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2.3 Les lustres et leurs couleurs

2.3.3 Bilan sur les eets colorés des lustres

Dans cette partie nous avons décrit les deux eets de couleur principaux des lustres :

 le changement de couleur entre la direction spéculaire et les directions dif-fuses ;

 le changement de couleur dans la direction spéculaire lorsque l'angle d'inci-dence varie : l'iridescence.

Les données disponibles sur la composition et la structures des lustres présentées dans la partie 1.3.3 permettaient d'avancer des hypothèses sur l'origine des eets de couleur observés (partie 1.3.4). Les informations tirées des mesures eectuées viennent conrmer ces hypothèses.

En eet, les spectres caractérisant l'eet d'iridescence observé témoignent clai-rement de la présence d'interférence. L'apparente translation des spectres est une caractéristique de l'eet d'interférence dans une couche mince. En fonction de l'angle d'incidence, pour une épaisseur de couche e ayant un indice nt, les ondes parcourent des chemins optiques diérents. En fonction de la longueur d'onde, cer-taines interfèrent de manière constructive d'autre de manière destructive créant respectivement des maxima ou des minima dans le spectre.

Les longueurs d'onde pour lesquelles on observe un minima pour une couche mince sont les solutions de l'équation :

sin2i) = n2tk

2

4e2λ2min (2.24) où k ∈ N. Sur les spectres de la gure 2.25, trois minima apparaissent. Il est donc possible de déterminer si la longueur d'onde des minima varie en fonction de l'angle d'incidence suivant la loi dénie par l'équation 2.24 en traçant sin2i)en fonction de λ2

min. C'est ce que présente la gure 2.27. Pour chaque groupe de minima, les points sont alignés selon une droite. Les premiers minima correspondent aux plus grandes longueurs d'onde, entre 550 et 650 nm. L'évolution de la longueur d'onde des minima vérie bien ce qui est attendu pour des eets d'interférence dans une couche mince.

L'étude des trois droites tracées sur la gure 2.27 nous permet de détermi-ner l'indice optique de la couche nt à partir de l'ordonnée des droites à l'origine,

Fig. 2.27  Graphe correspondant à l'équation 2.24 pour les minima des spectres de la gure 2.25

l'épaisseur e de la couche et la valeur de k. Ces données sont regroupées dans le tableau 2.1.

Minima nt e k Premiers 1.539 443 nm 2 Seconds 1.513 425 nm 3 Troisièmes 1.478 426 nm 4

Tab. 2.1  Données obtenues à partir de l'étude des droites de la gure 2.27 A la diérence d'une couche mince diélectrique qui possède un indice constant, la couche responsable des eets d'interférence dans les lustres présente un indice qui varie avec la longueur d'onde. C'est pour cela que l'indice obtenu pour chaque minimum varie et que l'épaisseur déduite est elle aussi variable, l'équation 2.24 n'étant linéaire que si l'indice est constant.

L'eet d'interférence se manifeste dans la direction spéculaire. Il vient donc expliquer l'eet d'iridescence comme nous l'avons vu mais aussi le changement de couleur entre la direction spéculaire et les directions diuses, dans lesquelles l'eet n'apparaît pas. Il reste donc à expliquer les phénomènes qui vont donner au lustre sa couleur dans les directions diuses.

(a) Echantillon 1583 (b) Echantillon 1252

Fig. 2.28  Spectre de réexion mesurés en direction spéculaire à diérents angles Il faut reprendre ici les pistes déjà évoquées liées à la composition du lustre. Les nanoparticules présentes dans les couches absorbent une partie de l'énergie incidente au travers du phénomène d'absorption plasmon qui sera détaillé dans la partie 3.3.2. Cette absorption donne aussi lieu à des minima dans les spectres d'absorption mais, pour des particules sphériques et à la diérence des minima d'interférence, ceux-ci apparaissent à une longueur d'onde donnée, le phénomène d'absorption étant indépendant de l'angle d'incidence de la lumière.

