthopédie pédiatrique des cas suspectés de SIA sera vue comme associée à la morbidité perçue par les jeunes et leurs parents, de même qu’aux itinéraires de soins en première ligne, étant donné les caractéristiques des jeunes, des familles et du système, ceci dans un contexte d’absence de dépistage systématique de la SIA.

Notre variable dépendante principale – outcome – est la pertinence de la référence. Elle permet de qualifier « l’utilisation », soit la référence en soins spécialisés d’orthopédie pédiatrique. La pertinence, ou le caractère approprié de la référence, a été précédemment définie (section 2.3). Elle est déterminée par la comparaison des caractéristiques cliniques de la clientèle visée par la référence à des critères de pertinence définis par les experts. Les caractéristiques cliniques d’intérêt sont obtenues des examens radiologiques standards réalisés par l’orthopédiste lors de la première consultation, soit l’amplitude des courbes scoliotiques et la maturité osseuse. On distingue ainsi les références inappropriées (recours injustifié aux soins spécialisés d’orthopédie), des références dites appropriées (recours aux soins spécialisés d’orthopédie justifié et en temps opportun), et enfin de celles dites tardives, c’est-à-dire celles qui sont justifiées mais ne surviennent pas en temps opportun, considérant les indications restreintes du traitement conservateur par corset orthopédique.

Le cadre conceptuel ici proposé conserve la classification des facteurs déterminants selon Andersen (Andersen et Newman 1973, Andersen et Aday 1978, Andersen 1995), les différents niveaux qui les composent ainsi que l’articulation générale entre les facteurs selon une séquence logique sous-jacente conduisant à l’utilisation des services.

Le besoin sera au cœur du modèle, comme déclencheur nécessaire et comme étape incontournable à l’utilisation. Il sera étudié en association avec la pertinence de la référence. Toutefois, le cadre proposé se distingue du modèle d’Andersen par certains éléments. Il est ici suggéré de séparer de façon explicite le besoin perçu, désigné par « morbidité perçue » dans la suite, soit la perception du problème, des inconforts et symptômes par les profanes, du besoin

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évalué, désigné par « morbidité objectivée » dans la suite, soit l’évaluation et la reconnaissance des signes et symptômes par un professionnel de la santé. Ceci permet de tenir compte de la séquence courante d’événements conduisant à une consultation en soins spécialisés dans le système de santé québécois (Shah 1995). En effet, la morbidité objectivée sera caractérisée tant en première ligne, par la séquence des visites ou étapes d’utilisation des services de première ligne, qu’en soins spécialisés d’orthopédie pédiatrique, par le diagnostic et la sévérité de l’atteinte, où elle permet de déterminer la pertinence de la référence. Cette distinction est considérée particulièrement utile dans notre contexte où, en l’absence de programmes de dépistage systématique, le fardeau de la détection repose sur la vigilance collective : sur les professionnels de la santé de même que sur le jeune, sa famille et son entourage. Cette complémentarité dans la conceptualisation du besoin est cohérente avec la perspective d’utilisation qui sera étudiée dans ce projet. Le cadre proposé tient compte du fait, tel que le suggère Dutton (Dutton 1986), que le recours à une source régulière de soins de même que la première consultation pour le diagnostic provisoire est une utilisation davantage sous le contrôle des utilisateurs et de leurs proches alors que les consultations de suivi et la consultation en orthopédie sont davantage sous le contrôle des professionnels de la santé et du système. Nous mettons ainsi en parallèle le système de référence profane et le système de référence professionnel (Freidson 1984).

Besoins perçu. Nous proposons d’abord d’examiner spécifiquement les relations entre la morbidité perçue par les profanes et celle objectivée par l’orthopédiste à la visite de référence (duo patient-professionnel). Deux contextes d’intérêt pour l’évaluation de ces associations seront investigués : A) Nous situerons le rôle des profanes comme déterminant de la pertinence du recours aux soins spécialisés d’orthopédie pédiatrique. Nous caractériserons ainsi la morbidité perçue au moment de la suspicion et la verrons comme moteur d’une chaîne d’utilisation dont l’outcome est la pertinence de la référence. Pour ce faire, deux variables seront étudiées : la gravité et l’urgence du problème de dos alors perçues par les profanes au moment de la suspicion (que celle-ci origine des profanes ou d’un professionel). B) Nous souhaitons déterminer de quelle façon la morbidité perçue par les profanes au moment de la consultation orthopédique est en correspondance avec la morbidité objectivée par l’orthopédiste (soit la sévérité de la courbe scoliotique et la maturité squelettique), telle que reflétée dans le statut de pertinence de la référence. Les variables de morbidité perçue seront ici : la perception

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de la déviation latérale de la colonne vertébrale, la santé générale perçue, l’image de soi et la douleur, et seront mesurées de façon contemporaine à la morbidité objectivée par l’orthopédiste.

Une autre particularité du cadre proposé par rapport au cadre classique d’Andersen, sera d’examiner la concordance (duo jeune-parent) entre les niveaux de morbidité perçue par le jeune lui-même et par ses parents (pour les variables urgence, gravité, perception de la déviation latérale de la colonne vertébrale et santé perçue) comme déterminant de la pertinence de la référence, sous l’hypothèse qu’un accord entre le jeune et son parent relativement au niveau de morbidité perçue favoriserait la référence appropriée.

