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Brian McHale, « Free Direct Discourse A Survey of Recent Accounts »

2. Théoriciens du XX e siècle

2.2 Brian McHale, « Free Direct Discourse A Survey of Recent Accounts »

En 1978, Brian McHale compose l’article « Free Direct Discourse. A Survey of Recent Accounts » qui paraît dans la revue PTL : A Journal for Descriptive Poetics and Theory of Literature, la même année où est publié l’ouvrage de Dorrit Cohn, Transparent minds. McHale s’intéresse alors aux trois types de discours proposés par la grammaire traditionnelle (discours direct, indirect et indirect libre) et suggère des avenues supplémentaires, considérant leur manque de nuance. Nous présentons ici six typologies de McHale servant à décrire différents récits de pensée.

2.2.1 Le sommaire diégétique

Les exemples sont présentés dans un ordre où la distance entre le narrateur et le discours qu’il rapporte est de plus en plus mince. McHale aborde en premier lieu le sommaire diégétique (diegetic summary163), un discours narrativisé qui évoque la présence d’un discours prononcé, sans

toutefois offrir de détails précis sur son contenu ni sur la façon dont il est divulgué. McHale établit

161 Ibid., p. 127. 162 Ibid.

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un lien avec le discours non verbal : « Reported speech of this type is on of the same level as the report of any non-verbal event164». Par exemple : « Il m’a dit ce qu’il pensait ».

2.2.2 Le sommaire moins purement diégétique

McHale poursuit avec le sommaire moins purement diégétique (summary, less“purely” diegetic165). Cette fois, des détails plus précis sur la manière dont les paroles sont

prononcées prennent place dans le texte. Ce discours ne demeure pas en surface ; «  [it] represents, not merely gives notice of, speech event in that it names the topics of conversation166 ». Par

exemple : « Elles ont commencé à parler très fort ». 2.2.3 La paraphrase indirecte du contenu

Ensuite, l’auteur propose la paraphrase indirecte du contenu (indirect content- paraphrase167). Ce discours se rattache à la paraphrase, où les mots prononcés par un personnage

sont alors reformulés par le narrateur. Ce dernier ne tient pas compte de la manière dont les mots ont pu être articulés. La paraphrase se présente sans considération pour le style d’origine : « without regard to the style or form of the supposed “original” utterance168 ». Par exemple : « Je

lui ai dit que je devais partir le plus vite possible, autrement, j’allais m’évanouir ».

2.2.4 Le discours indirect partiellement mimétique

Ce que McHale désigne comme le discours indirect partiellement mimétique (indirect discourse, mimetic to some degree169) est un style indirect qui donne l’illusion de préserver certains

aspects de la prononciation, et ce, au-delà du contenu : « above and beyond the mere report of its content170 ». Par exemple : « Ma sœur riait jaune, soupirant qu’il fallait arriver à seize heures, pas

une minute de plus ».

164 Ibid. 165 Ibid., p. 259. 166 Ibid. 167 Ibid. 168 Ibid. 169 Ibid. 170 Ibid.

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2.2.5 Le discours indirect libre

Puis, McHale aborde le discours indirect libre tel que nous le connaissons (free indirect discourse171), un discours dans lequel le narrateur occupe de moins en moins de place dans la

transmission des paroles. McHale rappelle que ce type de discours est à la frontière du discours direct et indirect : d’un point de vue grammaticale, mais aussi de façon mimétique : « not only grammatically intermediate between ID and DD, but also mimetically intermediate. […] FID may, in fact, be mimetic to almost any degree short of “pure” mimesis172 ». Par exemple : « Il y avait

une foule qui avançait avec insistance dans le stationnement. Ce n’était pas nécessaire de faire autant de bruit ! »

2.2.6 Le discours direct

Ensuite, McHale aborde le discours direct (direct discourse173), tel que présenté dans la

grammaire traditionnelle, qu’il qualifie de « purement mimétique », bien que ce soit une illusion romanesque : « all novelistic dialogue is conventionalized of stylized to some degree. Straightforward transcription would be intolerable in a novel, since the “normal non-fluency” of ordinary speech has the appearance of illiteracy in print174 ». Par exemple : « Il lui dit : “Tu ne

devrais pas t’inquiéter” ».

2.2.7 Le discours direct libre

Finalement, il présente le discours direct libre (free direct discourse175), un discours direct

qui s’insère dans le texte sans marqueurs typographiques. C’est une variante du discours direct, mais dépouvu de marqueurs typographique et relié à la première personne : « […] nothing more than DD shorn of its conventional orthographic cues; this is the typical syntactical form of first- person interior monologue176 ». Par exemple : « Il n’arrivait pas à voir la lumière au bout du tunnel.

Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire ? »

171 Ibid. 172 Ibid. 173 Ibid. 174 Ibid. 175 Ibid. 176 Ibid.

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2.2.8 Synthèse

L’étude de McHale dépasse le cadre de la grammaire traditionnelle. Elle élargit la pluralité des discours qu’il est possible d’utiliser pour rapporter la parole d’un personnage dans une œuvre littéraire. Au terme de son article, l’auteur ne ferme d’ailleurs pas la porte à d’autres avenues, et ce, dans l’intérêt de passer outre les discours plus marginaux : « Other categories could be introduced to capture transitional and mixed forms. Indeed, the great advantage of this framework is its capacity for accommodating marginal categories of reported discourse which otherwise would have to be awkwardly subsumed under the canonical syntactical types, or simply left out177 ».

Dans les quatre récits rabelaisiens, il est possible de repérer certaines manifestations de paroles qui s’apparentent aux typologies développées par D. Cohn et McHale. Le tableau suivant présente la fréquence de ces passages :

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Fréquence des prises de parole reliées à la typologie de D. Cohn et de B. McHale dans les quatre premiers récits de François Rabelais178

Récits Sommaire diégétique Sommaire moins purement diégétique Monologue

narrativisé Monologue intérieur rapporté

Psycho-

récit Paraphrase indirecte du contenu Le Gargantua 4 - - - - - Le Pantagruel 2 4 - 1 1 Le Tiers Livre 5 6 - - 1 2 Le Quart Livre 12 7 - - - 4 Totaux 24 16 - 1 1 7

Nous constatons d’emblée la forte présence du sommaire diégétique ainsi que du sommaire moins purement diégétique dans les quatre récits. Ces formes de prises de parole permettent au narrateur (ou au personnage responsable de la transmission du discours) de mentionner la prise de parole féminine, sans toutefois offrir des détails pointus sur la nature de la prise de parole. Par exemple, au chapitre 50 du Tiers Livre sur la préparation du Pantagruelion, le narrateur rapporte les manifestations de personnifications de femmes par le biais d’un sommaire moins purement diégétique : « Ceulx qui à profict plus evident la voulent avalluer, font ce que l’on nous compte du passetemps des troys sœurs de Parces : de l’esbatement nocturne de la noble Circé : et de la longue excuse de Penelope envers ses muguetz amoureux, pendant l’absence de son mary Ulyxes179 ».

Plusieurs types de discours soutiennent les paroles féminines dans l’œuvre rabelaisienne. Dans les prochains chapitres, nous aurons l’occasion de voir se multiplier des exemples similaires.

178 Nous soulignons la simple ressemblance des discours composés par François Rabelais avec les terminologies de

D. Cohn et de B. McHale. L’importante distance temporelle entre l’auteur de la Renaissance et les théoriciens du XXIe siècle ne nous permet pas de coller la théorie sur les œuvres à l’étude.

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TROISIÈME CHAPITRE

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