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Bonnet C., Wirtz P. (2011), Investor Type, Cognitive Governance and Performance

3. Gouvernance des firmes entrepreneuriales

3.2. Co-investissement entre business angels et sociétés de capital-risque : influence sur la

3.2.1. Bonnet C., Wirtz P. (2011), Investor Type, Cognitive Governance and Performance

Behavioral Finance and Economics, vol. 1(1), p. 42-62.

Cet article présente un cadre conceptuel de la gouvernance des jeunes firmes entrepreneuriales qui ouvrent leur capital à des investisseurs externes. Nous proposons d’aller au-delà de la simple distinction entre actionnaires dirigeants et non-dirigeants pour prendre en compte les spécificités des deux principaux types d’actionnaires qui investissent dans les jeunes entreprises, les BA et les SCR. La littérature en finance entrepreneuriale indique que ces investisseurs diffèrent par leurs caractéristiques (expérience, compétence) et par leurs objectifs (Harrison et Mason, 2000 ; Madill, Haines et Riding, 2005). Ces différences sont susceptibles d’influencer leur comportement, leurs interactions avec les entrepreneurs et les modalités des mécanismes de gouvernance mis en place lors de leur entrée au capital.

Nous commençons par rappeler les apports de la perspective cognitive sur la gouvernance des jeunes firmes entrepreneuriales. Dans la perspective disciplinaire, les opportunités stratégiques sont implicitement supposées comme préexistantes. L’entrepreneur ouvre son capital à des actionnaires externes lorsque l’exploitation des opportunités identifiées nécessite des investissements qui excèdent ses capacités financières. Comme l’entrée de ces actionnaires génère des coûts d’agence, cette opération est créatrice de valeur si l’accroissement de valeur liée à l’exploitation des opportunités sus mentionnées excède les couts d’agence induits par l’ouverture du capital. La valeur apportée par les actionnaires externes alors est liée à leur apport financier et à leur capacité à réduire les coûts d’agence par la mise en place de mécanismes appropriés de contrôle et d’incitation des entrepreneurs (Lerner, 1995 ; Kaplan et Strömberg, 2004). Cependant, comme l’indique la littérature en management stratégique, l’élaboration de la stratégie a une dimension cognitive et n’est pas indépendante des acteurs qui y participent (Hambrick et Mason, 1984). Elle dépend de leurs savoirs, de leurs compétences et de leurs attitudes. Cette dimension cognitive implique que certaines opportunités stratégiques n’existent pas indépendamment des acteurs qui les découvrent ou les créent dans un contexte organisationnel spécifique. Il est important, dans cette perspective, de distinguer la connaissance (knowledge) de l’information (Fransman, 1994). L’information est considérée implicitement, dans la théorie de l’agence, comme un ensemble de données sur l’état du monde qui peuvent parfois être inégalement distribuées (asymétrie) mais sont aisément transférables d’un individu à l’autre. Dans une perspective cognitive, une information identique peut être interprétée différemment par les individus qui la

42 reçoivent, selon leurs savoirs initiaux et leurs compétences respectives. Certes, une information nouvelle peut faire évoluer la connaissance d’un individu, mais une information identique reçue par deux personnes est susceptible d’avoir des impacts différents en termes cognitifs selon, par exemple, leur éducation ou leurs expériences antérieures. Ainsi, la connaissance est-elle considérée ici comme un ensemble de constructions mentales dynamiques qui se constituent dans un processus d’apprentissage continu (Fransman, 1994). Elle est en partie implicite (Nonaka et al., 2011) et propre à chaque individu, donc peu aisément transférable.

Dans cette perspective, les différences de nature cognitive entre entrepreneurs et investisseurs entraînent l’apparition de conflits cognitifs. Contrairement aux conflits d’agence, ces conflits ne sont pas dû à des divergences d’intérêt mais à des divergences de point de vue concernant notamment la stratégie de l’entreprise et son déploiement, qui résultent de différences en termes de connaissance (Conner et Prahalad, 1996). Ils ne peuvent se résoudre aisément par un simple échange d’information ni par la mise en place de mécanismes visant à faire mieux converger les intérêts des parties, comme les tenants de la théorie de l’agence le préconiseraient. Leur résolution dépend des savoirs et des compétences initiales des acteurs ainsi que de leur capacité et de leur volonté d’apprendre les uns des autres. Ces conflits ont pour conséquence l’apparition de « coûts cognitifs » qui sont liés aux efforts mis en œuvre par les acteurs pour dépasser leurs divergences d’analyse, convaincre les autres de la validité de leurs propositions (par exemple concernant le développement d’un nouveau produit ou le déploiement d’un modèle d’affaires innovant par une startup), et aux inefficiences dues à des désaccords persistants. Il est important de noter que, contrairement aux conflits d’agence, les conflits cognitifs ne sont pas nécessairement destructeurs de valeur (Hambrick et al., 1996 ; Forbes et Milliken, 1999). En effet, la confrontation de points de vue différents, par exemple entre entrepreneurs et investisseurs financiers, peut ouvrir de nouvelles perspectives stratégiques et contribuer à un processus d’apprentissage et d’innovation. De par les savoirs et compétences qu’ils apportent, qui peuvent être complémentaires de celles des entrepreneurs, l’entrée d’investisseurs externes au capital d’une jeune entreprise a donc également une valeur cognitive.