Besoin évalué. Le cadre offrira également la possibilité de détailler le « besoin évalué » d’Andersen. Il permettra la cartographie de tous ces itinéraires de soins empruntés par les jeunes entre la suspicion/détection du problème de dos jusqu’à l’utilisation des services spécialisés d’orthopédie pédiatrique. Nous documenterons ainsi, spécifiquement pour le problème de dos, les circonstances de la suspicion/détection, la première visite médicale, l’ensemble des visites médicales, paramédicales et en soins alternatifs, les tests de dépistage et de diagnostic effectués de même que les circonstances de la référence en orthopédie. Notamment, cette structure permettra de prévoir l’étude des séquences diversifiéesd’utilisation et d’itinéraires atypiques (Shah 1995), soit lorsqu’une brisure se produit dans la séquence courante (besoin perçu-besoin évalué-utilisation). Par exemple, l’absence de perception de morbidité par les profanes avant la première consultation auprès d’un professionnel, l’auto- référence ou la sollicitation directe d’une consultation en soins spécialisés sans passer par la première ligne, les consultations répétées chez des professionnels de la première ligne et la combinaison de visites chez les professionnels de la santé paramédicaux et alternatifs.

Ces idées apportent une dimension interactive au modèle plutôt que de le considérer simplement comme linéaire et séquentiel : une critique formulée à plusieurs reprises dans la littérature (Dutton 1986, Haddad 1992, Leduc 1992).

Le cadre conceptuel proposé est représenté ci-après. Il ne sera pas ici empiriquement testé dans son ensemble puisque nous ne cherchons pas à étudier les déterminants généraux de l’utilisation mais plutôt à tester des hypothèses précises d’association entre la morbidité perçue ou les itinéraires de soins et la pertinence de la référence. Le cadre permet principalement de

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réfléchir de façon approfondie à l’inclusion des variables, telles les caractéristiques du patient et de sa famille, les caractéristiques des professionnels consultés et des ressources sanitaires, de même qu’à leur rôle dans l’étude de ces associations.

Six blocs de facteurs de prédisposition sont considérés : les facteurs intrinsèques de maladie (le genre, tant pour le sexe biologique que pour sa dimension sociale , l’âge à la visite en orthopédie, la maturité sexuelle, le type de scoliose et la localisation de la courbe principale); les connaissances, attitudes et comportements de santé du jeune (la valeur accordée à l’importance de consulter et à communiquer avec les parents et les habitudes de consultation lorsque malade, la pratique d’activités sportives, l’indice de masse corporelle, le statut tabagique, les connaissances relatives à la scoliose); la santé générale (les comorbidités diagnostiquées connues, la prise de médicaments et les hospitalisations récentes); les connaissances, attitudes et comportements de santé du parent (les habitudes de consultation, les connaissances relatives à la scoliose); le statut socio-économique (l’occupation et le niveau d’éducation); et la dynamique familiale (le nombre d’enfants et le type de famille).

Les facteurs de capacité considérés sont de 2 types. A) Relatifs à la famille : accessibilité géographique (ville/région administrative de résidence); capacité financière (le revenu familial brut et la cotisation à des assurances privées); origine (le groupe ethnique d’appartenance et la langue parlée à la maison); disponibilité parentale (le nombre d’heures à l’extérieur de la maison et l’accès à des congés); source régulière de soins auprès de l’enfant (fréquence de contact, durée de la relation, spécialité); délai (entre la suspicion et la visite de référence). B) Relatifs au système : densité des ressources sanitaires (en médecine familiale et en pédiatrie); caractéristiques des professionnels (la spécialité, le genre, le lieu de pratique, l’année et l’établissement de formation); capacité d’accueil des cliniques d’orthopédie (nombre de cliniques par semaine et nombre total de patients); temps d’attente (entre la demande de consultation et la visite en orthopédie).

Dans l’étude de la morbidité perçue, on considère selon le cadre, que les facteurs de prédisposition sont associés à la perception de la morbidité et à la pertinence de la référence. Ils seront donc testés comme variables de confusion potentielles dans les associations à l’étude. Les facteurs de capacité ont de façon présumée des liens plus faibles que les facteurs de prédisposition avec la morbidité perçue mais sont, selon le cadre, des déterminants de la

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pertinence de la référence. Certains pourraient avoir un effet modificateur de la relation entre la morbidité perçue et la pertinence de la référence. Dans la négative, ils seront également testés comme variables de confusion. Enfin, dans l’étude des associations entre les itinéraires de soins et la pertinence de la référence, à la fois les facteurs de prédisposition, de capacité et de besoins sont considérés comme des variables d’ajustement des modèles qui seront développés.

Figure 6 Cadre conceptuel original proposé dans le présent projet, inspiré des modèles théorique de Andersen et Newman 1973 et de Dutton 1986.

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Le projet se déploie autour de trois grands objectifs avec leurs hypothèses ou questions de recherche spécifiques.