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Besoin de soutien psychosocial

Tout comme les proches de personnes assassinées, les proches de personnes disparues vivent des évènements difficiles. Si les deux types de victimes vivent une ambiguïté certaine face aux évènements, les proches de personnes disparues ne savent même pas ce qu’il est advenu de leur proche.

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Boss et Carnes (2012) en viennent à la conclusion que le plus grand obstacle au sentiment de contrôle et d’efficacité des proches est l’utilisation du concept de résolution (« closure »). Pauline Boss est une auteure américaine ayant beaucoup travaillé sur le concept de la perte ambigüe (« ambiguous loss »), c’est-à-dire l’absence physique (par exemple, une disparition) ou psychologique (par exemple, le développement de la maladie d’Alzheimer) d’une personne et son impact sur l’entourage. Le concept de « closure » ne fait pas référence à une définition claire, mais gagne en popularité dans les dernières décennies (Bandes, 2009). Kruglanski et Webster le définissent comme étant le besoin d’obtenir une réponse claire à une question pour résoudre l’ambiguïté : « Individuals’ desire for a firm answer to a question and an aversion towards ambiguity » (Kruglanski et Webster, 1996, 264).

En effet, les proches de personnes disparues ne vivent pas de résolution, il n’y a pas de fin au dossier, à moins que la personne ou son corps ne soit retrouvé. Selon Boss et Carnes (2012), notre société est pourtant très axée sur le sentiment de finalité, sur le besoin de « passer à autre chose ». Armour et Umbreit (2006) et Bandes (2009) appellent ce type de « closure » la résolution émotionnelle. Pour Umbreit (1993), le sentiment de « closure » émotionnelle permettrait aux victimes de retrouver le contrôle de leur vie en permettant un retour à l’équilibre émotionnel et à l’empowerment. Le sentiment de « closure », selon Boss et Carnes (2012), serait donc un construit social créé afin de repousser le sentiment d’inconfort lié au deuil, à la douleur et à la souffrance. L’entourage, la communauté et même la société dans son ensemble semblent perdre patience avec l’irrésolution du deuil des proches. « The continuous use of the term closure […] perpetuates the myth that grief has a demarcated end, and that it is emotionally healthier to close the door on grief than to live with it » (Boss, Carnes, 2012, 459), alors que l’entourage immédiat est une source principale de soutien psychosocial informel (Davis, Lurigio et Skogan, 1999).

Il n’est donc peut-être pas surprenant que Lorang (2002) note que les proches de personnes disparues demandent des groupes de soutien et de counseling, ce que confirme Boss (2004). En effet, au sein d’un groupe, les adultes et les enfants trouveraient plus facile d’obtenir du soutien et finiraient par se sentir assez à l’aise pour discuter des évènements et des émotions qu’ils engendrent.

Dans sa recherche sur la perte ambigüe (« ambiguous loss ») et les évènements du 11 septembre 2001, Boss a mis en place, avec les thérapeutes de la ville de New York, des groupes de soutien

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pour les familles dont le sort d’un proche est incertain. Elle note que les familles ayant vécu des évènements similaires s’ouvrent plus facilement les unes aux autres et que les groupes de soutien permettent aux personnes de diminuer leur isolement et de créer des relations positives. Ces groupes permettent également de normaliser des sentiments qui sont difficiles à vivre et peuvent sembler inappropriés (Boss, 2004). Finalement, dans son texte « The Myth of Closure », Boss écrit :

Most people experiencing ambiguous loss are not chronically depressed, but they are sad, chronically sad. While depression requires some medical intervention, sadness requires human connection and social support. With sadness, we intervene to help people find meaning and hope in the company of others (Boss, 2012, 463).

Autrement dit, pour les personnes qui ne sont pas cliniquement dépressives, mais tristes, les groupes de soutien et les relations positives peuvent permettre de rétablir une image positive de soi et possiblement, permettre aux proches de personnes victimes d’homicide ou de disparition d’atteindre une certaine satisfaction à long terme. Ces résultats concordent avec l’étude de Furnham (2003). Cet auteur suggère que la croyance que le monde est juste pousserait des individus victimes d’une injustice à tenter de la rectifier, soit en obtenant de l’aide ou en la prodiguant. Les proches de personnes disparues ou assassinées seraient ainsi amenés à essayer d’aider des personnes qui ont vécu des évènements similaires (Furnham, 2003). De tels groupes d’aide permettraient donc d’aider les victimes qui vivent des conséquences négatives de trouver du soutien et aux victimes qui ont une croyance en un monde juste de maintenir cette croyance et de se protéger des conséquences par des mécanismes de défense sains face aux évènements traumatisants (Corey, Troisi et Nicksa, 2015).

Les proches vivent donc une ambiguïté intense quant au sort de la personne disparue. Cette ambiguïté crée des problèmes psychosociaux pour les personnes, tant personnels, familiaux qu’émotionnels (Boss, 2002, Nagy, 2013, Lorang, 2002).

Besoin d’information et besoins pratiques

Lorang (2002) souligne que pour les proches de personnes disparues, ce qui est le plus important dès le début des évènements est d’obtenir une information pratique sur les démarches à suivre pour qu’un dossier soit ouvert. Ces résultats de l’auteur montrent que les proches de personnes disparues tentent rapidement de retrouver le contrôle des évènements afin de les résoudre. Sur

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le long terme, l’absence de résultats, l’ambiguïté liée à la disparition, l’incertitude du sort de la personne victime peut perturber le fonctionnement des proches et de leur entourage (Boss, 2002). Le mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (2014) note que le besoin de savoir est un besoin essentiel chez les familles de personnes disparues. Lorang (2002) dans son étude sur les services utilisés et les services demandés par les proches de personnes disparues mentionne que le service le plus demandé est l’accès à l’information des différentes organisations gouvernementales impliquées dans la recherche, accès difficile en raison des lois sur la vie privée et la confidentialité.

1.4.4. Besoin de reprendre le contrôle sur sa vie chez les proches de