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Chapitre 2. Le problème 'urbanistique' des modes d’occupation ferroviaire des

2.4. Une mise en cause continue de l’Areale de Bolzano restée sans effets 178

2.4.2. Le blocage du déménagement ferroviaire par le système institutionnel 182

La présence de l’Areale est contestée dès l’entre-deux-guerres par les autorités municipales et des urbanistes. La position des fonctions qu’il accueille est jugée inadéquate. De plus, il constitue une barrière infrastructurelle et occupe une précieuse surface à proximité du centre-ville (cf. chapitre 1). Ces critiques restent présentes dans la seconde moitié du 20e siècle et s’intensifient à partir des années 1980. En 1948, l’architecte local Willy Weyhenmeyer propose, à la demande de la municipalité, un plan. Il propose de déplacer et de réorganiser la gare sur l’autre rive du fleuve, et de lotir l’emprise existante. Le Plan régulateur de 1962, rédigé par Luigi Piccinato, relance l’idée du déplacement des fonctions annexes de la gare dans la commune périphérique de Bronzolo. Il prévoit aussi le redressement du faisceau le long du fleuve pour réaliser des équipements touristiques et un parc sur l’emprise libérée. Cette réorganisation part du principe que « les installations actuelles d’un côté souffrent de congestion, de

l’autre soutirent des espaces dont le développement urbain serait nécessaire » (Piccinato, cité par Morello et

Zannin 1996 : 18). Cette solution n’est toutefois pas intégrée dans la version définitive du PRG.

L’émergence du projet de la nouvelle ligne et du tunnel du Brenner, dans les années 1970152, conforte l’idée d’un déplacement des activités ferroviaires de l’Areale liées au fonctionnement de cet axe. En 1975, dans le cadre d’une étude sur le trafic et le transport public commandée par la municipalité, un groupe d’ingénieurs et d’urbanistes153 propose un

151 De puissants mécanismes de redistribution portent les dépenses cumulées de la municipalité et de la Province

à 13 782 € par habitant et par an qui peuvent être comparés aux 7 045 € reçus par un véronais (Zanon 2013: 31, chiffres pour l’année 2011).

152 Dès 1969, « un tunnel ferroviaire sous le Col du Brenner » est mis à l’étude (Latrilleux 1969: 47). Nous pouvons

ensuite retenir les dates suivantes. En 1971 l’Union internationale des Chemins de fer met en place un groupe de travail « Axe du Brenner », composé de représentants des réseaux allemands, italiens et autrichiens. En 1980, un accord est signé par les ministres des Transports de ces trois pays, sur la base d’une étude de faisabilité. L’idée du tunnel de base de 55 km comme pièce centrale du dispositif émerge en 1987 dans le cadre des travaux du consortium (International Brenner Consortium) commissionnés par les administrations ferroviaires de ces pays. Il est validé deux ans plus tard. En 1997, une étude vise à réduire les coûts de la ligne. La société GEIE BBT est créée en 1999 pour réaliser le projet. Seule une petite partie des travaux est effectivement réalisée en 2015.

153 Le groupe est dirigé par l’ingénieur milanais Guglielmo Zambrini, spécialiste des mobilités urbaines. Il

collabore avec les urbanistes et ingénieurs Marcello Balbo, Augusto Cagnardi, Giampiero Calza, Giuliano De Blasio, Piero Maccioni et Elio Tarulli.

déplacement des installations de fret et leur remplacement par des activités économiques et résidentielles (Morello et Remonato 2010). Cette substitution est motivée par l’accessibilité du site et la mauvaise localisation de la gare de fret sur la ligne du Brenner.

En 1982, c’est l’administration provinciale qui charge l’agence d’architecture et d’ingénierie locale Planunion de superposer à la gare et à la partie centrale du site ferroviaire un complexe tertiaire et résidentiel sur dalle. Cette superstructure vise à (i) rééquilibrer le développement urbain qui s’est effectué vers l’ouest depuis la période fasciste ; à « la

conservation d’une agriculture de fond de vallée » en privilégiant le renouvellement urbain sur

l’expansion ; et à localiser des fonctions directionnelles à proximité du centre-ville et des infrastructures de transport (Centro studi investimenti sociali 1994: 33). En 1988, un « groupe

financier » propose de réaliser un complexe commercial et directionnel sur dalle, ainsi que de

relocaliser le parc d’exposition de la ville sur les terrains ferroviaires. Selon ses promoteurs, cette intervention est justifiée d’un point de vue urbanistique du fait de l’accessibilité du site en transport collectif et individuel, de la proximité du centre-ville, ainsi que par la suppression de la barrière infrastructurelle entre le centre-ville et le quartier populaire des Piani.