Nous réalisons ensuite une revue de la littérature empirique sur les BA et les CR en termes de caractéristiques, d’objectifs et de processus d’investissement. Celle-ci met en avant les différences résumées ci-dessous:

- Les BA sont souvent d’anciens entrepreneurs qui investissent dans des secteurs d’activité qu’ils connaissent bien. De par leur expérience d’entrepreneur ou de dirigeant, leurs caractéristiques cognitives sont susceptibles d’être plus proches de celles des entrepreneurs que ne le sont celles des CR.

- Contrairement aux CR, qui gèrent des fonds pour le compte de tiers, les objectifs de BA ne sont pas exclusivement financiers.

43 - Lors de la sélection et de l’évaluation des investissements, les BA se reposent plus sur l’intuition

et utilisent des processus moins formels et moins analytiques que ceux des CR.

- Les BA apportent une expérience entrepreneuriale et une connaissance sectorielle et recherchent souvent des interactions étroites avec les entrepreneurs, afin d’être en mesure de leur apporter des conseils et un soutien. Les CR tendent à apporter des compétences plus générales en termes de gestion et de finance.

- Les BA tendent à négocier des contrats moins exhaustifs que les CR et comptent sur leur capacité à influencer les entrepreneurs dans la phase post-investissement. Les CR se reposent sur des contrats exhaustifs qui visent à réduire au maximum les risques d’agence qu’ils ont identifiés.

Adoptant une approche synthétique, nous tentons alors de formaliser l’effet des différences génériques entre BA et CR mentionnées ci-dessus sur l’intensité et la gestion des conflits d’agence et des conflits cognitifs entre entrepreneurs et investisseurs lorsque ces derniers entrent au capital des jeunes entreprises (tableau 1).

Tableau 1 – Relations entre entrepreneurs et catégories d’investisseurs et leur influence

supposée sur les coûts d’agence, les coûts cognitifs et la valeur cognitive

(Bonnet et Wirtz, 2011)

Entrepreneurs Business angels Venture capitalists Agency theory Potential

conflict of interests and agency costs

- Increases as the founders’ relative ownership stake decreases (Jensen and Meckling, 1976; Bitler et al., 2006)

- Increases with the number of different investors

- Depends on investors’ typical incentive and control mecanisms (Baker and Wruck, 1989; Jensen, 1993): BA’s monitoring relies on strong involvement ex-post whereas VC’s monitoring is more formal and ex ante (contracts) (Kelly and Hay, 2003; Van Osnabrugge, 2000)

Cognitive approach to entrepreneur-investor relations Potential cognitive cost

Moderate (because of mutually consistent entrepreneurial attitude and cognition; Murneiks et al., 2007 )

Moderate (because of BA’s prior entrepreneurial experience and track record)

- Potentially high at the outset (pre-money) for young and unexperienced VC (who requires track record), may

decrease in the process of mutual interaction - Lower for experienced VC (but still higher than for BA) Potential

cognitive value

Transfer of entrepreneurial experience, filling competence gaps in management team

Transfer of sector knowledge by BA (Harrison and Mason, 2000)

Potential professionalization of managerial capabilities (increases with VC experience, Hellmann et Puri, 2002)

44 Le cadre conceptuel exposé ci-dessus a des implications en termes de financement, de gouvernance et de performance des jeunes firmes entrepreneuriales qui ouvrent leur capital à des investisseurs financiers. Après avoir intégré dans notre analyse le stade d’investissement (phase d’amorçage ou d’expansion), nous concluons l’article avec quatre propositions testables empiriquement, qui constituent la principale contribution de cet article:

- Les BA ont une contribution particulièrement importante au succès et à la performance des jeunes firmes entrepreneuriales lorsqu’ils investissent tôt dans le cycle de vie (amorçage ou premières phase de croissance).

- Les CR ont une contribution particulièrement importante au succès et à la performance des jeunes firmes entrepreneuriales lorsqu’ils investissent en phase d’expansion (après le lancement des premiers produits ou services).

- L’entrée au capital de BA en amorçage ou lors des premières phases de croissance accroit la probabilité de lever des fonds auprès de CR lors des phases ultérieures du cycle de vie.

- Le co-investissement simultané par des BA et des CR a un impact positif sur la croissance des jeunes firmes entrepreneuriales.

3.2.2. Bonnet C. et Wirtz P. (2012), Raising Capital for Rapid Growth in Young