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Bradycardie et hypertrophie cardiaque : une relation sous estimée ?

Dans le document en fr (Page 76-78)

Nous avons présenté dans le chapitre 1.1.2 page 7 les deux causes actuellement en débat pour expliquer la bradycardie du sportif : un tonus vagal plus élevé et une diminution de la FC intrinsèque. L’objectif de l’étude BRADY n’était pas d’explorer les mécanismes expliquant la bradycardie suite à un entraînement, puisque la FC intrinsèque n’est pas contrôlée. Cependant, nos résultats nous amènent à proposer deux éléments de discussion sur ce sujet : les rôles du tonus vagal et de l’hypertrophie cardiaque.

Tout d’abord, concernant la balance autonomique, les résultats de la VFC présentés page 57 tendent à confirmer la présence d’une réponse du nœud sinusal au tonus vagal plus importante chez les EEB. Sur l’enregistrement ECG Holter de 24h les deux indices de la variabilité d’origine vagale (RMSSD et pNN50) sont supérieurs chez les EEB par rapport aux NENB, et pNN50 est également supérieur chez les EEB par rapport aux EENB. Pendant Rest5, les indices HFun et BF/HF ne sont pas différents entre les groupes. Cependant durant cette période la variabilité dans les HF est supérieure chez les EEB par rapport aux deux autres groupes, et les indices du tonus vagal tendent à être supérieurs chez les EEB par rapport aux NENB (p = 0.06). En considérant que la variabilité de HF de la FC reflète la stimulation vagale effective sur le nœud sinusal,6 ces différents éléments confirmeraient donc l’existence d’un tonus vagal supérieur chez

les athlètes bradycardes, même si tous les indices ne vont pas dans ce sens.

L’absence de certaines différences significatives pourrait s’expliquer par le petit nombre de participants à cette étude au regard de la grande variabilité inter [381] et intra-individuelle [7] de la VFC. Ces variables étant traitées à l’aide de test non-paramétriques, nous n’avons pu calculer le risque β qui nous aurait éclairé sur ce point. De plus, les athlètes inclus dans cette étude étaient tous en période de compétition, or au pic du niveau d’entraînement un fort tonus vagal et un fort tonus sympathique peuvent être tous deux présents chez des athlètes bradycardes [157]. Certains des athlètes inclus ont pu présenter un profil de VFC similaire.

Deuxièmement, si l’hypertrophie cardiaque est rarement proposée comme une cause de la bradycardie du sportif [77, 40, 293] une corrélation positive non négligeable est observée chez nos sujets entre la FC de repos et le diamètre télé-diastolique du ventricule gauche indexé (R2 =

0.41, p < 0.001, figure 2.2 page 54). Ce constat incite à repenser le rôle possible de l’hypertrophie cardiaque dans le développement de la bradycardie du sportif, et son lien avec les deux causes principalement discutées : le tonus vagal plus important et la chute de la FC intrinsèque suite à un remodelage de certains canaux ioniques.

La relation entre hypertrophie cardiaque et la bradycardie peut s’expliquer par la nécessité de maintenir une pression artérielle constante, par l’intermédiaire du baroréflexe. En effet, l’hy- pertrophie augmente le VES. Dans ces conditions si la FC restait identique la pression artérielle augmenterait puisqu’elle correspond au produit de la FC, du VES, et des résistances vasculaires périphériques. En réponse à cette augmentation du débit cardiaque, des études suggèrent que la régulation autonomique du cœur pourrait basculer vers plus de parasympathique et/ou moins de sympathique au repos, pour assurer une pression artérielle constante [96, 592, 492]. Les résis- tances périphériques totales supérieures chez les EEB par rapport aux deux autres groupes au repos peuvent justifier également cette diminution de la FC pour limiter la pression artérielle.

De plus, certains auteurs suggèrent que l’hypertrophie cardiaque peut mécaniquement en- traîner une chute de la FC intrinsèque [77, 293, 236]. Elle pourrait en effet être à l’origine des modifications des canaux ioniques dans le nœud sinusal [519].

Au total, le schéma 3.6 page 67 propose comment l’hypertrophie cardiaque induite par l’en- traînement pourrait entraîner une bradycardie chez les athlètes, en modifiant à la fois la FC intrinsèque et la régulation du cœur par le SNA. Ainsi, l’hypertrophie pourrait être la cause

Augmentation+du+tonus+ vagal+pour+éviter+ l'hypertension+artérielle Diminution+de+la+FC+ intrinsèque Entraînement)en)endurance Augmentation+des+contraintes+ de+charge+et+de+volume+sur+le+coeur Hypertrophie+cardiaque Modi>ication+des+canaux+ ioniques+des+cellules+du+ noeud+sinusal Augmentation+du+volume+ d'éjection+systolique Bradycardie)induite)par)l'entraînement Con te x te+ g én ét iqu e

Figure 3.6: Mécanismes possibles par lesquels l’hypertrophie cardiaque pourrait entraîner la brady- cardie chez les athlètes.

primaire, l’augmentation du tonus vagal et la chute de la FC intrinsèque étant les mécanismes par lesquels cette hypertrophie provoque la bradycardie.

Ce modèle reste hypothétique car il n’a été démontré par aucune étude. Le travail de Legaz Arrese et al.(2006) [282] va d’ailleurs à l’encontre de cette théorie puisqu’ils ont suivi pendant trois ans 41 coureurs à pied de haut niveau (sprinters et endurants) et ont montré le dévelop- pement d’une hypertrophie cardiaque avec augmentation du VES et du débit cardiaque, sans modification de la pression artérielle ni de la FC de repos dont la moyenne mesurée annuelle- ment variait entre 54.6 ± 9.4 et 56.5 ± 10.3 batt.min−1. Cependant, par rapport aux sujets de

l’étude BRADY, les sportifs suivis présentaient des FC plus élevées, et étaient impliqués dans des entraînements différents.

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