Cette série de projets problématise l’existence de l’Areale et identifie les opportunités que sa reconversion urbaine représente, à différentes échelles territoriales. Elle n’a pourtant pas entraîné de modification du site ferroviaire, et ce malgré la baisse des activités de maintenance et de fret. Nourrie d’arguments fonctionnels, urbains et économiques, qui se cumulent et se complètent, lestée par des commanditaires tels que la Province, la Ville ou des investisseurs, cette mise en cause continue n’a pas de conséquence sur le périmètre domanial. Comme à Milan, il faut attendre l’apparition de la filiale dédiée aux activités immobilières, Metropolis, pour que l’établissement ferroviaire envisage la transformation du site.

En revanche, à peine créée, la filiale commande à l’architecte Irene Bongiorno une « Étude de valorisation et requalification ». Celle-ci établit d’abord une situation patrimoniale et fonctionnelle du site. Sur la base de l’état de conservation et des possibilités de transfert de fonctions, elle procède à une évaluation des terrains mutables vers l’urbain, estimés à 7 ha. Le projet propose ensuite, du côté du centre-ville, un « front urbain » doté de commerces, bureaux et hôtels, et, du côté du quartier des Piani, un lotissement, pour y édifier des logements, des bureaux et des équipements (cf. Figure 17). Cette étude s’accompagne d’une évaluation économique et financière. En outre, elle « vise à se positionner non comme un simple plan

d’utilisation de l’aire ferroviaire, mais comme un élément de requalification du secteur concerné. » (Centro

Figure 17 : Etude d’aménagement urbain du site de l’Areale de Bolzano (1990) par l’architecte Irene Bongiorno

Source : Ferroplan, 2003.

Au moment de l’étude de Metropolis, le plan d’urbanisme de la ville (Piano Urbanistico Comunale) est en cours d’élaboration. Les documents préparatifs précisent que

le plan devrait indiquer à travers quels axes de projet réintégrer organiquement ces terrains dans le tissu urbain, revitalisant et restituant à la ville […] un quartier entier qui n’a, jusqu’à aujourd’hui, constitué qu’une frange ségréguée. (Anesi et Morello 1989: 226)

Pour ce faire, l’urbaniste en charge du Piano Urbanistico Comunale se conforme au projet Bongiorno. Ce projet manque donc de se concrétiser, d’autant que parallèlement aux ajustements urbanistiques, des échanges ont lieu autour de la création d’une « société destinée à

analyser les différentes hypothèses d’utilisation urbaine de la totalité de l’emprise de la Gare de Bolzano »,

entre la Province, la Ville, Metropolis et un « groupe d’entrepreneurs privés » (Pasquali et Gasca Queirazza 1992, cités par Morello et Zannin 1996 : 30).

En suivant, la Province commande une étude en 1991 aux architectes Marco Gasca Queirazza et Maria Chiara Pasquali (future adjointe à l’urbanisme de la commune), rédigée en collaboration avec les FS et la Chambre de commerce. L’étude conclut à la pertinence d’un déplacement des activités de fret dans un nouveau centre logistique intermodal. Celui-ci se situerait entre les communes de Bronzolo et Ora, à l’ouest de la commune, à proximité de la

zone industrielle et de l’entrée du tunnel de contournement ferroviaire de la ville, prévu dans le tracé du Brenner.154

Le Piano Provinciale di Sviluppo e di Coordinamento Territoriale de 1995 prévoit à son tour la reconversion de l’Areale, parmi ses quatorze principaux projets. Pour le document de planification territoriale provincial,

l’objectif principal du projet est l’utilisation la plus intensive possible de l’aire de la gare ferroviaire de Bolzano, […] pour lequel il existe déjà un consensus de base de l’administration ferroviaire, de l’exécutif provincial et de la Commune de Bolzano. (Provincia Autonoma di Bolzano 1995: 252)

Plusieurs projets internationaux sont cités en exemple pour soutenir le projet d’une construction au-dessus des voies155. La Province fait un lien explicite entre le grand projet ferroviaire du Brenner et la mutation des terrains de l’Areale. La définition du mégaprojet d’infrastructure « comportera une restructuration de l’aire de la gare ferroviaire de Bolzano et son éventuelle

affectation à des fonctions différentes » (Provincia Autonoma di Bolzano 1995: 159). Les plans

réglementaires de la commune et de la province institutionnalisent les couplages opérés entre la transformation du site ferroviaire, la nouvelle ligne du Brenner, et les enjeux urbains et territoriaux qui se sont stratifiés dans les projets antérieurs.