Les minima dus à l'absorption sont ainsi facilement identiables sur les spectres de réexion mesurés pour diérents angle d'incidence. La gure 2.28 expose deux exemples de ces mesures. Sur la gure 2.28(a), on observe un minimum xe dans les spectres vers 430 nm. Pour la gure 2.28(b), un minimum xe apparaît à 550 nm. Les longueurs d'onde d'occurrence de ces deux minima sont caractéristiques des deux métaux nobles utilisés à savoir l'argent dans le premier cas et le cuivre dans le second comme cela sera détaillé dans la partie 3.3.2.

L'absorption intervient quelle que soit la direction d'incidence de la lumière. La lumière traverse la couche contenant des particules et est partiellement absorbée. Elle est ensuite rééchie par le fond diusant et traverse à nouveau la couche absorbante. Le résultat de cette absorption conduit à la production de la couleur dans la direction diuse de la même manière que les pigments placés sur un fond diusant vont être à l'origine des couleurs observées sur une peinture.

Les mesures eectuées sur les lustres nous ont permis de caractériser leurs propriétés optiques. Il est alors possible de proposer une dénition du lustre basée sur les eets colorimétriques propres à ces objets et pas seulement, comme cela est habituellement le cas [79], sur leur structure et la présence de nanoparticules dont découlent ces propriétés :

Une céramique lustrée est une céramique qui présente un changement de couleur entre la couleur observée dans la direction de réexion spéculaire et celle observée dans toute autre direction. Ce changement de couleur est lié à la présence d'in-terférence lumineuse dans la direction de réexion spéculaire due à la présence de nanoparticules métalliques réparties sous forme de couches à la surface de la céramique.

La présence de nanoparticules n'est donc pas susante pour qualier une cé-ramique de lustrée comme cela est souvent proposé. En eet, les potiers qui réali-saient ces céramiques n'avaient pas conscience de réaliser une nanostructure. Pour eux, seuls l'aspect nal et les reets iridescents concrétisaient la production d'une céramique lustrée. La dénition qui est ici proposée est donc, en un sens, moins anachronique et correspond à la reconnaissance pratique de ces céramiques. Si la structure adoptée par les nanoparticules ne permet pas l'apparition d'interférence, le changement de couleur n'a pas lieu. Les céramiques dans cette situation, bien que présentant en surface des nanoparticules métalliques, ne peuvent donc pas obtenir le qualicatif de lustrées.

A ce stade, les mesures réalisées sur les lustres conrment les hypothèses avan-cées sur l'origine des propriétés optiques observées. Celles-ci résultent de plusieurs eets : les eets d'interférence de type couche mince, l'absorption par les nanopar-ticules et la diusion de volume par la glaçure. La nouvelle étape consiste à créer des modèles qui vont avoir pour but de simuler les spectres de réexion observés, en se concentrant dans un premier temps sur la couleur observée dans la direction spéculaire.

Bibliographie

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Chapitre 3

Une première approche

Une bonne partie des mathématiques devenues utiles se sont développées sans aucun désir d'être utiles, dans une situation où personne ne pouvait savoir dans quels domaines elles deviendraient utiles. Il n'y avait aucune indication générale qu'elles deviendraient utiles. C'est vrai de toute la science. John Von Neumann La gure 3.1 présente une vue schématique de la structure multicouche observée dans les lustres. Dans ce chapitre, il va s'agir de calculer comment la lumière interagit avec une telle structure.

Fig. 3.1  Modèle de structure mimant la structure des lustres

Dans un premier temps, les lois de propagation des ondes électromagnétiques vont être rappelées ainsi que les lois de réexion et réfraction d'une telle onde rencontrant une interface plane entre deux milieux aux propriétés optiques dié-rentes. La deuxième partie traite du calcul des phénomènes d'interférence dans une

structure multicouche. Le calcul des propriétés optiques d'une couche diélectrique contenant des particules métalliques fait l'objet d'une troisième section. Une fois tous ces calculs combinés, le modèle, que la réalisation d'échantillons vient vali-der, est utilisé an de simuler les spectres de réexion mesurés sur les céramiques lustrées.

3.1 La lumière comme une onde électromagnétique