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Les biens numériques, publics par le contenu, avec une exclusion possible

SECTION 1 L’INFORMATION, UN BIEN PUBLIC ET UN BIEN D’EXPERIENCE EXEMPTS DE RIVALITE

4. Les biens numériques, publics par le contenu, avec une exclusion possible

de distribuer les contenus informationnels à très faible coût, mais aussi de les diffuser à une échelle planétaire jamais atteinte qui aurait, en son temps, fait fantasmer l’essayiste canadien Marschall McLuhan [1977] et fait rêver Malraux [Balle (b), 2009].

Le caractère public du contenu des sites d’information consultables sur le Web ne fait désormais plus aucun doute, quelle que soit la forme de ces derniers. Il est, bien entendu, objectable que l’accès au réseau Internet nécessite un équipement informatique qui n’est pas encore à la portée de tous, sans compter l’abonnement au fournisseur d’accès qui ne compte encore que 19,2 millions de connexions à Internet à la fin juin 2009 selon l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).

Toutefois, comme la télévision il y a encore quelques années, les taux d’équipements et d’abonnements évoluent fortement avec près de 13 % de croissance par an pour l’Internet fixe selon l’ARCEP et une projection qui verrait 90 % de la population équipée à l’horizon 2015, en fixe et en mobile.

L’absence de rivalité et d’exclusion en font un bien quasiment pur, d’autant plus d’ailleurs que l’internaute s’inscrit dans une logique active de consommation, de picorement en fonction de ses propres désirs, à la différence de la télévision où sa démarche se veut plus subie, à mi- chemin entre une relative passivité de récepteur liée aux formats imposés et une certaine liberté de choix, même si elle s’avère plus restreinte.

Dans la même logique que pour la télévision, il est alors impossible pour un producteur de vendre ses informations à des internautes pour assurer le financement de ces dernières et dégager ainsi une rente d’exploitation. Il devient nécessaire, pour que le modèle soit viable, de recourir à des stratégies de financement indirectes (ressources publicitaires) ou directes par la mise en place d’abonnements, id est d’exclusion, voire d’un mixte des deux. Du bien public au bien public avec exclusion, les deux options sont donc envisageables.

De par ses caractéristiques, il est donc possible d’imaginer une valeur d’échange proche de zéro dans la mesure où les produits circulent sans support, et ce, à des coûts très faibles. La numérisation des biens informationnels est de fait couramment assimilée à la production d’informations libres. La technologie accroît les externalités de bien public de l’information et constitue donc un facteur naturel de gratuité. Or l’information libérée d’un support n’en demeure pas moins attachée à son auteur… et coûteuse à produire.

Le cauchemar devient alors évident pour les éditeurs inscrits dans cette logique transfert de leur fonds éditorial après numérisation en offrant une tarification au coût marginal, id est à un prix nul, les coûts fixes ayant été intégrés sur le support princeps. L’exemple le plus flagrant est celui de la presse.

Si l’immatérialité, si souvent avancée pour justifier une tarification nulle, permet de les offrir gracieusement, encore faut-il que la nature des contreparties le justifie. Elle ne peut pas, en l’absence, s’envisager sur le long terme [Vasselin, 2005]. La stratégie d’offre non payante a donc ses limites sauf à trouver des ressources complémentaires.

Conclusion

Cette analyse succincte permet de mettre en évidence les caractéristiques des différents biens informationnels associés à leur support de diffusion. Il est à retenir schématiquement que la presse, à quelques exceptions discutables, est avant tout un bien mixte ou privé, combinaison d’un contenu collectif et d’un support privé. Et si la télévision est autant un bien public que

public avec exclusion, la radio est d’abord un bien public alors que le Web s’approprie selon les formes en présence, toutes les combinaisons possibles. Dans cette dualité de nature, certains auteurs se sont aventurés à proposer une notion de compromis du bien médiatique, celle de biens partagés, un choix qui repose sur trois conditions : la coexistence d’éléments tangibles et intangibles, la capacité de partager le même contenu sur plusieurs médias et la possibilité de le consommer simultanément ou de manière séquentielle [Bakos, Brynjolfsson, Lichtman, 1999 ; Golfinger, 2000]

Le bien informationnel privé ou mixte permet en outre dans sa relation d’interdépendance avec son acheteur de réduire l’incertitude potentielle sur la valeur du bien. La récurrence de proposition faite par l’éditeur à l’acquéreur justifiera alors par sa qualité l’acte d’achat. En l’absence, il n’y aura pas de fidélisation. En outre, le caractère éphémère de certains biens limite la circulation du bien en dehors du cadre du marché, ce qui permet au producteur de l’information d’en retirer les bénéfices.

Mais ce constat trouve ses limites à partir du moment où cette même information, aussi éphémère soit-elle, s’en trouve diffusée par un bien public dans un espace-temps d’immédiateté. Il peut s’agir en l’espèce de la télévision et de la radio, à certaines conditions d’usage pratique et de format disponible, mais aussi et surtout du Web.

Dès lors si la “marchandisation de l’information” pouvait soulever un problème d’un point de vue du bien-être collectif, sous-entendu, de l’intérêt général, elle s’abolit avec le Web à partir du moment où cette information est diffusée gratuitement.

Cette synthèse met ainsi en exergue la complexification de la relation entre le producteur et le consommateur avec l’essor du Web. Celui-ci a la capacité de modifier la catégorie d’appartenance du bien, nécessitant dès lors une modification de l’approche qui régit le marché. Un éditeur de presse payante, donc d’un bien privé ou mixte, qui met ainsi gratuitement à la disposition de ses acheteurs son contenu par essence collectif, via un site Web, modifie dans sa nature même le bien.

SECTION 3 IMPACT DES SPECIFICITES DE LA NATURE DU BIEN SUR L’ECONOMIE DES