Des échanges bilatéraux FS- province, FS- municipalité infructueux

La séquence de partenariat interinstitutionnel engagée depuis les années 1980 avec les études Planunion, Bongiorno, Gasca Queirazza-Pasquali et le Piano Urbanistico Comunale, aboutit à un statu quo. Cela s’explique par l’opposition entre la Ville et la Province. Selon cette dernière, l’étude Planunion « était évaluée en des termes fondamentalement positifs par l’Administration

ferroviaire de Vérone » (Provincia Autonoma di Bolzano 1995: 252). Le blocage vient de la

municipalité, car l’étude « était née comme une contre-proposition aux nouveaux terrains que la commune

voulait [urbaniser] ailleurs »156. À l’inverse le projet Bongiorno n’a « jamais été discuté avec la

Province »157 et ne figure pas dans la version définitive du Piano Urbanistico Comunale approuvée par la Province trois ans plus tard158. En d’autres termes, il n’y a pas eu de négociations tripartites entre la Ville, la Province et les FS. Lorsque cela a été tenté, elles ont

154 L’étude technique commandée par la Province fait suite à une étude économique de l’Istituto di Ricerca

Economica de la Chambre de commerce de Bolzano sur la pertinence d’un tel projet.

155 La gare de Berne, la place Bonaventure de Montréal, la gare Franz-Josef di Vienna, Grand Central à New

York, la Station-Senri de Osaka, la gare centrale di Aachen, le « Brückenpostamt » de Passau, les complexes de « Wilmersdorf » et de « Schlangenbaderstraße » sur la rocade de Berlin.

156 Urbaniste (Bolzano) [courrier électronique à l’auteur], 5 novembre 2014. 157 Idem.

158 La partie « front urbain » du projet fait l’objet d’une autre étude en 1993, commandée conjointement par la

échoué. Une dernière tentative bilatérale de la Province voit le jour en 1998. Celle-ci charge un groupe local d’ingénierie d’une étude sur les terrains reconnus comme cessibles par les FS. La Province s’accorde avec l’opérateur sur le projet technique, mais aussi sur le principe d’une vente directe de dix hectares par Metropolis à des promoteurs (Cagnan 1998). Mais la municipalité s’y oppose, car elle souhaite que l’ensemble du site fasse l’objet d’une réflexion globale. Elle soutient en effet l’idée que la transformation d’une partie compromettrait les possibilités de développement urbain ultérieures de l’ensemble. Selon un témoin de l’époque,

D’un côté, RFI avait presque un intérêt à mettre à disposition des morceaux de terrains pour encaisser des sous […] et avait donc déjà donné sa disponibilité à plusieurs occasions de faire des interventions pour libérer les terrains. La commune s’est un peu mise en travers, dans le sens qu’elle voulait une idée d’ensemble dans laquelle [ces cessions foncières, ndr] advenaient.159

Les oppositions ne relèvent pas que d’une rivalité interinstitutionnelle, mais aussi d’une différence d’approche du processus de transformation de l’Areale.

Parallèlement, les initiatives d’acteurs et d’institutions tierces se multiplient. Des professionnels et des investisseurs se « placent » en formulant des propositions « avec l’espoir de

devenir les professionnels chargés de la développer. »160 Le professeur d’architecture Gino Valle fait une proposition de redressement de l’axe ferroviaire et d’un renouvellement urbain des terrains ferroviaires, dans le cadre d’un séminaire international organisé par le Politecnico di Milano.

En janvier 1997, une « session publique » du congrès provincial de l’Istituto Nazionale di Urbanistica porte sur le projet de l’Areale. Cet événement confirme le rôle des urbanistes locaux dans la construction, à la fois du problème de l’Areale et d’un intérêt partagé pour sa transformation. Il nous informe aussi sur le positionnement des différentes parties prenantes vis-à-vis de celui-ci. D’abord, l’Institut convie des figures de la gouvernance territoriale. Il y a des élus et des dirigeants de la province et de la municipalité, un dirigeant territorial des FS, des représentants de groupes professionnels (ordre des architectes, Istituto Nazionale di Urbanistica) et des intérêts économiques organisés161. Dans son intervention, l’ingénieur des FS subordonne la réorganisation du site à la réalisation de la nouvelle ligne du Brenner. En effet, la traversée de Bolzano est un goulot d’étranglement (collo di bottiglia) que le projet de contournement de la ville permettra de fluidifier. De même, concernant les emprises libérables sur le site, « toute discussion est reportée jusqu’à ce que soit définie la stratégie du trafic de marchandises, non

seulement dans la Province de Bolzano, mais à l’intérieur de toute la région [comparto] nord-est » (Zannin

159 entretien 46, ibid.

160 Urbaniste (Bolzano) [courrier électronique à l’auteur], ibid.

161 À savoir, le Collegio dei Costruttori Edili, la Federazione Lavoratori Costruzioni, l’Associazione

1997 : 30). En d’autres termes, la transformation du site est abordée comme une question technique dépendante de l’échelle de décision et de fonctionnement du grand réseau technique. On en déduit que les positions des dirigeants de l’infrastructure et de la filiale immobilière des FS ne sont pas alignées.

Le compte-rendu des échanges montre par ailleurs que les organisations économiques s’intéressent au projet de l’Areale. Elles ont un « avis favorable », sont « en phase » avec la reconversion urbaine du site et insistent sur l’importance de sa « faisabilité économique » et la

« collaboration active des acteurs économiques » à celle-ci. Toutefois, les urbanistes sont bien plus

mobilisés. Ils restituent l’historique du site et des projets qui s’y rapportent et cadrent les problèmes et les opportunités qu’offre, à différentes échelles, cette « ressource territoriale » (p.32). Ils présentent les différentes hypothèses urbanistiques et infrastructurelles et les procédures à engager pour parvenir à une solution, etc. Les urbanistes ne tentent pas seulement de coaliser les acteurs techniques, politiques et économiques, ils problématisent la situation et expliquent comment la traiter.

En 1999, ce sont les services de l’urbanisme de la commune qui organisent un colloque sur la requalification du site. Des experts et des universitaires (Paola Pucci, Marcello Vittorini) et des acteurs déjà impliqués dans le projet (Peter Morello, Siegried Unterberger) y participent. Deux ans plus tard, une conférence sur « la renaissance des gares » allemandes entreprise par la filiale immobilière de la Deutsche Bahn, est organisée à l’initiative de l’Istituto Nazionale di Urbanistica162. La démarche d’intéressement et d’enrôlement autour du projet menée par la section locale de l’institut se répète en 1997, 1999 et 2001.

Après des universitaires et des professionnels de l’urbanisme, ce sont des investisseurs locaux qui se penchent sur l’Areale en 1998. La société Parco Stazione S.r.l. créée spécialement par un groupe d’investisseur régional commande à un bureau viennois un projet de complexe immobilier (centre commercial, bureaux, parkings, logements, parc d’activité) sur les terrains reconnus comme mutables par les FS. Le projet est présenté aux autorités provinciales et municipales, dans l’hôtel le plus luxueux de la ville, mais il restera sans suite (Di Puppo 2004).

162 La conférence se fait en collaboration avec l’Ordre des architecte et des ingénieurs de la Province de Bolzano

et avec le soutien de la Direction de l’urbanisme de la Commune de Bolzano, la Direction de transports de la Province autonome de Bolzano, le Collegio dei Costruttori Edili della Provincia Autonoma di Bolzano et la Fondation Cassa di Risparmio de Bolzano. Les débats font intervenir l’un des responsables allemands du programme, le nouvel adjoint à l’urbanisme, Silvano Bassetti, un professeur d’urbanisme, un dirigeant ferroviaire, un hôtelier, etc.

Malgré les ressources cognitives, institutionnelles et professionnelles considérables engagées par les pouvoirs et les urbanistes locaux et une problématisation lestée par des études techniques et urbanistiques fouillées, le périmètre domanial de l’Areale demeure intact à la veille des années 2000. Une séquence partenariale avait pourtant débuté autour de projets au début des années 1990 entre la Ville, la Province et les FS. Son déclenchement était étroitement lié à la création d’une structure spécialisée dans la valorisation du patrimoine foncier et immobilier des Ferrovie. Il faut donc replacer la création en 2000 d’un groupe paritaire rassemblant la ville, la Province et FS (i) dans le contexte institutionnel singulier du Haut-Adige ; (ii) à la suite d’une stratification colossale de projets, qui ont problématisé et formulé des solutions quant à la présence ferroviaire à Bolzano ; et (iii) dans le sillage d’une collaboration initiée depuis les années 1980 avec l’établissement ferroviaire, certes inaboutie, mais néanmoins non conflictuelle, et d’un intérêt des acteurs économiques.

Figure 18 : Le périmètre inchangé de l’Areale Ferroviario de Bolzano après trois décennies de projets de reconversion

Conclusion

Ce chapitre interrogeait les processus de mise en cause des emprises ferroviaires, dans les villes de nos études de cas. Deux conclusions principales peuvent en être tirées : (i) la problématisation de ces emprises s’est faite par des acteurs du monde de l’urbanisme et selon un répertoire d’arguments urbanistiques ; (ii) bien que similaires, ces problématisations ont été développées dans des contextes n’ayant pas les mêmes capacités d’action pour reconvertir les sites ferroviaires (cf. Tableau 6).

Ce n’est pas la présence de l’opérateur ferroviaire en général qui fait problème, mais ses formes d’occupation extensive, dans des espaces perçus comme de plus en plus stratégiques. Dans les quatre villes, ce sont les problèmes que posent ces friches et ces barrières urbaines et les opportunités représentées par ces grandes propriétés publiques dans des zones péricentrales que révèlent les acteurs urbains. Leur transformation répond aux exigences de densité pour limiter l’étalement urbain (à Bolzano) ou construire des logements (à Paris). S’y ajoutent leur caractère stratégique du fait de leur accessibilité en transports en commun (à Milan et à Bolzano), et les possibilités qu’ils offrent pour réaliser des espaces et des équipements publics (à Paris, à Milan, à Bolzano). En réponse à notre question initiale, la doctrine aménagiste du renouvellement urbain qui émerge à partir des années 1970, trouve dans les sites ferroviaires un terrain propice à l’association du problème urbanistique des occupations ferroviaires avec la solution de leur reconversion urbaine.

En France comme en Italie, la présence des sites ferroviaires sur le territoire a été envisagée non comme un problème de désindustrialisation ou de retrait de l’État des territoires, mais comme une question plus strictement urbanistique. Les enjeux de population et d’activités ne sont pas couplés à cette mise en cause. Le fort investissement symbolique dont les espaces industriels sont le lieu dans les années 1980 et 1990163 ne se retrouve pas dans les espaces ferroviaires. Ces derniers sont perçus comme des « vides urbains » (Spagnolo, Marini, et Boeri 1987) et non comme des lieux « d’archéologie industrielle » (Bobbio 1990). Il n’y a pas de politiques de compensation, d’emplois ou d’investissement formulées en réponse à l’évidement des sites ferroviaires.

163 Cette dimension symbolique est centrale dans les cas du Lingotto à Turin (Bobbio 1990 : 118-122), des usines

Renault à Billancourt (Pigenet 2008 : 310-317), de la Bicocca de Pirelli à Milan (Pasqui 2003), ou des chantiers navals de Nantes (Pinson 2002, chapitre 5).

Tableau 6 : Raisons et modalités de la mise en cause des occupations ferroviaires à Paris, Nantes, Milan et Bolzano

Paris Nantes Milan Bolzano

Début de la mise en cause 1975 1991 1975 1920 ; fin 1970 Problématisation de la présence ferroviaire Renouvellement des friches Barrières urbaines Mobilisation des terrains de l’État Opportunité foncière Construction de logement Mauvaise localisation pour le système technique Cœur du projet urbain métropolitain Renouvellement des friches Opportunité foncière Enjeu patrimonial (gare) Renouvellement des friches Mauvaise localisation pour le système technique Barrières urbaines Mobilisation des terrains publics Opportunité foncière Réalisation de parcs Coordination urbanisme- transport Mauvaise localisation pour le système technique Barrières urbaines Mobilisation des terrains de l’État Opportunité foncière Lutte contre l’étalement urbain Coordination urbanisme- transport Régime de production urbaine

Planificateur Négocié Dirigiste → managérial Dirigiste-dual (municipalité- province) Acteurs et institutions impliqués Municipalité (Agence et direction de l’urbanisme), SNCF, État Gouvernement local et instances métropolitaines partenariales Municipalité, urbanistes, FS, État (ministère, Conseil d’État) 1990 : Metropolis Gouvernements locaux, intérêts économiques, urbanistes, Istituto Nazionale di Urbanistica, 1990 : Metropolis Ressources et

instruments Documents stratégiques, réglementaires et opérationnels, partenariats interinstitutionnels

Documents

stratégiques Documents stratégiques et réglementaires,